Les micro-commutateurs
Les MEMS (acronyme de « Micro Electro Mechanical Systems ») sont des microsystèmes qui se distinguent par l’utilisation de fonction mécanique pour réaliser une fonction électrique. Il est possible de les classer selon leur utilisation. Ainsi, les RF-MEMS sont les composants utilisés pour gérer les radiofréquences. Parmi ceux-là se trouvent les micro-commutateurs, aussi appelés micro-relais ou par leur dénomination anglaise : microswitches. Leur fonction est de faire commuter un signal électrique d’un chemin vers un autre grâce à des parties mobiles, à la manière d’un interrupteur.
Ces composants ont une taille de l’ordre de la centaine de microns. Ils ont été développés pour remplacer les relais à base de semi-conducteurs (transistors, diodes…) dont les performances sont limitées au niveau de la perte d’insertion, de la fréquence de coupure ainsi que de l’isolation. Le premier micro-relais RF présenté en 1979 faisait appel à des technologies à l’époque peu compatibles avec les circuits intégrés mais depuis la technologie s’est développée au point de permettre actuellement une petite production. De nos jours, ils sont réalisés dans des fonderies hautement spécialisées du fait de la grande diversité des procédés de fabrication nécessaires. L’utilisation des microswitches en lieu et place des relais traditionnels se justifie par : leur petite taille, le faible coût de fabrication (technologie des Circuits Imprimés – C.I.), une rapidité de commutation de plusieurs ordres supérieure.
De plus, ils ont les avantages suivants par rapport aux semi-conducteurs : une faible consommation électrique, une large bande de fréquence utilisable, une excellente isolation, une perte d’insertion exceptionnellement basse, liée à une faible résistance à l’état fermé.
Environnement de fonctionnement
À cause de l’influence de la contamination mais aussi de l’humidité, le packaging impacte directement les performances du système. En particulier celui de niveau 0, qui encapsule directement l’instrument, est de premier intérêt : c’est lui qui détermine l’environnement de fonctionnement du MEMS. Il peut ne pas être hermétique, avoir un budget thermique élevé (c’est-à-dire qu’une grande quantité d’énergie thermique est transférée au composant lors de l’ensemble des opérations thermiques, fonction de leur température et durée), sous vide ou en atmosphère neutre… Jusqu’à présent, aucun micro-relais n’a présenté une bonne fiabilité sans packaging hermétique. De plus, le fonctionnement en atmosphère sèche (N2) ou sous vide est une nécessité pour assurer un contact fiable : l’influence directe de l’humidité sur le comportement des contacts électriques métal / métal a été démontrée expérimentalement. Un film surfacique d’eau condensée peut être à l’origine de forces adhésives et/ou de corrosion. Cela n’empêche pourtant pas l’adsorption d’un film de contamination, provenant en général des résidus de fabrication.
Mécanismes de défaillance
Les micro-commutateurs ohmiques présentent selon les applications deux modes de fonctionnement différents, ayant une influence très forte sur la fiabilité :
le ―hot-switching‖ (ou cyclage à chaud), défini comme le cyclage avec une différence de potentiel permanente au niveau du contact électrique, et le ―cold-switching‖ (ou cyclage à froid), sans champ électrique à l’ouverture et la fermeture du relais.
L’utilisation du premier mode diminue drastiquement la durée de vie du relais. Or, il est requis pour les instruments radiofréquences puisque les microswitches « cold-switched » ne gèrent pas le cyclage à fréquence élevée. Ainsi, beaucoup d’études sur les mécanismes de dégradation des microswitches sont poussées par le besoin de développer des dispositifs de haute fiabilité, condition nécessaire à leur commercialisation massive. Elles ont montré que le contact électrique constituait le facteur limitant. L’arc électrique est parfois aussi présenté comme un mécanisme de dégradation dans le cas du «hot-switching» mais aucune preuve expérimentale n’a été apportée pour l’instant pour le contact réel dans les micro-relais . L’usure provoquée par cyclage à froid est de plusieurs ordres de grandeur en dessous des autres. Elle constitue le phénomène d’intérêt pour cette étude, plus particulièrement aux faibles courants. Les fortes intensités correspondent en effet à des densités de courant pouvant mener à des températures suffisamment élevées pour ramollir ou faire fondre les aspérités de contact, modifiant ainsi complètement la morphologie de la surface.
Utilisation d’un SPM
L’emploi d’un appareil de type SPM (pour Scanning Probe Microscopy qui est un terme générique regroupant entre autres le microscope à force atomique AFM ou le microscope à effet tunnel STM) permet de réaliser le contact à l’échelle nanométrique grâce à l’utilisation d’une pointe conductrice. Il ne nécessite pas forcément beaucoup d’efforts de mise au point si l’instrument utilisé est déjà pourvu d’un mode électrique d’imagerie. Ce dispositif est donc relativement répandu. Ce système est mis à profit dans (Tringe et al., 2003). 50 nm d’or sont déposés par pulvérisation sur une pointe en tungstène de 800 nm de rayon de courbure. Le contact s’effectue entre couches minces d’or électro déposées, sous azote, pour un courant allant de 0,01 à 1 mA. Une couche de contamination est observée, même après exposition à l’ozone : son épaisseur et sa composition restent inchangées. Par contre, elle devient trois fois plus conductrice.
Un SPM modifié est utilisé dans (Chen et al., 2007, McGruer et al., 2006) pour comparer Au, Pt, Rh, Ru et leurs alliages avec l’or : les pointes sont remplacées par des bumps de contact placés au bout d’un cantilever (Si). Ces bumps mesurent 1 µm de haut et présentent une extrémité plane circulaire de 2,5 µm de diamètre. Les matériaux sont déposés par pulvérisation sur une épaisseur de 300 nm.
Des tests en cyclage sont réalisés à l’air ambiant pour des forces appliquées de 200-250 µN sous 1 mA. Il est observé que tous les matériaux, hormis l’or et les alliages avec un très fort pourcentage d’or, connaissent la défaillance par contamination (fretting). De plus, la résistance de contact initiale correspond globalement à la résistivité du matériau, c’est-à-dire qu’elle est beaucoup plus élevée pour les alliages. Ce même dispositif est aussi utilisé pour observer les forces de séparation, nécessaire à l’ouverture du contact .
Autres dispositifs utilisés pour réaliser le contact électrique
À l’échelle microscopique : Grâce à l’utilisation de dispositifs expérimentaux spécifiquement conçus pour réaliser un contact, il devient possible d’utiliser des échantillons aux géométries variées, plus simples à fabriquer ; par ailleurs, leur mise en place est bien souvent facilitée. Ainsi, le dispositif présenté par (Hyman and Mehregany, 1999) réalise un contact électrique entre une pointe en tungstène et un substrat plan en silicium, tous deux plaqués or. La mesure est de type 4 fils avec une intensité imposée de 0,1 à 200 mA. La force est appliquée par un actionneur piézoélectrique, de 100 à 500 µN, et les résistances mesurées correspondantes vont de 70 à 120 mΩ. Du transfert de matière est observé, exclusivement de la cathode vers l’anode.
Ce procédé très simple à mettre en œuvre (car ne nécessitant aucune étape de micro fabrication pour réaliser les véhicules de test.) est retrouvé quasiment à l’identique dans (Vincent et al., 2009), qui ajoute une composante de cyclage. Le contact est réalisé entre une lame mobile en FeNi provenant d’un reed switch commercial et une pointe en WC de quelques microns de rayon de courbure utilisée dans les bancs de test électrique. Un actionneur piézoélectrique effectue la mise en contact de la lame avec la pointe à une force donnée (ici 250 µN), contrôlée par un capteur de force placée sous cette dernière. Le cyclage s’effectue en utilisant un électro-aimant positionné au-dessus de la partie mobile, qui ouvre le contact en attirant la lame . Il est réalisé à chaud (tension de 5 V imposée et limitation de courant à 1 mA) dans un environnement N2. À une fréquence de quelques Hertz.
À l’échelle macroscopique : En règle générale, ce type de dispositif ne prétend pas correspondre au contact réel des microswitches : même si les pressions moyennes peuvent être équivalentes (application de forces de contact plus importantes sur des surfaces de contact plus grandes), la géométrie du contact est différente. Or celle-ci a une forte influence sur
la distribution de contraintes et de température à travers le contact, et par cons équent sur ses performances et ses mécanismes de défaillances. Cependant, la physique du contact est mieux connue à l’échelle macro et permet de procéder plus facilement à des validations théoriques de l’expérimentation. Mais c’est surtout grâce à une mise en œuvre plus aisée que ces dispositifs trouvent leur place, simplifiant par exemple la comparaison entre matériaux de contacts.
Dans son livre de référence sur le contact électrique , Holm introduit le concept du contact entre barreaux croisés conducteurs. Il s’agit d’une solution simple pour tester les matériaux désirés, permettant une définition géométrique identifiée et reproductible du point de contact. Il illustre aussi le dispositif de la balance que nous reprendrons dans nos expérimentations .
Table des matières
INTRODUCTION
1 LES MICRO-COMMUTATEURS
INTRODUCTION
1.2 DOMAINES D’UTILISATION
1.3 CAHIER DES CHARGES
1.4 STRUCTURE
1.5 ENVIRONNEMENT DE FONCTIONNEMENT
1.6 MATERIAUX
1.7 MECANISMES DE DEFAILLANCE
CONCLUSION
2 CARACTERISATION ET PERFORMANCE DES CONTACTS : PRESENTATION DES DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX EMPLOYES POUR REALISER UN CONTACT ELECTRIQUE
2.1INTRODUCTION
2.2 TEST IN SITU
2.3 UTILISATION D’UN SPM
2.4 AUTRES DISPOSITIFS UTILISES POUR REALISER LE CONTACT ELECTRIQUE
2.4.1 À l’échelle microscopique
2.4.2 À l’échelle macroscopique
2.5 RECAPITULATIF DES PERFORMANCES DU CONTACT ELECTRIQUE APPLIQUE AU MICRO-RELAIS
CONCLUSION
3 ÉLEMENTS DE MECANIQUE DU CONTACT
3.1 INTRODUCTION
3.2 CONTACT MECANIQUE ENTRE DEUX CORPS LISSES
3.2.1 Régime de déformation élastique
3.2.2 Régime de déformation élastoplastique
3.2.3 Régime de déformation plastique
3.3 CONTACT MECANIQUE ENTRE SURFACES RUGUEUSES
3.3.1 Modèle statistique multi-aspérités
3.3.2 Autres approches de modélisation du contact mécanique
3.4 CONTACT MECANIQUE ADHESIF
3.4.1 Forces de surface
3.4.2 Comparaison des différents modèles
CONCLUSION
4 RESISTANCE ELECTRIQUE DES CONTACTS
4.1 INTRODUCTION
4.2 RESISTANCE DE CONSTRICTION
4.3 MECANISMES DE TRANSPORT ELECTRONIQUE
4.3.1 Transport balistique
4.3.2 Transport quasi balistique
4.4 RESISTANCE D’UN CONTACT MULTISTRICTIONS
4.4.1 Modèle de Holm
4.4.2 Modèle de Greenwood
4.4.3 Modélisations du contact électrique rugueux
4.5 INFLUENCE DE L’EPAISSEUR DU FILM MINCE CONDUCTEUR
4.6 INFLUENCE DES FILMS DE CONTAMINATION
4.6.1 Caractéristiques et formation
4.6.2 Résistance électrique due au film de contamination
CONCLUSION
5 ÉCHAUFFEMENT DES CONTACTS
5.1 INTRODUCTION
5.2 RELATION DE KOHLRAUSCH
CONCLUSION
6 COMPORTEMENT MECANIQUE DES MATERIAUX EN CONTACT
6.1 INTRODUCTION
6.2 NOTIONS SUR LE FLUAGE
CONCLUSION
CONCLUSION
CHAPITRE 2 PRESENTATION DES DISPOSITIFS ET OUTILS EXPERIMENTAUX
INTRODUCTION
1 PROPRIETES DES ECHANTILLONS ETUDIES
1.2 PRESENTATION DES METAUX ET ALLIAGES UTILISES
1.2.1 Au
1.2.2 Ru et Rh
1.2.3 AuNi (5 %)
1.3 DESCRIPTIF DES ECHANTILLONS UTILISES
1.3.1 Barreaux cylindriques croisés
1.3.2 Barrettes
1.4 CARACTERISATIONS PRELIMINAIRES
1.4.1 Résistivité électrique
1.4.2 Propriétés mécaniques par nanoindentation
1.4.3 Observation de la topographie des surfaces
1.5 CONCLUSION
2 LA BALANCE DE PRECISION
2.1 DESCRIPTION DE L’INSTRUMENT
2.2 DIMENSIONNEMENT DU DISPOSITIF
2.3 PARAMETRES DE TEST
3 LE NANOINDENTEUR INSTRUMENTE POUR LA MESURE ELECTRIQUE
3.1 DESCRIPTION DE L’INSTRUMENT
3.1.1 Fonctionnement standard du nanoindenteur
3.1.2 Instrumentation pour la mesure électrique
3.2 PARAMETRES DE TEST
3.2.1 Description de l’essai mécanique
3.2.2 Choix des forces appliquées
4 MESURES ELECTRIQUES DE RESISTANCE DE CONTACT
4.1 DISPOSITIF
4.2 DESCRIPTION DES MESURES ELECTRIQUES STANDARD (NANOINDENTEUR)
4.3 DESCRIPTION DES MESURES ELECTRIQUES POUR LA BALANCE
5 CARACTERISATION DE LA RUGOSITE PAR ANALYSE D’IMAGES
5.1 INTRODUCTION
5.2 PRESENTATION DES ECHANTILLONS
5.3 CREATION D’UNE IMAGE ARTIFICIELLE
5.4 ALGORITHME DE TRAITEMENT D’IMAGE
5.4.1 Prétraitement
5.4.2 Segmentation
5.4.3 Extraction des données
5.4.4 Résultats pour l’image artificielle
5.5 CONCLUSION
CONCLUSION
CHAPITRE 3 PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS EXPERIMENTAUX
INTRODUCTION
1 CARACTERISATION DE LA RUGOSITE DES ECHANTILLONS UTILISES
INTRODUCTION
1.2 BARREAU CYLINDRIQUE — AU
1.3 BARREAU CYLINDRIQUE — AU \ RU 20 NM
1.4 BARREAU CYLINDRIQUE — AU \ RU 100 NM
1.5 BARREAU CYLINDRIQUE — AU \ RH
1.6 BARREAU CYLINDRIQUE — AU \ RU
1.7 BARREAU CYLINDRIQUE — AU \ AUNI
1.8 BARRETTE — AU
1.9 CONCLUSION
2 RESULTATS DES MESURES DE RESISTANCE ELECTRIQUE DE CONTACT OBTENUES AVEC LA BALANCE DE PRECISION
2.1 PLAN D’EXPERIENCE
2.2 PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
2.2.1 Influence de la charge appliquée
2.2.2 Influence du courant imposé
3 RESULTATS DES MESURES DE RESISTANCE ELECTRIQUE DE CONTACT OBTENUES AU
NANOINDENTEUR INSTRUMENTE ELECTRIQUEMENT
3.1 PLAN D’EXPERIENCE
3.2 PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
3.2.1 Résistance électrique de contact
3.2.2 Forces d’adhésion
3.3 RESULTATS COMPLEMENTAIRES
3.3.1 Influence du courant imposé
3.3.2 Influence du matériau de contact
3.3.3 Influence de la vitesse de chargement
CONCLUSION
CHAPITRE 4 MODELISATION DU CONTACT ELECTRIQUE QUASI STATIQUE
INTRODUCTION
1 MODELISATION STATISTIQUE DU CONTACT RUGUEU
INTRODUCTION
1.2 ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.2.1 Modélisation statistique du contact mécanique rugueux
1.2.1.1 Contact entre une surface rugueuse et une surface rigide parfaitement lisse
1.2.1.2 Lois de comportement (A0, F0)
1.2.1.2.1 Déformation en régime élastique
1.2.1.2.2 Déformation en régime plastique
1.2.1.2.3 Déformation en régime élastoplastique
1.2.1.3 Contact entre une sphère lisse et un plan rugueux
1.2.1.4 Contact entre deux plans rugueux
1.2.2 Modélisation électrique du contact
1.3 DESCRIPTION DU MODELE
1.4 COMPARAISON DU MODELE A L’EXPERIENCE
1.5 CONCLUSION
2 MODELISATION NUMERIQUE DU CONTACT RUGUEUX
INTRODUCTION
2.2 METHODE DES ELEMENTS DE FRONTIERE (BEM)
2.2.1 Étude bibliographique
2.2.2 Implémentation du modèle
2.3 APPROCHE DISCRETE DES MODELES « ASPERITY-BASED »
2.4 AMELIORATION DU MODELE PAR LA PRISE EN COMPTE DES INTERACTIONS ENTRE ASPERITES
2.5 CONCLUSION
CONCLUSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE 1 : LISTE DES FIGURES
ANNEXE 2 : LISTE DES TABLEAUX
ANNEXE 3 : ALGORITHME DE CONTACT RUGUEUX STATISTIQUE
PROGRAMME PRINCIPAL
CALCUL DE LA PRESSION LOCALE (PRESSION_STATISTIQUE)
CALCUL DE LA SURFACE REELLE LOCALE (SURFACE_REELLE)
CALCUL DU NOMBRE DE CONTACTS (NOMBRE_CONTACTS)
CALCUL DE LA RESISTANCE SURFACIQUE (RESISTANCE_NIKOLIC)
CALCUL DE LA RESISTANCE DE CONTACT (RESISTANCE_ALLEN)
ANNEXE 4 : ALGORITHME DE CONTACT RUGUEUX – BEM
ANNEXE 5 : ALGORITHME DE CONTACT RUGUEUX – « ASPERITY-BASED »