ETUDE DU FLUAGE DE REFRACTAIRES ELECTROFONDUS DU SYSTEME ALUMINE -ZIRCONE – SILICE

ETUDE DU FLUAGE DE REFRACTAIRES ELECTROFONDUS DU SYSTEME ALUMINE ZIRCONE SILICE

La transformation martensitique

La transformation de la zircone a été abondamment étudiée (Wol63, Ban72, Ban73). Dans le domaine des matériaux céramiques, G.M. Wolten a été le premier à considérer comme martensitique le passage de la zircone d’une structure quadratique à monoclinique. Le terme « martensitique » est associé à la transformation non diffusionnelle et athermique de l’austénite en martensite dans les aciers, lors d’un refroidissement rapide. Ce thème a été largement traité dans le cas des métaux et récemment pour les alliages à mémoire de forme (Jam00). Le caractère athermique de cette transformation est associé au fait qu’un simple changement de température suffit pour la déclencher. Cette transition de phase se produit car le changement de forme et de volume, induit par le changement cristallographique, crée de grandes déformations qui, en raison de la nature non diffusive de cette réaction, ne sont pas provoquées par des migrations d’atomes. Par extension, le terme de transformation martensitique fut employé pour de nombreux matériaux (alliages métalliques, ou céramiques) caractérisés par un changement de phase dont les propriétés satisfont la définition : «une transformation martensitique est un changement structural montrant des déformations de maille ». Comme on a pu le voir précédemment pour la zircone et par analogie avec les métaux, la transformation martensitique se caractérise au refroidissement par un début de transformation à une température Ms (martensite starting) et est totale après Mf (martensite finish) tandis que la montée en température est représentée par As (Austenite starting) et Af. On peut discerner deux natures de transformations suivant la position relative des températures caractéristiques : celle à caractère explosif pour des courbes à forte hystérésis (différence de température de transformation entre montée et descente supérieure à 100K, ce qui est le cas de la zircone) et celle à caractère thermoélastique. L’une des caractéristiques de la transformation de la zircone est un changement important de volume, de l’ordre de 4%. Ainsi, les céramiques à base de zircone se caractérisent par une contraction (resp. expansion) volumique significative au chauffage (resp. refroidissement) (Whi56).Bansal et Heuer ont montré que la cinétique de transformation de la zircone est contrôlée par la germination (Ban72, Heu85), notamment celle localisée sur des concentrations de déformation. Malgré le caractère quasiment instantané de ce changement de phase, la germination est assistée par la contrainte, provenant de l’anisotropie de dilatation thermique selon les axes cristallographiques de la zircone monoclinique. Ainsi, le changement de phase d’une seule particule peut créer localement un champ de contraintes suffisant pour déclencher la transformation des particules voisines. De plus, l’application d’une contrainte externe peut induire, d’une part une orientation structurale des cristaux de zircone à l’origine de déformations plus importantes dans le sens de la contrainte et, d’autre part, un phénomène de plasticité de transformation, désigné couramment par l’acronyme anglais TRIP (TRansformation Induced Plasticity). Celui-ci se traduit par une déformation supplémentaire que la seule considération des propriétés dilatométriques de chaque phase ne peut expliquer (Fis90). De nombreuses études ont permis de mieux appréhender ce mécanisme, essentiellement dans le domaine de l’acier et des alliages (Leb89, Fis95, Fis90, Fre01…), mais aussi pour une zircone partiellement stabilisée à la magnésie (Rog90). Deux idées majeures ressortent de ces travaux (Fre01) pour expliquer cette plasticité de transformation : l’orientation des écoulements plastiques induits par la superposition des deux champs de contraintes dus à la variation volumique et à la contrainte appliquée appelé « effet Greenwood et Johnson » (Gre65) et l’orientation cristallographique préférentielle des produits transformés ou « effet Magee » (Mag66). 3.3.3 Effets associés à la transformation de la zircone Depuis de nombreuses années, les travaux se sont principalement focalisés sur la compréhension du changement de phase de la structure quadratique à monoclinique, utilisé pour augmenter la ténacité de céramiques techniques telles que ZTA, Y-TZP et Mg-PSZ (Por79, Heu87, Eva90, Han00, And02, Kel02) et améliorer la résistance à la propagation de fissure (Kel02, Han00, Zha01). Un phénomène de microfissuration lors du passage de la zircone quadratique à monoclinique, révélé par Clarke grâce au suivi de l’émission acoustique au cours du refroidissement (Cla83), peut être induit. Dans le cas des réfractaires électrofondus, la teneur en zircone a été augmentée dans le but de renforcer la résistance à la corrosion des réfractaires. L’augmentation de la teneur en zircone trouve toutefois une limite en raison de l’importance du rôle joué par la phase vitreuse dans l’accommodation des contraintes associées à la transformation de phase : sans phase vitreuse, l’augmentation de volume associé à la transformation ferait perdre toute cohésion au réfractaire, comme dans le cas d’une zircone frittée non stabilisée. On peut également penser que le caractère percolant de la zircone joue également un rôle sur le maintien de la cohésion microstructurale. Mais cela ne veut pas dire que le réfractaire traverse « impunément » les températures de transformation de phase. Par exemple, l’évolution de la contrainte à rupture en fonction de la température (cf. Figure 3-15) révèle un affaiblissement du matériau à partir de 1000°C. Pour le THTZ (94% en poids de zircone) une diminution de Chap. 3 Matériaux de l’étude : AZS et THTZ -72- la résistance à la rupture de l’ordre de 80 % est associée à la transformation de la zircone, ce qui prouve le caractère endommageant du changement de phase. (a) (b) Figure 3-15 : Evolution de la contrainte à rupture en fonction de la température pour l’AZS (a) et le THTZ (b). La mesure du module d’élasticité a été, quant à elle, réalisée par des essais de flexion trois points (Sep04), puis, plus récemment, par la méthode d’échographie ultrasonore à l’ENSCI de Limoges (Gau89, Mas04). Les résultats obtenus sont représentés par les Figures 3-16 et 3-17. Les différentes mesures du module d’élasticité prouvent que le changement de phase de la zircone provoque une chute du module de l’ordre de 10 à 20 MPa pour l’AZS, un effet plus marqué étant observé par la méthode dynamique. La formation de décohésions dans le matériau expliquerait cette diminution (Mas04). Dans le cas du THTZ, l’évolution du module est similaire à celle du matériau AZS. La différence majeure entre les deux matériaux est révélée lors du refroidissement, pendant le changement de structure tétragonale à monoclinique. En effet, dans le cas du THTZ, elle provoque une augmentation du module d’élasticité. Ce phénomène pourrait s’expliquer par l’augmentation de la taille des grains qui tendrait à provoquer densification (i.e. une rigidification) du réfractaire. Cet effet est moins marqué dans le cas de l’AZS, à cause du rôle accommodant joué par la grande quantité de phase vitreuse. De même, on peut relier cette différence par le fait que la zircone se situe, dans le cas de l’AZS, dans l’eutectique engendrant des diverses formes de grains de zircone dans le matériau. (a) (b) Figure 3-16 : Evolution du module d’élasticité statique en fonction de la température pour l’AZS (a) et le THTZ (b). Chap. 3 Matériaux de l’étude : AZS et THTZ -73- (a) (b) Figure 3-17 : Evolution du module d’élasticité dynamique en fonction de la température pour l’AZS (a) et le THTZ (b). Les mesures par échographie ultrasonore révèlent également l’influence des différents paramètres. Par exemple, E. Yeugo-Fogaing met en évidence les effets de la diminution de la viscosité de la phase vitreuse lors de la montée en température, du différentiel de dilatation des phases lors du refroidissement (à l’origine d’une microfissuration provoquant une chute du module). La fermeture progressive de ces microfissures expliquerait l’augmentation atypique du module observée lors de l’augmentation de température à partir de l’ambiante (Lat05).

La phase vitreuse 

Composition et viscosité de la phase vitreuse

Le Tableau 3-6 récapitule le pourcentage massique des différents éléments présents dans la phase vitreuse d’un réfractaire AZS, d’un réfractaire THTZ et d’un verre de synthèse élaboré pour caractériser les propriétés de la phase vitreuse. On peut noter que les compositions chimiques des trois verres sont assez proches ZrO2 SiO2 Al2O3 Na2O TiO2 Fe2O3 Al2O3 / Na2O AZS 1.5 70 22 5.5 0.46 0.33 4 THTZ 1 73 19 5.3 0.5 0.35 3.8 Verre de synthèse – 66 24.4 9.6 – – 2.5 Tableau 3-6 : Composition (en % massique) de la phase vitreuse de l’AZS et du THTZ. La fabrication d’une phase vitreuse de synthèse, par Saint-Gobain Recherche, a permis de mesurer l’évolution de la viscosité en fonction de la température. La composition chimique de cette phase, légèrement différente de celle de la phase intergranulaire, est justifiée par des raisons de faisabilité. En effet, lors de la  fabrication de ce verre de synthèse sous forme massive, afin d’éviter sa cristallisation, notamment de mullite, on est obligé d’employer une proportion plus importante de soude et de supprimer la zircone. La Figure 3-18 compare l’évolution des viscosités du verre de synthèse et d’un verre sodocalcique « classique ». La variation de la viscosité en fonction de la température peut être traduite par une loi du type Vogel-Fulcher-Tammann (Sch74, Zar82) : η = exp(A + B (T − To)) avec A= -4.21, B=11348.05 et To= 398.25°K. On constate que la viscosité du verre de synthèse, de composition proche de celle de la phase intergranulaire des électrofondus étudiés, est nettement plus élevée que celle d’un verre sodocalcique. Figure 3-18 : Evolution de la viscosité de la phase vitreuse en fonction de la température. L’évolution de la viscosité d’un verre est caractérisée par des températures (ou « points fixes ») correspondant à des niveaux standardisés. La température de transition vitreuse Tg, associée au changement d’état d’un liquide surfondu à un solide, constitue un point fixe particulièrement important dans la caractérisation thermomécanique des verres, et en particulier dans l’évaluation de leur réfractarité. On considère généralement que le comportement du verre est élastique en dessous de cette température. Dans le cas du verre de synthèse, la Tg proche de 780°C prouve que ce verre est plus réfractaire qu’un verre sodocalcique classique (Tg = 530°C). Des mesures de dilatation thermique ont permis de confirmer cette valeur de Tg pour le verre de synthèse (Yeu04), dont le coefficient de dilatation thermique de 6 10-6 °C-1 est par ailleurs inférieur à celui du verre sodocalcique. 

Le rôle de la phase vitreuse

On a pu voir l’influence de la baisse de viscosité de la phase vitreuse au chauffage, qui se traduit par une diminution du module d’élasticité et des contraintes à rupture. Le comportement de la zircone peut être considéré comme élastique en dessous de la température de transition vitreuse. La phase vitreuse présentant alors également un comportement élastique on considèrera les matériaux THTZ et AZS comme élastiques pour des Chap. 3 Matériaux de l’étude : AZS et THTZ -75- températures inférieures à 800°C en n’omettant pas la possibilité de ces produits à s’endommager. A plus haute température, la diminution de viscosité de la phase vitreuse affectera très probablement les propriétés mécaniques des réfractaires. L’influence de la phase vitreuse, dans le cas des réfractaires électrofondus, peut se décomposer en un rôle mécanique à basse température et un rôle d’accommodation à plus haute température. La phase vitreuse contribue à la résistance mécanique des réfractaires à basse température, particulièrement pour l’AZS où elle est présente en quantité importante. Elle n’empêche toutefois pas totalement l’endommagement lors du refroidissement (par différence de dilatation entre les phases et ouverture et fermeture des microfissures). La baisse de viscosité avec la température, aux effets plus marqués pour le réfractaire THTZ, permet d’accommoder les variations volumiques et les contraintes engendrées par la transformation de la zircone, et de préserver la cohésion du matériau. 

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : DU VERRE AU REFRACTAIRE
1.1 Le verre au cours des âges
1.1.1 Le verre, un matériau ancien
1.1.2 Le verre, un matériau moderne
1.2 Conception générale d’un four verrier
1.2.1 Les différentes zones d’un four à aérocombution
1.2.2 Les sollicitations dans un four verrier
1.3.2 Les matériaux réfractaire
1.3 Les réfractaires électrofondus
1.3.1 Les familles de réfractaires électrofondus
1.3.2 Avantages des réfractaires électrofondus
1.3.3 Les tests de résistance à la corrosion
1.4 Conclusion
CHAPITRE 2 : LE PROCEDE DE FABRICATION DES
REFRACTAIRES ELECTROFONDUS
2.1 Le procédé de fabrication : L’électrofusion
2.1.1 Les moules
2.1.2 L’étape de fusion et de coulée
2.1.3 Le refroidissement ou période de recuisson
2.2 Les défauts crées par l’électrofusion
2.2.1 Le degré d’oxydation
2.2.2 La sédimentation
2.3.2 Les effets de trempe
2.2.4 La retassure
2.3.5 Les fissures
2.4 Conclusion
CHAPITRE 3 : LES MATERIAUX DE L’ETUDE : L’AZS et Le THT
3.1 Présentation du réfractaire AZS
3.1.1 Composition et Microstructure
3.1.2 Propriétés
3.2 Présentation du réfractaire THTZ
3.2.1 Composition et Microstructure
3.2.2 Propriétés
3.3 La zircone
3.3.1 Généralités
3.3.2 La transformation martensitique
3.3.3 Les effets associées à la transformation
3.4 La phase vitreuse
3.4.1 Composition et viscosité de la phase vitreuse
3.4.2 Le Rôle de la phase vitreuse
3.5 Conclusion
CHAPITRE 4 : LE REFROIDISSEMENT DES REFRACTAIRES ELECTROFONDUS AZS et THT
4.1 Evolution de la température au sein du bloc
4.1.1 Approche expérimentale
4.1.2 Approche numérique
4.2 Phénomènes intervenant lors de la recuisson
4.2.1 Solidification
4.2.2 Refroidissement en conditions viscoplastiques
4.2.3 Refroidissement en conditions totalement élastiques
4.3 Conclusion
CHAPITRE 5 : DISPOSITIFS EXPERIMENTAU
5.1 Essai de flexion à haute température
5.1.1 Généralités
5.1.2 Dispositif expérimental
5.1.3 Analyse des résultats
5.2 Conception d’un dispositif de compression et de traction à haute température
5.2.1 Base du dispositif commune aux essais de traction et de compression
5.2.2 Dispositif de compression à haute température
5.2.3 Dispositif de traction à haute température
5.3 Procédure expérimentale
5.3.1 Essai de fluage anisotherme
5.3.2 Essai de fluage isotherme
5.4 Récapitulatif
CHAPITRE 6 : CARACTERISATION EXPERIMENTALE DU COMPORTEMENT EN FLUAGE
6.1 Généralités sur le fluage des céramiques
6.1.1 Description d’un essai de fluage
6.1.2 Mécanismes de déformations
6.2 Comportement au fluage en traction
6.2.1 Essai de fluage anisotherme
6.2.2 Essai de fluage isotherme
6.2.3 Récapitulatif partiel
6.3 Comportement au fluage en compression
6.3.1 Essai de fluage anisotherme
6.3.2 Essai de fluage isotherme
6.3.3 Récapitulatif partiel
6.4 De la traction et la compression vers la flexion
6.4.1 Dissymétrie de comportement
6.4.2 Comportement en fluage en flexion
6.4.3 Récapitulatif partiel
6.5 Récapitulatif
CHAPITRE 7 : IDENTIFICATION D’UNE LOI DU
COMPORTEMENT EN FLUAGE
7.1 Première approche de la loi
7.1.1 Démarche employée
7.1.2 Choix de la forme de la loi de comportement
7.1.3 Tentative d’identification
7.2 Deuxième approche : Loi simplifiée
7.2.1 Choix de la forme de la loi de comportement
7.2.2 Identification des paramètres à partir des résultats d’essais de fluage en traction : Cas du THTZ
7.2.3 Simulation d’essais de compression
7.2.4 Simulation d’essais de flexion
7.3 Conclusion

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