Etude expérimentale préalable des mécanismes d’adsorption et de désorption de SB/SI(111)

Considérations microscopiques

A l’échelle microscopique, on considère les interactions entre les molécules de vapeur et la surface du cristal. Quand des atomes de la vapeur arrivent sur la surface, plusieurs phénomènes peuvent se produire: soit ils sont réfléchis élastiquement et repartent directement en phase vapeur, soit ils se collent sur la surface. Une fois collés, les atomes peuvent s’adsorber, diffuser sur la surface, désorber ou s’incorporer et devenir définitivement liés au cristal.
Du phénomène d’adsorption et de désorption découle la notion du temps de séjour (τ) de l’atome entre le moment où il arrive et se colle sur la surface et le moment où il la quitte. C’est pendant cet intervalle de temps que l’atome peut diffuser et a une chance de s’incorporer. τ dépend de la température, de la sursaturation et de la nature des interactions.
L’adsorption : Soit la situation où un atome incident est piégé par le potentiel de la surface (il est alors appelé adatome). Selon le type d’interaction, il existe deux cas d’adsorption. Quand l’interaction adatome/adsorbant est une simple attraction de Van der Waals (il n’existe pas de transfert électronique) on parle de physisorption. Lorsque l’attraction s’accompagne d’un transfert électronique elle provoque une liaison forte entre l’adatome et l’adsorbant, on parle alors de chimisorption.
La diffusion : La diffusion des atomes sur la surface traduit leur tendance à se mouvoir d’un site de surface à l’autre. Un des moteurs du déplacement selon une direction donnée est la différence de potentiel chimique de l’atome lorsqu’il occupe différents sites du réseau atomique.
L’incorporation : Lorsque l’atome est chimisorbé sur la surface son incorporation peut se faire de deux façons : soit l’atome se lie à une structure déjà existante sur la surface (marches, îlots..), soit il contribue à la germination d’une nouvelle structure (îlots..).

Caractéristiques générales du processus d’adsorption/désorption

Description de l’adsorption/désorption : S’il existe une probabilité non nulle pour qu’une particule de la vapeur soit piégée dans un puits de potentiel de la surface (adsorption), il existe de la même manière une probabilité non nulle pour que cette particule franchisse la barrière d’énergie de désorption et reparte dans la vapeur. On parle alors de processus d’adsorption/désorption. Ce processus est caractéristique de la nature chimique des espèces mises en jeu et dépend beaucoup de l’état de la surface.
Cinétique de désorption : Le flux désorbé dépend de la quantité de matière en surface susceptible de désorber. Il existe cependant différents cas de désorption, selon qu’on examine le cas de l’évaporation d’un cristal 3D (cinétique d’ordre zéro), le cas de la désorption d’un atome isolé A depuis la surface d’un matériau B (cinétique d’ordre un), ou le cas de la désorption d’une molécule An de cette même surface (cinétique d’ordre n). La désorption à partir d’une phase dense de la surface décrit, elle, une cinétique comprise entre 0 et 1.

Bâti de thermodésorption

Le bâti de thermodésorption est constitué de deux enceintes maintenues sous ultra-vide (UHV) possédant chacune sa propre pompe ionique. Le système de pompage est complété par l’adjonction d’un sublimateur de titane refroidi à l’eau et d’un piège cryogénique. L’ensemble permet d’obtenir une pression résiduelle de 10-10 Torr pendant un dépôt. -L’enceinte principale, reliée à une pompe ionique de 200 l/s, contient l’échantillon. Selon le type d’analyse, un ou plusieurs appareillages peuvent être connectés sur différentes brides (sorties 1, 2 et 3). Dans la configuration utilisée pour les expériences de thermodésorption, un Spectromètre de Masse (SM) est positionné sur la sortie 1 et un hublot transparent ferme la sortie 2. Dans la configuration dédiée à l’analyse structurale de la surface on remplace le SM par un canon à électrons et on installe sur la sortie 2 un écran fluorescent permettant de visualiser le cliché de diffraction de l’échantillon. Dans les deux configurations, la sortie 3 équipée d’un hublot est utilisée pour mesurer la température de l’échantillon à l’aide d’un pyromètre optique.
L’enceinte secondaire, connectée à une pompe ionique de 25 l/s, contient la cellule d’évaporation devant laquelle peut être positionné un cristal de quartz permettant la calibration du flux émis par la cellule. Manipulateur, porte-échantillon et échantillon : Le manipulateur installé sur l’enceinte principale permet d’effectuer des mouvements de translation (verticale et horizontale) et de rotation de l’échantillon. Le porte-échantillon en molybdène assure les contacts électriques et le maintien mécanique de l’échantillon. L’échantillon est maintenu par des mors en molybdène entre lesquels on intercale des feuilles de tantale (25 µm d’épaisseur) permettant la dilatation thermique de l’échantillon. L’échantillon de Si(111) utilisé, dont la taille est d’environ 25x5x0.35 mm3, est obtenu par clivage à partir de plaquettes commerciales de silicium (obtenu par tirage Czochralski). Il est dopé p et a une résistivité de l’ordre de 0.85 / 1.15 Ω.cm-1. Evaporateur d’antimoine : L’évaporateur installé dans l’enceinte secondaire est une cellule à effusion de type Knudsen. Cette cellule est constituée d’un creuset en molybdène surmonté d’un couvercle. Elle est chauffée par l’intermédiaire d’un filament de tungstène enroulé autour du creuset. Trois écrans thermiques (réflecteurs) concentriques permettent d’éviter les déperditions de chaleur. Le réservoir peut contenir environ 10 g de pastilles d’antimoine pur à 99.999 %. Un orifice de 1 mm de diamètre permet d’obtenir un flux de Sb dirigé vers l’échantillon. Notons qu’afin d’éviter l’obturation accidentelle du trou (orifice) par lequel est émis le flux d’antimoine, un filament traversé par un courant (3.5A, 10V) est positionné autour de l’orifice évitant une éventuelle condensation indésirable.
Obturateur et microbalance à quartz : L’obturateur et la microbalance à quartz sont situés entre les enceintes secondaire et primaire. L’obturateur manuel (temps de réponse de 0.1s) assure l’ouverture et la fermeture de la cellule et donc le passage et l’arrêt du flux d’antimoine vers l’échantillon. La microbalance à quartz munie de son résonateur (le cristal de quartz) permet, en la positionnant en face de l’évaporateur, de mesurer l’épaisseur du dépôt par unité de surface et de temps et donc d’accéder à la valeur du flux émis par la cellule.

Etalonnages

Etalonnage des températures

On mesure la température de notre échantillon à l’aide d’un pyromètre infra-rouge bichromatique qui fonctionne dans une gamme de température comprise entre 350 et 1350 °C.
Afin d’étalonner le pyromètre bichromatique, il est nécessaire de connaître le rapport d’émissivité du silicium ε1/ε2 pour les deux longueurs d’onde λ1 et λ2 utilisées (soit respectivement 0.8 µm et 1.05 µm). Ce rapport est obtenu par un autre étalonnage pour les températures entre 800 à 1350°C à l’aide d’un pyromètre à disparition de filament dont les écarts entre les valeurs de la température de luminance et les valeurs vraies sont connues . La valeur du rapport ε1/ε2 obtenu est de 0.989. Afin de vérifier l’exactitude de l’étalonnage dans le domaine des basses températures (inaccessible avec le pyromètre à disparition de filament), ces mesures thermiques sont comparées à celles déjà réalisées à l’aide d’un thermocouple Platine/Platine-Rhodié (Pt/Pt-Rh) appliqué à l’arrière de l’échantillon. Les courbes de calibration du pyromètre bichromatique-thermocouple sont des droites quasi-parallèles avec un écart moyen d’à peu près 20°C pour le thermocouple. Les températures en mode monochromatique coïncident avec les températures du thermocouple pour la gamme supérieure à 600°C. Ainsi dans nos expériences les températures de l’échantillon mesurées en mode monochromatique sont obtenues avec une incertitude de ± 5°C dans la gamme de température comprise entre 600 °C et 900 °C et une incertitude de ± 20°C dans la gamme des températures inférieures à 600 °C.

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Etalonnage du flux

L’étalonnage du flux avant toute nouvelle expérience est une étape déterminante qui demande un soin particulier. En effet une mesure fiable et précise de la quantité déposée sur la surface implique non seulement l’obtention d’un flux incident stable au cours du temps mais de plus, l’assurance d’un bon alignement de l’ensemble source-obturateur-échantillon de façon à obtenir un dépôt homogène centré sur l’échantillon. Afin de limiter l’amplitude des fluctuations initiales du flux, la température de la cellule est initialement augmentée par paliers jusqu’à une température suffisamment supérieure à la température de sublimation de l’antimoine. Notons que par la méthode de torsion-effusion, Niwa et Yoshiyama ont mesuré la pression et la masse moléculaire de la vapeur à partir de l’antimoine solide et ont montré que celui-ci s’évapore à T=530°C et se compose de 100% de tétramères Sb4 dans la limite des erreurs expérimentales.
Afin de vérifier que le flux arrivant sur la surface de l’échantillon est parfaitement centré, on effectue un dépôt de quelques minutes (dépôt épais) sur le substrat maintenu à température ambiante (pas de désorption). Le dépôt épais ainsi obtenu est visible à l’œil nu, on peut alors, modifier les positions relatives de l’évaporateur et du substrat de silicium, si le dépôt n’est pas centré. Une fois le flux stabilisé, sa mesure est obtenu à l’aide d’un cristal de quartz. Celui-ci délivre un signal tension en fonction du temps dont la pente est proportionnelle à la vitesse de dépôt (e).

Identification structurale et caractérisation atomique

Dans le cadre de cette étude nous avons décidé de nous intéresser essentiellement aux structures de Sb sur Si(111) dans des conditions d’équilibre thermodynamique. On pourrait définir un diagramme d’équilibre (θ, T) comme l’intersection des diagrammes d’adsorption et de désorption proposés par S. Andrieu. A ce stade de travail nous avons cependant tenté une autre approche en identifiant d’abord les différentes phases à l’équilibre, en calculant ensuite leurs sursaturations respectives pour finir enfin par la caractérisation de l’arrangement atomique associé à chacune d’elles. A cette fin nous avons utilisé deux techniques.
La première technique est celle de la diffraction des électrons de haute énergie (RHEED). Nous avons installé dans le bâti de thermodésorption un canon RHEED . Celui-ci envoie sur la surface de Si, exposée ou non au flux d’antimoine, un faisceau d’électrons monochromatique sous une incidence rasante de 1°. Les intensités diffractées par la surface sont « collectées » sur un écran fluorescent. Cette technique nous permet d’observer, en présence d’un flux de Sb donné, les différentes transitions structurales et d’identifier la structure d’équilibre à température fixée. Les expériences précédentes de Spectrométrie de Masse nous servent comme référence pour prévoir à flux et température donnés le temps nécessaire pour établir l’équilibre du système. La netteté du cliché RHEED et sa constance en cours de dépôt sont aussi des signatures de l’équilibre. La deuxième technique est la microscopie par effet tunnel (STM). Elle nous permet d’observer le réarrangement atomique des structures identifiées en équilibre. L’observation de la formation des surstructures en temps réel est une tâche rendue difficile par les problèmes de contamination de la pointe par l’antimoine (Sb est un agent très polluant à cause de sa très forte pression de vapeur). De ce fait, nous avons procédé différemment, à savoir nous avons commencé par déposer sur la surface chaude une quantité connue de Sb (dans des conditions d’équilibre) sans la pointe STM, puis nous avons figé les structures de surface (en baissant de façon brutale la température de l’échantillon). Nous avons ensuite vérifié par LEED que la structure de surface obtenue correspondait bien à celle observée par RHEED dans les mêmes conditions d’équilibre, et enfin nous avons imagé la surface.

Table des matières

INTRODUCTION 
I-ADSORPTION/DESORPTION : Concepts généraux
I-A. Croissance en phase vapeur
I-A.1. Considérations macroscopiques
I-A.2. Considérations microscopiques
I-A.3. Modes de croissance hétérogène
I-B. Caractéristiques générales du processus d’adsorption/désorption
I-B.1. Description de l’adsorption/désorption
I-B.2. Cinétique de désorption
I-B.3. Isothermes
I-B.4. Mécanismes élémentaires de l’adsorption/désorption
I-C. Caractéristiques générales de Sb et Si
II-INSTRUMENTATION ET MESURES
II-A. Dispositif expérimental 
II-A.1. Bâti de thermodésorption
II-A.2. Techniques expérimentales
II-B. Préparation du substrat et de la source d’évaporation
II-B.1. Préparation de l’échantillon
II-B.2. Préparation de la cellule d’évaporation
II-C. Etalonnages 
II-C.1. Etalonnage des températures
II-C.2. Etalonnage du flux
II-C.3. Etalonnage du Spectromètre de Masse
III-ETUDE EXPERIMENTALE PREALABLE DES MECANISMES D’ADSORPTION ET DE DESORPTION DE Sb/Si(111)
III-A. Sb adsorbé sur la surface Si(111) 
III-A.1. Coefficient d’accommodation thermique
III-A.2. Coefficient de collage
III-B. Nature des espèces détectées 
III-B.1. Caractéristiques du détecteur
III-B.2. Nature des espèces émises par la surface
IV-ETUDE CINETIQUE DE L’ADSORPTION ET DE LA DESORPTION 
IV-A. Description des courbes d’adsorption/désorption : mise en évidence de trois domaines de température 
IV-A.1. Description des courbes cinétiques
IV-A.2. Scénarii envisagés
IV-A.3. Modélisation de la cinétique
IV-B. Apparition d’un état transitoire à fort flux : origine physique 
IV-B.1. Tests préliminaires
IV-B.2. Origine physique et essai de simulation de l’état transitoire
V-CARACTERISATION STRUCTURALE ET ATOMIQUE 
V-A. Etat de l’art 
V-B. Identification structurale et caractérisation atomique 
V-B.1. Surface Si(111) propre
V-B.2. Sb/Si(111) : Structures à l’équilibre thermodynamique
V-B.3. Structures hors d’équilibre : 7x7d et 1x1d
V-C. Conclusion 
VI-ETUDE THERMODYNAMIQUE
VI-A. Isothermes d’adsorption/désorption 
VI-A.1. Grandeurs énergétiques
VI-A.2. Grandeurs thermodynamiques
VI-B. Contradiction entre résultats cinétiques et les résultats thermodynamiques 
VI-C. Analyse des résultats
VI-D. Que nous apprennent les Spectres de thermodésorption ? 
CONCLUSIONS GENERALES SUR LA PARTIE EXPERIMENTALE
VII-ETUDE THEORIQUE 
VII-A. Simulation numérique 
VII-A.1. Les méthodes sur réseau rigide (champ moyen, Monte Carlo)
VII-A.2. Les méthodes de relaxation (dynamique moléculaire)
VII-B. Détermination des potentiels d’interaction 
VII-B.1. Approximation des liaisons fortes
VII-B.2. Méthodes ab initio
VII-C. Application préalable aux éléments Sb et Si : limites et artefacts
VII-C.1. Etude de Si et Sb massifs et optimisation des calculs
VII-C.2. Etude de la surface
VII.C.3. Etude de l’alliage Sb-Si
VIII-Sb/Si(111) : calculs ab-initio 
VIII-A. Modes d’adsorption 
VIII-A.1. Protocole
VIII-A.2. Résultats et interprétations
VIII-A.3. Evolution de l’énergie d’adsorption avec le recouvrement
VIII-B. Modes de substitution 
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 
APPENDICE A
APPENDICE B
APPENDICE C
APPENDICE D
REFERENCES

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