Etude du phénomène de nucléation
La figure 4.18 représente la chute Tc de température en fonction de la surchauffe Td nécessaire au déclenchement de l’ébullition, pour toutes les surfaces présentant un phénomène d’hystérésis et les différents essais effectués. A faible surchauffe (< 25 K), la chute de température est très faible et dans certains cas elle est indécelable, c’est le cas pour les surfaces rugueuses. On constate que la chute de température Tc évolue presque linéairement en fonction de la surchauffe Td bien que le flux correspondant au début et à la fin du déclenchement ne sont pas identiques (figure 4.18). La caméra rapide permet de suivre la croissance de la première bulle lors du déclenchement de l’ébullition. Ce phénomène est illustré sur la figure 4.19. Sur cette figure, l’origine des temps est choisie à l’apparition visuelle de la bulle à la caméra. Pour ce test, la surchauffe de la paroi avant le détachement est égale à 73,5 K et le flux thermique parvenant à la surface dans la zone d’étude est égal à 3,5 W/cm². Très près de la surface, un changement de contraste, précédant l’apparition de la bulle, a été détecté. Ce changement de contraste est bien plus visible sur les vidéos que sur les photographies du fait du mouvement du liquide autour du noyau. L’intervalle de temps séparant le changement de contraste à l’apparition visuelle nette de la bulle de vapeur est inférieur à 1 ms. Ce changement de contraste peut donc être assimilé à un embryon de vapeur en formation.
A l’instant initial, un noyau de vapeur de forme hémisphérique apparait sur la paroi au centre de l’échantillon. Le diamètre de la bulle est de 5 mm à t = 5 ms. Cette bulle s’accroit très rapidement pour former une grosse masse de vapeur de forme hémisphérique. A t = 20 ms, la bulle de vapeur recouvre entièrement la partie centrale de l’échantillon, mais elle ne s’étend pas sur l’ailette (son diamètre maximal est de 25 mm). La croissance est très rapide et la bulle formée est de très gros diamètre car le liquide recouvrant la surface est fortement surchauffé donc très instable et a accumulé une grande quantité de chaleur nécessaire pour la formation d’une grosse bulle. A t = 60 ms, la bulle se détache de la paroi. En s’élevant, elle prend la forme d’une ellipsoïde de révolution allongée (grand diamètre égal à 30 mm) le long de la paroi. Selon les essais de répétabilité, la durée de croissance de cette masse de vapeur varie entre 45 et 65 ms. La croissance de la grosse bulle s’accompagne d’une légère augmentation de pression dans l’enceinte qui ensuite diminue et se stabilise rapidement à la pression initiale. Après le détachement de cette grosse bulle, un régime permanent est rapidement atteint et la surface de l’échantillon ( = 25,4 mm) se couvre entièrement d’une multitude de petites bulles car l’étalement de la grosse bulle sur la surface a activé de nombreux nano-sites de nucléation. Comme la densité de bulle est alors élevée, les échanges thermiques sont efficaces et la surchauffe de la paroi reste faible. Une chute importante de la température de la paroi ( 40 K) accompagne l’apparition de la formation de la grosse bulle car sa croissance nécessite une énergie élevée (chaleur latente).
Les photographies de la figure 4.20 décrivent les phénomènes lors du déclenchement de l’ébullition. L’origine des temps correspond à l’observation de la première bulle. A t = 0 s, une première bulle apparait (partie gauche de la photographie) pour une densité de flux thermique corrigée faible (q = 0,85 W/cm2) et une surchauffe de la paroi peu élevée. Au détachement (t = 85 ms), son diamètre est petit ( 0,8 mm). Sa vitesse de croissance est beaucoup plus lente en comparaison avec la vitesse de croissance de la première bulle sur une surface lisse (les durées de croissance sont presque identiques, mais le volume de la bulle formée est ici environ 30 000 fois plus faible). A t = 5,4 s un second site est activé (partie centrale de la photo). Le détachement de la première bulle, au-dessus de ce second site, s’accompagne d’une légère extension de la zone de nucléation. Dès que la bulle quitte la surface, la surface de nucléation augmente autour de ce deuxième site de nucléation, conduisant à des phénomènes de coalescence et donc à la formation de bulles de vapeur de diamètre plus grand. Ce phénomène peut être dû à une convergence locale du flux de chaleur vers cette zone, du fait que les échanges thermiques sont plus élevés sous la bulle. Dans le cas de la première bulle (site activé à t = 1 ms, sur la partie gauche des photographies), l’activation de bulles dans son voisinage immédiat ne se fait pas, probablement parce la surface qui l’entoure n’est pas assez rugueuse, ou alors parce qu’elle se situe à l’extrémité de la surface c’est-à-dire près de l’ailette. Rapidement, un équilibre est atteint, l’ébullition est alors stable et la surchauffe de la paroi n’évolue plus. Par rapport à la surface nano-lisse, le phénomène de déclenchement de l’ébullition est localisé, bien moins rapide, progressif et apparait sous la forme de petites bulles.