Étude et optimisation de procédés d’encapsulation de cellules photovoltaïques
Détermination du mécanisme chimique de réticulation par spectroscopie RMN
Pour déterminer le degré de réticulation de l’EVA, certaines méthodes spectroscopiques Raman supposent que la réaction de réticulation se produit par le pontage des groupements méthyles présents en bout des motifs polymères dérivés de l’acétate de vinyle [32,91–93]. Cependant aucune publication ne révèle la vraie nature chimique des ponts de réticulation du copolymère EVA. L’objectif de cette section est alors de déterminer les sites carbonés d’un côté et de l’autre des nœuds de réticulation de l’EVA, par spectroscopie RMN. Différentes schémas peuvent être envisagés lors d’une réticulation radicalaire amorcée par des peroxydes. Trois sites semblent être privilégiés pour la formation de liaisons covalentes entre les chaînes macromoléculaires d’EVA (Figure 3-1) : par abstraction des protons liés aux carbones secondaires de la chaîne polymère CH2 (en rouge), par abstraction des protons du carbone tertiaire CH (en vert), ou encore du carbone primaire CH3 (en bleu) présents sur les unités dérivées d’acétate de vinyle. Le débat se centre sur la possibilité que les pontages soient établis principalement entre carbones tertiaires, voie favorisée par la stabilité des radicaux formés, ou alors, principalement entre carbones primaires, voie favorisé par le moindre encombrement stérique. Figure 3-1 – Formule semi-développée de l’EVA. En couleur rouge, vert et bleu, les protons pouvant potentiellement être abstraits lors de la réticulation de l’EVA. 3.1.1 Présentation des échantillons L’étude a été effectuée sur un copolymère EVA composé à 40 % massique d’acétate de vinyle, AV, et mélangé à 3phr (de l’anglais « parts per hundred resin ») de peroxyde TBEC (tert-Butylperoxy 2-ethylhexyl carbonate), soit 3g de TBEC pour 100g d’EVA. Afin de maximiser la sensibilité de l’analyse RMN, le choix a été fait d’utiliser un EVA à fort taux de motifs dérivés de l’AV, ainsi qu’une forte concentration de peroxyde, toutes deux caractéristiques non utilisées pour des films encapsulants industriels (taux d’AV plus faible, concentrations en peroxyde de moins de la moitié). Pour simplifier l’analyse également, la formulation des échantillons à analyser est limitée au seul agent de réticulation qu’est le peroxyde TBEC O CH3 CH2 CH2 CH2 HC O Chapitre 3 | Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 85 Luperox, sans ajout d’autres additifs, co-agents ou autres peroxydes complémentaires. Les échantillons ont été préparés par l’équipe d’Alfredo De Francisi au Centre de Recherche Rhône-Alpes d’Arkema. D’après la littérature, la réticulation se produit sur les motifs dérivés de l’acétate de vinyle [32,91–93]. Ainsi, en augmentant le ratio Acétate de vinyle / Ethylène (40 % massique d’AV au lieu de 28 % ou 33 % pour les grades PV), la différence entre les échantillons non réticulés et totalement réticulés est potentiellement exacerbée. L’utilisation d’un fort taux de peroxyde va également dans ce sens. Les échantillons ont été laminés sous vide de manière à obtenir six différents degrés de réticulation. La détermination de ces deniers a été effectuée à l’aide de la méthode calorimétrique « Melt/Freeze » (présentée dans la troisième partie de ce chapitre). Il est à retenir que les pourcentages de réticulation donnés ci-dessous pour l’étude RMN sont normalisés linéairement par rapport à un EVA très réticulé (une réticulation maximale a été recherchée expressément) ; le chiffre de 100% est ainsi arbitrairement attribué à cet échantillon très réticulé. A partir de ce point et le point à 0% de réticulation de l’échantillon non-réticulé, la méthode Melt/Freeze attribue à chaque échantillon un pourcentage de réticulation entre ces deux bornes. Nous y reviendrons dans la troisième partie de ce chapitre. Seul l’EVA non réticulé et donc soluble, a été caractérisé par spectroscopie RMN liquide, par l’équipe de Béatrice Allard-Breton et Stéphanie Bruel au Centre de Recherche Rhône-Alpes d’Arkema. Cette première étude a permis d’interpréter les spectres 1 H et 13C. L’attribution des signaux est détaillée en Annexe B. Les échantillons réticulés, insolubles, ont été caractérisés dans un spectromètre RMN solide 800 MHz du CRMN de Lyon, par l’équipe de David Gajan. Pour introduire le polymère dans le porte-échantillons (un tube roteur dans le cadre d’expériences RMN du solide), les films polymères d’EVA ont été coupés en petits morceaux puis compactés. Différentes expérimentations d’acquisition 1 H et 13C ont été réalisées sur l’ensemble des échantillons. Les résultats sont discutés dans les sections suivantes.
Analyse RMN du proton 1 H
Comparaison des spectres RMN 1H solide et RMN 1 H liquide de l’EVA non réticulé Les études RMN du solide de différents copolymères EVA non réticulés ne montrent pas de spectre du proton 1 H (excepté Zhang – 2002 [94]) du fait de la largeur des raies obtenues avec la plupart de conditions expérimentales, ce qui rend leur exploitation difficile. Dans les conditions d’analyses de cette étude, les spectres obtenus en RMN 1 H du solide sont d’excellente qualité, se rapprochant des spectres obtenus en RMN 1 H liquide à 500 MHz au Centre de Recherche Rhône-Alpes d’Arkema (Figure 3-2). Chapitre 3 | Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 86 Figure 3-2 – Spectres RMN 1 H de l’EVA 40 % AV. En bas, spectre RMN en solution (CDCl3) sous un champ de 500 MHz. En haut, RMN solide sous un champ de 800 MHz. Le décalage horizontal observé entre les deux types de mesures s’explique par le fait, qu’en RMN en solution, le solvant a un effet sur l’environnement du polymère analysé. En RMN 1 H du solide, tous les signaux n’ont pas pu être isolés, cependant il est possible de détecter les terminaisons, certains signaux liés au peroxyde et le monomère résiduel d’acétate de vinyle.
Analyse RMN 1H du solide de l’EVA réticulé à différents degrés
En superposant les spectres obtenus pour les EVA 40 % AV avec différents degrés de réticulation, quelques légères différences ont pu être mises en évidence (Figure 3-3). L’ensemble des spectres a été référencé à partir du signal des CH2 des unités dérivées d’éthylène à 1,26 ppm. Figure 3-3 – Spectres RMN 1 H solide de l’EVA 40% AV pour différents degrés de réticulation Avec l’augmentation du degré de réticulation, les observations suivantes ont été faites : – une diminution de la teneur en acétate de vinyle monomère (diminution de l’intensité des signaux vers 4,4 ppm et 7,2 ppm) – une diminution de la teneur en peroxyde (signal vers 4,0 ppm et 1,3 ppm) – une augmentation de la teneur en ethyl-2 hexanol, produit de décomposition du peroxyde (signal vers 3,4 ppm). – une augmentation d’intensité d’un signal large et peu intense vers 2,2 ppm. Ce dernier signal pourrait correspondre à un motif –CH2-O(C=O)- et proviendrait d’une réaction de réticulation faisant intervenir un CH3 d’un motif dérivé d’acétate de vinyle (entouré en bleu dans la Figure 3-3). Pour valider les observations précédentes, nous avons effectué une analyse numérique multi-variée selon le protocole des composantes principales (ACP pour Analyse en Composantes Principales – cf. §2.2.1). Cette analyse a permis de mettre en évidence une tendance pouvant être associée à la réticulation dans la seconde composante principale (Figure 3-4). Cette dernière exprime 0,1 % de la variance des spectres RMN. La première composante principale semble être, quant à elle, associée à un spectre moyenné. Elle exprime 99,8 % de la variance des spectres. A noter que tous les spectres ont été prétraités par une ligne de base et une normalisation sous l’aire. Chapitre 3 | Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 88 L’échantillon réticulé à 27 % peut être considéré comme un point aberrant (Figure 3-4 – à droite) si seule la seconde composante principale était prise en compte. Cependant vu le faible nombre d’échantillons analysés, l’analyse ACP peut facilement faire ressortir un échantillon comme donnant lieu à un point aberrant. L’échantillon peut ainsi être gardé dans l’analyse chimiométrique. Figure 3-4 – A gauche, superposition du spectre RMN 1 H solide de l’EVA 40 % AV non réticulé avec les loadings des composantes principales 1 et 2 de l’ensemble des spectres obtenus pour des échantillons avec différents degrés de réticulation. A droite, variation des scores de la composante principale 2 (exprimant 0,1% de la variance) en fonction de la composante principale 1 (exprimant 99,8 % de la variance) pour les six échantillons d’EVA. On observe que tous les signaux représentés par la CP-2 avec des pics orientés vers le bas correspondent à des liaisons chimiques disparaissant lors de la réticulation. En effet, cette étude confirme ainsi, lors de la réticulation, une diminution de la teneur en monomère AV (signaux vers 7,2 ppm et 4,4 ppm) et en peroxyde (signaux vers 4,0 ppm et 1,3 ppm), déjà observées sur les spectres bruts de la Figure 3-3. L’augmentation du signal à 3,4 ppm, exacerbée par la CP-2, caractérise le produit de décomposition du peroxyde devenu l’alcool correspondant. Tous les signaux dirigés vers le haut sont alors considérés comme des liaisons chimiques se formant lors de la réticulation. L’élargissement du signal à 4,8 ppm des >CH-O des motifs dérivés de l’AV après réticulation, se traduit par une CP-2 dont l’intensité centrale diminue et dont l’intensité autour du signal augmente. Cela peut s’interpréter comme une modification de l’environnement chimique autour des >CH-O des motifs dérivés de l’AV ou alors révéler la création de nœuds de réticulation. Si la réticulation se produisait au niveau des >CH-O (devenant alors des carbones quaternaires du type –CH2-C-O), un nouveau signal devrait apparaître sur les spectres 13C. Cela sera, en effet, discuté dans la section suivante. Il est cependant Chapitre 3 | Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 89 impossible de valider à ce stade (analyse des spectres en 1 H) ce modèle de réticulation puisqu’après réticulation il n’y a plus présence de proton. L’augmentation du signal vers 2,2 ppm de la liaison –CH2-(C-O)- d’un ex-motif d’AV est mise en évidence. De plus, la variation d’intensité vers 1,9 ppm traduit une diminution des CH3-(C=O) des motifs dérivés d’AV, mais aussi un changement de son environnement (par l’élargissement de la base de ce même signal). L’élargissement pourrait expliquer l’hypothèse que seuls certains motifs réagissent lors de la réticulation alors que d’autres sont simplement moins mobiles après réticulation (dû à l’encombrement stérique). Conformément aux arguments des deux derniers paragraphes, basés sur l’analyse des spectres proton, la réticulation via le carbone tertiaire, devenant quaternaire est impossible à prouver ou infirmer, alors que la réticulation via le carbone primaire devenant secondaire se voit supportée par l’augmentation du signal à 2,2 ppm et la diminution de celui à 1,9 ppm.
Analyse RMN du carbone 13C
Interprétation du spectre RMN 13C solide de l’EVA non réticulé
Pour confirmer les résultats déterminés par RMN 1 H, des expériences RMN 13C ont également été effectuées sous deux formes : par polarisation croisée avec rotation à l’angle magique (ou CP-MAS pour « Cross polarization – Magic Angle Spinning ») qui permet de détecter les carbones les moins mobiles, et par HPDEC (pour « High Power decoupling ») protocole se rapprochant plus des expériences RMN 13C liquide. Les résultats obtenus en CP-MAS, protocole normalement mieux adapté au solide, sont plus bruités que les résultats obtenus par HP-DEC. Cela s’explique par l’état physique de l’EVA lors des mesures : à température ambiante, l’EVA est proche de l’état fondu dans ce sens qu’il est largement au-dessus de sa transition vitreuse et proche du début de la fusion des cristallites ; il réagit donc de manière similaire à un liquide lors des analyses. Les résultats suivants sont donc uniquement basés sur des spectres acquis suite au protocole HP-DEC. Les expériences 2D (pour les corrélations C-H – Annexe C) et l’interprétation des spectres RMN 13C liquide publiés par Pham et al [95] et par Tavares et al.[96] permettent d’interpréter les spectres RMN 13C solide obtenus (Figure 3-5). L’ensemble des spectres a été référencé à partir du signal du motif CH2 des unités dérivées d’éthylène à 29 ppm. Figure 3-5 – Spectre RMN 13C solide de l’EVA 40 % AV avant réticulation. De la même manière qu’avec les spectres RMN solide 1 H, les signaux du peroxyde, de l’acétate de vinyle et de l’éthylène ont été identifiés sur les spectres RMN solide 13C. Cependant des signaux comportant des informations supplémentaires sont distingués : l’enchainement des unités constitutives du copolymère mais également plusieurs signaux de faible intensité (marqués par une étoile * sur le spectre). Ces derniers correspondent à des ramifications ou chaînes pendantes comme l’on peut trouver dans du polyéthylène homopolymère, PE. Les spectres des analyses RMN effectuées le long de cette étude montrent une nette amélioration de la résolution par rapport à de précédentes publications [48,94,96,97]. Cela s’observe particulièrement sur la zone de déplacement chimique entre 20 ppm et 40 ppm : l’exemple de spectre publié encadrée en rouge sur la Figure 3-6 semble être un pic unique alors qu’après analyse au CRMN, de nombreux pics sont révélés (cf. l’encadré en pointillés rouges de la Figure 3-5). Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 91 Figure 3-6 – Spectres RMN 13C solide MAS de copolymères EVA pour une rotation de 6 kHz. A gauche, spectre de l’EVA 40 % AV d’après [96]. A droite, spectre d’un EVA 18 % AV d’après [48]. L’excellente qualité des spectres obtenus dans le cadre de ce travail permet premièrement de clarifier l’interprétation, mais également d’infirmer ce qui, par manque de qualité de spectres, a été conclu dans de nombreuses études précédentes. Ces études, en effet, ont interprété le signal entre 20 et 40 ppm, comme un signal unique et large attribué à la superposition de signaux issus de la présence de différentes phases cristallines cohabitant avec la phase amorphe (exemple à droite de la Figure 3-6) [48,94,96,97].
Analyse RMN 13C du solide de l’EVA réticulé à différents degré
s De la même manière qu’avec les spectres RMN 1 H solide de l’EVA, une analyse en composantes principales (ACP) a été accomplie sur l’ensemble des spectres 13C des échantillons EVA réticulés à différents degrés (Figure 3-7). Il est à noter que seul un changement d’intensité de certains signaux s’observe directement sur les spectres bruts. Amorphe Phase cristalline orthorhombique Phase cristalline monoclinique Chapitre 3 | Encapsulation PV par voie film : étude de l’EVA 92 Figure 3-7 – A gauche, spectres RMN 13C solide de l’EVA 40 % AV à différents degrés de réticulation. Seule l’intensité des signaux varie. A droite, scores associés aux spectres de gauche pour la composante principale 2 (exprimant 0,2 % de la variance) en fonction de la composante principale 1 (exprimant 99,7 % de la variance) de l’ACP. La seconde composante principale, exprimant 0,2% de la variation des spectres RMN, fait apparaître par ordre croissant les échantillons du moins réticulé au plus réticulé. La Figure 3-8 superpose ainsi la seconde composante principale avec les spectres RMN 13C solide de l’EVA 40 % AV avant (0 % réticulé) puis après réticulation (100 % réticulé
Introdu ction générale |