Influence de la température de calcination
L’effet de la température de calcination sur les échantillons de titanate de strontium « dense » et « mésoporeux » entre 600°C et 900°C a été étudié. En effet, ce paramètre joue sur la cristallinité des couches ainsi que sur leur microstructure.
Pour débuter cette étude, les échantillons de titanate de strontium calcinés à différentes températures ont été analysés par diffraction des rayons X. Les diffractogrammes de la figure 3.46 montrent que les échantillons de SrTiO3 sont cristallins dès 600°C. C’est une température de cristallisation relativement basse, indiquant que la cristallisation apparait probablement directement après l’état amorphe, sans formation de phase intermédiaire.
A partir de l’équation de Scherrer à partir du pic de diffraction (110). Celle-ci augmente légèrement avec la température de 20 nm pour une calcination à 600°C, à plus de 25 nm pour une calcination à 900°C. Cette même tendance est observée pour SrTiO3 « mésoporeux ». Cette augmentation de la taille des cristallites devrait permettre une diminution de la largeur de bande interdite, comme cela a déjà été décrit dans la littérature [26].
La mésostructure des échantillons de SrTiO3 « denses » et « mésoporeux » est à présent analysée par microscopie électronique à balayage en fonction de la température de calcination.
Les clichés SEM-FEG de la figure 3.47 montrent des surfaces de titanate de strontium qui ne sont pas complètement denses et qui semblent présenter une porosité naturelle.
Pour SrTiO3, l’épaisseur critique est d’environ 150 nm. Or, avec cinq couches déposées sur le substrat, l’épaisseur totale obtenue après calcination est d’environ 400 nm, ce qui explique la présence des fissures. On peut donc calculer la valeur de λ pour 400 nm, on obtient une distance proche de 2 μm, ce qui correspond approximativement à ce qui est observé sur les clichés SEM-FEG de la figure 3.47.
Les clichés SEM-FEG de la figure 3.48 du titanate de strontium mésoporeux montrent des surfaces hétérogènes et vallonnées par rapport aux échantillons denses. En revanche, la porosité induite par le copolymère à blocs est observable en particulier sur les figures a) et b).
Afin de déterminer la valeur de la largeur de bande interdite, les courbes de Tauc sont tracées pour une transition directe et indirecte (cf. figure 3.50), à partir du spectre d’absorbance. La valeur des largeurs de bande interdite est retrouvée en extrapolant la partie linéaire à (Ahν)n = 0 avec n = 1/2 ou 2 selon si la transition est indirecte ou directe. Ainsi, d’après ces courbes, SrTiO3 en possède deux comme dans le cas de CaTiO3 et de BaTiO3, l’une directe d’environ 3,6 eV et l’autre indirecte d’environ 3,3 eV [9].
Les performances électrochimiques d’échantillons de titanate de strontium calcinés à 700°C et 800°C ont été évaluées en effectuant une chronoampérométrie à 0V vs RHE, en alternant les périodes dans l’obscurité et sous illumination toutes les dix secondes. Les courbes obtenues sont reportées sur la figure 3.51. Quelques points sont à relever. Tout d’abord, les photocourants sont très faibles, de l’ordre du centième du microampère par centimètre carré. Ensuite, les photocourants sont positifs. Cela peut s’expliquer simplement par le fait que SrTiO3 est un semiconducteur de type n. Enfin, la différence de l’allure des courbes peut être due à des états de surface différents en fonction de la température de cristallisation.
Ces résultats peuvent être interprétés par la courbure de bande du matériau en fonction du potentiel. Sur la figure 3.52 sont schématisés les bandes de SrTiO3 à différents potentiels de polarisation. Plus on applique un potentiel cathodique, plus la courbure de bandes du semiconducteur (type n) diminue. Dans le cas présent, on se situe entre le cas b) et c), où la courbure de bandes est faible, il n’y a presque pas de photocourant à l’équilibre.
Les électrons de la bande de conduction vont remplir les états de surface.
Enfin, nous allons vérifier si SrTiO3 est bien un semiconducteur de type n en traçant la courbe de Mott-Schottky, 1/C2 en fonction du potentiel à une fréquence fixe de 1 kHz et avec 𝜀 = 300 [31].
La pente de la partie linéaire de la courbe est positive, ce qui confirme bien que le titanate de strontium est un semiconducteur de type n. De plus, en extrapolant la partie linéaire jusqu’à 1/C2=0, le potentiel de bandes plates est facilement déterminé (à 25 mV près), soit environ -0,6V vs RHE.
La quantité de dopants est ensuite calculée à partir de la pente de la partie linéaire, on obtient environ 1,2.1012 cm-3. Cette valeur est relativement faible par rapport à la valeur trouvée pour CaTiO3.
Influence du dopage
Comme nous venons de le voir, le titanate de strontium est un semiconducteur detype n ; or, pour l’utiliser comme photocathode, il faut abaisser son niveau de Fermi, afin qu’il soit plus proche de la bande de valence. De plus, il possède une largeur de bande interdite supérieure à 3 eV, il absorbe donc seulement les photons situés dans l’UV. Notre objectif sera double : diminuer le band gap afin de pouvoir absorber dans le domaine du visible et abaisser son niveau de Fermi vers la bande de valence.
Pour cela, la stratégie que nous avons adoptée est le dopage du titanate de strontium. Nous allons donc doper tout d’abord par un cation trivalent, Fe3+, afin de le substituer au titane, puis par un anion trivalent, N3-, pour supprimer les lacunes d’oxygène et le substituer à l’oxygène.
Dopage au fer
Nous allons débuter l’étude de l’influence du dopage sur les performances du titanate de strontium par le dopage au fer.
Nous vérifions en premier lieu par diffraction des rayons X que nous avons bien synthétisé la pérovskite. Les diffractogrammes des échantillons de SrTiO3, non dopé et dopé au fer, et calcinés à 600°C ou 800°C sont rassemblés sur la figure 3.54. Seuls les pics de diffraction du titanate de strontium sont présents sur les diffractogrammes (excepté ceux du substrat de silicium), ainsi aucune autre phase secondaire n’est formée lors de cette synthèse.
Un agrandissement sur le pic principal de diffraction de SrTiO3 permet d’observer un léger décalage vers la gauche du pic de 2𝜃 ≅ 0,05° − 0,1°. Ce décalage est caractéristique d’un élargissement de la maille, qui peut s’expliquer par la substitution de l’atome de titane par l’atome de fer. En effet, le rayon ionique de Fe3+ est supérieur à celui de Ti4+ , tout en respectant le facteur de tolérance de Goldschmidt.
D’après la publication de Akhtar et al., lors du dopage du de SrTiO3 par le fer, le fer se substitue au titane. Pour compenser la différence de charge induite par cette substitution, il existe plusieurs voies possibles : la compensation par des trous, des lacunes d’oxygène ou bien l’autocompensation, i.e. la substitution du strontium par le fer simultanément.
L’autocompensation est énergétiquement légèrement plus favorable (2,33 eV) que la compensation par une lacune d’oxygène (2,52 eV) [32]. Cependant, les rayons ioniques de Sr2+ (1,18 Å) et celui de Fe3+ (0,79 Å) étant sensiblement différents, on aurait probablement remarqué une différence notable sur le spectre DRX si ces substitution avaient eu lieu. En effet, cette double subsitution aurait surtout induit un rétrécissement de la maille et donc un déplacement des pics de diffraction de la pérovskite vers les grands angles, comme cela a été observé pour CaTiO3 et BaTiO3. Nous faisons donc l’hypothèse que la substitution du titane par le fer a bien eu lieu puisqu’un décalage des pics de diffraction a été observé et qu’elle est compensée par des lacunes en oxygène. L’équation décrivant la substitution et la compensation qui ont lieu semble donc être :
L’analyse dispersive en énergie permet de déterminer la quantité de chaque élément chimique présent dans nos couches. Ainsi, sur la figure 3.57 les différents éléments chimiques Sr, Ti et Fe sont présents et répartis sur la surface de façon homogène. On obtient parfois encore la présence de chlore sur la surface, résidus des précurseurs de titane et de strontium. Enfin, le rapport Sr/Ti est proche de 1 et le taux expérimental de dopage atomique en fer : Fe/(Fe+Ti) est environ égal à 3% à +/- 0,2%.
Les couches de titanate de strontium dopé au fer sont déposées sur des substrats de quartz, recouverts de FTO sur l’une des faces afin d’effectuer les mesures en absorbance.
Les résultats sont rassemblés dans la figure 3.58 et le tableau 3.9. Nous constatons que SrTiO3 est un semiconducteur qui possède deux band gaps, l’un direct et un indirect, qui correspondent aux valeurs rencontrées dans la littérature [35][26]. De plus, la largeur debande interdite diminue quand on augmente le taux de dopage. En effet, sans dopage, la transition électronique a lieu entre les orbitales 2p de l’oxygène et les orbitales 3d du titane, tandis qu’avec le dopage au fer, la présence de lacunes en oxygène ionisées crée un niveau au-dessus de la bande de valence, ce qui réduit la largeur de la bande interdite.
Les propriétés électrochimiques du titanate de strontium dopé au fer sont étudiées.
Pour cela, les caractéristiques courant-tension des différents échantillons sont tracées dans un premier temps, en alternant les périodes sous illumination et dans l’obscurité, afin d’évaluer rapidement la valeur du photocourant en fonction du potentiel appliqué. Au cours de cette thèse, nous avons testé plusieurs taux de dopage en fer. Sur la figure 3.59, sont présentés letitanate de strontium non-dopé et dopé à 3% et 5% atomique en fer. D’après le tableau 3.10, on remarque que le meilleur photocourant est obtenu pour l’échantillon dopé à 3% en fer et pas pour celui dopé à 5% en fer. Pourtant, plus le taux de dopage est important, plus la conductivité est améliorée. Toutefois, la longueur de la zone de charge d’espace est inversement proportionnelle à la quantité de dopant, donc elle diminue avec le taux de dopage. Or, il existe un champ électrique au sein de cette zone qui permet de bien séparer les électrons et les trous, limitant ainsi les recombinaisons. Il existe donc un taux de dopage optimum. Néanmoins, les valeurs de photocourant sont tout-de-même très faibles, une explication possible est que la largeur de bande interdite est encore très grande (>3 eV) malgré le dopage. Ainsi, les électrodes absorbent très peu de photons dans le domaine du visible, or la lampe utilisée lors des mesures électrochimiques est munie d’un filtre UV, ce qui pourrait expliquer ce résultat.
Dopage à l’azote
Le titanate de strontium a ensuite été dopé par de l’azote dont les orbitales p sont plus hautes en énergie que celles de l’oxygène qui composent majoritairement la bande de valence. Le but recherchéest de diminuer la largeur de la bande interdite afin de pouvoir absorber dans le domaine du visible de plus haute énergie que la bande de valence, qui induit la formation d’unpetit gap entre les états O 2p et les états N 2p. En augmentant la quantité d’impuretés, il y a une hybridation des orbitales N 2p et O 2p qui diminue la largeur de bande interdite, permettant ainsi d’absorber la lumière visible [36].
L’azote en s’insérant dans la structure pérovskite devrait se positionner sur les sites de l’oxygène soit au niveau des lacunes d’oxygène, soit en se substituant à l’oxygène, selon l’écriture de Kröger-Vink.
Il peut également s’insérer dans les sites interstitiels [37] mais sachant que la nitruration a été effectuée en milieu pauvre en oxygène, la substitution est plus probable pour stabiliser le système. Contrairement au cas où l’atmosphère est riche en oxygène, dans ce cas c’est l’occupation sur les sites interstitiels qui est préférable. Ce type de dopage peut également être réalisé avec d’autres anions comme le soufre par exemple [38].
La structure cristalline est analysée par diffraction des rayons X. Les diffractogrammes de SrTiO3 avant et après dopage à l’azote sont rassemblés sur la figure 3.62. Ils montrent bien qu’on retrouve les pics de diffraction caractéristiques du titanate de strontium dans les deux cas.
En zoomant sur le pic (110), pic principal de diffraction de SrTiO3, la position du pic n’est pas décalée après dopage. Toutefois, la largeur du pic (110) diminue après dopage à l’azote. Cela signifie que la taille des cristallites augmente. En effet, la largeur à mi-hauteur des pics est inversement proportionnelle à la taille des cristallites. Grâce à l’équation de Scherrer, la taille moyenne des cristallites est calculée. Elle est d’environ 20 nm avant dopage et augmente légèrement à environ 28 nm après dopage à l’azote.