ÉTUDE DU POTENTIEL AGRO-ÉCOLOGIQUE DE LA VALLÉE RIZICOLE DE TAMRA
Cadre géologique et évolution du climat durant le quaternaire récent
La plus grande partie du territoire du Sénégal se trouve dans le bassin sédimentaire sénégalomauritanien à l’exception d’une partie du Sénégal oriental. Les données qui suivent, relatives à la géologie, sont tirées principalement des travaux de Spengler et al. (1966), Bellion (1987) et Sarr (1995). Ce bassin revêt l’aspect d’un plateau monoclinal à faibles pendages ouest. Dans la région littorale, il présente plusieurs configurations : Tantôt sous forme d’un glacis d’épandage recouvert par un manteau sableux très discontinu, c’est le cas dans la région du Saloum où la morphologie dunaire est très émoussée ; Tantôt sous forme de bas plateaux découpés en croupes s’élevant faiblement d’Ouest en Est en moyenne Gambie et en Casamance ainsi que sur les plaines littorales de la Guinée Bissau (Diop, 1986). Le bassin sénégalo-mauritanien a pris naissance au début du Jurassique à la suite des distensions triasico-liasiques responsables de l’ouverture de l’Océan Atlantique. Il s’est rempli de sédiments essentiellement marins entre le Jurassique supérieur et l’Eocène supérieur avant le retrait de la mer de la plus grande partie du bassin à la fin de cette période. Des incursions marines plus localisées sont connues à l’Eocène supérieur en Casamance et entre Dakar et le plateau de Thiès. A l’Oligocène,le golfe de Casamance persiste ainsi qu’entre Dakar et le plateau de Thiès. Du Miocène inférieur à moyen le golfe de Casamance s’élargit à la Gambie, au Saloum, au Sénégal oriental et à la vallée du fleuve Sénégal en passant par le Ferlo. Les dépôts littoraux à lagunaires voire fluvio-deltaïques altérés recouvrant la Casamance, le Saloum, le Sénégal oriental, le Ferlo et la vallée du fleuve Sénégal sont constitués de grès argileux et sableux. Ces dépôts anciennement appelés « Continental Terminal » constituent maintenant la Formation du Saloum (Roger et al., 2009). La fin du Miocène et le Pliocène correspondent au retrait général de la mer accompagné d’une intense altération en climat tropical humide avec le développement de profils latéritiques qui formeront des cuirasses ferrugineuses au début du Quaternaire. Au Quaternaire, la sédimentation dans la partie émergée du bassin s’est poursuivie ensuite en régime essentiellement continental, à l’exception de quelques incursions marines limitées à la zone littorale et aux deltas des fleuves Sénégal, Saloum, Gambie et Casamance. Les dépôts sont constitués par des argiles et des sables coquillers dans les régions littorales et estuariennes alors que sur le reste du continent se déposent des sables dunaires. La succession de ces dépôts est liée aux fluctuations eustatiques globales en rapport avec l’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires. Les périodes glaciaires correspondent à une baisse du niveau marin et à des périodes d’aridification climatique (invasion du désert), les périodes interglaciaires correspondant à des incursions marines et à des épisodes climatiques plus humides. Les données relatives au Quaternaire ancien et moyen (Pléistocène inférieur et moyen) sont très rares. Au Pléistocène récent les épisodes régressifs arides des dernières périodes glaciaires (110 000 ans à 15 000 ans B. P.) sont accompagnés en surface par un vaste épandage de sables dunaires. Ces sables forment les grands ergs de « Dunes Rouges » orientés NNE-SSW dont les niveaux plus récents ont été datés au large de Dakar entre 19 000 et 15 000 ans B. P.C’est une 17 période de climat désertique associée à un bas niveau marin situé à la cote -120 m. Les dunes sont bien conservées entre le delta du Sénégal et le Sine-Saloum avec une épaisseur maximale de 50 m. Après la glaciation, la mer commence à remonter vers 15 000 ans B.P. et les réseaux hydrographiques du Sine et du Saloum se mettent en place entre 13 000 et 8 000 ans B.P. (Sall & Diop, 1976). Le Tchadien (11 000 à 7 000 ans B.P.) correspond à une période humide au cours de laquelle se produit la deuxième phase d’entaille des réseaux hydrographiques du Sénégal et de la Gambie (Michel, 1973). Le niveau de la mer remonte progressivement jusqu’à la cote -5 m vers 7 000 ans B.P. Une courte période sèche s’en suit au cours de laquelle les dunes ogoliennes sont localement remaniées et teintées en rouges par des oxydes de fer. Le niveau de la mer atteint la cote -0 m vers 6 000 ans B. P. A cette époque dans le delta du Sine-Saloum s’accumulent des vases sableuses et des sables argileux (20 m) moins riches en matières organiques qui forment le soubassement du delta actuel. Ils comportent des niveaux de tourbes peu épais (1 à 3 m). Au Nouakchottien (6 800 à 4 200 ans B. P.) la mer avance au cours d’une période humide, le niveau atteignant +1 à +2 m au maximum de la transgression vers 5 500 ans B. P. Elle envahit alors les basses vallées du Sine et du Saloum qui formaient un vaste golfe marin se prolongeant en aval de Fatick et de Kaolack (Marius, 1977) dans les vallées, déposant des sables fins et des limons sous forme de terrasses sableuses ou argileuses souvent associées à une faune de mollusques. Il s’agit d’accumulations de coquilles de mollusques dominées par Anadara senilis associées aux espèces Tympanotonus fuscatus, Dosinia isocardia, Pitaria floreidella, Loripes lacteus et Dentallum senegalense. La terrasse de Djirnda dans les îles du Saloum a été datée par les coquillages de 5 528 150 ans B.P. (Sall & Diop, 1976). En fait, les bouches du Saloum étaient occupées vers 5 000 ans B.P. par un golfe marin remontant jusqu’en amont de Kaolack sur le fleuve principal et de Fatick pour la vallée du Sine (Marius, 1977). Entre 4 800 et 4 200 ans B.P.,la mise en place d’un courant de dérive littorale sur les côtes sénégalaises a provoqué la formation de cordons littoraux successifs contribuant à fermer partiellement le golfe marin du Sine-Saloum. Le Tafolien (4 200 à 2 000 ans B. P.) est un épisode régressif et aride interrompu brièvement vers 3 000 ans B. P. par le Dakarien. Le niveau de la mer se stabilise autour du zéro actuel. Les fluctuations du climat et des apports sédimentaires modifient progressivement le littoral et l’estuaire du Saloum. A partir de 4 800 ans B.P. la mise en place de la dérive littorale régularise les côtes sénégalaises. Des cordons littoraux se forment à l’embouchure du Saloum 18 derrière lesquels s’accumulent des vases dans les zones abritées. Ces cordons et vases permettront l’édification des îles du Saloum à partir de 4000 ans B. P. Le Saloum évolue ensuite en estuaire inverse et la mer pénètre dans l’estuaire. Le Saint-Louisien (2 000 à 1 000 ans B.P.) correspond à un climat plus humide. Vers 2 000 ans B. P. la flèche littorale de Sangomar est esquissée sous l’action de la houle et des apports de sable à ilménite. Son allongement vers le Sud dévie le cours du Saloum au Sud. Elle se raccorde ensuite au Nord à la flèche de Djifère pour former la Pointe de Sangomar. A partir de 1 180 ans B.P. des vasières peu épaisses, souvent tourbeuses et renfermant parfois des coquilles d’huîtres et d’arches se mettent en place. Les tannes proviennent de la dégradation de cordons littoraux et d’anciennes vasières. Toutes ces unités morphologiques sont fortement minéralisées en ilménite, zircon, rutile et autres métaux lourds. Leur formation et leur évolution se poursuivent jusqu’à nos jours (Diop, 1986). Signalons le décalage du Nord au Sud de la remontée du niveau de la mer et la différence de comportement de la ligne de rivage en fonction de l’environnement, les conditions de sédimentation étant plus favorables au Sud (Faure et al., 1974). Ce décalage se traduit par les phénomènes de comblement. L’aridification croissante de la partie nord de l’Afrique de l’Ouest tend à figer la morphologie et même à inverser le fonctionnement des systèmes estuariens les plus septentrionaux (dont le Saloum) alors que les conditions de sédimentation se poursuivent de nos jours dans le Sud (Guinée Bissau et surtout Guinée) sous un climat plus humide (Diop, 1986). Des datations sur des amas coquilliers dans différentes îles permettent de situer l’essentiel de leur édification à partir du Nouakchottien, entre 5 000 ans et 2 000 ans B.P. Les premiers témoins de la présence humaine dans les îles sont datés entre 2 576 et 1 287 ans B.P. et semblent rythmer la phase ultime d’alluvionnement (Sall & Diop, 1976). D’après Marius (1985), la présence d’huîtres dans la zone étant étroitement liée à celle des palétuviers, l’installation de la mangrove pourrait se situer vers cette période. Il existe dans les îles du Saloum de nombreuses traces de variations des lignes de rivage. Les analyses granulométriques effectuées par Marius (1979) montrent que les sédiments sont essentiellement sableux (fins, rarement grossiers) et argileux. Au plan minéralogique, on trouve surtout le quartz qui proviendrait des sables de la Formation du Saloum sur la rive gauche. Les principaux minéraux argileux présents sont la kaolinite, la montmorillonite et l’illite. Selon Marius (1985), la smectite (montmorillonite) domine dans la zone de l’embouchure alors que la kaolinite est présente dans les zones internes. De son côté l’illite 19 n’est présente qu’à l’état de traces et le cortège minéralogique est souvent associé à la halite, à la pyrite et à un peu de feldspaths.
Géomorphologie
Les formations géomorphologiques héritées du quaternaire récent résultent d’une genèse liée à la stabilisation du niveau marin à la fin de la transgression nouakchottienne. D’après Diop (1986), les variations eustatiques et les changements climatiques ont eu des répercussions sensibles sur le modelé d’ensemble de la région : tous les systèmes estuariens des « rivières du Sud » portent les traces de l’évolution morphogénétique du Nouakchottien. Les grandes unités géomorphologiques ont été identifiées et localisées par l’analyse de photographies aériennes, d’images satellitaires et d’observations sur le terrain (Diop, 1986 ; Diarra, 1999). Elles ont été observées avec une remarquable constance dans les estuaires des « rivières du Sud ». Cependant, tant du point de vue de leurs caractéristiques que de leur extension spatiale, elles présentent une certaine hétérogénéité morphologique et lithologique. On peut subdiviser la zone en deux grandes parties : une partie estuarienne qui englobe les îles et couvrant une superficie de plus de 80 000 ha ; une partie continentale sur les bordures de l’estuaire identifiée au bas-plateau (Diop, 1978) de la Formation du Saloum. La formation du domaine estuarien est récente (post-nouakchottienne). Il comprend trois grands groupes d’îles : les îles du Gandoul au Nord et les îles Bétanti et Fathala au sud. Il est surtout caractérisé par des cotes d’altitude inférieures à 0,5 m, de nombreux chenaux de marée appelés bolons et une végétation de palétuviers. Le domaine des bordures est plus ancien et correspond à la région du bas de la Formation du Saloum sur la rive gauche du Saloum. Les principales unités géomorphologiques sont les chenaux, les vasières, les tannes et les cordons sableux. Les flèches et bancs sableux, les « pseudo-lunettes », les séries de terrasses de bordures et les kjökkenmöddings peuvent s’ajouter aux quatre types majeurs (Diop, 1986)
Les chenaux
Il faut distinguer les grands axes de circulation qui sont de véritables bras de mer constitués par le Saloum, le Diomboss et le Bandiala et les interdistributaires qui les réunissent (Diarra, 1999). L’organisation du réseau des chenaux est très hiérarchisée avec les artères principales précitées qui ont aménagé et entretenu des débouchés distincts sur l’Atlantique (Diop, 1986). 20 La topographie est variable dans les bras de mer. Tantôt le chenal est unique, tantôt il est double, divisé par des bancs de forme ovale ayant une stratification mixte de niveaux de sable et de vase. La profondeur varie aussi fortement. Le Saloum, large de 1 à 2 km, est sinueux et parsemé de quelques petites îles. Il se dévie vers le Sud dans sa partie terminale et s’ouvre actuellement en deux endroits vers la mer. Sa profondeur varie entre 10 et 15 m et dépasse 15 m à Foundiougne ; Le Diomboss, au centre, est beaucoup plus large (parfois 5 Km) mais est séparé en plusieurs bras par des îles larges de 2 à 3 Km et longues de 7 Km (Poutaké et Gouk). Sa profondeur atteint souvent 10 m, parfois 15 et il existe une fosse de plus de 25 m vers l’île de Poutaké ; le Diomboss, par sa morphologie rectiligne, large et profonde, sépare le delta en deux parties nord et sud ; Le Bandiala, au sud, a une faible largeur excepté vers Missirah. Sa profondeur dépasse rarement 10 m. En l’absence de débit fluvial tout au long de l’année, les biefs de ces grands axes de circulation sont dynamiquement contrôlés par les courants de marée tout comme les nombreux bolons qui se ramifient de part et d’autre des chenaux principaux, se développent en méandres et découpent de nombreuses îles. Ces bolons constituent un trait principal des vasières intertidales (Diarra, 1999). Selon Diop (1986), l’efficacité morphogénétique des courants et les possibilités de pénétration de la marée jouent un rôle décisif dans la variabilité de la profondeur des chenaux principaux. Il est établi que les unités géomorphologiques adjacentes influencent la répartition et les faciès des sédiments des chenaux. Les sédiments sont dans l’ensemble assez hétérogènes (Diarra, 1999). Ce sont des vases molles ou compactes, des vases sableuses, des sables fins ou plus grossiers. Les sédiments vaseux contiennent parfois des débris végétaux. Les sables renferment parfois des débris coquillers ou des coquilles entières, rarement des éléments grossiers de cuirasse. Dans le chenal du Saloum, plus de 75 % du sédiment est représenté par du sable avec, généralement des proportions de sable grossier plus élevées. Le sable fin domine sur les rives. Les argiles et les siltsdépassent exceptionnellement 50 % et sont mieux représentés sur les bordures des bolons. Les teneurs en carbonates de calcium varient entre 0,7 et 16,5 % ; elles sont faibles dans le chenal et augmentent sur les rives où vivent divers mollusques. Les teneurs en matières organiques sont également faibles et plus importantes sur les rives (Diarra, 1999). 21 Dans les chenaux du Diomboss et du Bandiala, les fractions 250-500 et 500-1000 µm sont très largement dominantes. Comme dans le Saloum, les sédiments des rives sont plus fins que ceux des chenaux.
Les vasières
Leur mise en place semble résulter de la sédimentation subactuelle et actuelle. Diarra (1999) considère que leur morphologie peut être décrite en fonction de différents facteurs comme la marée, la nature du sédiment et la végétation. D’après Diop (1978) et Diarra (1999), elles ourlent les chenaux de marée et s’étendent, à partir de la zone subtidale jamais découverte, sur l’ensemble de la zone intertidale comprise entre marée haute et marée basse quotidiennes. Elles correspondent donc sur le plan morphologique à la partie topographiquement basse des slikkes régulièrement recouverte par les eaux marines. Au plan sédimentologique, l’étude de la fraction sableuse des vasières à mangrove met en évidence la prédominance des sables fins et très fins (inférieurs à 125 µm). La fraction des inférieurs à 50 µm est parfois très élevée et semble plus marquée dans la partie orientale des îles. Cette étude indique un bon triage et confirme l’homogénéité des sables (Diop, 1978). Leur origine marine est attestée par la nature des grains de quartz dont les caractéristiques font état d’une bonne usure par l’eau ou d’une reprise aquatique postérieure des sédiments provenant soit du continent ou du milieu marin. Le terme ultime de l’évolution traduit le plus souvent un milieu de faible énergie avec une phase d’immobilisation (Diop, 1986). L’analyse aux rayons X de la fraction des inférieurs à 2 µm d’échantillons de vase a révélé l’existence, dans des proportions variées, de différents types de minéraux argileux : l’illite en faible proportion, la kaolinite (bien ou mal cristallisée) et des minéraux gonflants comme la montmorillonite. La proportion de la kaolinite est toujours largement dominante tant en surface qu’en profondeur et elle est toujours associée à l’illite et aux smectites (Diop, 1986). En fonction de la végétation, les vasières peuvent être séparées en deux parties : les zones à mangrove dont les palétuviers comprennent des espèces dominantes appartenant aux genresAvicennia et Rhizophora et les zones nues dépourvues de végétation (Diarra, 1999). D’après Marius (1985), la végétation présente une zonation caractéristique liée en grande partie à l’adaptation des espèces végétales aux conditions de salinité mais d’une manière générale, la séquence est de type : Rhizophora racemosa (ou mangle) – Rhizophoramangle + Avicennia africana – Avicennia africana. Les Combretaceae (Laguncularia racemosa et Conocarpus erectus) sont beaucoup moins représentées et ne sont soumises souvent qu’aux marées de vives eaux. 22 Les vasières à mangrove sont de basse altitude mais en fonction de la variation du marnage notée entre le Nord et le Sud, l’altitude s’étage entre 0,25 m au-dessus du zéro hydrographique dans la partie septentrionale du delta et 1,25 m dans la partie méridionale. L’altitude culminante est atteinte de part et d’autre du Bandiala, entre l’aval de Missirah et l’amont de l’embouchure (Diarra, 1999). Des vasières « fossiles » ont été identifiées sous certains cordons dunaires du Sud et des vasières reliques, mises à nu au cours de tempêtes sur des plages en érosion à Djiffère et sur la flèche externe de Niodior, ont été observées (Diarra, 1999). La pédogenèse dans les vasières à mangrove est orientée par la durée de la submersion (par les marées) et la nature des alluvions (vases noires putrides). Ces vases correspondent à des sols minéraux bruts sur « vases marines » ou à des sols peu évolués, organiques et « potentiellement acides » (Marius, 1977). Par leur étendue et la spécificité de leur peuplement végétal, les vasières à mangrove constituent l’une des formations les plus caractéristiques de la zone estuarienne du Saloum. Milieu de sédimentation récente, elles n’en demeurent pas moins, par la nature et l’évolution des dépôts, un domaine où les phénomènes géochimiques peuvent se révéler particulièrement accrus (Diop, 1978).
Les tannes
Ce sont de basses terrasses subdivisées en deux : les tannes nus (inondables et à efflorescences) et les tannes herbus ou herbacés. Ils sont assimilés par la plupart des géographes francophones à la haute slikke et au schorre des milieux tempérés (Diaw et al., 1992) et leur zonation en fonction de la topographie est très nette. C’est le tanne inondable qui sépare la vasière à mangrove du tanne nu à efflorescences salines. Il est affecté périodiquement par les marées de mortes eaux (contrairement au tanne vif, inondé partiellement en période de vives eaux). Le tanne herbacé correspond au schorre isolé de toute influence des marées et se raccorde au tanne nu par un petit talus dont la dénivellation est très faible (Diop, 1978). Les tannes sont toujours associés aux vasières à mangrove et constituent tous deux, les formes majeures de l’ensemble des îles du Saloum. En fait, les tannes sont d’anciennes vasières à mangrove qui ne sont plus inondées en permanence comme jadis et qui correspondent aux parties intertidale et supratidale (Sadio, 1991).Sur les bordures de l’estuaire du Saloum, on distingue cette succession d’unités géomorphologiques : les zones devasières 23 (identiques à celles du domaine estuarien) – les terrasses basses inondables – les terrasses moyennes – les terrasses hautes. Au Nord de l’estuaire, les tannes occupent de très vastes superficies et leur altitude est faible, jamais au-delà de 0,5 m par rapport au zéro hydrographique. Vers le Sud, la superficie des tannes diminue et leur altitude augmente à telle enseigne que la mangrove est souvent en contact direct avec les cordons dunaires (Diarra, 1999).
Les cordons sableux
Il s’agit des unités géomorphologiques les plus élevées au plan topographique dans les îles du Saloum. On les trouve soit sous forme de cordons littoraux récents, soit le plus souvent sous forme de générations successives de cordons sableux anciens (Diop, 1978 et 1986). Les cordons sableux sont les seules unités avec les lunettes ou « pseudo-lunettes », certains tannes herbacés et les kjökkenmöddings à rester émergés en permanence. L’étude de l’évolution géomorphologique a mis en évidence la mise en place de ces séries de cordons littoraux jalonnant les différentes étapes du retrait de la mer depuis le Nouakchottien. Leur matériel a été déposé par la dérive littorale NNW – SSE (Diop, 1978 et 1986). Ils sont souvent riches en minéraux lourds (ilménite, zircon, rutile, tourmaline…). Diop (1986) considère que l’origine marine des sables est incontestable (prédominance des coins arrondis et luisants). Ce matériel a été mis en place par les houles, la dérive littorale et d’autres agents hydrodynamiques. La part relativement importante des mats éoliens (20 à 30 %) montre que les sédiments des cordons sont sujets à des remaniements éoliens surtout lorsque le couvert végétal est déficient. Cela se traduit dans le détail par la superposition d’un façonnement éolien du matériel sableux sur façonnement marin non encore oblitéré. Au Nord du Saloum, des cordons sableux ont été identifiés le long des marigots de Ndangane et de Faoye. Ils sont à une faible altitude, très dégradés et tous entourés de tannes très développés (Diarra, 1999). Au Sud du Saloum, leur altitude est plus importante. Ce sont les formations topographiques les plus élevées du delta mais généralement plus basses que la Formation du Saloum qui les entoure. A l’Ouest, on observe la barrière sableuse de Falia en forme de croissant dont la largeur varie entre 1 et 2 Km et la longueur atteint une quinzaine de Km. C’est une barrière fortement anthropisée. Ce remblai sableux semble massif et unique mais les indentations et les dépressions sur sa partie nord et au sud du village de Falia montrent qu’il s’agit d’une 24 succession de cordons accolés dont les extrémités septentrionales sont orientées SW – NE. Il semble représenter un stade intermédiaire entre les cordons démantelés de l’Est et du Nord et ceux mieux conservés au Sud. Au Sud-Ouest, s’étendent les cordons « Dionewar-Niodior » constitués de plusieurs parties. Au Nord la barrière de Dionewar s’étire sur une direction Est-Ouest et montre une forme incurvée terminée à l’Est par d’anciens crochets. À partir de Niodior en descendant vers le Sud, les cordons ont une forme rubanée, légèrement incurvée et d’orientation principale NW – SE. Ils s’étendent parallèlement au rivage mais les extrémités nord, en forme de crochet, bifurquent et prennent une direction SW – NE. Les barrières les plus caractéristiques se situent dans la partie sud entre le Diomboss et le Nord de la Gambie dans les îles Bétanti. Elles sont beaucoup plus imposantes, pouvant atteindre 5 Km de large et plus de 10 Km de long. Ce sont des formations sableuses allongées, accolées, parallèles et régulières, séparées par des dépressions plus ou moins marquées dans lesquelles la mangrove pénètre sur plusieurs kilomètres. Autour de ces barrières, le contact direct avec les vasières est beaucoup plus fréquent et les tannes sont peu développés. De part et d’autre du Bandiala, le littoral actuel offre de nombreux indices d’une évolution morpho-sédimentaire récente. En effet des cordons littoraux toujours plus minces, de direction SE – NW, sont recoupés par des chenaux secondaires qui se jettent en mer. A l’endroit des ruptures provoquées par les bolons, les extrémités situées sur les rives gauches des distributaires s’allongent grâce à la formation de crochets de direction SW – NE, comparables à ceux observés sur les cordons de Niodior. De nouveaux crochets de direction et de morphologie identiques se sont formés entre 1954 et 1989, allongeant ainsi les barrières de plusieurs centaines de mètres (Diarra, 1999).
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