Etude des propriétés thermodynamiques
des fluides purs
Description des changements d’état d’un corps pur
Un corps pur placé dans certaines conditions de température et de pression peut changer d’état. On parle de transition de phase. On appelle phase toute partie d’un système dont les paramètres d’états intensifs évoluent continûment avec la position . -A l’échelle microscopique, un changement d’état correspond à une réorganisation de la matière : les interactions entre atomes (ou molécules) sont modifiées. Dans un solide, les interactions sont plus fortes que dans un liquide. Dans un gaz, elles sont presque nulles. -A l’échelle macroscopique, les trois états de la matière (gaz, liquide et solide) se distinguent par des valeurs différentes des paramètres intensifs : masse volumique, propriétés optiques (indice), etc… Lors d’une transition de phase, les paramètres intensifs du corps pur varient brutalement. En particulier, la physique de la matière condensée est très riche d’exemples et on pourra citer les cas du ferromagnétisme, de la ferroélectricité, des liquides superfluides, de la supraconductivité, des transitions ordre-désordre dans les alliages ou encore de la transition de localisation d’Anderson …etc. I.1. Classification des transitions de phases De manière générale, toutes ces transitions de phase ne sont pas identiques et l’on peut dire schématiquement qu’il existe deux classes de transitions : les transitions avec chaleur latente d’une part et les transitions sans chaleur latente d’autre part. Plus précisément, le physicien P. Ehrenfest, en 1933, proposa une classification des différentes transitions à partir du comportement de potentiel thermodynamique associée (enthalpie libre, énergie libre …) : – Les transitions de phases du premier ordre : s’accompagnent de discontinuités des grandeurs thermodynamiques, comme l’entropie et la densité, associées à des dérivées premières de potentiels thermodynamiques. (C’est le cas de transitions normales subit par l’eau par exemple) – Les transitions de phases du second ordre : pour les quelles les potentiels thermodynamiques et leur dérivées premières sont continues et qui s’accompagnent de certaines discontinuités des dérivées secondes de potentiels thermodynamiques (comme la capacité calorifique). Pour ces transitions, on passe de façon continue d’une phase à l’autre sans que l’on puisse parler de coexistence des deux phases. C’est le cas de beaucoup de transition en phase condensée comme le ferromagnétique [2]. C’est le physicien L. Landau qui a fait remarquer en 1937 qu’une transition de phase sans chaleur latente s’accompagnait d’un changement de la symétrie du système. Ainsi, si l’on prend l’exemple d’un matériau ferromagnétique, on sait que celui ci ne possède pas d’aimantation spontanée à haute température. Par contre, en dessous de la température de Curie, il apparaît une aimantation permanente orientée dans une direction bien précise. On dit alors que la symétrie du matériau a été brisée à basse température car le milieu n’est plus qu’invariant par une rotation autour d’un axe parallèle à l’aimantation. A ces notions de brisure de symétrie, Landau a associé l’idée de paramètre d’ordre .
Notions de paramètre d’ordre
Le paramètre d’ordre est une grandeur physique M, qui est nulle dans la phase la plus symétrique (généralement la phase haute température) et qui devient non nulle dans la phase la moins symétrique (la phase ordonnée à basse température). Ainsi, Landau proposa la classification suivante : – Les transitions sans paramètre d’ordre : qui sont toujours de premier ordre au sens d’Ehrenfest. – Les transitions avec paramètre d’ordre : Si le paramètre d’ordre est discontinu à la transition celle ci est de premier ordre au sens d’Ehrenfest. Elle est d’ordre supérieur si le paramètre d’ordre est continu à la transition. Le tableau (I-1) donne quelques exemples de paramètre d’ordre [3]. • Pour la transition ferromagnétique – paramagnétique, l’aimantation M est le paramètre d’ordre (M est nulle au dessus de la température de Curie et non nulle en dessous) et le champ magnétique comme variable conjuguée. • Pour la transition liquide – gaz d’un fluide, on choisit comme paramètre d’ordre la différence| ρl − ρ v |, avec ρ l étant la masse volumique liquide et ρ v la masse volumique vapeur. Ce paramètre est bien non nul en tout point de la courbe de coexistence autre que le point critique. La variable conjuguée est le potentiel chimique [3]. Tableau I -1: Paramètres d’ordre et variables thermodynamiques conjuguées pour quelques transitions de phases [3]. Transition Paramètre d’ordre Variable thermodynamique conjuguée Liquide – vapeur | ρl − ρ v | µ Ferro – paramagnétique Aimantation M Champ magnétique H Ferro – para électrique Polarisation P Champ électrique E Ordre-désordre dans un alliage Différence des probabilités d’occupation des deux sites Différences de potentiels chimiques I.3.Diagramme de phases Pour comprendre ce qui se cache sous le terme de transition critique comme exemple on étudie le diagramme de phase de l’eau (figure I-1), on note deux points particuliers : le point triple, à la jonction des trois domaines : le point critique, point d’arrêt a la frontière entre domaines liquide et gaz. En tournant autour du point critique, on peut passer continument de la phase liquide à la phase gazeuse sans transition discontinue. Au-delà de ce point, il n’y a plus de distinction entre liquide et vapeur. Il ne reste qu’une seule phase fluide et l’on ne peut plus faire bouillir de l’eau. Près du point critique, il existe des variations de densité sur toutes les échelles de longueurs. Ces variations, ou fluctuations, apparaissent sous la forme de gouttes de liquide intimement mélangées à des bulles de gaz. La taille de ces gouttes et celle des bulles varient de la taille d’une molécule à celle du récipient. Plus précisément, au point critique, la longueur caractéristique des fluctuations les plus grandes devient infinie, mais les fluctuations les plus petites n’en disparaissent pas pour autant [2]. Chapitre I: Théorie de crossover Partie 1 8 Figure I-1: Diagramme de phase de l’eau I.4.Courbe de saturation Pour chaque isotherme (figure I-2), on peut noter les deux extrémités du palier par les lettres L et V (liquide, vapeur). En considérant l’ensemble des isothermes, les points L et V définissent respectivement deux courbes : la courbe d’ébullition et la courbe de rosée. Ces deux courbes se rejoignent au point critique et forme la courbe de saturation. Figure I-2: Diagramme (p, v) pour l’´equilibre liquide – vapeur Pour chaque isotherme, les abscisses des points L et V donnent respectivement les volumes massiques de la phase liquide et de la phase vapeur du corps pur diphasé. On remarque que lorsque la température tend vers la température critique, les volumes massiques de la vapeur et du liquide tendent à être égaux. Ils sont égaux au point critique [3] I.6.Approche théorique des transitions de phases I.6.1. Le modèle d’Ising Un modèle simple fut proposé par Ising [2], pour décrire le phénomène de transition qui s’effectue entre une phase ferromagnétique et une phase paramagnétique. Dans le modèle d’Ising, on considère un milieu ferromagnétique comme étant formé d’un ensemble de N sites atomiques distribués régulièrement sur les nœuds d’un réseau solide. Chaque site atomique possède un spin Si, pouvant prendre les valeurs +1 et –1, qui interagit avec les spins des sites plus proches voisins selon la loi décrite par une constante de couplage. L’Hamiltonian de l’ensemble de spins est donné par : H =- J∑<𝑖𝑖,𝑗𝑗> 𝑠𝑠𝑖𝑖 𝑠𝑠𝑗𝑗 (I, 1) où désigne une somme sur les plus proches voisins. L’ensemble des propriétés thermodynamiques du système de spins peut être caractérisé à partir de la connaissance de la fonction de partition : ∑ ∑ ∑ + =− + =− + =− ∑ = 〈 〉 1 1 1 1 1 1 1 2 , ( ) S S S S S J N i j i j Z T e β (I, 2) A ce stade, le paramètre d’ordre est défini à partir de la moyenne thermodynamique des spins constituants le système : ∑ = = 〈 〉 ∑ ∑ i j SiS j J S i i i S e Z T avec N T , [ ] ( ) 1 1 ( ) β φ φ φ (I, 3) Une façon plus générale pour calculer les valeurs moyennes des variables de spin est d’introduire un Hamiltonien de couplage avec un champ magnétique externe h. Ce champ peut bien sure avoir une signification physique si le matériau est soumis à un champ magnétique. Dans le cas contraire, il apparaît simplement comme un outil mathématique permettant de définir l’énergie libre de Helmoltz comme une fonction génératrice des fonctions de corrélation de spins.
Chapitre I: Théorie de crossover |