CADRE GEOGRAPHIQUE
La zone d’étude est le secteur de Bambadji situé dans la région administrative de Tambacounda, département de Kédougou et plus précisément dans l’arrondissement de Saraya. Cette région est desservie par RN7 (Route nationale N°7) reliant Dakar à Kédougou.
Une route goudronnée relie Kédougou à Saraya. A partir de Saraya, l’accès au secteur Est- Saraya est assuré par des pistes de production mises en place et entretenues régulièrement par la SODEFITEX (Société des Fibres et Textiles) et les sociétés de prospection minière.
Le relief est dominé par des plateaux latéritiques tabulaires qui recouvrent de grande superficie, leur bordure en général abrupte et déchiquetée, rendent difficile l’accès par les engins motorisés. Certaines collines renfermant des gisements de fer, contrastent avec le paysage plat. Elles s’échelonnent en bande sur une distance de 45 Km depuis Karakaène au Nord jusqu’au mont Koudé-Kourou au Sud.
Le climat est de type soudano-sahélien caractérisé par deux saisons : une saison sèche allant du mois de Novembre au mois de Juin et une saison des pluies caractérisée par un régime de mousson, occupe le reste de l’année.
Les températures sont basses en Décembre et Janvier oscillant entre 10 et 15°C le matin et entre 25 et 30°C l’après-midi. L’harmattan souffle dès le mois de Mars et provoque un brusque réchauffement de la température qui peut atteindre 40°C le après-midi au mois d’Avril.
Le réseau hydrographique est dominé par la Falémé qui représente dans cette région la frontière naturelle avec le Mali. La Falémé est une rivière semi permanente et reçoit de nombreux affluents dont l’un d’entre eux, la rivière Daléma traverse la partie nord-est de notre secteur d’étude.
La végétation est de type savane arbustive ou boisée pouvant être très dense le long des marigots. Le tapis herbacé constitué essentiellement de graminées, est très dense en début de la saison sèche. Elle disparaît peu à peu dès le mois de Janvier à cause des feux de brousse très fréquents. La faune est constituée essentiellement de phacochères, de singes, d’antilopes, de biches, de kobas et de fauves. Diverses espèces d’oiseaux et de reptiles dont une grande variété de serpents y sont rencontrés.
La population est représentée par des malinkés, des peuls et des dialounkés. Leur activité est dominée par l’agriculture principalement arachide, mil ou coton et l’élevage de vaches. L’orpaillage saisonnier est pratiqué dans certaines localités.
Les formations birimiennes
Kitson (1928) définit pour la première fois les formations birimiennes dans la rivière Birim au Ghana (Gold Coast). Par la suite Junner (1940), Junner et al (1942) et des travaux plus récents (Milési et al, 1986) ont permis de subdiviser les formations birimiennes en trois ensembles :
– le Birimien inférieur (B1) à dominante sédimentaire ;
– le Birimien supérieur (B2) à dominante volcanique ;
– le Tarkwaïen constitué de matériels fluviodeltaïques issus du démantèlement des deux ensembles sous jacents. Il est discordant sur le Birimien (Kesse, 1986) ou fait partie intégrante du Birimien (Cahen et al, 1984).
Ce schéma stratigraphique adopté sur la base d’arguments structuraux et métamorphiques au Ghana et dans les pays limitrophes du Sénégal par Milési et al. (1986) et Ledru et al. (1989), est inversé au Sénégal. Les relations lithologiques entre les unités volcaniques et sédimentaires font l’objet de controverse à l’effort de vouloir uniformiser un modèle lithologique pour tout le Birimien du craton Ouest Africain. La compilation des résultats cartographiques obtenus dans les différentes provinces birimiennes a permis de retenir trois hypothèses lithologiques (Milési et al, 1989) :
– l’unité volcanique s’est déposée sur les métasédiments dans le Birmien du Ghana (Junner, 1940 ; Bates, 1955), dans le sillon de Fétékro en Côte d’Ivoire (Lemoine et al, 1985 ; Fabre et al, 1989) et dans la boutonnière de Kédougou-Kéniéba (Milési et al, 1986) ;
– l’unité volcanique forme la base du Birimien sur laquelle se sont déposés les métasédiments (Bassot, 1966 ; Tagini, 1971 ; Ngom, 1985 ; Dioh, 1986 ; Dia, 1988 ; Bertrand et al, 1989 ; Diallo, 1994 ; Ndiaye, 1994) ;
– Les unités volcaniques et sédimentaires sont considérées comme des équivalents latéraux de faciès dans le birimien du Ghana (Leube et al, 1990).
Présentation de la boutonnière Kédougou-Kéniéba
La boutonnière Kédougou-Kéniéba constitue la partie la plus occidentale des provinces birimiennes du craton Ouest Africain (Fig.2). Elle couvre une superficie de 15000 Km2 qui se répartit entre le sud-est du Sénégal et l’Ouest du Mali. Les formations géologiques qui la constituent sont recouvertes en discordance par les séries néoprotérozoïques de Ségou-Madina Kouta au Sud, par les formations paléozoïques du bassin de Taoudéni au Mali.
Le supergroupe de Mako
Il est à dominante volcanique et comprend :
– un volcanisme basique représenté par des coulées de basaltes en coussin ou en structure massive d’extension régionale associée à des gabbros, des diorites et des dolérites.
Ces roches volcaniques sont interstratifiées à des pyroclastiques (brèches, volcaniques, tufs, cinérites), des roches sédimentaires détritiques (grauwackes, pélites graphitiques) ou chimiques (calcaire, jaspes, gondites). Ce volcanisme basique est associé des ultrabasites différenciées ;
– un volcanisme acide à intermédiaire d’aspect explosif représenté par les andésites, des rhyolites et des pyroclastiques (agglomérats, brèches, tufs, cinérites) ;
– un épisode sédimentaire détritique représenté par une alternance de grauwackes contenant des passages conglomératiques de nature polygénique, de schistes grauwakeux et des argilites.
Le supergroupe de Dialé
Il est formé de roches sédimentaires qui affleurent entre le supergroupe de Mako et la bordure occidentale du granite de Saraya. Il débute par un groupe de base formé de marbres ou cipolins associés à des schistes pélitiques à niveau graphiteux. Il est surmonté par des sédiments détritiques (grés, grauwacke et pélites) déposés dans un milieu épicontinental. Ce groupe supérieur contient à proximité du supergroupe de Mako, des niveaux conglomératiques dont les galets proviennent en partie des cipolins du groupe inférieur ou des roches magmatiques issues supergroupe de Mako.
Le supergroupe de la Daléma
Il présente les mêmes caractères sédimentaires que le supergroupe précédent mais avec en plus un important complexe volcanoplutonique. Le secteur de Bambadji qui fait l’objet de notre étude représente une portion de la région médiane de ce supergroupe.
Les intrusions granitiques
Les formations géologiques des différents supergroupes ont été recoupées par divers massifs granitiques. On distingue :
– les massifs syntectoniques caractérisés par leurs grandes superficies d’affleurement, leur composition hétérogène et leurs structures planaires concordantes à la schistosité régionale. Ils sont représentés par le batholite de Badon-Kakadian et le batholite de Saraya mis en place respectivement dans les supergroupes de Mako et de Dialé-Daléma.
– les massifs tardi à post-tectoniques, il s’agit de massifs de forme elliptique à composition hétérogène représentés par les massifs de Boboti, de Dar-Salam et de Gamaye qui sont mis en place dans le supergroupe de la Daléma ou de plutons de dimensions réduites à composition homogène qui recoupent à l’emporte-pièce les directions des formations encaissantes. Ces derniers sont plus représentés dans le supergroupe de Mako par le pluton de Mamakono ou de Soukouta par exemple.
Structures tectoniques
Deux types de déformations majeures ont mises en évidence dans la boutonnière Kédougou-Kéniéba :
– Une déformation souple marquée par des plissements isoclinaux accompagnés par le développement de la schistosité dans les formations géologiques. Le métamorphisme associé de faible degré, est dans le faciès schiste vert et peut atteindre le faciès amphibolites au voisinage des intrusions granitiques.
– Une tectonique transcurrente marquée par des couloirs de cisaillements senestres dont les deux principaux sont : la MTZ ou zone transcurante principale (Ledru et al, 1991) constitue la zone de passage entre le supergroupe de Mako et celui du Dialé et l’ASM ou accident Sénégalo-Malien de direction subméridienne, affecte les formations du supergroupe de la Daléma (Bassot et Dommanget, 1986).
Cadre géologique du supergroupe de la Daléma
Le supergroupe de la Daléma occupe la partie sud-est de la boutonnière Kédougou- Kéniéba. Il est limité à l’Ouest par la bordure orientale du batholite de Saraya et s’étend vers l’Est au delà de la Falémé en territoire malien où il disparaît sous la couverture néoprotérozoïque à cambrien du bassin de Taoudeni. Il est formé de dépôts sédimentaires analogues à ceux du supergroupe de Dialé associé à un important complexe volcanoplutonique (Bassot, 1966 ; Bassot, 1987). Les ensembles sédimentaires comprennent :
i) – un groupe inférieur constitué d’une alternance de quartzites, de pélites et de cipolins épaisse de 2000m. Les cipolins dériveraient de roches calcaires ou calcarodolomitiques du Dialé, ils forment des passées de puissance hectométrique. La présence de figures sédimentaires telles que les figures de type « flazer » dans les cipolins, la stratification oblique ou entrecroisée, les micro-ravinements et microfailles synsédimentaires dans les dépôts détritiques, témoignent d’un milieu de dépôt peu profond soumis à une légère instabilité. La fin du dépôt de ce groupe est marquée par la mise en place du volcanoplutonisme de la Daléma.
ii) – un groupe détritique supérieur qui correspond à un épisode de forte subsidence. Il est formé d’une séquence de grès, de grauwackes et de pélites sur une épaisseur de 8000 à 10000m. Les épiclastes sont en grande partie issues des roches volcaniques et magmatiques.
Ce groupe s’est déposé dans un bassin subsident bordé de reliefs volcaniques et granitiques.
Les travaux du projet Mali-ouest ont permis de mettre en évidence la formation de Kofi (Klöckner, 1989) qui marque la partie malienne de la Daléma (Fig.3). Elle est pour formée de dépôts sédimentaires détritiques limités à l’Ouest par l’ASM (Accident Sénégalo- Malien). Vers l’Est, on a des dépôts de grès à ciment de tourmaline épais de 2000 à 3000m qui constituent l’encaissant du gisement d’or de Loulo au Mali. Plus à l’Est, s’observent des sédiments gréso-lithiques à pélitiques formant des séquences turbiditiques centimétriques à métriques qui disparaissent sous la couverture du bassin de Taoudeni.
Du point de vue structural, cet ensemble sédimentaire est affecté par un plissement très serré avec développement d’une schistosité pénètrative. Il a été considéré sur la base d’arguments lithostructuraux, comme une formation indépendante nommée formation de Kofi. Cependant Bassot et Dommaget (1986), le considère comme partie intégrante du groupe supérieur de la Daléma.
Le massif de Boboti
Il constitue les termes plutoniques du complexe volcanoplutonique de la Daléma. Il est allongé suivant une direction NS sur 80 Km de long avec une largeur variant entre 2 à 5 Km.
Il est formé d’une suite de trois petits massifs (le massif de Balangouma au nord, le massif de Bambadji au centre et le massif de Boboti s.s au sud). Ils sont recoupés par de nombreux filons d’aplite ou de granite à grain fin et renferment de nombreuses enclaves dont les plus fréquentes sont de nature volcanique ou microgrenue. La composition pétrographique de ce massif assez homogène, elle varie entre le pôle quartz-monzonite et le pôle monzodiorite (Bassot et Cahen-Vachette, 1984). Selon Ndiaye et al (1997), il s’agit d’une granodiorite à clinopyroxène. La présence de granite à pyroxène n’est pas exceptionnelle dans la boutonnière, on peut en trouver dans le secteur de Fouldé situé à l’extrême nord du supergroupe de Mako (Dioh ; 1995).
Au point de vue pétrographie, la roche présente une texture grenue composée de quartz, de plagioclase, de microcline, de biotite, de la hornblende verte, de clinopyroxène (souvent à l’état de relique dans la biotite ou la hornblende verte) et des minéraux accessoires (titanite et minéraux opaques).
Le massif de Saraya
C’est un massif allongé NNE-SSW de 100 Km de long sur une largeur pouvant atteindre 40 Km, mis en place dans un anticlinorium situé dans les supergroupes de Dialé et de la Daléma. Il renferme des enclaves sédimentaires qui ont subit un métamorphisme thermique très important. Bassot et Caen-Vachette (1984) distinguent deux faciès pétrographiques :
– un faciès leucogranitique dans la partie apicale et centrale, il est composé de quartz, de microcline, de plagioclase, de muscovite et de biotite.
– un faciès à tendance tonalitique affleurant sur les bordures du massif en particulier dans sa partie sud-est. Ce faciès est moins riche en microcline et contient de la hornblende verte, du sphène et un plagioclase basique.
Selon Ndiaye et al (1997), il s’agit d’un syénogranite à biotite et muscovite comportant un faciès à biotite riche en muscovite qui occupe les parties centrale et septentrionale et un faciès à biotite, pauvre en muscovite localisé dans la partie méridionale du massif. Ces deux faciès renferment du quartz, du plagioclase, du microcline, de la biotite et des minéraux accessoires tels que l’apatite, la tourmaline et le zircon.
La propyllitisation
C’est un phénomène largement répandu qui affecte les roches volcaniques et hypovolcaniques de la Daléma. Il est caractérisé par une recristallisation des minéraux primitifs avec conservation de la structure originelle. Il s’agit d’une saussuritisation intense des plagioclases, de la transformation des minéraux ferromagnésiens en un assemblage de chlorite, d’épidote, d’actinote, de trémolite, d’oxydes de fer et de titanite. La propyllitisation se marque de façon plus spécifique par la cristallisation de carbonate (ankérites, magnésosidérites), la remobilisation du fer (hématite, magnétite) et la présence de filonnets d’actinote, de trémolite, d’épidote et de sulfures.
Le métamorphisme de contact
Les massifs granitiques qui recoupent les formations géologiques du supergroupe de la Daléma, possèdent des caractères intrusifs très marqués : contacts parfois nets avec l’encaissant et développement d’un métamorphisme thermique important qui contraste avec le métamorphisme de bas degré caractéristique des formations encaissantes.
Dans l’encaissant sédimentaire des massifs de Saraya et de Dar-Salam, le métamorphisme de contact est marqué par la recristallisation de la biotite dans les schistes et quelquefois de la présence de minéraux tels que le grenat et l’idocrase dans les roches carbonatées.
Le métamorphisme de contact autour du granite de Boboti est marqué par la formation de cornéennes qui entourent le massif. Dans l’encaissant volcanique, on observe une recristallisation en mosaïque avec développement de plagioclases (albite, oligoclase), de diopside, de scapolite et exceptionnellement de grenat. L’encaissant sédimentaire est transformé en cornéennes à cordiérite ou andalousite dans le cas des schistes, à scapolites, idocrase, diopside et fayalite dans le cas des roches carbonatées.
L’albitisation
Le phénomène d’albitisation est connu dans les différents faciès du complexe volcanoplutonique de la Daléma. Ce phénomène peut s’exprimer sous diverses formes.
Dans les roches volcaniques et hypovolcaniques, l’albitisation est marquée par la transformation plus ou moins importante d’anciens minéraux de plagioclase en albite, par la déstabilisation des pyroxènes magmatiques dont le fer migre vers les bordures alors que le coeur du massif est albitisé. L’albitisation peut être également marquée par la présence de filonnets ou de stockwerks de roches rosâtres ou blanchâtres composées de 70 à 90 % d’albite pur disposée soit en pseudo-structure trachytique soit en plume ou en éventail.
Dans le domaine sédimentaire, l’albitisation se caractérise :
– par le développement de cristaux d’albite associés à de la phlogopite, de la muscovite et quelquefois de la tourmaline ultrafine dans les roches sédimentaires du groupe inférieur,
– par la mise en place de filonnets d’albitite composés de 70 à 90 % d’albite. Les cristaux d’albite se présentent sous forme microcristalline avec développement de cristaux automorphes en damier ou de mégacristaux dans les fentes.
Il faut signaler que l’albitisation a été « drainée » par les failles et les diaclases, c’est ainsi que l’accident sénégalo-malien et ses échelons en Riedel associés, sont jalonnés de filons d’albitite ou de roches albitisées.
Structures tectoniques
Milési et al (1986) et Ledru et al (1989) subdivisent sur la base d’études structurales, les formations de la boutonnière Kédougou-Kéniéba en deux grands ensembles. Le premier ensemble (B1) à dominante volcanosédimentaire est constitué par les supergroupes du Dialé et de la Daléma qui sont affectés par deux phases de déformations (D1 et D2) synchrone d’un métamorphisme de degré schiste vert. Le deuxième ensemble (B2) à dominante volcanique regroupe les volcanites de Mako et de la Daléma. Il n’est affecté que par la deuxième phase de déformation (D2).
La première phase de déformation (D1) se marque dans l’ensemble volcanosédimentaire (B1) par une schistosité S1 orientée NE-SW à N-S parallèlement à la stratigraphie. Très pénétrative dans le domaine oriental (Loulo-Kéniéba), la schistosité apparaît parallèle aux surfaces axiales des plis P1.