ETUDE MULTI-ECHELLE DE LA STRUCTURE DES EMULSIONS
GRANDEURS CHOISIES ET CRITERES D’ANALYSE DES EMULSIONS
Grandeurs d’influences retenues dans l’étude
D’un point de vue rhéologique, en augmentant la fraction volumique des gouttelettes , une émulsion peut passer d’un simple liquide visqueux proche d’un liquide newtonien à un quasi-solide élastique ayant un module de cisaillement élastique substantiellement fort, comme le montre le schéma ci-dessous [141]. Figure III.1-1. Comportement schématique structurel et rhéologique des émulsions en fonction de la fraction entre phases (selon [141]). 0 1 Φ Fraction volumique entre phases (dispersée – continue) 0,58 0,64 Émulsion diluée essentiellement visqueuse Émulsion fortement concentrée croissance forte de rigidité Émulsion concentrées forte évolution des propriétés viscoélastiques Émulsion pouvant être stable thermodynamiquement Déformation avant coalescence Davina Desplan page 85 En régime dilué (φ << 0,5), les gouttelettes sont sphériques en l’absence de cisaillement. A partir de φ = 0,58, on peut montrer que les gouttes sphériques sont emprisonnées par les sphères voisines imposant des interactions répulsives fortes tendant à augmenter leur rigidité apparente, c’est le régime fortement concentré. Au fur et à mesure que φ augmente dans ce régime, une réorganisation des gouttelettes due à leur compression mutuelle aux interfaces induit une déformation des gouttelettes engendrant finalement un processus de coalescence23. Les gouttelettes deviennent presque polyédriques et forment une mousse biphasique. L’élasticité apparente qui augmente au fur et à mesure de la concentration de gouttelettes résulte du travail mécanique (au sens énergétique du terme) effectif cherchant à s’opposer aux tensions interfaciales. En présence d’un cisaillement imposé, il en résulte une augmentation de la surface des gouttelettes déformant les gouttelettes déjà comprimées par les forces stériques et répulsives. De manière réciproque, les forces répulsives peuvent être régulées par la proportion dans la phase continue d’un tensioactif. La concentration de ce tensioactif joue donc un rôle clé sur l’équilibre thermodynamique et la stabilité de l’ensemble. A priori, comme on l’a établi pour le P80, dans nos préparations, on se situe bien au-dessus des concentrations micellaires critiques (de l’ordre d’un facteur 100 pour le P80). L’optimisation des propriétés rhéologiques des lotions et des émulsions peut alors être obtenu par un ajustement pertinent de la proportion d’huile, d’émulsifiant et du processus d’émulsification pour modifier la distribution de la taille des gouttelettes et leur réarrangement. Réciproquement une étude judicieuse des contraintes par rapport aux déformations doit permettre d’anticiper l’optimum des réarrangements améliorant la stabilité.
Choix de l’émulsion de référence
Afin de pouvoir simultanément faire une analyse de la structure et des effets des grandeurs modifiant la stabilité et les propriétés rhéologiques, une étape de mise au point d’une émulsion, « de référence », la plus simple possible mais stable au moins pendant deux 23 La coalescence conduit à une diminution du nombre de gouttelettes par unité de volume, ce qui conduit inévitablement à une évolution des propriétés rhéologiques de l’émulsion [50]. Davina Desplan page 86 mois a été nécessaire. Les différents ingrédients utilisés ont été précédemment justifiés dans le chapitre 2. Ces matières premières sont rappelées dans le Tableau III.1-1 ci-après. A partir du taux relatif en émulsifiant 70/30 (P80/GMS) établi par le calcul de la HLB, différentes émulsions ont été développées. Pour cette étape, la quantité d’IPP dans la formule a été fixée à 15% (c’est à dire la concentration d’huile) dans un objectif de respect simultané de plusieurs critères : stabilité, émulsion standard suffisamment diluée et aspect macroscopique représentatif des émulsions en cosmétique. Compte tenu de la sensibilité aux perturbations thermodynamique de ces types de produits, une résistance à la centrifugation reflète l’efficacité en terme de stabilité du système émulsionnant présent dans la formule [45], [130]. La résistance à la centrifugation dépend en effet de la densité des phases aqueuse et huileuse de l’émulsion mais également du système émulsionnant présent à l’interface. Ce critère de sélection a de ce fait été un premier critère de validation de la formulation. En conséquence, chaque formulation a été centrifugée à J1 pendant 10 minutes à une vitesse de rotation de 10 000 rpm (10 621 g). Le second critère consiste à suivre la stabilité des systèmes ayant résisté au test de centrifugation en les stockant pendant deux mois sous deux conditions extrêmes : à 50°C dans le noir ; à 25°C dans le noir et à la lumière du jour. A l’issue de ce temps nécessaire de stabilité, un suivi organoleptique a été effectué afin de voir si les échantillons restent toujours stables sur quelques semaines (absence de déphasage par exemple). Le tableau ci-dessous présente la composition des échantillons testés ainsi que les résultats du suivi organoleptique. Deux séries ont été réalisées : Les essais de la série A, sont des formules simples composées uniquement d’eau, d’huile et d’émulsifiants. On a fait varier le pourcentage en émulsifiants (P80+GMS) de 3 à 9%. Seules les émulsions de 3 et 6% ont résisté à la centrifugation, mais malheureusement elles ont présenté un déphasage (A9%) ou un fort crémage (A6%) aux conditions extrêmes après stockage. Afin de limiter les phénomènes de floculation et de coalescence qui sont favorisés par la rencontre des gouttelettes d’huile lors des mouvements Brownien dans les émulsions A6% et A9%, nous avons décidé d’ajouter à ces formules un gélifiant Carbomer pour épaissir et créer un réseau dans les émulsions (B6% et B9%). L’émulsion B9% présente un déphasage au bout Davina Desplan page 87 de deux mois à la condition de stockage à 50°C tandis que la formule B6% ne présente qu’une légère odeur de rance (normale en l’absence d’antioxydant) et de la condensation à l’intérieur du pot.