Etude epidemiologique de la brucellose dans les elevages laitiers urbains
Les acteurs directs de la filière laitière
Les producteurs
Typologie VIAS et al (2003) ont caractérisé l’élevage laitier à Niamey, et ont décrit l’existence d’une ceinture laitière autour de la ville de Niamey où se concentrent 68% des élevages dont 1560 unités familiales de producteurs laitiers (VSF, 2000). Parmi ces producteurs, se trouvent en plus des éleveurs et agriculteurs, des fonctionnaires et des commerçants. A Niamey, 53.612 ménages pratiquent l’élevage pur contre 11.351 agroéleveurs. (Tableau III), Les éleveurs peuls représentent 84% des producteurs contre des agro éleveurs dont 11% de Zarma, Haoussa, Touaregs. Plus de 48% ne sont d’aucun niveau d’instruction. Ces éleveurs laitiers se sont installés à la périphérie de la CUN (NAFERI, 2000) dans le but d’être à proximité des centres des consommateurs. Ils travaillent avec le réseau de collecteurs qui acheminent le lait dans les points de vente ou de transformation. A Côté de ces producteurs s’ajoutent les stations d’élevages laitiers et les centres de multiplication du bétail. Tableau III: Effectif des chefs de ménages éleveurs à Niamey selon le sexe et les activités Niamey Elevage pur Agriculture- élevage Sexe Masculin Féminin Total Masculin Féminin Total Effectif 47.740 5.872 53.612 10.639 711 11350 Source : Recensement Général de L’agriculture et du Cheptel RGAC-2004/2007 I
Les pratiques de production et facteurs de risque associés
La traite se déroule dans les étables où la litière pourrait être souillée par divers agents pathogènes notamment Brucella abortus. De façon habituelle, elle se fait dans des récipients de traite qui sont rincés à l’eau simple avant et après la traite, le même récipient fait l’objet d’utilisations multiples. D’après SIOUSSIRAN (2003), les éleveurs utilisent le savon seulement pour ses propriétés dégraissantes. Ces pratiques 25 conduisent à la contamination du lait après la traite d’une part et à la contamination des familles d’éleveurs. D’autre part, les producteurs n’intègrent pas dans leurs habitudes le lavage des mains avant la traite de chaque animal et ne prennent pas le soin d’éviter l’introduction de résidus (fècès, poils) qui pourraient véhiculer des pathologies. Par ailleurs, les éleveurs n’attachent pas la queue de l’animal pour éviter les projections de poussières et d’éclaboussures. L’hygiène des locaux reste un problème majeur dans l’infection des animaux. Les animaux malades ou porteurs latents ne sont pas mis à l’écart; ils restent dans le troupeau et continuent à être traits, le lait obtenu est mélangé au lait issu des animaux sains. C’est ainsi que bons nombres de laits peuvent être contaminés et présenter un danger pour la consommation. Malheureusement, les éleveurs refusent la pasteurisation du lait qu’ils estiment responsable de l’altération du goût et qu’elle constitue une tâche supplémentaire qui demande du temps (SIOUSSIRAN, 2003). En outre, en plus de la vente du lait, la collecte et vente du fumier aux maraîchers et aux particuliers constitue un facteur de propagation de certains agents pathogènes responsables des zoonoses. I.3.2. Les collecteurs Les collecteurs constituent le second maillon de la filière laitière. La collecte du lait se fait auprès des producteurs.
La collecte du lait
La collecte du lait est une activité pratiquée aussi bien par les producteurs en majorité peuls que par les non producteurs. Le lait collecté fait l’objet d’une vente directe aux consommateurs périurbains et aux unités de transformations modernes et artisanales de la ville de Niamey. La collecte quotidienne du lait se fait autour de Niamey sur des bicyclettes ou des motos. Le lait est transporté dans des bidons en plastiques de capacité variable. Les quantités de lait varient en fonction du profil du collecteur. Ceux qui livrent aux unités de transformation collectent entre 30 l et 65 l alors que les collecteurs spécialisés dans la livraison à domicile entre 4 l et 12 l (ISSA, 2006).
Les contraintes sanitaires liées à la collecte du lait
La collecte se fait au moyen de bidons qui sont utilisés pour plusieurs usages sans mesures d’hygiène (nettoyage quotidien et désinfection) car, les collecteurs se limitent 26 au rinçage à l’eau simple. Les germes de contamination profitent pour se multiplier et contaminer le lait. En outre, la collecte du lait assuré par un réseau de petits collecteurs dans des conditions précaires, contribue à l’accélération de la dégradation de la qualité du lait. Parmi ces conditions précaires sont citées: les longues distances à parcourir, la propreté du collecteur et de son matériel de collecte et l’absence de chaîne de froid pour conserver le lait. Parfois, le lait frais au niveau des collecteurs de Niamey contient des résidus d’antibiotiques, des germes totaux, des entérocoques, des Brucelles et des staphylocoques dorés. (BOUKARY et al. , 2005). Ce lait destiné à la livraison à domicile est consommé par les familles sans aucun traitement thermique au préalable ; pratique qui expose le consommateur
Les transformateurs
Les unités de transformations
L’importance du lait dans les habitudes alimentaires a induit le développement de la transformation laitière à Niamey. Aujourd’hui trois (3) secteurs rivalisent dans le domaine de la transformation laitière (YAOU, 2006) : ¾ Des unités industrielles (Niger Lait, Solani) à forte capacité de production autour de 70.000 l/j ; ¾ Des secteurs semi modernes de transformations (Kany lait, Lait albarka), unités à faible capacité de production autour de 500 à 2000 l/j ; ¾ Des fabriques artisanales détenues par les femmes. Ces unités familiales fabriquent des produits traditionnels plus ou moins améliorés (Pratiques d’hygiène). La commercialisation du lait et des produits laitiers constituent les principales activités de ces industries. Le lait transformé ne suffit pas à couvrir la demande du marché notamment pendant la période sèche chaude. TIEMOGO (2001), précise que le lait frais acheté est consommé sans transformation dans 62% des cas et chauffé dans 37% des cas avant d’être consommé. Les produits fabriqués par les industriels modernes et semi modernes sont : le Yaourt (65%), le lait caillé, le lait frais pasteurisé. La transformation traditionnelle est une opération importante pour la préservation d’un produit de grande valeur, mais hautement périssable c’est ainsi que « le tchoukou », fromage en feuille est fabriqué de longue date et consommé soit en l’état, trempé dans le thé ; soit pilé et incorporé à de la bouillie de mil. Soulignons que la plupart des produits laitiers vendus dans les centres urbains sont fabriqués à partir du lait en poudre importé (AMADOU et TEYSSEYRE, 2003).
Contraintes sanitaires liées à la transformation du lait
Le contrôle de qualité est plus pointu dans les industries de transformations que dans les fabriques locales qui ne disposent pas de moyens pour contrôler et assurer la qualité du lait. Le contrôle dans les industries se fait au quai de réception (contrôle de pH, température, acidité, densité) et au conditionnement (analyses bactériologiques). Le lait apporté par les collecteurs ne répond pas aux attentes des industriels qui rejettent une grande quantité de lait reconnu impropre à la consommation. I.3.4. Les consommateurs I.3.4.1. Caractérisation Le lait représente environ 16% de la valeur totale des denrées alimentaires d’origine animale en Afrique subsaharienne, valeur estimée à plus de 20 millions de dollars américains. Il contribue à environ 25% de l’ensemble de la production animale du pays (YAOU, 2006). La CUN constitue un pôle de demande en lait et produits laitiers de plus en plus importante (HEROU, 2004). Il est démontré que la forte urbanisation a eu sa part dans l’évolution de la consommation du lait à travers l’augmentation des revenus des populations. C’est ainsi que cette forte demande en lait s’est traduite par une dynamique d’installation saisonnière d’éleveurs autour des grandes villes pour la commercialisation du lait. Les circuits de distributions de lait aux consommateurs sont répartis comme suit : ¾ Les circuits directs (distribution du producteur aux consommateurs) ¾ Les circuits intégrés (distribution de l’unité de transformation aux consommateurs). ¾ Les circuits semi intégrés (distribution des collecteurs aux consommateurs) Le nigérien est un grand consommateur de lait. Le lait est consommé au moins une fois par jour par la majeure partie de la population nigérienne. Il en est davantage pour 28 les personnes âgées et les enfants dont les besoins alimentaires en lait et dérivés sont plus grands et constituent ainsi les couches les plus vulnérables (SHALL, 2002). Les consommateurs se distinguent en fonction de leur revenu, de l’appartenance ethnique et des habitudes alimentaires. Les familles à fort revenu (fonctionnaire, commerçants) intègrent plus le lait et produits laitiers dans leur régime alimentaire que les familles à faibles revenus. Pour certains groupes ethniques (peuls, touaregs, Toubou, arabe), la base de l’alimentation est le lait et ses dérivés. C’est ainsi que les peuls, les touaregs, les arabes consomment plus le lait que les Zarma et les Haoussa. A Niamey, 1,8 milliards de litres de lait sont consommés par an sur une production nationale de 263,4 millions de litres en 2001 et 95% des ménages consomment des produits laitiers parmi lesquels 67,1% les consomment quotidiennement (YAOU, 2006). Les fortes demandes en produits laitiers par ordre de préférence sont : le lait en poudre (60%), le yaourt (18%), le lait frais (12%) (VIAS et al., 2005). Les consommateurs ont une nette préférence pour le yaourt manufacturé que pour le yaourt fabriqué artisanalement (VIAS et al., 2006). Cependant, la forte demande, en produits laitiers par les consommateurs ne doit pas occulter l’aspect de la sécurité sanitaire de ces denrées. En effet, le développement du secteur laitier doit nécessiter une véritable prise en compte de la maîtrise des risques sanitaires pour garantir la santé du consommateur et la qualité des produits qui lui sont destinés (SIOUSSARAN, 2003). I.3.4.2. Dangers liés à la consommation du lait et produits laitiers Le lait, malgré son caractère nutritif important est un excellent milieu pour la multiplication des germes. BONFOH et al (2003) précisent qu’il est reconnu que le lait est un bon vecteur pour les maladies d’origine alimentaire et cela pour plusieurs raisons : ¾ Le lait provient d’animaux qui ont le potentiel de porter des maladies transmissibles à l’homme et les propriétés physico chimiques du lait présentent dans certaines conditions (temps, température, composition chimique) un milieu favorable pour la multiplication des germes pathogènes et de contamination 29 ¾ Il existe des zoonoses (brucellose, tuberculose) qui sont transmissibles à l’homme par la consommation du lait, mais on note aussi la possibilité de transmission des pathogènes (E. Coli, Salmonella, Staphylocoques) responsables des toxi-infections à travers cette consommation. Toutefois, dans les sociétés peules le lait revêt un caractère sacré, il ne peut rendre malade celui qui le consomme même s’il est altéré (vache malade, mauvaise conservation) (SIOUSSIRAN, 2003). La qualité physico chimique du lait vendu est relativement bonne, en revanche, le lait vendu est très contaminé sur le plan bactériologique (VIAS et al., 2003). La population consomme le lait cru, source de contamination. Dans tous les cas, il est démontré que la pasteurisation du lait reste le seul moyen de rupture de la transmission des zoonoses à l’homme (BONFOH et al., 2003). D’après TIEMOGO (2001), dans les familles le lait acheté est consommé sans transformation dans 62% des cas et chauffé dans 37% des cas avant d’être consommé. Au Niger, la contamination du lait engendre des pertes économiques considérables lorsque celui ci devient impropre à la consommation. La quantité de lait refusée par certaines laiteries est évaluée entre 17 et 30% du lait présenté au quai (SIOUSSARAN, 2003). Par ailleurs, seulement 1% et 12% des éleveurs périurbains ont recours au déparasitage des animaux une ou deux fois par an. (ISSA, 2005), contre 28% d’éleveurs qui utilisent les moyens traditionnels. Le recours à la thérapie moderne se fait en cas de complication (14%) (SIOUSSARAN, 2003) alors que les contraintes sanitaires sont très importantes dans le cheptel laitier. Les animaux souffrent de pathologies digestives, respiratoires et génitales notamment la brucellose (NAFERI, 2001) qui entraîne dans la phase chronique des hygromas (Photo 11). Au vue de tous ces risques que présente la consommation du lait cru, l’éducation des consommateurs sur les risques encourus, un examen attentif et approfondi des politiques actuelles est nécessaire.
INTRODUCTION |