Étude du comportement au feu des maçonneries de briques en terre-cuite

Étude du comportement au feu des maçonneries de
briques en terre-cuite

Essais de détermination de la résistance au feu des maçonneries

La méthode traditionnelle utilisée pour déterminer la résistance au feu consiste à faire un essai normalisé de tenue au feu soit sur un échantillon représentatif de l’ensemble de construction, soit sur la structure. Des fours ont été conçus pour différents types d’élément dans un bâtiment : planchers et toits, poteaux structuraux, murs et cloisons. Les dimensions de l’échantillon doivent être en grandeur réelle. Cependant, cette demande n’est possible que pour les cas de petites dimensions, i.e. inférieures à 3 m pour chaque côte, à cause de la limite des fours standards. Pour les grands éléments dont la dimension linéique dépasse 3 m, il convient de tester sur un élément réduit dont la dimension linéique n’est pas inférieure à 3 m. Fig. 1.1 – Schéma de l’essai feu : four et élément testé Pour les murs en maçonnerie, sauf demandes particulières, les éléments représentatifs ont des dimensions de 3 × 3 m2 . La maquette est insérée dans un cadre en béton ou métallique, la face exposée du mur étant face du four (Fig. 1.1). Les conditions mécaniques aux limites peuvent limiter la dilatation, la contraction ou la rotation de l’élément. Alternativement, les conditions aux limites peuvent offrir la 1.2 Essais de détermination de la résistance au feu des maçonneries 9 liberté aux déformations qui peuvent se produire. Le choix des conditions aux limites pour chaque bord de l’élément testé, doit se baser sur l’analyse sérieuse des conditions appliquées dans la réalité. En général, pour les éléments de mur de construction, on peut distinguer deux cas : – Dans le cas de mur non porteur, qui a seulement la fonction de séparation entre les pièces de l’appartement, le cadre d’essai est fermé. La maquette se trouve à l’intérieur du cadre, en contact par des couches de mortier sur trois bords : supérieur, inférieur et latéral. Un bord latéral est isolé du cadre par une couche isolante (laine de roche par exemple) (Fig. 1.2). – Dans le cas de mur porteur, une charge verticale est appliquée de façon centrée ou excentrée sur le bord supérieur de la maquette. Les deux bords latéraux sont isolés par rapport au support par des couches isolantes d’épaisseur suffisamment grande pour que ses déformations, au cours de l’exposition au feu, soient libres : épaisseur de l’ordre 40 mm, souvent (Fig. 1.3). Sur la face non exposée et dans les briques, des thermocouples et des capteurs de déplacement sont installés pour mesurer et enregistrer les données afin de quantifier les critères de résistance au feu. Les procédures et les règlements détaillés sont précisés dans les normes [61, 62, 63]. Fig. 1.2 – Schéma d’essai d’un mur non porteur 10 Bibliographie Fig. 1.3 – Schéma d’essai d’un mur porteur

Scénario d’incendie

Pendant l’essai feu, la température dans le four est réglée de telle façon, que celle mesurée par un thermocouple à 10 cm devant la face exposée du mur, satisfasse les scénarios spécifiques. Selon la fonction du mur, ces demandes sont différentes. Des « modèles feu » sont proposés dans la norme [64] et dans d’autres ouvrages [11, 15]. Pour les éléments utilisés dans les bâtiments et dans le cas de l’incendie pleinement développé dans un compartiment, l’évolution de la température peut être simulée par la relation (Eq. 1.1), appelée « courbe normalisée température/temps » [38, 64]. T = 345log10(8t + 1) + 20 (1.1) où : T est la température moyenne du four, en degré Celsius ; t est la durée en minutes. Cette évolution de température est illustrée sur la figure 1.4. 

Essais de détermination de la résistance au feu des maçonneries 

Fig. 1.4 – Température normative à l’intérieur du four d’essai (Eq.1.1). 1.2.3 Critères de performance Comme cité précédemment (Chap. Introduction générale), la résistance au feu est déterminée finalement par trois catégories : (1) transmission de chaleur (I) ; (2) intégrité structurale (R) ; (3) ignition (E). Elles sont quantifiées par le temps, en minutes pleines, depuis le début de l’essai jusqu’au moment où les critères sont atteints ou dépassés. 1.2.3.1 Isolation thermique I Le critère I est supposé être satisfait tant que la température moyenne de la face non exposée n’augmente pas de plus de 140◦K, et que la température maximale en tout point de cette surface n’excède pas 180◦K, par rapport à la température initiale.

Capacité portante R

Le critère R est supposé être satisfait tant que la fonction de portance est maintenue pendant toute la durée requise d’exposition au feu, c’est à dire que l’élément d’essai continue à maintenir sa capacité à soutenir la charge d’essai. Cette tenue à la charge est déterminée par : – l’amplitude de déplacement. – la vitesse de déplacement. Pour les éléments en flexion (plancher, toiture par exemple) : – le déplacement limite : D = L 2 400e (mm) et, – la vitesse limite de déplacement : dD dt = L 2 4000e (mm · min−1 ) 12 Bibliographie où L est la longueur de la portée de l’élément d’essai (en mm) et e est la distance entre la fibre extrême de la zone de compression en calcul à froid et la fibre extrême de la zone extensible en calcul à chaud de la section structurale. Pour les éléments soumis à une charge verticale (mur, poteau par exemple) – la contraction limite : C = H 100 (mm) et, – la vitesse limite de contraction verticale : dC dt = 3H 1000 (mm · min−1 ) où H est la hauteur initiale (en mm). 1.2.3.3 Étanchéité E Le critère E est supposé être violé dès le passage des flammes et des gaz chauds au travers de l’élément. Lorsque le critère d’instabilité structurale est violé, les critères d’isolation et d’étanchéité sont automatiquement considérés comme violés aussi. Evidemment, l’expérience permet d’estimer avec grande fiabilité la tenue au feu des éléments de construction. Cependant, il existe beaucoup de limitations qui ne permettent pas de se satisfaire de cette méthode traditionnelle, comme exposé au chapitre Introduction générale.

Calcul de la résistance au feu des maçonneries

Dans l’annexe de la norme NF EN 1996-1-2 [65], on présente deux méthodes de calculs de résistance au feu des maçonneries. La première méthode se base sur le modèle de calcul simplifié et la deuxième méthode se base sur des modèles complexes. Les méthodes de calcul complexe doivent fournir une analyse réaliste des structures exposées au feu. Elles doivent être fondées sur le comportement physique fondamental conduisant à un calcul approché fiable du comportement prévisible du composant de la structure dans des conditions d’incendie. Ces méthodes incluent les modèles de calcul pour la détermination : – de l’évolution et de la répartition de la température sur les éléments de la structure (modèle de réponse thermique) ; – du comportement mécanique de la structure ou de toute partie de cette dernière (modèle de réponse mécanique). Les méthodes de calcul complexe sont donc maintenant l’objet de plusieurs recherches, y compris cette étude. Dans cette partie, nous présentons brièvement le modèle de calcul simplifié. 

Calcul de la résistance au feu des maçonneries 

La méthode de calcul simplifié de la résistance au feu consiste à déterminer la capacité portante du mur en fonction du temps, à comparer à la charge verticale externe appliquée : Next ≤ NRd,fiθi (1.2) où Next est la valeur de calcul de la charge verticale et NRd,fiθi est la capacité portante. Cette grandeur est fonction du profil de température dans l’épaisseur du mur, estimé expérimentalement ou par calcul théorique (Eq. 1.3). NRd,fiθi = Φ (fdθ1Aθ1 + fdθ2Aθ2 ) (1.3) où : θ1 est la température jusqu’à laquelle la résistance de matériau n’a pas encore changé par rapport avec celle à température ambiante. θ2 est la température au-delà de laquelle le matériau ne présente pas de résistance résiduelle. Pour le matériau terre-cuite, cette valeur est de 600◦C d’après la norme [65]. Aθ1 est l’aire de la maçonnerie à température inférieure à θ1. Aθ2 est l’aire de la maçonnerie de température entre θ1 et θ2 (voir Fig. 1.5). fdθ1 est la résistance de calcul en compression de la maçonnerie dont la température est inférieure ou égale à θ1. fdθ2 est la résistance de calcul en compression de maçonnerie entre θ1 et θ2, considérée égale à cfdθ1 . c est la constante obtenue à partir des essais contraintedéformation à température élevée. Φ est le coefficient de réduction au niveau de la partie centrale en tenant compte de l’excentricité e∆θ. La dernière est due à la variation de la température dans le mur, calculée par : e∆θ = 1 8 h 2 ef αt (θ − 20) tF r ≤ hef 20 (1.4) où hef est la hauteur utile du mur, αt est le coefficient de dilatation thermique de la maçonnerie, 20◦C est la température supposée du côté non exposé, tF r est l’épaisseur de la section transversale dont la température ne dépasse pas θ2. Fig. 1.5 – Section transversale du mur utilisée dans le calcul simple 14 Bibliographie Cette méthode donne la facilité et la rapidité pour l’estimation de la résistance au feu. Cependant, sa validité n’est pas toujours évidente. En effet, ce calcul a simplifié la distribution de température seulement en deux zones isothermes θ1 et θ2, tandis que dans la réalité, la distribution de température dans l’épaisseur du mur est toujours plus complexe. De plus, pour les murs non porteurs dont les charges externes sont les réactions d’appuis, ces dernières sont inconnues. Dans le cas de murs chargés constitués par des briques à perforation verticale, les ruptures locales des parois se produisent souvent par l’effet mécanique. Ces ruptures ne permettent pas de déterminer aisément le profil de température, et aussi, les aires résistantes résiduelles (sections transversales) ne peuvent pas être connues. Dans cette méthode, les influences des conditions aux limites ne sont pas connues, alors que le comportement des murs en dépend fortement [14, 46]. Les calculs de Kelly [41] effectués sur les maçonneries d’épaisseur de 90 à 110 mm montrent la grande importance de la constante c, alors que la connaissance de cette grandeur, à l’heure actuelle, est encore très limitée.

Étude du comportement au feu des maçonneries

La préservation de la structure pendant le feu n’attire l’intérêt que jamais, et un des premiers intérêts est la phase de conception. Une conception adéquate va pourtant réduire significativement le coût de réparation après l’incendie, et garantir aussi la sécurité pour l’évacuation des occupants. Les recherches sur les matériaux et structures se sont énormément développées ces trois dernières décennies. Cependant, ces recherches réservent la priorité pour les matériaux tels l’acier et le béton [29,43]. En particulier, l’application du béton pour la température très élevée dans les réacteurs nucléaires a induit des recherches extensives dans ce domaine. Pour d’autres matériaux tels la terre cuite, le nombre d’étude est beaucoup moindre et il existe peu d’information. Granakrisnan et al. [55] ont développé un modèle d’éléments finis simple de déformation plane avec l’élément à quatre nœuds. Dhanasekar et al. [27] ont créé un modèle d’éléments finis pour les coques LUSAS utilisant des éléments de coques multicouches et épaisses. O’Meagher et al. [76] ont proposé un modèle de calcul se basant sur la méthode analytique moment-courbure. En analysant les structures de mur chargé, O’Gara [75] considère que les deux bords en haut et en bas sont encastrés, les deux bords latéraux sont libres. Il a proposé de modéliser le problème en 2D par la section transversale traversant l’épaisseur ; cette proposition a conduit à un problème dont l’état de contrainte est plan. Pour cette proposition, l’élément isoparamétrique quadrilatère de 8 nœuds a été choisi. Des non linéarités matérielles et géométriques sont prises en compte. Le modèle « smeared cracking » [25] a été incorporé 1.5 Stratégie de l’étude 15 pour simuler le comportement des matériaux. Dans son modèle, le champs de température est calculé en fonction des mesures de flux pendant le test sur le mur, puis introduit à chaque point nodal par l’utilisateur comme un « input data ». Un modèle d’interface avec le critère Mohr-Coulomb de plasticité a aussi été utilisé pour décrire le comportement de contact aux bords. Par la limite des données existantes, O’Gara considère que les caractéristiques des briques en terre-cuite sont stables jusqu’à 1100◦C. Le résultat obtenu pour les paramètres « sélectionnés » (coefficient de dilatation thermique α = 7, 0 × 10−6 et résistance en traction ft = 2, 5 MPa), en application pour mur en briques pleines, semble correct : les évolutions de déflexions latérales entre calcul numérique et l’essai s’accordent bien. Ce modèle continue à être utilisé pour analyser le comportement des murs de cloison1 [56, 57]. En appliquant aux maçonneries constituées par briques alvéolaires en terre cuite, la simplification du problème en 2D peut être insuffisante parce que les conditions aux bords latéraux ne sont pas prises en considération. De plus, dans ce modèle, l’hétérogénéité du mortier et des briques n’est pas considérée. Surtout, le manque du couplage thermomécanique peut entraîner des résultats non satisfaisants : l’écaillage est important dans le cas des murs de briques de structures (alvéolaires) [24] qui modifie des conditions thermiques, la température introduite dans les calculs peut être ne pas réelle. Dédié à la brique en terre cuite soumise au feu, une étude a été menée au LMT Cachan2 , en coopération avec le CTTB3 dans le cadre de la thèse de J.Colliat [20]. Dans cette étude, l’auteur a utilisé le modèle coque pour décrire les parois minces des briques alvéolaires. La modélisation thermique a été menée pour une brique ; cependant, le résultat n’est pas très concordant entre calcul numérique et essai, car l’effet hygrique n’a pas été considéré, alors que la présence de l’eau dans mortier peut ralentir significativement la montée de température. L’étude mécanique s’arrêtait au niveau d’une brique. Alors que le comportement du mur est beaucoup plus complexe avec la présence des joints et l’effet de bord.

Table des matières

Introduction générale
1 Bibliographie
1.1 Introduction
1.2 Essais de détermination de la résistance au feu des maçonneries
1.2.1 Généralité
1.2.2 Scénario d’incendie
1.2.3 Critères de performance
1.3 Calcul de la résistance au feu des maçonneries
1.4 Étude du comportement au feu des maçonneries
1.5 Stratégie de l’étude
2 Étude expérimentale – Caractérisation des matériaux
2.1 Introduction
2.2 Physico-chimie de la terre cuite à haute température
2.3 Propriétés thermiques de la terre cuite
2.3.1 Chaleur spécifique
2.3.2 Conductivité thermique
2.3.3 Coefficient de dilatation thermique
2.4 Comportement mécanique de la terre cuite à température ambiante
2.4.1 Choix de la géométrie des échantillons
2.4.2 Comportement en compression
2.4.3 Comportement en flexion
2.5 Comportement mécanique de la terre cuite à haute température
2.5.1 Essai de compression à haute température
2.5.2 Essais de flexion « quatre points » à haute température
2.6 Propriétés du mortier traditionnel
2.6.1 Propriétés physico-chimiques
ii Table des matières
2.6.2 Propriétés thermiques
2.6.3 Propriétés mécaniques
2.7 Étude du comportement thermique d’une brique
2.8 Conclusion
3 Étude expérimentale – Essai sur murs
3.1 Introduction
3.2 Description détaillée des tests
3.2.1 Test No.1 : Mur non porteur mince
3.2.2 Test No.2 : Mur non porteur épais
3.2.3 Test No.3 : Mur porteur, monté avec joints traditionnels
3.2.4 Test No.4 : Mur porteur, monté avec joints minces
3.3 Analyse normative
3.4 Analyse du comportement thermique
3.4.1 Évolution de température
3.4.2 Distribution de température à la face non exposée
3.5 Analyse du comportement mécanique
3.5.1 Comportement local
3.5.2 Comportement global
3.6 Phénomène thermo-hydro-mécanique des murs exposés au feu
3.7 Conclusion et propositions
4 Simulation et Modélisation
4.1 Introduction
4.2 Modèle de transfert de chaleur dans les structures alvéolaires
4.3 Modèle mécanique
4.4 Résolution des équations thermo-mécaniques
4.5 Étape de calcul
4.6 Modélisation du contact brique-joint
4.6.1 Cas de joints épais en mortier traditionnel
4.6.2 Cas de joints minces en colle
4.7 Modélisation de condition aux limites
4.8 Critère d’écaillage
4.8.1 Écrasement
4.8.2 Détachement
4.8.3 Voilement
4.8.4 Conditions aux limites locales vis a vis du flambage des parois
4.9 Modélisation numérique et procédure de calcul
4.10 Conclusion
5 Validation numérique – Brique et Mur non porteur mince
5.1 Introduction
5.2 Brique alvéolaire
5.2.1 Modélisation
5.2.2 Résultat de calcul
5.2.3 Étude paramétrique
5.3 Mur non porteur mince
5.3.1 Configuration
5.3.2 Modèle mécanique
5.3.3 Évolution de la température
5.3.4 Analyses de la déformée et du déplacement
5.3.5 Analyse de la contrainte
5.3.6 Étude paramétrique
5.4 Conclusion
6 Validation numérique – Mur non porteur épais et Mur porteur
6.1 Introduction
6.2 Mur non porteur épais
6.2.1 Caractéristiques des matériaux
6.2.2 Configuration et conditions aux limites
6.2.3 Analyse de la déformée
6.2.4 Analyse de la contrainte
6.2.5 Analyse de la température
6.3 Mur porteur monté avec joints épais en mortier traditionnel
6.3.1 Caractéristiques des matériaux
6.3.2 Configuration et conditions aux limites
6.3.3 Analyses de la déformée et du déplacement
6.4 Mur porteur monté avec joints minces en mortier colle
6.4.1 Description
6.4.2 Analyse de la déformée et du déplacement
6.5 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *