Etude lagrangienne de la stratification troposph´erique

Etude lagrangienne de la stratification troposphérique

Introduction La structure en couches quasi-horizontales de la troposphère extratropicale et son ubiquité ont été constatées `a l’aide des données MOZAIC (e.g., Newell et al., 1999 [123] ; Thouret et al., 2000 [171]). Après classification, une classe importante de ces couches est caractérisée par une anomalie positive d’ozone, une anomalie négative d’humidité relative, une épaisseur moyenne de 860m et un volume d’occupation moyen de la troposphère d’environ 11%. Une région source de ces structures laminaires sont les zones frontales. Une zone frontale est une zone limite entre masses d’air d’origines différentes. La connaissance des structures détaillées de ces régions est d’une grande importance pour comprendre les rˆoles relatifs du transport et de la chimie sur les bilans chimiques des gaz traces dans la troposphère (eg Bethan et al., 1998 [150]). Les zones frontales délimitent les masses d’air ayant pris les ascendances d’un WCB et les subsidences du DA. Le transport dans la branche ascendante principale du WCB (Browning, 1990 [30]) d’une dépression extratropicale, est considéré comme étant le principal mécanisme de transport de la couche limite vers la haute troposphère aux moyennes latitudes (Stohl, 2001 [163] ; Cooper et al., 2001 [41]). De mˆeme, l’intrusion sèche subsidente du DA (Cooper et al., 1998 [39] ; Stohl and Trickl, 1999 [168]) transporte de l’air sec, potentiellement riche en ozone de la région de la tropopause vers la basse troposphère. Dans un système frontal, le front froid représente la frontière entre ces deux masses d’air. Les processus de mélange dans cette région peuvent mettre en relation de l’air potentiellement humide et pollué avec de l’air stratosphérique. Une étude de Cooper et al. (2004) [38] porte sur le mélange d’une intrusion stratosphérique profonde d’un DA dans deux WCB. Il montre que 50% de l’air stratosphérique injecté dans la troposphère est mélangé avec de l’air d’un WCB. Esler et al. (2001) [58] a récemment montré que le mélange entre les masses d’air du DA et du WCB, avec un tel contraste chimique dˆu `a leur origine, peut avoir une implication sur la concentration moyenne en radicaux OH et peut de ce fait affecter le bilan chimique de plusieurs gaz traces. 97 Etude lagrangienne de la stratification troposphérique Stratification troposphérique Le transport irréversible de la stratosphère vers la troposphère dans les foliations de tropopause dépend du degré de filamentation de ces structures `a fine échelle (Vaughan et al., 1994 [66] ; Appenzeller et al., 1996 [16] ; Langford and Reid, 1998 [102] ; Karpetchko et al., 2003 [93]). La filamentation commence `a proximité du courant jet par advection différentielle et cisaillement de vent (Appenzeller et Holton, 1997 [15]). En l’occurence, la filamentation crée une distribution laminaire des espèces chimiques dans les profils verticaux (Newell et al., 1999 [123] ; Bithell et al., 1999 [107] ; Curtius et al., 2001 [84] ; Esler et al., 2003 [57]). Cette filamentation dans la troposphère peut persister pendant plusieurs jours après l’intrusion stratosphérique (Bithell et al., 2000 [59]). Les intrusions stratosphériques s’étirent et se filamentent au fur et `a mesure `a des échelles de plus en plus fines et s’intercalent avec l’air troposphérique au gré des passages successifs entre dépressions et anticyclones. Le mélange irréversible de l’air stratosphérique durant la durée de vie de la foliation est influencé par différents mécanismes comme les processus radiatifs qui dissolvent l’anomalie de PV, la turbulence (convection, déferlement d’onde, mélange avec la couche limite, etc …) et la diffusion moléculaire (Shapiro, 1980 [7] ; Appenzeller et al., 1996 [16] ; Forster and Wirth, 2000 [34]). De manière générale, la diffusion et la turbulence génèrent des mélanges sur des échelles de temps plus court que les effets radiatifs. En l’absence de convection ou de mélange turbulent, le temps de mélange varie de 6 `a 10 jours (Bithell et al., 2000 [59] ; Good et al., 2003 [70]). Le temps de mélange caractéristique d’une intrusion stratosphérique est encore mal connu actuellement. Or l’évaluation de l’impact de tels épisodes dans la quantification du flux stratosphérique et la mise en évidence des mécanismes responsables des mélanges irréversibles sont indispensables pour une bonne description des échanges STE aux moyennes latitudes dans les modèles globaux. Certaines études (Gray et al., 1994 [106] ; Bithell et al., 2000 [59]) suggèrent que loin du jet des moyennes latitudes, une partie de l’air sec injecté dans la troposphère est entrainé sans mélange intense jusqu’`a ce qu’il rencontre un nouveau développement synoptique, sur une période de temps de 10 jours (Bithell et al., 2000 [59]). Ainsi, de l’air stratosphérique observé dans la troposphère peut conserver une signature chimique de son origine plus longtemps que sa signature thermodynamique. L’estimation des temps de mélange est difficile car limitée par plusieurs facteurs, notamment la résolution des modèles (les structures `a fine échelle comme les foliations de tropopause sont encore mal vues par les réanalyses des modèles opérationnels), et la paramétrisation des processus de mélanges tels que la diffusion moléculaire et la turbulence dans les systèmes convectifs et la couche limite. Ces limitations expliquent d’ailleurs pourquoi est ce que la stratification en couches constatée par Newell et al. (1999) [123] n’a jamais été montrée sur des fichiers d’analyses. Cependant, une analyse de situation par des techniques lagrangiennes, comme par exemple la technique RDF (présentée `a la section 2.1), permet de reconstruire ces structures `a fine échelle notamment dans les zones frontales (eg Esler et al., 2003 [57]). L’objet de ce chapitre est d’étudier, `a partir d’un cas d’étude, la stratification en couche de courants cohérents issus de zones frontales `a partir des analyses d’ozone, de CO et d’humidité relative d’un profil MOZAIC.

Situation synoptique et mesures MOZAIC

La figure 3.1 représente les mesures d’ozone (en noir), de CO (en rouge) et d’humidité relative (en jaune) d’un profil MOZAIC fait le 10 février 2002 `a 12H00 UTC au dessus de Francfort. On constate qu’il existe une couche entre 5.5km et 9km avec des concentrations d’ozone (50 ppbv) et de CO (140 ppbv) constantes. On appellera cette couche WCB1. Une seconde couche se situe entre 2.5 et 4 km, avec également des concentrations d’ozone (55 ppbv) et de CO (150 ppbv) relativement constantes. On appellera cette couche WCB2 (cf Figure 3.2) . Il existe `a 5km d’altitude un pic d’ozone de 95 ppbv avec une baisse du CO `a 120 ppbv et une baisse de l’humidité relative `a moins de 20%. On l’appellera FOLD1. Cette signature est caractéristique d’une intrusion stratosphérique. L’étude de Nédelec et al., 2003 a montré que cette signature est associée `a une foliation de tropopause qui a pris origine au niveau du Groenland 48 heures avant le passage de l’avion sur Francfort. Une signature similaire, mais beaucoup plus faible, est visible `a 2.3km d’altitude : un pic d’ozone de 58 ppbv, associé `a une légère diminution du CO et de l’humidité relative. On l’appellera FOLD2 (cf Figure 3.2). Ces variations chimiques sont certes comparables `a celles constatées durant le passage `a travers une foliation de tropopause, mais les variations sont trop faibles pour faire abstraction de processus photochimiques responsables d’un tel comportement. Nous allons étudier `a l’aide du modèle dispersif lagrangien FLEXPART et différentes techniques lagrangiennes les processus dynamiques responsables des concentrations chimiques des couches WCB1 et WCB2, et des pics FOLD1 et FOLD2. Nous estimerons les temps de résidence dans la troposphère de ce que nous allons démontrer comme étant des intrusions stratosphériques FOLD1 et FOLD2. Nous conclurons sur la structure en couche sur le profil MOZAIC. 99 Stratification troposphérique 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000 O3 (ppbv), RH(%) Altitude (m) 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 CO (ppbv) WCB1 FOLD1 Fig. 3.1 – Profil MOZAIC du vol b20020210024, le 10 Février 2002 `a 12h00 UTC, en fonction de l’altitude barométrique (en mètre) et de l’ozone (ppbv, en noir), du CO (ppbv, en rouge) et de l’humidité relative (%, jaune). Les fractions des traceurs passifs couche limite (%, étoiles bleues) et stratosphérique (%, ligne bleue) correspondent aux valeurs obtenues après 48 heures de rétrotrajectoires du modèle FLEXPART. La position de la couche WCB1 et du pic d’ozone FOLD1 est représentée sur le profil. Leur origine est discutée dans le texte. 1

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Etude lagrangienne 

Une présentation du modèle FLEXPART utilisé pour cette étude est faite `a la section 2.2. Tout au long du profil vertical de MOZAIC, nous utilisons des boites de 100m de hauteur, et d’une taille horizontale de 0.5 o en longitude et latitude. Vingt mille particules sont relachées `a partir de chaque boite. Sur la figure 3.1 est représenté les pourcentages de traceurs passifs couche limite (étoiles bleues) et stratosphérique (ligne bleue) issus de chaque boite. Le pourcentage d’air couche limite représente le pourcentage d’air ayant une altitude d’origine inférieure `a l’altitude de la couche limite. Le pourcentage d’air stratosphérique représente le pourcentage d’air ayant un tourbillon potentiel supérieur `a 2pvu `a l’origine. Ces pourcentages sont obtenus après un temps de rétroplume de 48 heures (définissant ainsi l’origine des masses d’air). A cette instant, 10% de traceur stratosphérique est associé au pic d’ozone FOLD1 `a 5km d’altitude. FLEXPART confirme ici l’origine stratosphérique du pic `a 48 heures, et l’étude préliminaire de Nédelec et al., 2003. Concernant la couche WCB1, la fraction de traceur d’origine couche limite est de 50% `a 65%. La position approximative des particules associée au WCB1 est représenté sur l’analyse de surface de la figure 3.3a. Les particules sont prises dans un système frontal sur l’Atlantique. Les particules (ligne verte) se situent `a l’avant d’un front froid. Ainsi, l’air couche limite de la couche WCB1 a pris origine dans la couche limite marine en avant d’un front froid sur l’océan Atlantique. Après soulèvement de l’air couche limite vers la troposphère libre au dessus du front chaud par le WCB associé au système frontal de la dépression, cet air s’est positionné au dessus de la foliation FOLD1 qui a subsidé `a partir du Groenland avant d’atteindre la région de Francfort. La figure 3.2 représente les pourcentages de traceurs passifs couche limite et stratosphérique issus de chaque boite après un temps de rétroplume de 5 jours. On constate ici que la couche WCB2 a un pourcentage de traceur couche limite de 50% `a 55%. La position de ces particules d’origine couche limite sur la figure 3.3b associée `a l’analyse de surface du 5 Février `a 00h montre qu’une partie de ces particules étaient dans un système frontal sur l’Atlantique. Ces particules ont été soulevées de la couche limite vers la moyenne troposphère par, entre autre, l’ascendance `a grande échelle d’un second WCB. On constate que le pourcentage stratosphérique entre 0 et 4km d’altitude est d’environ 5%. Après vérification, cette valeur correspond `a de fortes valeurs de PV en basse altitude qui sont crées par effet diabatique en avant du front froid (Browning and Golding, 1995 [53]). Ce pourcentage de 5% n’est donc pas représentatif d’une origine stratosphérique. Au niveau du pic d’ozone FOLD2, il n’existe pas de signal sur le traceur stratosphérique qui indique une quelconque origine stratosphérique. Le traceur couche limite n’a pas non plus de variation spécifique `a cette altitude. Cependant, 50% d’air d’origine couche limite est associé au pic FOLD2. Pour aller plus loin dans l’étude, nous utilisons la méthode des clusters pour caractériser l’origine stratosphérique du pic FOLD2 `a l’aide de la position de 10 centres mobiles.

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