Etude du comportement au feu des assemblages de
structures bois
Comportement sous actions thermiques
Principe d’analyse de résistance au feu d’un assemblage La résistance au feu d’un bâtiment correspond à sa capacité à assurer sa fonction mécanique sous l’effet des actions thermiques. Au cours d’un incendie, la rupture ou l’incapacité de la structure à supporter la charge appliquée à un élément de celle-ci entraîne dans la plupart des cas une rupture locale. Quelquefois, une rupture de la structure globale est observée si les transferts d’efforts ne sont plus assurés. Dans la plupart des cas, l’étude du comportement au feu d’une structure est réalisée à partir d’essais réalisés dans des conditions standard. Ces essais ne servent qu’à des mesures comparatives et ne représentent pas la réponse de cette même structure soumise à un feu naturel. Les méthodes de dimensionnement dépendent alors de la capacité des méthodes d’Ingénierie de la Sécurité Incendie à évaluer la résistance au feu des structures en terme de réponse thermique et mécanique. L’analyse de la réponse thermomécanique d’une structure globale implique la prise en considération : – des conditions d’exposition au feu ; – des propriétés des matériaux à températures élevées ; – de la réponse thermique de la structure ; – de la réponse structurelle de la structure chauffée. Les relations entre ces quatre points sont données sur la figure A.24. Figure A.24 : Procédure d’analyse de la performance de résistance au feu Action mécanique à θ constante Action thermique Réponse mécanique Réponse thermique Propriétés des matériaux Réponse thermomécanique F σ, E q’’, θ λ, ρ, c Tous ces points sont reliés entre eux. En effet, l’action thermique est une donnée d’entrée servant à la définition du modèle thermique. Pour un matériau homogène en présence d’une source de chaleur interne (notée H) l’équation de la diffusion de la chaleur s’écrit sous la forme : { } ).( ).().( =+ 0 ∂ ∂ − + H t T λ gradTTdiv ρ TcT (A.20) Pour résoudre cette équation de chaleur, il est indispensable de connaître les propriétés thermophysiques (conductivité, chaleur spécifique et masse volumique) des matériaux. Ces propriétés sont donc nécessaires à la définition de la réponse thermique tandis que les propriétés mécaniques (limites élastiques, modules d’élasticité) sont nécessaires pour l’analyse mécanique. L’analyse de la réponse thermomécanique de la structure nécessite comme données d’entrée les effets de la température sur les caractéristiques des matériaux de la structure. En résumé, une approche d’Ingénierie de la Sécurité Incendie requiert la connaissance des propriétés des matériaux (thermophysiques et physicomécaniques) en fonction de la température, de l’action thermique, de la réponse thermique et de la réponse mécanique de la structure. A ces paramètres, il faut ajouter dans le cadre de structure en bois la prise en compte de la diminution de matière due à la carbonisation du matériau.
Dégradation thermique du matériau bois
Des matériaux utilisés dans la construction, le bois est le seul dont la dégradation sous actions thermiques est la plus visible à l’œil nu. Les trois principaux matériaux utilisés dans la construction (le béton, l’acier et le bois) perdent leurs caractéristiques mécaniques sous actions thermiques. Dans le même temps, le bois se transforme en charbon de bois engendrant une diminution de sa section. Par conséquent, les phénomènes de dégradation du bois c’est-à-dire la pyrolyse et la vitesse de cette dégradation appelée communément vitesse de combustion ont été étudiés.
Pyrolyse
Quand le bois et les matériaux à base de bois brûlent, la décomposition chimique débute par la formation de charbon de bois et le dégagement de gaz. L’allumage spontané d’une mince couche de bois survient pour une plage de température située entre 300 et 430 °C. Mais une inflammation est aussi possible à une température plus basse, de l’ordre de 150°C si la pièce de bois est soumise à cette température pendant un temps assez long. Une température inférieure à 100°C, mais bien au-dessus d’une température normale, réchauffe le bois et provoque un séchage. Quand le bois atteint une température de 100°C, l’eau commence à s’évaporer et la vapeur s’échappe en général à partir des angles, arêtes, joints, pores et fentes. Dans ces zones, le bois sèche plus rapidement. La température du bois n’augmente pas jusqu’à ce que l’eau soit évaporée. Elle augmente donc fortement après évaporation de l’eau (aux alentours de 100°C). Entre 150 et 200°C, les gaz issus de la combustion se composent d’environ 70 % de dioxyde de carbone incombustible (C02) et de monoxyde de carbone (CO) combustible et toxique. Une fois que la température atteint 200 °C, de plus en plus de gaz combustibles sont libérés et la proportion de C02 décroît. Dès que les gaz s’enflamment, la température à la surface s’accroît rapidement. La carbonisation du bois continue. Le bois est considéré comme étant carbonisé lorsque sa température atteint 280-290°C. Aux températures supérieures à 500°C, la production de gaz diminue considérablement et celle de charbon augmente. Ceci explique l’aspect du bois après une exposition au feu. Au-dessus de 1000°C, les gaz émis sont principalement du CO et H2. Après une exposition au feu, la coupe de la section donnée sur la figure A.25 présente différentes zones : – une partie extérieure du bois qui est carbonisée ; – une couche d’une épaisseur d’environ 5 mm qui est pyrolysée c’est-à-dire que le bois est altéré chimiquement par le feu mais n’est pas encore complètement décomposé ; – le cœur de la section qui est constitué de bois intact. Figure A.25 : Dégradation du bois sollicité par des températures élevées [LIN 90] La conductivité thermique du charbon de bois est seulement de l’ordre du sixième de celle du bois massif. La couche de charbon de bois se comporte donc comme isolant et la décomposition des couches sous jacentes de la section résiduelle est ainsi retardée d’autant. En raison de ce phénomène, de la faible conductivité thermique du bois et de la présence d’un front de vapeur derrière la couche de bois pyrolysé, la température au sein de la section est beaucoup plus basse qu’à la surface.
Vitesse de combustion
Le phénomène de transformation du bois en charbon diminue la capacité résistante de l’élément de structure bois en situation d’incendie. La durée de stabilité au feu dépend donc de la vitesse à laquelle cette transformation se déroule. Cette vitesse, correspondant à l’épaisseur de bois ou de panneau dégradé en une minute par la chaleur et ne présentant plus de tenue mécanique, est appelée la vitesse de combustion (notée β). Elle varie en général de 0,7 à 0,9 mm/min. Elle dépend notamment de la masse volumique du bois, de son état hygrométrique et par voie de conséquence de l’essence de bois. De plus, l’augmentation du rapport surface sur volume (angles aigus, surface irrégulière) induit un moins bon comportement au feu. Ainsi, la vitesse de combustion du bois lamellé-collé, qui est plus souvent exempt de fentes et de crevasses, est plus faible que celle du bois massif. Des essais sur une poutre sollicitée sur trois de ses faces et sur une dalle sollicitée sur une face [FRA 03] ont été réalisés afin de comprendre l’évolution de la combustion et de la répartition de la chaleur au sein de l’Epicéa. Il en résulte que la vitesse de combustion mesurée quel que soit le type d’élément exposé est comprise entre 0,67 et 0,7 mm/min. De plus, il apparaît que la vitesse de combustion augmente lorsque la section résiduelle est inférieure à 40-60 mm. A l’issue de ces essais, aucune corrélation entre la vitesse de combustion et la densité du bois n’a été mise en évidence. Cette constatation est en contradiction avec l’étude menée par Njankouo [NJA 05] sur l’évolution de la vitesse de combustion des résineux et des bois tropicaux. Cette étude est basée sur des essais pendant lesquels l’éprouvette était soumise à une action thermique conventionnelle ISO R834 sur une de ses faces. La densité volumique du bois utilisée varie selon les essais. La vitesse de combustion est calculée à partir de la mesure de la profondeur à laquelle l’isotherme 300°C est située. L’étude des valeurs obtenues ainsi que la comparaison de ces valeurs avec des modèles comme celui donné dans l’Eurocode 5 Partie 1.2 ont conduit à l’élaboration d’un modèle décrit par l’équation suivante : 0,40 300 ρ 500 β 0,100,60 ≥ − ⋅−= (A.21) La vitesse de combustion est alors proportionnelle à la densité du bois. Ce modèle donne des valeurs similaires au modèle de White [WHI 02]. Ce dernier est un modèle empirique reliant le temps à l’épaisseur de bois carbonisé comme le décrit l’équation A.22. 1,23 xht c ⋅= (A.22) avec t : le temps en minutes ; xc : l’épaisseur de bois carbonisé ; h : une fonction dépendant de la densité, du taux d’humidité et de la classification du bois.
Propriétés du bois en fonction de la température
Propriétés thermophysiques du bois [CLA 99], [CLA 02], [KNU 75]
De nombreuses études ont été faites sur la réaction au feu du matériau bois (c’est-à-dire sa capacité à participer à la propagation du feu) mais la détermination de ses caractéristiques thermophysiques a fait l’objet de moins d’études. Cependant, au cours de la première moitié du 20ème siècle, certains scientifiques se sont attardés sur cette caractérisation. Ainsi, des évolutions des caractéristiques thermophysiques en fonction de la température sont définies grâce à des formules établies dans les années 1900 [KNU 75]. D’autres auteurs tels Fredlund et Janssens ont travaillé sur ces caractéristiques vers la fin du XXème siècle.
Masse volumique
La diminution de la masse volumique du bois en fonction de la température est constituée des trois phases suivantes : – jusqu’à 200 °C, la modification de la masse volumique du bois est très faible ; – entre 200 et 350 °C, le bois se pyrolyse et par conséquent, la dégradation de constituants chimiques engendre une diminution d’environ 75% de la masse volumique ; – au-delà de 350 °C, il y a formation du charbon de bois et la masse volumique varie très peu jusqu’au-delà de 1000 °C. Ces trois phases correspondent au départ de l’eau, puis des gaz combustibles et enfin à la transformation du bois en charbon. Sur la base d’analyses thermogravimétriques d’échantillons de 0,4 mm d’épaisseur, une évolution en fonction de la température de la masse volumique a été définie [KNU 75]. Ces analyses montrent une diminution de la densité du bois et du charbon avec la température. D’autres modèles [CLA 99] adoptent une masse volumique résiduelle d’environ 25 % basée sur des résultats expérimentaux. Janssens a développé un modèle plus complet validé à partir d’essais réalisés par White. Ce modèle prend en compte le retrait dû à l’évaporation de l’eau, la dilatation thermique et la fissuration du charbon. Pour une température comprise entre 20 et 100 °C, une augmentation de la masse volumique de l’ordre de 4 % est observée. A l’opposé, les phénomènes de dilatation thermique induisent une réduction de la densité égale à 0,5%. La figure A.26 résume les différentes évolutions de la densité du bois en fonction de la température. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 0 200 400 600 800 1000 θ (°C) ρ (kg/m 3 ) Fredlund Knudson Clancy Janssens Figure A.26 : Evolution de la masse volumique en fonction de la température pour des résineux à 0% d’humidité
Conductivité thermique
Parmi les différentes propriétés thermophysiques, la conductivité thermique du matériau bois est la plus dépendante de l’orthotropie matérielle du bois. Il est nécessaire de noter que la valeur de la conductivité dans la direction radiale est très peu différente de celle dans la direction tangentielle du bois. Par conséquent, l’hypothèse d’isotropie perpendiculaire est fréquemment retenue avec une conductivité perpendiculaire aux fibres prise comme la moyenne de ces deux valeurs. Les valeurs de la conductivité thermique parallèle aux fibres du bois sont prises égales à 2 ou 2,5 fois les valeurs dans le sens perpendiculaire aux fibres. Toutefois, à l’échelle structurale, seule la conductivité longitudinale est prise en compte. Par la suite, seuls les différents modèles formulés pour décrire l’évolution de la conductivité parallèle fil du bois en fonction de la température sont exposés. Ils se différencient notamment dans les phases de « pré-pyrolyse » (20/200 °C) et de pyrolyse (250/300 °C). Knudson s’est servi des travaux de Maku pour obtenir l’évolution de la conductivité du bois en fonction de la température. Celui-ci partait de l’hypothèse que la conductivité du bois était proportionnelle à la température absolue (équation A.23). 2 1 21 T T λλ ⋅= (A.23) Cette équation n’est valable que pour du Douglas à une humidité relative de 12% pour des températures comprises entre 20 et 200 °C. Entre 200 et 350 °C, Knudson considère que la conductivité décroît linéairement. Cette diminution décrite par l’équation A.24 est identique à la diminution de la densité du bois. λ −= 0,000597 ⋅θ + 0,2965 (A.24) Pour les températures au-delà de 350°C, l’évolution de la conductivité est déduite de l’équation A.24 en prenant comme conductivité du bois la conductivité thermique du charbon. La température de 350°C a été fixée car au-delà de cette température la densité du charbon est considérée uniforme. Pour la détermination de la conductivité, Fredlund considère que bois est un matériau poreux. A température ambiante, la conductivité est donnée par l’équation A.25 : λ (0,2005S0,238 u0,004 ) amb = + ⋅ + ⋅ (A.25) Le taux d’humidité (u) pris en compte vaut 12 % et la gravité spécifique (S) 0,45. La conductivité thermique entre 20 et 300°C est ainsi déduite de cette conductivité à la température ambiante : (A.26) amb λ = 0,00012⋅ + λθ La transformation du bois en charbon induit une diminution brutale de la conductivité thermique puisqu’elle passe alors de 0,15 W/mK à 0,05 W/mK. Au-delà de 300 °C, l’évolution de la conductivité thermique est alors décrite par l’équation suivante : 6 0001667,0 e2 − =λ +θ⋅ (A.27) Janssens a, quant à lui, développé un modèle pour un bois à une humidité u et à une température θ comprise entre 20 et 200 °C qui est le suivant : ( ) u max 1 λ + λrmin λ = ξ ⋅ λ + − ξ ⋅ (A.28) où λmax est la conductivité de la matière (air, eau et bois poreux) dans le sens du flux thermique ; λmin est la conductivité de la matière (air, eau et bois poreux) dans le sens perpendiculaire au flux thermique ; λr est la conductivité produisant un transfert de chaleur équivalent à la radiation à travers les pores ; ξ est un facteur d’interpolation dépendant du taux d’humidité et de la densité initiale. La conductivité à une température donnée est donc déterminée par l’interpolation entre les limites maximale et minimale de la conductivité en ajoutant la contribution de la radiation à travers les pores. Au-delà de 400°C, il considère que le bois est carbonisé et que la conductivité vaut : (A.29) 4 27 s +=λ 10*6,133,0 +θ⋅ 10*08,1 θ⋅ − − Cette équation ne s’applique que pour une densité de 1240 kg/m3 . Or Janssens a montré que la densité du charbon diminuait avec la température. Cependant, la valeur de 1240 kg/m3 est une bonne approximation pour des températures comprises entre 400 et 1000°C. Pour les températures comprises entre 200 et 400 °C (c’est-à-dire quand le bois est partiellement carbonisé), Janssens recommande donc d’utiliser l’équation A.28 en interpolant c’est-à-dire en utilisant différentes valeurs de la masse volumique. La figure A.27 donne l’évolution de la conductivité thermique en fonction de la température pour les différents auteurs cités précédemment.
PARTIE A : BIBLIOGRAPHIE PARTIE C : ANALYSE DU COMPORTEMENT DES ASSEMBLAGES SOUS ACTIONS |