Etude du rôle de NF-B dans les lymphocytes T
régulateurs chez la souris
La tolérance immunitaire
La tolérance immunitaire est un processus physiologique qui permet de prévenir et inhiber toute réaction du système immunitaire envers les tissus sains de l’organisme. Il se déroule de façon continue en plusieurs endroits du corps et implique des cellules et mécanismes variés. Le tissu spécialisé de ce processus est le thymus où la grande majorité des cellules pouvant réagir contre le soi est éliminée, il s’agit de la tolérance centrale. Celle-ci n’étant pas absolue, certaines de ces cellules auto-réactives parviennent à gagner les tissus lymphoïdes périphériques où elles peuvent être activées. Afin d’empêcher une réaction anormale de ces dernières contre l’organisme, d’autres mécanismes existent pour les réguler dans les différents tissus du corps, c’est la tolérance périphérique.
Tolérance centrale
Les précurseurs des lymphocytes T, dépourvus de récepteur à l’antigène (TCR pour T Cell Receptor) et des molécules co-réceptrices CD8 et CD4, sont produits dans la moelle osseuse. Ils vont ensuite migrer dans le thymus où ils vont se différencier en lymphocytes T CD8+ ou CD4+ conventionnels ou en lymphocytes T régulateurs. C’est dans ce tissu qu’ils vont acquérir leur TCR, constitué pour la presque totalité des lymphocytes T d’une chaîne et d’une chaîne , qui permet l’initiation de leur activation suite à la reconnaissance spécifique d’un antigène présenté, sous forme de peptide, par une molécule du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). La génération du TCR, qui s’accompagne de l’expression des co-récepteurs CD8 et CD4, se fait par une recombinaison aléatoire de différents segments géniques grâce notamment aux protéines Recombination-Activating Genes (RAG) et conduit à la création d’un répertoire de TCR vaste et non pleinement opérationnel. Une sélection des lymphocytes T ainsi produits va donc être nécessaire avant que ces derniers ne gagnent les organes lymphoïdes périphériques, comme la rate et les ganglions lymphatiques (Figure 1).
La sélection positive
La première étape de cette sélection va consister à conserver uniquement les lymphocytes T capables de reconnaître un complexe peptide du soi-CMH présenté par les cellules épithéliales thymiques (CET) du cortex (cCET), c’est la sélection positive. Celle-ci est dépendante de l’affinité du TCR pour les complexes peptide du soi-CMH puisque seuls les lymphocytes T ayant un TCR présentant une affinité suffisante vont recevoir des signaux de survie (Kyewski and Klein, 2006; Klein et al., 2009; Figure 2). Ceci va conduire à l’élimination d’environ 90% des lymphocytes T tandis que les 10% restant vont maturer vers un stade n’exprimant plus que le co-récepteur CD8 ou CD4.
La sélection négative
Suite à cet important écrémage, les lymphocytes T CD8+ et CD4+ vont migrer du cortex vers la medulla où ils vont résider pendant 4 à 5 jours. Durant cette période va avoir lieu l’élimination des lymphocytes T ayant une affinité trop forte de leur TCR envers les complexes peptide du soi-CMH (Kappler et al., 1987; Ober et al., 2000) (Figure 2), présentés par les CET de la medulla (mCET) ainsi que par les cellules dendritiques (DC pour Dendritic Cells) qui y sont présentes, c’est la sélection négative. Ceci est un point clé de la tolérance centrale puisque ces lymphocytes T, dits auto-réactifs, sont capables de créer une réponse immunitaire contre le soi en périphérie (Kurobe et al., 2006) susceptibles d’engendrer ainsi une pathologie auto-immune. Afin de diminuer ce risque, les mCET ont la capacité de présenter un large panel de peptides du soi grâce au facteur de transcription AutoImmune REgulator (AIRE) (Anderson et al., 2002). Quant aux DC, résidentes ou en provenance de la périphérie, elles vont présenter des antigènes du soi qu’elles auront capté au sein du thymus suite à l’apoptose des mCET (Gallegos and Bevan, 2004), dans les tissus périphériques (Hadeiba et al., 2012) ou encore dans le sang (Atibalentja et al., 2011). C’est également lors de cette étape que certains lymphocytes T se différencient en Tregs. En effet, un intervalle d’affinité situé entre les niveaux conduisant à la sélection positive et à la sélection négative serait à l’origine du développement des Tregs (Jordan et al., 2001) (Apostolou et al., 2002), point qui sera plus détaillé par la suite. 7 Figure 1 : Etapes thymiques de formation des lymphocytes T (Adapté de Klein et al., 2009). Les précurseurs des lymphocytes T, dits doubles négatifs (DN) de par l’absence des co-récepteurs CD8 et CD4, entrent dans le thymus au niveau du cortex. Leur TCR est alors généré et les molécules CD8 et CD4 exprimées, conduisant à la formation d’une population dite double positive (DP). Les lymphocytes T capables de reconnaître de façon modérée un complexe peptide du soi-CMH présenté par les cCET reçoivent des signaux de survie, c’est la sélection positive, et maturent vers un stade dit simple positif (SP) où ils n’expriment plus que le co-récepteur CD8 ou CD4. Ils migrent ensuite vers la medulla où ceux ayant une affinité trop forte envers les complexes peptide du soi-CMH présentés par les mCET et les DC qui y sont présentes vont être éliminés, c’est la sélection négative. Les lymphocytes T restant sortent alors du thymus pour rejoindre les organes lymphoïdes périphériques. 8 Figure 2 : Sélection thymique des lymphocytes T en fonction du niveau d’affinité de leur TCR (Adapté de Klein et al., 2014). Les lymphocytes T incapables de reconnaître un complexe peptide du soi-CMH (pep-CMH) (à gauche) ou ayant une affinité trop forte pour ce dernier (à droite) sont éliminés par apoptose. Ceux ayant une affinité modérée reçoivent des signaux de survie et formeront la population de lymphocytes T conventionnels (Tconv), tandis que ceux ayant une affinité légèrement plus forte se différencieraient en lymphocytes T régulateurs (Tregs). 2. Tolérance périphérique Bien que les processus de sélection positive et négative conduisent à l’élimination d’environ 95% des lymphocytes T générés, certains lymphocytes T auto-réactifs parviennent tout de même à gagner la périphérie. Ceci peut conduire à l’altération importante des tissus sains de façon directe par l’induction d’une pathologie auto-immune. D’autre part, si une réponse immune à une infection ou un allergène n’est pas correctement contrôlée cela peut conduire à l’altération des tissus environnants. Par ailleurs, il est important lors de la grossesse de rendre le système immunitaire tolérant à l’embryon. Afin donc d’éviter toute réaction non désirée contre l’organisme de la part de lymphocytes T activés, différents mécanismes existent pour les inhiber et/ou les éliminer (Figure 4).
Ignorance
Un de ces mécanismes est « l’ignorance » de l’auto-antigène.Cela signifie que soit ce dernier n’est pas accessible aux lymphocytes T auto-réactifs, comme c’est le cas pour le cerveau et les yeux qui sont protégés par les barrières hémato-encéphalique et hématooculaires respectivement et sont ainsi définis comme des sites « immuno-privilégiés » (Shechter et al., 2013) ; soit que l’auto-antigène est présent en trop faible quantité pour pouvoir déclencher une réponse immune (Kurts et al., 1999).
Anergie
Si le lymphocyte T auto-réactif rencontre son antigène cible, 1ère étape de son activation, mais qu’il ne reçoit pas de signaux de co-stimulation, 2nde étape indispensable à son activation, il se retrouve alors dans un état inactif défini comme anergique (Jenkins and Schwartz, 1987; Schwartz, 1990). La molécule Cytotoxic T-Lymphocyte-associated Antigen 4 (CTLA-4) présente à la surface des lymphocytes T activés peut également conduire à cette anergie en rentrant en compétition avec le CD28 pour les molécules de co-stimulation CD80 et CD86 présentes à la surface des Cellules Présentatrices d’Antigène (CPA) (Krummel and Allison, 1995; Walunas et al., 1996). Il a également été montré que l’activation du récepteur Programmed cell Death 1 (PD-1) conduit à l’inhibition de la prolifération des lymphocytes T activés et de leur sécrétion de cytokines (Freeman et al., 2000). Ces cellules anergiques sont caractérisées par l’expression de deux marqueurs phénotypiques, CD73 et FR4 (Martinez et al., 2012).
Déviation phénotypique
L’environnement cytokinique dans lequel se trouve un lymphocyte T CD4+ reconnaissant un antigène dicte son devenir. Ainsi, la présence par exemple d’IL-12 conduit à sa différentiation en lymphocyte T CD4+ auxiliaire (Th pour T helper) 1, celle d’IL-4 en Th2, celle du Transforming Growth Factor- (TGF-) et d’IL-6 en Th17 tandis que la présence de TGF- seul aboutit à une conversion en Tregs (Figure 3). Chacune de ces sous-populations de lymphocytes T CD4+ ayant un profil de sécrétion cytokinique différent, leurs rôles et conséquences tissulaires peuvent être très différents (Zhou et al., 2008; Tangye et al., 2013; Kaplan et al., 2015). La déviation phénotypique correspond à une réorientation de la réponse immune vers un soustype différent de lymphocyte T. Par exemple, dans l’intestin, la sécrétion de TGF-β permet d’induire et de maintenir une tolérance envers le microbiote intestinal et les antigènes alimentaires, antigènes pourtant exogènes (Mowat, 2003).
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