Étude et caractérisations par cathodoluminescence de couches minces d’InGaN pour le photovoltaïque
Microscope électronique à balayage
Principe de l’interaction électron-matière Les microscopes à balayage utilisent un faisceau d’électrons très fin qui balaie point par point la surface d’un échantillon. Sous l’impact de ce faisceau primaire, il y a émission de plusieurs rayonnements et particules qui pourront être analysés par des détecteurs adéquats. La figure 2.1 présente les principaux rayonnements et particules issus de cette interaction électron-matière. Par ailleurs, on observe qu’un certain volume est balayé lors de l’interaction (Fig. 2.2). En réalité, un électron ne transmet pas son énergie de manière constante selon l’énergie qu’il possède initialement. La trajectoire d’un électron peut donc être décrite comme une succession de libres parcours rectilignes formant des angles de diffusion dépendant des interactions de cet électron avec la matière. La loi de Bethe, que nous verront en détail dans le paragraphe 2.5.4 permet d’établir le chemin moyen parcouru entre chaque interaction en fonction de la probabilité pour qu’un type d’interaction se produise et l’énergie initiale de l’électron. Cette loi permet d’obtenir un volume d’interaction des électrons dans le matériau appelé « poire d’interaction ». Figure 2.1 – Représentation des signaux émis lors de l’interaction du faisceau électronique avec l’échantillon. Figure 2.2 – Représentation schématique de la taille de la poire d’interaction en fonction du type de signal généré. La quantification des rayonnements et particules produits lors de l’interaction des électrons primaires avec un échantillon permet d’accéder à de nombreuses informations sur le matériau analysé comme nous allons le voir dans la suite. Électrons secondaires (SE2 pour Secondary Electron) : Les électrons secondaires sont des électrons peu liés de la bande de conduction qui sont éjectés lors du choc des électrons primaires issus du faisceau électronique avec les atomes du matériau (Fig. 2.3). Un électron primaire va générer un ou plusieurs électrons secondaires de faible énergie (environ 50eV cf. Fig. 2.4) d’où une profondeur moyenne d’échappement de l’ordre de 5nm (Fig. 2.2). Les SE2 sont donc principalement issus des couches proches de la surface de l’échantillon c’est à dire d’une zone ou la topographie du matériau varie. La quantification de la quantité d’électrons secondaire éjectés permet ainsi d’obtenir une image de la morphologie de surface de l’échantillon. Figure 2.3 – Représentation schématique de la génération des SE2 Figure 2.4 – Energie relative des électrons produits dans un MEB Électrons rétrodiffusés (EBS pour Electron Back Scattered) : Les électrons rétrodiffusés sont issus de l’interaction élastique du faisceau d’électron primaire avec les noyaux des atomes du matériau analysé comme le montre la figure 2.5. L’énergie de ces électrons est relativement importante (environ 30keV) et ils sont donc émis de régions profondes de l’échantillon. Par ailleurs, ce type d’électrons est sensible au numéro atomique des atomes (les atomes lourds émettent plus d’électrons que les atomes légers) permettant ainsi une cartographie de composition ou de phase de l’échantillon. Rayons X : Lorsque le rayonnement incident possède une énergie relativement importante, le choc des électrons primaires avec les atomes de l’échantillon provoque l’ejection d’un électron d’une couche profonde. Lors du retour à l’état fondamental (désexcitation), un électron d’une couche périphérique vient combler le « trou » (lacune) créé par l’électron éjecté en perdant une quantité d’énergie sous forme de photons X (rayon X) (Fig. 2.6). L’analyse de ces rayons X permet d’obtenir des informations sur la nature chimique de l’échantillon. Électrons Auger : Lors de la désexcitation précedemment décrite, l’électron périphérique peut aussi transférer l’énergie qu’il a perdue à un autre électron périphérique de l’atome (donc peu énergétique) qui peut être à son tour éjecté ; c’est l’émission Auger (Fig. 2.7). Dans ce cas le photon-X émis est recapturé par l’atome lui même. L’analyse Auger permet d’obtenir des informations sur la nature chimique de l’échantillon ainsi que sur le type de liaison chimique. Figure 2.5 – Représentation schématique du mécanisme de génération des électrons rétrodiffusés Figure 2.6 – Représentation schématique de la génération des rayons X Figure 2.7 – Représentation schématique du mécanisme de génération des électrons Auger.
Dispositif expérimental
La figure 2.8 présente une photographie du microscope électronique de balayage (MEB) de modèle ZEISS Supra-TM 55 VP couplé au détecteur de cathodoluminescence (CL) de notre laboratoire. Figure 2.8 – Microscope électronique à balayage ZEISS Supra-TM 55 VP avec colonne GEMINI couplé au détecteur de cathodoluminescence. Les principaux composant d’un MEB sont la colonne électronique et la chambre du microscope :
Colonne électronique
La colonne « Gemini » de notre microscope est présentée sur la figure 2.9. Les principaux éléments qui la compose sont les suivants : Canon à effet de champ : L’utilisation de sources dites à «Canon à émission de champ» (Field Emission Gun) permet, par rapport aux sources thermoïonique (Voir annexe B.1), d’améliorer la brillance d’un facteur cent à mille. Elles procèdent par extraction directe ou amplification de l’extraction des électrons par l’application d’un champ électrique très intense sur la pointe qui diminue le travail de sortie des électrons. La différence de potentiel E0 entre la cathode et l’anode représente l’énergie du faisceau (tension d’accélération), et peut varier de quelques centaines d’eV (avec un effet de champ) à 25keV. Il existe deux types de canons à émission de champ : – L’émission à champ froid (CFE pour Cold Field Emission), où la pointe reste à température ambiante. – L’émission de champ assistée thermiquement (TFE pour Thermal Field Emission), où la pointe est portée à une température de 1800◦K. Figure 2.9 – Schéma de la colonne GEMINI de notre MEB Figure 2.10 – Schéma de la source d’électron dite « émission de champ par effet Schottky » utilisé dans notre MEB Nous utilisons ce deuxième type de canon appelé aussi canon à « émission de champ par effet Schottky (ECS) » (Fig. 2.10) qui présente l’avantage de combiner la brillance élevée et une faible énergie de propagation caractéristiques de l’émission à champ froid avec la stabilité élevée et le faible bruit de faisceau caractéristiques de l’émission thermoionique. L’autre avantage de ce type de source consiste en un courant d’émission 50 fois plus important réduisant ainsi drastiquement la sensibilité aux vibrations de l’environnement. Le tableau B.1 de l’annexe B.3 présente des informations détaillées sur les différentes sources d’électrons ainsi que la comparaison de leurs performances. Les lentilles de focalisation magnétique : Le faisceau d’électrons, qui a généralement une énergie allant de 0, 1keV à 25keV, est focalisé par des lentilles électromagnétiques sur l’échantillon. La taille du spot varie de 0, 4nm à 5nm de diamètre en fonction de la valeur de la tension d’accélération. Dans la lentille finale le faisceau est ensuite dévié selon les axes x et y par des paires de bobines de balayage ou des paires de plaques déflectrices lui permettant de balayer de façon matricielle une zone rectangulaire de la surface de l’échantillon.
La chambre du microscope
La chambre, maintenue sous un vide de l’ordre de 10−6mbar, contient le porte échantillon et différents détecteurs comme le montre la figure 2.11. Figure 2.11 – a) configuration des détecteurs dans le système sous pression variable SUPRA VP avec, 1) détecteur In-lens SE pour SE1 dans le mode vide poussée, 2) détecteur VPSE de SE en mode pression variable,3) détecteur Everhart-Thornley pour l’imagerie SE en mode pression variable, et 4) détecteur de BSE (optionnel) pour l’imagerie dans le vide poussée et la pression variable. b) Chambre de Microscope 55VP SUPRATM vue de l’intérieur. Notre microscope posséde un détecteur d’électrons secondaires de type Everhart-Thornley qui associe un scintillateur et un photomultiplicateur. Son schéma de principe est donné sur la figure 2.12. Figure 2.12 – Schéma de principe du détecteur d’Everhart-Thornley En polarisant la cage de Faraday à +250V, il est possible de collecter l’ensemble des électrons secondaires, même ceux émis par des zones qui ne sont pas en vue directe du détecteur. Le mode pression variable (VP) Une des particularités de notre système est la possibilité de maintenir la chambre sous pression variable grâce à quatre régions de régulation de pression (Fig. 2.13). Figure 2.13 – Schéma du système SUPRATM 55 VP montrant la répartition de pression dans le MEB. Figure 2.14 – Schéma du processus d’interaction dans le système SUPRATM sous pression variable. En mode VP, la collision des électrons secondaires avec des molécules de gaz produit des ions positifs à proximité de la surface de l’échantillon qui vont neutraliser les électrons en excès sur la surface de l’échantillon (Fig. 2.14). Ce mode permet donc de caractériser des échantillons semiconducteurs à très grand gap (très peu conducteurs) c’est à dire des matériaux où les charges sont difficilement évacuées.
Etude morphologique (SE2)
Le MEB permet d’obtenir une image haute résolution de la morphologie de surface d’un échantillon grâce aux SE2 issus du bombardement du matériau par les électrons primaires d’un faisceau électronique et dont la profondeur d’échappement est d’environ 5nm. Ces SE2 sont détectés via le détecteur Everhart-Thorney et convertis en un signal électrique. Ce processus est réalisé en plusieurs point de l’échantillon par un balayage sur une zone de mesure en (x,y) donnée par l’utilisateur. L’analyse de la quantité de SE2 en chaque point permet de reconstruire une image de la morphologie de surface dont un exemple est donné sur la figure 2.15a. L’interprétation du contraste de couleur noir/blanc est présenté sur la figure 2.15b. Figure 2.15 – a) Image MEB d’une couche GaN épitaxiée sélectivement sur substrat SiC et b) Processus de balayage et origine du contraste noir/blanc de l’image SE2 précédente. L’intensité du signal de SE2 varie fortement avec l’angle d’incidence du faisceau : elle est maximale en incidence rasante et minimale en incidence normale (Fig. 2.15b). Ainsi, les hexagones de couleur claire observés sur la figure 2.15a correspondent à des zones dont la topographie est plus importante que la matrice (couleur sombre). Par ailleurs, pour obtenir une image de haute qualité de la morphologie de surface il est nécessaire de prendre en compte les paramètres suivants : @ la distance de travail (WD pour working distance) : La distance de travail correspond à la distance entre la lentille finale et la surface de l’échantillon (Fig. 2.16). De plus, l’échantillon peut être placé près de cette lentille pour améliorer la résolution latérale ou au contraire plus loin pour augmenter la profondeur de champ (cas des échantillons à fort relief). Cependant, en augmentant la distance de travail, on augmente les abérrations sphériques. Pour l’imagerie des nitrures III-N nous travaillons typiquement avec une distance de travail de l’ordre de 2, 5 − 6mm. Cette valeur relativement faible, nous permet d’utiliser des tensions d’accélération du faisceau électronique peu élevées afin d’éviter l’accumulation des charges à la surface de nos matériaux grand gap.
Introduction |