De plus en plus d’entreprises font appel, de manière plus ou moins intensive et plus ou moins régulière, au mode d’organisation des projets pour maintenir ou améliorer leurs positions compétitives (Garel, Giard et Midler, 2001). Le succès de ces projets repose en grande partie sur les ressources humaines qui y sont impliquées (Larose et Corriveau, 2009). Ces ressources humaines sont organisées sous forme d’équipes œuvrant dans le but de faire du projet sur lequel elles travaillent une réussite. Une équipe de projet implique une dimension individuelle, collective et psychosociale qu’il est nécessaire de prendre en compte pour des pratiques de gestion des ressources humaines adaptées au contexte de projet afin de mieux en appréhender le déroulement. Selon Royer (2005), le fort pourcentage d’échecs ou de succès mitigés des projets (dérives de coûts et de délais) est un problème qui perdure et demeure une préoccupation en raison des coûts qu’ils entraînent, ce qui nous pousse à croire que l’aspect humain en contexte de projet est un facteur qui n’est pas suffisamment considéré et nécessaire dans la réussite globale d’un projet (Tessier et Bourdon, 2009). Guest et al. (2003) confirment que les pratiques de gestion des ressources humaines et les performances économiques et financières de l’entreprise sont liées, d’où l’importance de pratiques adaptées au contexte de projet. Ainsi, nous en venons donc à nous demander quelles pourraient être les pratiques de GRH gages de succès en contexte de projet. Plusieurs pistes d’investigation s’offrent à nous, desquelles ressortent certains éléments comme la reconnaissance ou encore le leadership des gestionnaires. Dans la littérature scientifique, un concept orienté GRH décrit dans le cadre plus général des organisations intègre l’ensemble de ces éléments et se présente comme une solution ayant des retombées positives tant pour l’entreprise que pour l’employé. Il s’agit du concept de mobilisation qui repose sur l’adoption volontaire de comportements ne pouvant être prescrits et s’inscrit dans le cadre des évolutions de l’organisation du travail qui s’éloigne du modèle centré sur le contrôle au profit d’un modèle marqué par une plus grande autonomie et responsabilisation des salariés (Guéry, 2009).
Nos travaux s’inscrivent dans une optique de compréhension de la mobilisation comme réponses aux nouvelles questions qui se posent en gestion de projet concernant les structures organisationnelles, la constitution des équipes, le leadership, les relations interpersonnelles, la communication, ou encore les compétences (Royer, 2005). Plus précisément, la démarche exploratoire qui fait l’objet de cette recherche a pour objectif de se pencher sur les caractéristiques de la mobilisation en contexte de projet afin d’en brosser un portrait plus spécifique et ainsi contribuer à une meilleure appréhension des dynamiques comportementales favorisant le bon déroulement d’un projet et sa réussite.
La mobilisation
Le concept de mobilisation
L’intérêt suscité par la mobilisation remonte aux années 90, alors que la concurrence mondiale se trouvait chamboulée par l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché et la volonté des administrations gouvernementales à réduire de manière drastique leur déficit budgétaire : « Les organisations ont mobilisé leurs troupes pour livrer la guerre à la concurrence et au déficit. » (Tremblay et Wils, 2005). Le principe de mobilisation consistait alors à demander aux individus de se dépasser pour rendre les entreprises davantage compétitives face à la concurrence. La mobilisation a donc pris une importance stratégique conséquente. Cependant, cette mobilisation s’inscrit dans le cadre d’une rationalisation du travail, logique aux effets parfois inverses (réductions des effectifs, intensification du travail, baisse de moral, aliénation…) qui conduit à la démobilisation.
Il ne faut pas confondre mobilisation et motivation qui semblent très proches : la motivation caractérise davantage un individu qu’un groupe. Vallerand et Thill (1993) définissent la motivation comme étant « les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement ». En revanche, la motivation serait une étape comportementale préalable au processus de mobilisation : un employé mobilisé commence par être un individu motivé par son travail, qu’il souhaite effectuer correctement.
La mobilisation individuelle
Lorsqu’au moins un de ces comportements est adopté (notons la diversité des combinaisons, aucun comportement n’étant mutuellement exclusif, mais complémentaire) et qu’il se traduit par une forme d’implication sortant du cadre prescriptif défini par le contrat de travail, on peut considérer que l’individu est bel et bien mobilisé. Concrètement, il peut être amené à s’investir davantage de son plein gré (ceci peut par exemple se manifester par l’allongement volontaire du temps de travail comme des heures supplémentaires, travail en périodes non ouvrées, etc.). Toutefois, il peut s’agir d’une contribution d’ordre personnel ne s’inscrivant pas dans le cadre collectif bien qu’il y ait des retombées qui s’alignent sur des priorités collectives. La notion de volontariat est cruciale dans le cadre de la mobilisation : il s’agit d’un ensemble de comportements discrétionnaires (Tremblay et Wils, 2005; Tremblay et al., 2005), ce qui renvoie au concept de libre arbitre, car ce comportement repose sur la liberté d’adhésion. Un employeur ne peut donc pas imposer un comportement mobilisé : il ne peut que l’insuffler en créant un environnement propice qui réunit certaines conditions.
La mobilisation collective
Même si un employé est mobilisé individuellement, certaines retombées auront indirectement un impact sur le plan collectif. Cependant, certains comportements ont uniquement une portée collective : la mobilisation collective associe à la mobilisation individuelle la qualité de la relation à la qualité du travail effectué. Selon Bichon (2005), elle repose sur trois dimensions : cognitive (conduites d’intercompréhension), affective (conduites relationnelles) et conative (conduites coopératives). Au travers de ces trois dimensions, Bichon (2005) présente les caractéristiques de la mobilisation selon les trois états : démobilisé, contribution normale attendue et mobilisé. Ainsi la dimension cognitive s’appuierait essentiellement sur l’intelligibilité entre les membres, la dimension conative sur la coopération et la dimension affective sur l’attachement. Pour un individu donné, l’état de mobilisation (démobilisé, contribution normale, mobilisé) présenterait une intensité croissante de l’intelligibilité, la coopération et l’attachement.
La mobilisation organisationnelle
Pour Wils et al. (1998), la mobilisation organisationnelle concerne les efforts d’alignement stratégiques qui sont orientés dans le sens des priorités organisationnelles. La mobilisation organisationnelle sous-entend une implication davantage sensible aux intérêts de l’organisation en général en lien avec l’image que celle-ci va transmettre à ses employés (vision, mission, valeurs et objectifs). Cette forme de mobilisation comprend une forme d’engagement suscité par l’organisation envers elle-même. Dans leurs travaux, Guay, Simard et Tremblay (2000) montrent que les pratiques de GRH ont également une certaine influence sur l’effort de mobilisation lorsque l’engagement affectif est contrôlé. L’organisation possède donc un rôle important dans la mobilisation.
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