Etude expérimentale du transport et du dépôt de colloïdes en milieu poreux

Interactions électrostatiques

La plupart des particules colloïdales naturelles et des minéraux du sol ont des surfaces chargées. Dans les eaux souterraines, ces charges perturbent l’électroneutralité au voisinage des surfaces. Le modèle de Gouy et Chapman (années 1910) décrit la distribution du potentiel électrique autour de la particule. Une première couche d’ions (les contre-ions) est supposée fixée sur la surface. Une deuxième couche, la couche diffuse, contient des ions mobiles. Le potentiel électrique décroît rapidement avec la distance d’une valeur de ψ0 à la surface de la particule à une valeur nulle dans la solution. Le modèle de Stern (1924) considère une couche de plus à la surface de la particule, appelée couche de Stern dont le potentiel est noté ψδ.
L’épaisseur de la couche diffuse résulte de la compétition entre les forces attractives électrostatiques et la diffusion des espèces. Ainsi une faible force ionique dans la solution augmente la diffusion et donc étend l’épaisseur de la couche diffuse.

Caractérisation de la surface des colloïdes

Groupements fonctionnels

Pour les applications industrielles ou au moins opérationnelles des nanoparticules synthétiques, il faut souvent que les suspensions de nanoparticules soient stables et ne s’agrègent pas. Par exemple, pour que les nanoparticules de fer soient transportées le plus loin possible dans des sols à dépolluer, il faut éviter qu’elles s’agrègent. L’agrégation des particules dépend en partie des interactions stérique et électrostatique entre les particules. La stabilisation électro-stérique fournie par adsorption d’agents tensioactifs à la surface des nanoparticules en solution a fait ses preuves. Il est suggéré dans la littérature que l’ajout d’agent tensioactif permet globalement de stabiliser tout système colloïdal. Les nanoparticules que l’on peut craindre de retrouver dans l’environnement présenteraient donc des surfaces fonctionnalisées ou sur lesquelles sont sorbés diverses molécules ou tensioactifs ioniques dont les propriétés sont donc nettement différentes des nanoparticules pures (pristine ). Par exemple pour ajuster la stabilité de nanoparticules d’argent, Alvarez-Puebla et Aroca (2009) ont utilisé lors de la synthèse de NPs différents agents de couplage comme la glycine, la D-cysteine, la D-lysine et le citrate.
Pour les biocolloïdes, les constituants membranaires tels que les phospholipides ou les lipopolysaccharides (LPS) sont soupçonnés d’influencer la réactivité globale de la bactérie et donc sa mobilité en milieux poreux. Particulièrement le rôle des LPS dans l’adhésion et le transport de différentes souches de Escherichia coli a été démontré (Walker et al., 2004). Les principaux sites réactifs des parois bactériennes ont été identifiés par certains auteurs pour certaines bactéries en utilisant un titrage acido-basique. Guine et al. (2006) ont couplé les titrages à des analyses spectroscopiques EXAFS, ce qui permet une meilleure identification des sites réactifs.
Les groupements de surface influencent deux grandeurs mesurables qui sont l’hydrophobicité et le potentiel zêta du colloïde, paramètres qui jouent un rôle prépondérant dans les interactions des colloïdes biotiques (Ubbink et Schär-Zammaretti, 2007). Guine (2006) s’est intéressée aux groupements fonctionnels pour étudier le transport facilité des polluants par les colloïdes.

Hydrophobicité

Le caractère hydrophobe ou hydrophile des cellules bactériennes est suspecté de jouer un rôle important dans leur réactivité de surface (Bellon-Fontaine et al., 1996; Jacobs et al., 2007; Klitzke et Lang, 2007; Meinders et al., 1995;van der Mei et al., 1998), c’est pourquoi ce caractère a été systématiquement déterminé pour la caractérisation des colloïdes biotiques. Une méthode de caractérisation de l’hydrophobicité est fondée sur la comparaison de l’affinité du colloïde pour différents solvants (Bellon-Fontaine et al., 1996; Guine et al., 2003; Jacobs et al., 2007; Klitzke et Lang, 2007). Expérimentalement, une suspension colloïdale aqueuse est agitée avec le solvant étudié puis est laissée décanter. Un échantillon est ensuite prélevé de la phase aqueuse. Le résultat est présenté en pourcentage d’adhérence sur le solvant.

Potentiel zêta

On a vu que le potentiel de surface de la particuleintervient dans le calcul de l’énergie d’interaction électrostatique. En pratique on approche ce potentiel par le potentiel zêta de la particule qui est mesurable et qui dépend du pH, dela force ionique et de la valence des ions de la solution. Ce potentiel est mesuré au niveau du plan de cisaillement lorsque les particules chargées en solution sont mises en mouvement sous l’action d’un champ électrique d’intensité connu. Le déplacement des particules est mesuré dans une zone d’interférence créée par le croisement de deux faisceaux laser. L’intensité de la lumière diffusée par les particules varie à une fréquence proportionnelle à la mobilité électrophorétique de déplacement des particules. Cette mobilité est liée au potentiel zêta qui est exprimé en mV par l’équation de Hückel (Hiemenz et Rajagopalan, 1997).

Echelle de l’EVR

La loi de Darcy décrit l’écoulement de l’eau dans un milieu poreux à l’échelle de l’EVR (de Marsily, 1981). A cette échelle, on considère que le fluide s’écoule dans tout le milieu continu à une vitesse fictive appelée vitesse de Darcy. On la distingue de la vitesse de pore qui est la vitesse moyenne de l’eau dans l’espace poral (phase liquide du milieu poreux saturé).
Le phénomène de dispersion est aussi visible à l’échelle macroscopique et dépend de la vitesse de pore. A cette échelle, la diffusion et la dispersion mécanique ne peuvent pas être distinguées. On introduit alors un paramètre appelécoefficient de dispersion hydrodynamique D, tel que le flux dispersif en milieu poreux s’écrit sous la même forme que la loi de Fick :

Dépôt et mobilisation

Le dépôt de colloïdes en milieux poreux a fait l’objet d’une abondante littérature depuis une quarantaine d’années et plusieurs revues publiées compilent les résultats expérimentaux et numériques obtenus. L’exhaustivité et l’organisation de la présentation des mécanismes de dépôt et de mobilisation des colloïdes diffèrent d’une revue à l’autre. Certaines revues sont très générales (Kretzschmar et al., 1999; McDowellboyer et al., 1986; Ryan et Elimelech, 1996; Sen et Khilar, 2006; van der Lee et al., 1994) alors que d’autres sont réservées à une partie de ce vaste domaine : modélisation (Bradford et Torkzaban, 2008; Tufenkji, 2007), visualisation des colloïdes (Keller et Auset, 2007). Certaines revues sont dédiées à une seule sorte de colloïdes : biocolloïdes (Ubbink et Schär-Zammaretti, 2007), nanoparticules (Nowack et Bucheli, 2007), la bactérie Escherichia coli et les coliformes thermo-tolérants (Foppen et Schijven, 2006). Certaines revues sont dédiées à un mécanisme : le straining (Bradford et al., 2006b) ou le dépôt en conditions défavorables (Johnson et al., 2007). Enfin dans l’organisation même de la revue, les études peuvent être présentées de façon chronologique en commençant par les approches traditionnelles et les théories bien connues en allant vers les nouvelles interprétations et les récents développements (Tufenkji, 2007). C’est d’ailleurs cette première approche qui avait été choisie dans un précédant rapport (Vitorge, 2009). Enfin, une autre revue présente les mécanismes de dépôt par échelle en considérant les échelles de l’interface, du collecteur et du pore (Bradford et Torkzaban, 2008).
Dans la présente revue de la littérature, nous nous intéressons strictement à la description qualitative des mécanismes (la modélisation sera traitée en Partie 4 page 135) et nous présentons les récents avancements par échelles en englobant toutes les échelles jusqu’à l’échelle de l’EVR. Le passage d’une échelle à l’autre n’est pas toujours trivial. Le but cette partie est d’expliciter les zones d’ombre qui restent à étudier dans la littérature.

Echelle des interfaces

A l’échelle des interfaces, on décrit les énergies d’interactions des colloïdes en fonction de leur distance, h, au collecteur. Les colloïdes sont soumis à deux forces, l’une est une force d’adhésion et l’autre et une force hydrodynamique qui tend à décrocher ou remobiliser un colloïde attaché à la surface (Figure 10).

Caractérisation des nanotraceurs

Les particules comportant un cœur d’argent radioactif ont été synthétisées et manipulées dans une Installation Classée Pour l’Environnement (ICPE). Le seul outil de caractérisation présent dans l’ICPE est une balance de précision (Metler At261). La seule autre caractérisation effectuée sur un lot de particules radioactives (γ100) est de l’imagerie MET qui nécessite très peu de particules. En effet, la grille MET et son échantillon présentaient une activité gamma sous les seuils réglementaires qui permettent de sortir du matériel de l’ICPE.
Pour toutes les particules (non radioactives) qui ont été utilisées dans des expériences colonnes, nous avons caractérisé les propriétés quicontrôlent les mécanismes de transport : principalement taille, concentration et potentiel zêta. Pour certaines particules d’intérêt, plus de caractérisations ont été faites dans un but comparatif. Le Tableau 4 résume les caractérisations faites sur chacun des lots de particules.

Limites de détection (LD)

Les limites de détections (LD) calculées comme étant 3 fois le bruit de fond, sont présentées dans le Tableau 9. Pour les particules radioactives deux valeurs de LD dans l’eau sont indiquées, la valeur entre parenthèses est la LD calculée pour un détecteur gamma (Packard 500TR série) qui permet l’analyse en ligne de l’activité volumique des effluents en sortie de colonne et que nous avons utilisé dans les expériences de transport. Ce genre de détection présente l’avantage de pouvoir mesurer encontinu les particules à la sortie d’une colonne mais avec une moins bonne sensibilité. Les marqueurs fluorescents ont une LD dans l’eau meilleure que les particules marquées à l’argent stable mais moins bonne dans le sable ceci est dû au fait que le sable fluoresce faiblement aux mêmes longueurs d’onde que les fluorophores organiques utilisés. La fluorescence naturelle du sable est représentée Figure 35 sous forme de cartographie 2D, avec des repères pour les longueurs d’onde des trois fluorophores que nous avons utilisés. On remarque que la LD des particules marquées à la rhodamine est assez élevée par rapport aux autres particules fluorescentes. La limite de détection dépend de la masse de marqueur par masse de particules ηL.
La limite de détection des particules marquées à l’argent pourrait donc être améliorée si toutes les particules possédaienteffectivement un cœur d’argent.

Montage expérimental

Les protocoles expérimentaux décrits dans ce paragraphe concernent le cas général.
Lorsque des modifications ont été apportées, elles seront explicitées dans le paragraphe matériel et méthode de chaque chapitre.
Les colonnes de laboratoire sont des colonnes de chromatographie (Pharmacia Biotech) de diamètre interne 2.6 cm dont les embouts sont ajustables. Le remplissage du sable dans les colonnes se fait avec un tube à l’extrémité duquel deux grilles à mailles de 2 mm distantes de 3 cm et décalées de 45° sont ajoutées. Un écart constant est maintenu entre la base du tube et le sommet du sable de façon à garantir un remplissage homogène sur toute la hauteur et la section de la colonne. Les colonnes sont ensuite saturées par le bas au protoxyde d’azote (2 bars) puis à l’eau déionisée à 2 cm 3 h -1 pendant 48 heures avec une pompe à piston, branchée à l’entrée de la colonne. A la sortie de la colonne, une sonde pH (Metler Toledo, MP225), un conductimètre (conductivity Monitor, Pharmacia Biotech) et une cellule de mesure de fluorescence sont connectés en série (Figure 49). Le détail du fonctionnement de la cellule de mesure de fluorescence est donné en annexe A6 page 227.
Lors de la phase de saturation en eau, le pH, la conductivité et la fluorescence sont mesurées en sortie (Figure 50). Les colloïdes qui fluorescent et les ions naturellement présents dans le sable sont lessivés lors de cette saturation. La valeur du pH se stabilise à pH 8.5, valeur à l’équilibre avec le sable d’Hostun et à laconductivité électrique, à 20 µS cm -1.

Influence de la taille et de la concentration des colloïdes sur le dépôt en milieu poreux

Matériel et méthodes

Pour cette série d’expériences de transport en milieu poreux, nous avons fait varier le type de traceur, sa taille et son marqueur ainsi que la concentration d’injection que nous avons identifiée comme un paramètre assez peu étudié dans la littérature. Les conditions expérimentales ont été choisies défavorables au dépôt électrostatique en utilisant comme électrolyte, de l’EDI. Le Tableau 16 résume les conditions expérimentales utilisées. La majorité des colonnes de sable ont été saturées au protoxyde d’azote avant saturation à l’eau, ce qui augmente le taux de saturation S r . Pour la plupart des colonnes, une expérience avec un traceur de l’eau qui ne réagit pas avec la matrice poreuse est effectuée. En plus de déterminer les valeurs de la dispersivité et de la teneur en eau cinématique, ceci permet de vérifier la reproductibilité du remplissage des colonnes. Pour le traçage à l’eau tritiée, le créneau injecté dans la colonne, est beaucoup plus court, se rapprochant d’une distribution de Dirac.
Nous rappelons ici que seules les particules marquées sont détectées. Or les colloïdes marqués à l’argent sont significativement plus gros que les colloïdes non marquées (voir paragraphe 2.3.2.7 page 73). La différence de taille entre particules marquées et non marquées à l’argent peut être observée seulement en analysant les images MET, or toutes les autres particules ont été mesurées en DLS, ce qui limite la pertinence des comparaisons interparticules. Dans les Tableau 16 et Tableau 17,le diamètre des particules d pindiqué est le diamètre des particules mesuré en DLS au moment desexpériences, sauf pour les particules γ30 pour lesquelles le diamètre n’a pas été mesuré directement mais est supposé identique aux particules marquées à l’argent stable (même protocole de synthèse) et pour les γ100 dont le diamètre a été mesuré au MET (le diamètre indiqué est celui des particules contenant un cœur d’argent, car ce sont celles qui sont détectées en sortie de colonne).

Table des matières
Remerciements 
Résumé 
Abstract
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux 
Liste des acronymes 
Lexique
Introduction générale 
Partie 1 Positionnement du problème
Chapitre 1.1 Contexte
Chapitre 1.2 Colloïdes dans les sols
1.2.1 Définition et origines
1.2.2 Interactions de surface
1.2.3 Caractérisation de la surface des colloïdes
Chapitre 1.3 Transport de colloïdes en milieux poreux
1.3.1 Milieux poreux
1.3.2 Transport de colloïdes
1.3.3 Dépôt et mobilisation
1.3.4 Propriétés des colloïdes influant sur le dépôt
1.3.5 Autres facteurs expérimentaux influant sur le dépôt
Chapitre 1.4 Conclusions de la partie 1
1.4.1 Synthèse de l’étude bibliographique
1.4.2 Objectifs du travail de thèse
1.4.3 Démarche adoptée
Partie 2 Synthèse et caractérisation de nanotraceurs 
Chapitre 2.1 Introduction
Chapitre 2.2 Synthèse des nanotraceurs
2.2.1 Synthèse de nanotraceurs de type Stöber
2.2.2 Synthèse de type microémulsion inverse
Chapitre 2.3 Caractérisation des nanotraceurs
2.3.1 Matériel et méthodes
2.3.2 Résultats et discussion
Chapitre 2.4 Conclusions de la partie 2
2.4.1 Etude comparative des nanotraceurs
2.4.2 Conclusion et Perspectives
Partie 3 Etude expérimentale du transport et du dépôt de colloïdes en milieu poreux
Chapitre 3.1 Introduction
Chapitre 3.2 Le Milieu poreux et le système expérimental
3.2.1 Le sable d’Hostun
3.2.2 Colonne de sable d’Hostun
3.2.3 Montage expérimental
Chapitre 3.3 Influence de la taille et de la concentration des c olloïdes sur le dépôt en milieu poreux
3.3.1 Matériel et méthodes
3.3.2 Résultats
3.3.3 Discussion
3.3.4 Tentatives d’observation du transport et du dépôt àl’échelle microscopique
Chapitre 3.4 Transport de colloïdes en mélange
3.4.1 Matériels et méthodes
3.4.2 Résultats et discussion
Chapitre 3.5 Influence de la géochimie de la solution
3.5.1 Matériel et méthodes
3.5.2 Résultats et discussion
Chapitre 3.6 Conclusions de la partie 3
3.6.1 Utilisation des nanotraceurs marqués
3.6.2 Exploitation des données expérimentales
3.6.3 Mécanismes de rétention de colloïdes en milieu poreux
Partie 4 Modélisation 
Chapitre 4.1 Introduction
Chapitre 4.2 Modèles existants
4.2.1 Conservation de la masse à l’échelle de l’EVR
4.2.2 Exemples de termes sources et de termes puits
4.2.3 Equilibre des moments appliqués aux colloïdes
4.2.4 Conclusion sur les modèles existants
Chapitre 4.3 Modélisation macroscopique
4.3.1 Les logiciels de calcul utilisés
4.3.2 Elaboration du modèle macroscopique
4.3.3 Application du modèle macroscopique
4.3.4 Bilan de la modélisation macroscopique
Chapitre 4.4 Modélisation microscopique
4.4.1 Introduction
4.4.2 Géométrie et maillage
4.4.3 Écoulement de l’eau
4.4.4 Couplage avec l’équation de convection diffusion
Chapitre 4.5 Conclusions de la partie 4
Conclusion générale 
Références bibliographiques 
Annexes 
A1 Protocoles expérimentaux de synthèse de nanotraceurs
A1.1 Particules fluorescentes
A1.2 Particules marquées à l’argent
A1.3 Particules marquées à l’argent radioactif
A1.4 Particules fonctionnalisées
A2 Caractérisations complémentaires des nanotraceurs
A3 Statistiques effectuées sur les analyses d’images
A3.1 Ag30
A3.2 Ag100
A3.3 γ100
A4 Caractéristiques du sable d’Hostun (données du four nisseur)
A5 Code pour le traitement d’image du milieu poreux
A5.1 Code Matlab : « nettoyage » des images
A5.2 Code Scilab : distribution de tailles des pores
A6 Dispositif de mesure de la fluorescence en ligne
A7 Modification du code source de Hydrus 1D
A8 Code pour analyse de sensibilité de DECODE 2
A9 Code pour optimisation des paramètres S max et k davec DECODE 2

projet fin d'etude

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