Cette thèse est le fruit d’une réflexion personnelle menée parallèlement sur l’enseignement des probabilités et sur la formation des enseignants en Mathématiques. Nous nous sommes intéressées à l’enseignement des probabilités dès leur entrée dans le curriculum du collège (en 2008). Nous avons cherché à travailler l’approche fréquentiste en particulier avec des tâches pouvant inclure la simulation d’expériences aléatoires comme les documents institutionnels pour la classe de troisième le préconisent. Depuis 10 ans, en formation continue, nous avons proposé aux enseignants des tâches concernant les probabilités et permettant d’inclure la simulation d’expériences aléatoires. Pour autant, rien ne nous garantissait que ces tâches soient incluses dans des scénarios de classe par les stagiaires après la formation. Sondés à l’occasion de rencontres, certains stagiaires exprimaient souvent un certain malaise sur l’usage de ces ressources données en formation. C’est une première motivation qui nous a conduit à mener ces travaux de recherche. Notre idée initiale était de repérer et de comprendre l’origine des difficultés exprimées par des enseignants concernant le travail (pour et dans leur classe) quand il s’agissait d’enseigner les probabilités au niveau troisième et seconde. Notre question initiale étant trop vaste, nous l’avons recentrée sur le travail de l’enseignant quand il s’agit d’utiliser la simulation en probabilité dans une classe. Parallèlement à ce constat en formation, nous avons personnellement observé dans nos classes des confusions récurrentes entre les notions de fréquences et des probabilités qui nous laissaient imaginer que certains élèves n’étaient jamais confronté à la simulation d’expériences aléatoires. Cela nous laissait imaginer que la simulation n’était pas très répandue et que des enseignants éprouvaient des difficultés à mettre en place des tâches de probabilités pouvant convoquer la simulation dans leur classe.
Avec l’appui d’un collectif de formateurs, ces constats partagés nous ont amenée à imaginer une manière de mener mon enquête en scrutant le travail de l’enseignant sur la simulation en probabilité à différents moments entourant une formation. De plus, en formation, si certains stagiaires tentaient de mettre en place des tâches de simulation proposées, nous n’avions aucun accès à la manière dont ces enseignants s’en emparaient et les faisaient vivre dans leur classe. Ceci restait une vraie question pour nous, en tant que formatrice pour évaluer notre action de formation. Il nous fallait donc inventer un dispositif nous permettant d’avoir accès au travail de l’enseignant et de repérer l’organisation du travail de l’enseignant en probabilité. Cette quête a motivé notre nouvelle stratégie de formation. De plus, en tant que membre du groupe « Activités » de l’IREM de Rouen, nous avons ressenti des limites à proposer plusieurs tâches dans une même formation, tout comme d’autres formateurs du groupe. Cela nous a engagée à inventer une nouvelle stratégie de formation axée sur une seule tâche. Nous jugeions en effet plus approprié de centrer un travail de stagiaires concernant la simulation en probabilité sur un nombre restreint de tâches, jusqu’à considérer qu’une unique tâche serait sans doute plus pertinent.
Les ETM nous servent dans un deuxième temps pour analyser la dynamique de circulation du travail quand une tâche est mise en oeuvre dans une classe, afin de repérer si l’enseignant privilégie certains aspects (sémiotique, instrumental ou discursif). Pour cette étude du travail de l’enseignant, nous avons considéré les interactions en classe entre l’enseignant et des petits groupes d’élèves soumis à la résolution du problème du « jeu du lièvre et de la tortue » .
Parzysz précise que cette démarche n’est pas simple pour les élèves, et considère en particulier le tableur comme pouvant aider à mettre sur la voie de la modélisation. Notre enquête, sur ce point, investiguera la question des artefacts numériques pour la simulation d’expériences aléatoires, sans restriction au tableur. Elle s’attardera aussi sur d’autres types d’artefacts matériels (dés à jouer, …) et symboliques (arbres, …) qui peuvent intervenir aux abords du travail de simulation. Nous situant en fin de collège, nous mentionnons une difficulté de chronologie des enseignements, au niveau du collège, relatif à la simulation et au modèle, soulignée par ? (2010). À propos de simulation, le point essentiel est que ce qui est simulé est un modèle probabiliste, ce qui pose théoriquement problème au début de l’enseignement, avant la mise en place de cette notion. Cette difficulté peut néanmoins être contournée si l’on recourt à des simulations qui présentent une congruence sémantique avec l’expérience réelle et en explicitant les hypothèses probabilistes sous-jacentes. (Parzysz, 2010, p.137) De l’étude des manuels de seconde, Parzysz dégage les quatre propriétés caractérisant le mot Simuler :
– une substitution de l’expérience par une simulation ;
– une analogie entre expérience et simulation, une sorte de remplacement qui n’indique pas comment être certain de la similitude des résultats ;
– une économie de moyens (avec l’idée de rapidité) ;
– une convocation d’un modèle théorique (c’est faire un choix de modèle).
En accord avec la définition du statisticien Dodge (1993), Parzysz synthétise ce qui précède en précisant la simulation comme suit : Elle consiste à remplacer une expérience aléatoire qu’on se propose d’étudier par une autre expérience, plus facile et/ou plus rapide à mettre en oeuvre, mais qu’il faut pour cela s’assurer que cette simulation reflète statistiquement l’expérience initiale, l’adéquation entre les deux étant en quelque sorte assurée par la qualité du modèle probabiliste déterminant la simulation. (Parzysz, 2009b, p.93) .
Notre quête d’explications concernant des freins potentiels autour de la simulation dans le travail des enseignants est aussi éclairée par un obstacle épistémologique indiqué par? (2011). Ce dernier soulève relativement au jeu de « Croix et pile », (Encyclopédie de d’Alembert) un obstacle autour des modèles probabilistes et de la simulation auquel les élèves pourraient être confrontés. Il propose des pistes de remédiation sans pour autant préciser ce qui est du ressort de l’enseignant. En effet, une procédure de comparaison de tableaux proposée nécessite en amont l’élaboration de simulations mais la répartition des rôles entre le travail de l’enseignant et celui des élèves est absente. Selon Parzysz : « Les registres de représentation sont à même de jouer un rôle fondamental dans les espaces de travail comparable à celui des « figures » en géométrie ». (Parzysz, 2011, p.139) .
Il précise que cela pose les questions suivantes :
– celle de la traduction de la situation (concrète ou pseudo-concrète) dans la théorie ;
– la double question du traitement (transformation au sein d’un registre donné) et de la conversion (passage d’un registre à un autre), (Duval, 1995) (Ibid, p.139).
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