CONTEXTE DE L’ETUDE
Le Sénégal étant un pays de tradition de pêche et le sous secteur de la pêche artisanale maritime, le moteur de relance de l’économie sénégalaise, l’Etat a toujours eu en conscience la nécessité de prendre des mesures visant à impulser son développement à travers des programmes de financement institutionnels.
HISTORIQUE DU FINANCEMENT DE LA PECHE ARTISANALE AU SENEGAL
Le crédit institutionnel
Le crédit institutionnel de la pêche artisanale au Sénégal s’est déroulé en trois phases à travers des programmes de financement.
Le crédit coopératif
Deux étapes ont marqué ce programme à savoir l’intervention de la BNDS et celle du CAMP
L’intervention de la BNDS
La première phase de ce programme a été pilotée par la Banque Sénégalaise de Développement (BSD) devenue à partir de 1965 la Banque Nationale de Développement du Sénégal (BNDS). Cette phase s’était soldée par un échec à cause d’une défaillance de remboursement des crédits octroyés ayant abouti à la dissolution des coopératives de première génération.
L’intervention du CAMP
Cette structure créée en 1972 par l’Etat était chargée à travers un crédit coopératif de développer la motorisation des pirogues avec comme objectif l’augmentation de la production artisanale. Le crédit n’intéressait que les pêcheurs et destiné uniquement à l’acquisition ou au renouvellement d’engins de pêche ou d’embarcations.
La pérennité de ce programme était compromise du fait de l’inadaptation des structures de base du mouvement coopératif et d’un système de recouvrement des crédits inadéquats à cause de contraintes juridiques de remboursement inexistant.
L’avènement des projets de développement au début des années 1980
Les projets réalisés avec les concours financiers des bailleurs de fonds comme le FAD (PAPEC) ; le FED et l’OCDE (PAMEZ) et L’ACDI (PROPECHE) ont apporté trois innovations majeurs.
a. L’Etat s’est désengagé dans la gestion du crédit après l’échec de L’ONCAD en rétrocédant des lignes de crédit négociées avec les bailleurs de fonds à la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCAS). Les risques de cette banque sont atténués par la constitution d’un fonds de garantie, les projets créés par l’Etat apportant un appui technique dans l’exécution du crédit.
b. L’approche du crédit est devenu globale car visant tous les acteurs du sous secteur contrairement au CAMP et on a assisté du coup à une diversification du crédit (crédit d’équipement et de fonds de roulement).
c. L’avènement des groupements d’intérêt économique (GIE) à la place des coopératives avec la loi 85/40 du 29 juillet 1985. Les GIE sont des regroupements plus adaptés au crédit car étant des entités spécialisées selon la catégorie socio professionnelle fonctionnant avec des effectifs réduits.
Malgré ces innovations ayant conduit à certains résultats positifs, des difficultés d’ordre structurel ont conduit à des résultats mitigés du programme en dépit de quelques acquis importants. Ces difficultés concernent la persistance des impayés, l’insuffisance organisationnelle et fonctionnelle des GIE, la défaillance de la CNCAS dans la gestion du crédit et en fin la non pérennisation du système avec la fin de missions programmées des projets de Développement.
L’avènement du Fonds de Financement de la Pêche Artisanale (FFPA)
Avec la disparition des Projets de Développement, l’Etat a mis en place à partir de 2000 le FFPA financé sur ressources du Budget Consolidé d’Investissement (BCI) avec une partie des fonds de contre partie des accords de pêche ; Ces fonds étant logés à la CNCAS.
Ce programme contrairement aux projets qui avaient des limites géographiques a une envergure nationale. Il présente aussi des innovations et des avantages qui sont : un apport personnel fixé à 10% au lieu de 20% (PAPEC) et une mise en place d’un fonds de bonification qui porte le taux d’intérêt à 7,5% contre 12,5% du programme antérieur.
Ce programme exécuté depuis 2000, malgré ses avantages relatifs, ne connaît toujours pas à l’image des programmes précédents de succès à cause : des lenteurs de procédures d’approbation des dossiers des demandes de crédits, d’insuffisances des montants octroyés, de la défaillance de la CNCAS dans le recouvrement, et d’un défaut ou d’une déficience d’encadrement technique.
Dans cette étude les interventions de l’Etat (PAPEC, FFPA) et de la CNCAS dans le département de Mbour de 1988 à 2006 seront diagnostiquer pour illustration.
L’avènement du crédit mutualiste dans le Département de MBOUR
La fin des activités du projet PAPEC en 1999 a sans doute facilité l’implantation progressive des mutuelles dans le département de Mbour.
La moyenne annuelle de financement a été de 104.213.578 FCFA de 1988 à 1999 (période d’activité du PAPEC) tandis qu’entre 2000 et 2006 (période d’existence du FFPA piloté par la CNCAS) elle est de 29.628.895 FCFA soit un besoin de financement relatif d’environ 74.584.683 FCFA que les acteurs vont aller chercher ailleurs. Et même quand on tient compte de l’inflation et de l’augmentation des effectifs, ce besoin de financements sera encore plus important. Ainsi donc à cause de ce vide, on assistera à la mise en place de la première Mutuelle d’Epargne et de Crédits spécialisée de la pêche artisanale ; la Mutuelle d’Epargne et de Crédit pour la Promotion de la Pêche à Mbour (MECPROPEM) le 21 août 1999 à Mbour.
Ainsi devant l’insuffisance des crédits octroyés par la CNCAS à travers le FFPA aux acteurs de la pêche artisanale ; on assistera à une floraison de MEC sur toute la frange maritime du département à Mbour commune, Joal, Nianing et Saly et ceci depuis 1999.
Point sur le Crédit Informel dans le département de MBOUR
Malgré l’existence du crédit formel (bancaire et mutualiste) dans le département ; le crédit informel connaît de nos jours une ampleur insoupçonnée d’après l’enquête.
Le phénomène est plus marqué à Joal ensuite à Mbour ; il peut être considéré comme occasionnel dans les autres localités.
Les principaux bailleurs sont les mareyeurs (Joal et Mbour) et la communauté burkinabé à Joal. Les pêcheurs et les transformatrices en sont les bénéficiaires.
Les crédits servent à financer : des équipements (moteurs, pirogues, filets), un Fonds de roulement (achat de glace, carburant, appât, frais d’entretien et de nourriture pour la pêche) et un fonds de roulement (achat de matières premières et intrants, frais transport et location main d’oeuvre dans la transformation). Les mécanismes de fonctionnement et les règles qui régissent cette activité sont difficiles à cerner car non formalisés par un contrat.
En tout cas devant la défaillance du crédit formel, le phénomène est là et gagne du terrain et peut même être qualifié de mal nécessaire en ce sens qu’avec la spécificité du secteur d’activité, il permet de faire face aux dépenses ponctuelles et urgentes dont sont confrontées les pêcheurs.
Ce crédit est caractérisé par des montants insuffisants, des taux d’intérêt prohibitifs et usuraires et des échéances de remboursement non maîtrisées. Cependant les transformatrices semblent tirer profit de leurs prêts car là, selon les informations recueillies les prêts sont exempts d’intérêt. La seule condition est l’obligation de vendre son produit fini aux bailleurs mais au pris du marché
Les mareyeurs aussi d’après l’enquête sont souvent victimes du système : Il arrive que les montants prêtés soient à jamais recouvrables à la suite de pertes du matériel financé, des impayés peuvent s’étendre sur de longues années à cause de mauvaises campagnes de pêche successives et en fin il existe des débiteurs véreux dans le système.
LOCALISATION DU SITE D’ETUDE
Le département de Mbour est situé dans la zone sud de la région de Thiés, on n’y accède par la route Nationale n°1 qui le traverse de part et d’autre. Il s’étend sur 1858 km2 et occupe une bonne partie de ce que l’on appelle la Petite Côte.
Il est limité au Nord par le département de Thiés, au Sud par le département de Fatick, à l’Est par le département de Mbambey et à l’Ouest par l’Océan Atlantique.
Défaillance du Crédit Agricole
Les banques classiques ont toujours fermé leurs portes à la pêche artisanale et l’Etat par des mesures incitatives de rétrocession de lignes de crédit à faible coût (projet de développement et FFPA) à fait de la CNCAS depuis 1984 la banque spécialisée dans le financement de la pêche artisanale. Malheureusement, celle-ci est loin de répondre aux attentes de l’Etat et des bénéficiaires de crédits à cause du fonctionnement inadapté de son système de crédit.
L’échec des différents programmes de crédit pilotés par la CNCAS s’explique entre autres par un système de recouvrement défaillant, une mauvaise décentralisation du crédit (crédit de proximité), une mise en place tardive des crédits et des délais de paiement trop rigides ne tenant pas compte de la saisonnalité de la pêche.
Défaillance des mutuelles
Devant l’incapacité de l’Etat et du Crédit Agricole de remplir correctement leurs missions , les mutuelles sont venues au début des années 2000 à la rescousse du sous secteur artisanal avec un crédit formel de proximité de type nouveau.
Mais ce type de crédit va s’essouffler rapidement car il connaît certaines limites pour son développement à savoir des difficultés à mobiliser des ressources suffisantes, des taux d’apport personnel et d’intérêts élevés, une intermédiation financière faible les privant de ressources longues nécessaires au crédit équipement.
Contraintes exogènes ou environnementales
La hausse du coût des équipements, des intrants et du carburant pêche due à la crise énergétique influent lourdement sur la rentabilité des activités de pêche.
En effet les coûts d’exploitation de la quasi totalité des unités de pêche sont devenus insupportables d’où l’impossibilité des pêcheurs à honorer leurs engagements financiers.
Défaillance des emprunteurs
Les bénéficiaires de crédit (pêcheurs, mareyeurs et les transformatrices) ont eux aussi une part de responsabilité à la non efficacité du Crédit dans la pêche artisanale à cause d’un mode d’exploitation informel, d’un niveau de bancarisation faible, d’un manque de formation, et d’absence de garantie aux crédits.
En résumé on peut dire qu’à cause de toutes ces contraintes citées ci dessus qu’un système de crédit adapté au sous secteur n’existe pas encore au Sénégal en général et dans le département de Mbour en particulier. La problématique du financement peut donc globalement être analysée sous deux angles :
Des emprunteurs qui ont besoin d’argent suffisant à temps et à faible coût pour mener à bien leurs activités ;
Des financiers qui sont soucieux à sécuriser leurs fonds prêtés dans un système économique et financier favorable.
Le chapitre suivant qui porte sur les objectifs de recherche et les résultats attendus permettra sans doute de répondre aux interrogations de la problématique pour aboutir à la mise en place d’un crédit adapté à la pêche artisanale.
OBJECTIFS DE RECHERCHE ET RESULTATS ATTENDUS
Les objectifs de recherche sont: les objectifs généraux et les objectifs spécifiques.
Les objectifs généraux
L’objectif général est de proposer un système de financement adapté à la pêche artisanale. Ce système se devra d’être un cadre fiable de financement où les différentes composantes à savoir l’Etat, les Banques, les Mutuelles et autres acteurs interagiront en parfaite synergie pour le rendre parfaitement cohérent.
Pour atteindre cet objectif, il faut une plus grande mobilisation des fonds et une diversification des produits financiers pour augmenter leur niveau de bancarisation, une rentabilisation des institutions financières, une meilleure accessibilité du crédit, une pérennisation du crédit et une proximité du crédit.
Les objectifs spécifiques
Les objectifs spécifiques à atteindre sont : l’augmentation des revenus des bénéficiaires de crédit, la mise à disposition de ressources longues au profit des institutions mutualistes pour le financement des équipements, la réduction du taux des impayés et de l’apport personnel, l’éradication des taux d’intérêt élevés et prohibitifs, et le développement du réflexe d’épargne et de remboursement des bénéficiaires.
Les résultats attendus
Les résultats attendus pour un fonctionnement opérationnel d’un tel système de financement sont : la mise à disposition de ressources suffisantes et de produits et services financiers adéquats aux bénéficiaires, la simplification des conditions et modalités d’accès au crédit, le maillage adéquat de la zone maritime pour un crédit décentralisé et la réduction du taux des impayés pour permettre une rentabilisation des fonds remboursés en revolving. Pour atteindre ces objectifs et avoir les résultats escomptés, une bonne politique d’aménagement des pêcheries et une gestion durable des ressources s’imposent à tous les acteurs et principalement aux pouvoirs publics.
Le barème des conditions applicables aux emprunteurs et aux épargnants
Tout promoteur d’un projet ayant sa demande accordée et tout épargnant au Crédit Agricole se voient appliqués les conditions de banque ci-après en vigueur depuis le mois d’octobre 2002. Certaines de ces conditions sont en général fixées par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour une concurrence saine entre les différentes banques comme le taux de base bancaire (TBB). Ce taux est actuellement de 8 %/an ; aucune banque au Sénégal n’a le droit donc d’accorder un crédit avec un taux d’intérêt en deçà du taux en vigueur à moins qu’il n’existe un fonds de bonification qui couvre le différentiel.