Etude moléculaire des Plasmodium humains
Généralités sur le paludisme
Agents pathogènes Eucaryote unicellulaire, le Plasmodium est un parasite intracellulaire obligatoire. Il est responsable du paludisme. C’est en 1880 que Laveran a découvert ce parasite pour la première fois et sa transmission par un moustique vecteur a été élucidée en 1898 par Ross. (www.med.univ-montp1.fr). Le Plasmodium, selon Levine (1988) et Cox (1991) est rattaché au Phylum des Apicomplexa. En effet, ce groupe est caractérisé par la présence d’un complexe apical. Ce dernier est une machinerie particulière et bien conservée permettant d’infecter les cellules hôtes. Ainsi, selon eux, le Plasmodium appartient à la classe des Haemosporidea, à l’ordre des Haemosporida, à la famille des Plasmodiidae et au genre Plasmodium. Approximativement, il existe plus de 150 espèces de Plasmodium pouvant infester diverses espèces de vertébrés. Parmi elles, seules quatre sont considérées comme d’authentiques parasites de l’Homme car elles utilisent presque exclusivement l’Homme comme hôte naturel intermédiaire : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale et Plasmodium malariae. Cependant, un parasite infestant les simiens a été récemment découvert chez l’Homme : il s’agit de Plasmodium knowlesi (CDC, 2016). • Plasmodium falciparum : c’est l’espèce plasmodiale la plus pathogène et est responsable des accès pernicieux potentiellement mortels (Awono-Ambene, 1999). C’est le parasite le plus répandu sur le continent Africain et est responsable de la plupart des cas mortels dans le monde (OMS, 2016). Cela est dû en partie, à la capacité des globules rouges parasités par ce protozoaire à s’agglutiner dans les capillaires d’organes vitaux tels que le cerveau, les poumons et le placenta. L’adhésion des parasites aux cellules endothéliales de l’hôte et à d’autres cellules sanguines, qui peut conduire au blocage de la circulation microvasculaire, est considérée comme un facteur important de virulence de cette espèce (CNRS, 2001). • Plasmodium ovale : il est essentiellement important en Afrique intertropicale. Ce dernier n’engendre pas la mort mais, à la suite d’une primo-infection, il peut entrainer des rechutes 4 à 5 ans après (Pouye, 2016), dues à la présence de formes dormantes appelées hypnozoites dans le foie. • Plasmodium vivax : c’est un parasite bien adapté à ses hôtes. Sa répartition géographique est la plus étendue et on le retrouve essentiellement en Asie, dans la I. Synthèse bibliographique 4 région pacifique, en Amérique latine et en Europe centrale. Il représente les deux tiers des cas de paludisme dans le monde (Mendis et al., 2001). L’incidence de Plasmodium vivax est faible mais probablement sous-estimée (Picot, 2006). En Afrique, l’infection à P. vivax a été déclarée absente car les populations noires étaient supposées protéger contre ce parasite grâce à leur Duffy négatif. Cependant, la présence de cette infection a été récemment décelée dans certains pays d’Afrique par de nombreux auteurs (Ménard et al., 2010 ; Mendes et al., 2011 ; Bernabeu et al., 2012 ; Ngassa Mbenda et Das., 2014 ; Lo et al., 2015 ; Ba et al., 2016) notamment à Kédougou, région située dans le Sud-Est du Sénégal (Niang et al., 2015). • Plasmodium malariae : il sévit sur les trois continents tropicaux de manière beaucoup plus sporadique. Il se différencie des autres espèces par une incubation plus longue (15 à 21 jours), par une périodicité différente de la fièvre (cycle érythrocytaire de 72h responsable d’une fièvre quarte) et, surtout, par sa capacité à entrainer, en l’absence de traitement initial, des recrudescences très tardives (jusqu’à 20 ans après le retour de la zone d’endémie) (ANOFEL, 2014). • Plasmodium knowlesi : il est à l’origine d’infections palustres chez les macaques et a été récemment reconnu comme la cinquième espèce plasmodiale chez l’homme. Il est difficilement distinguable de Plasmodium malariae ou de Plasmodium falciparum sur le plan microscopique. Le diagnostic de certitude de l’infection nécessite des techniques de biologie moléculaire (Servonnet et al., 2012).
Vecteurs et modalités de transmission
Le paludisme est une maladie parasitaire dont la transmission de l’agent pathogène, Plasmodium, est assurée par un moustique vecteur, arthropode appartenant à l’ordre des Diptères, au sous-ordre des Nématocères, à la famille des Culicidées, à la sous-famille des Anophelinae et au genre Anopheles ( Sarr, 2008). Cependant, tous les anophèles ne sont pas vecteurs du paludisme. En effet, il existe 484 espèces d’anophèles, mais, parmi elles, seule une soixantaine sont vecteurs des agents du paludisme et une trentaine seulement assurent l’essentiel de la transmission (Harbach, 2004). Cette aptitude du vecteur à transmettre l’infection et à assurer le cycle de l’agent pathogène est appelée capacité vectorielle. Cette dernière dépend des espèces mais aussi de la densité du vecteur, de la fréquence de piqure ou intervalle entre deux repas sanguins, de la durée de vie du moustique etc. Aussi, seuls les anophèles femelles sont capables d’inoculer l’agent 5 pathogène à l’homme parce qu’étant hématophages. Leurs repas sanguins sont indispensables à la maturation de leurs œufs. Les anophèles mâles quant à eux se nourrissent de sucs végétaux. (IFMT, 2007). Au Sénégal, 20 espèces d’anophèles sont connues, mais comme dans les autres régions de l’Afrique sub-saharienne, les principaux vecteurs du paludisme sont Anopheles gambiae et Anopheles funestus. Ainsi, c’est au cours de leurs repas sanguins que les anophèles ingèrent puis transmettent des germes pathogènes, dont ceux du paludisme, à l’Homme (Faye et al., 1995 ; Sarr, 2016). Toutefois, la transmission vectorielle ne constitue pas la seule voie de pénétration du Plasmodium chez l’homme. Il existe en effet d’autres modes de transmission accidentelle à savoir la transmission par transfusion sanguine (El Ghouzzi et Garraud, 2006), par greffe d’organe (Bessières, 2008), et par infection transplacentaire (Siriez et al., 2005 ; Monebenimp et al., 2013) et exceptionnellement lors de manipulation de sang contaminé au laboratoire (Sarr, 2016).
Cycle biologique du parasite
C’est un cycle de développement complexe, hétéroxène, nécessitant deux hôtes pour son accomplissement : un hôte vertébré, l’Homme qui est l’hôte intermédiaire et un hôte invertébré, le moustique qui est l’hôte définitif (figure 1).
La multiplication asexuée chez l’homme
Chez l’homme, le parasite est constamment haploïde et passe par une phase hépatique ou exo-érythrocytaire et une phase sanguine ou érythrocytaire ou intra-érythrocytaire (Saïssy, 2001).
La phase hépatique ou exo-érythrocytaire
L’infection de l’homme commence avec l’injection de sporozoïtes par les anophèles femelles lors de leur repas sanguin. Les sporozoïtes inoculés restent, de quelques minutes à une demi-heure, dans la peau, la lymphe puis le sang. Beaucoup sont détruits par les macrophages. Certains envahissent les hépatocytes. Les sporozoïtes forment alors des schizontes préérythrocytaires ou corps bleus qui se développent en quelques jours et cette durée varie en 7 fonction de l’espèce plasmodiale en cause (Saïssy, 2001). Ces schizontes vont libérer des dizaines de milliers de mérozoïtes (Doerig et al., 2015). Ces mérozoïtes vont envahir les érythrocytes amorçant ainsi la phase sanguine. Cependant, dans les infections à Plasmodium vivax et à Plasmodium ovale, on peut noter des reviviscences tardives plusieurs mois après la piqure du moustique, dues à la présence de forme uninucléée dormante appelée hypnozoïte. Ce dernier est à l’origine de la schizogonie hépatique retardée ; il n’existe pas dans l’infection à Plasmodium falciparum et n’a pas encore été mis en évidence dans les infections à Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi (ANOFEL, 2014).
La phase sanguine ou érythrocytaire
C’est une phase symptomatique. L’apparition de ces symptômes est variable en fonction de l’espèce plasmodiale. Ces symptômes sont en général la fièvre, les céphalées, les vomissements et autres symptômes de type grippal (PNLP, 2015). Le parasite à l’intérieur des hématies est d’abord au stade anneau. Ces anneaux se transforment en trophozoïtes qui vont donner des schizontes contenant 8 à 24 mérozoïtes par division (s) asexuée (s) successive (s). Ces mérozoïtes envahissent à leur tour d’autres hématies. (Ashley et al., 2006). Après plusieurs cycles de multiplication asexuée (schizogonie érythrocytaire), certains mérozoïtes se différencient en gamétocytes qui lors d’un repas sanguin seront absorbés par l’anophèle femelle (Angrisano et al., 2012). C’est le début de la gamétogénèse.
La multiplication sexuée chez le moustique
Le cycle de Plasmodium chez l’anophèle femelle débute lors d’un repas sanguin. L’anophèle prélève alors sur un sujet impaludé un certain volume de sang contenant les gamétocytes (Angrisano et al., 2012). Les gamétocytes se transforment en gamètes mâles et femelles. Ces derniers fusionnent et donnent un œuf libre, mobile, dénommé ookinète. Ce dernier quitte la lumière du tube digestif, se fixe ensuite à la paroi externe de l’estomac et se transforme en oocyste. Les cellules parasitaires à l’intérieur de cet oocyste, produisant des centaines de sporozoïtes qui migrent ensuite vers les glandes salivaires du moustique. Ces sporozoïtes sont les formes infectantes prêtes à être inoculées avec la salive du moustique lors d’un repas sanguin sur un hôte vertébré. La durée du développement sporogonique des Plasmodium varie en fonction des conditions climatiques : entre 9 et 20 jours pour P. falciparum (entre, respectivement 30°C et 20°C), un peu plus rapide pour P. vivax à températures équivalentes (l’espèce tolère aussi des températures plus basses : 18°C), plus long pour P. malariae (ANOFEL, 2014). Ainsi, la transmission de P. vivax par un moustique à un 8 homme nécessite moins de temps que celle de P. falciparum. Cette transmission peut aussi se réaliser dans des régions plus froides que celles où sévit P. falciparum (Picot, 2006)
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