ÉTUDE DES PRAXÉOLOGIES DU DOMAINE « NUMÉRATION DÉCIMALE ET ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS »
ÉTUDE DE L’OMR1 : PRODUIRE UNE EXPRESSION
L’étude mathématique accompagnée d’une courte approche cognitive, menée dans le chapitre 2 nous a conduite à identifier des structures additives et multiplicatives pour catégoriser les problèmes arithmétiques ; à l’intérieur de ces structures, la typologie de Vergnaud (1990) permet d’identifier le type de relation qui existe entre les données du problème et de prendre en compte aussi bien les mathématiques sous-jacentes que le développement conceptuel de l’élève. Nous nous intéressons dans l’OMR1 à la façon dont les modèles arithmétiques, issus de la définition des quatre opérations interviennent dans la résolution du problème pour permettre à l’élève de produire une expression arithmétique, conduisant ensuite à un processus de calcul. D’un point de vue mathématique et anthropologique, l’étude de la modélisation du problème demande une description des différents modèles possibles, ainsi que des technologies qui les sous-tendent. En ce sens, Wozniak (2012) situe l’analyse des praxéologies de modélisation en prenant en compte les éléments du discours qui justifient les techniques de modélisation : « l’analyse des praxéologies de modélisation nécessite la mise à jour des praxéologies permettant la définition du système, la construction et le travail sur le modèle. La modélisation ne se limite donc pas à un travail sur un modèle préconstruit mais appelle l’élaboration d’un discours qui rende compte des ingrédients qui entrent dans l’élaboration du modèle. Ainsi, le rôle et la place des discours qui décrivent, justifient et légitiment les techniques de modélisation apparaissent comme essentiels. » Wozniak (2012) Nous considérons alors que la résolution de problèmes arithmétiques de réinvestissement demande la reconnaissance d’un modèle arithmétique en lien avec une ou plusieurs des quatre opérations et la conversion des relations des données du problème en une expression arithmétique conduisant ensuite à l’effectuation d’un calcul (de façon posée ou réfléchie) ; la technologie ΘRP_Prod_ea assurant la cohérence entre l’expression arithmétique produite et les relations existant entre les données du problème. Les autres éléments technologiques sont ceux liés à la définition des opérations en tant que modèles additifs, soustractifs, multiplicatifs ou de division. 105 Il est par ailleurs important de distinguer ce qui relève de la résolution du problème stricto sensu, de la production d’une expression arithmétique. Nous nous situons dans ce chapitre d’un point de vue anthropologique; ce qui signifie que nous nous centrons sur les techniques de résolution attendues en fin d’école conduisant à la production d’expressions arithmétiques. Nous prendrons en compte les autres modes de représentation symbolique du problème évoqués dans le chapitre précédent lorsque, dans la définition du modèle d’analyse multidimensionnel, nous croiserons l’approche anthropologique avec une approche cognitive (chapitre 6). Par ailleurs, toutes les techniques de résolution de problèmes ne s’apparentent pas à des techniques de calcul. Il est en effet possible, dès la maternelle, de procéder par comptage ou par décomptage pour résoudre des problèmes additifs ; de la même façon, des problèmes de division (partition ou quotition) peuvent être résolus avec des techniques de distribution ou de groupement menant au quotient ou au reste sans avoir recours au calcul. Les techniques de comptage τRP_compt ou de groupements /partage existant à l’école maternelle sont destinées à évoluer en même temps que se construit le sens des opérations au cours de l’école élémentaire ; la résolution de problèmes, par le choix des nombres en jeu, nécessitant le recours à des stratégies de calcul et réduisant l’efficacité des techniques de comptage. Si les techniques de comptage peuvent se révéler efficaces pour résoudre des problèmes mettant en jeu des petits nombres, elles ne le sont plus dès que les nombres deviennent plus grands : ce qui demande d’entrer dans un certain formalisme mathématique passant par la production de calculs (posé ou en ligne). Carpenter & al. (1988) cités par Fagnant (2008) voient alors, dans l’apprentissage de la représentation des problèmes par des symboles mathématiques, « un des objectifs majeurs de l’enseignement ».
TRP_+ : produire une expression pour un problème relevant d’une structure additive
Les modèles en jeu sont ici des modèles additifs ou soustractifs ; l’addition et la soustraction apparaissant comme les opérations attachées à ces modèles. Si a et b sont les données de l’énoncé et l’inconnue, la reconnaissance d’un modèle additif conduit alors à des écritures du type a + b = alors que, pour un modèle soustractif, la conversion peut conduire à des expressions de la forme a – b = ou a + = b. Les écritures de la forme a – b = sont équivalentes à celles de la forme a + = b, et sont justifiées par la définition de la différence de deux entiers (définition construite à partir de celle de l’addition). Dans les classes de problèmes suivantes, la recherche du modèle conduit à la production d’une expression de la forme a + b = ou a – b = : – composition de mesures avec recherche du tout (modèle additif), – transformation de mesure avec recherche de l’état final (modèle additif si la transformation est positive ou soustractif si la transformation est négative), – comparaison de mesures avec recherche de la mesure finale (modèle additif si la comparaison est positive ou soustractif si la comparaison est négative), – composition de transformations avec recherche de la transformation totale (modèle additif si les deux transformations sont du même signe ou soustractif si les deux transformations n’ont pas le même signe). Techniques et technologies attendues en fin d’école : Dans ces différents cas, la technique de résolution attendue en fin d’école τRP_calc 15 suppose la reconnaissance du modèle additif ou soustractif adapté à la situation évoquée par le problème et conduit, à une écriture arithmétique du type : a + b = ou a – b = en ligne ou posé ; la cohérence entre l’écriture en ligne et la relation entre les données du problème évoquée par la situation est assurée par ΘRP_Prod_ea.
TRP_× : produire une expression pour un problème relevant d’une structure multiplicative
Pour déterminer les techniques relatives à TRP_×, nous procédons dans ce type de tâche comme nous l’avons fait pour les problèmes relevant de structures additives, en distinguant les techniques qui aboutissent à la production d’une expression arithmétique de celles conduisant à l’écriture d’une relation arithmétique à trous. Nous conservons la même dénomination des techniques : – τRP_calc permet de modéliser le problème avec une opération conduisant, après conversion, à une expression arithmétique du type a × b = ou a : b = ; si la division est exacte (quotient entier) le résultat de a : b est un nombre (le quotient), sinon il s’agit d’un couple de nombres, le quotient et le reste de la division euclidienne, 108 – τRP_op-trou conduit à l’écriture d’une expression à trous de la forme : a × = b ou a : = b ; comme précédemment si le quotient n’est pas entier, ces écritures peuvent évoluer vers des écritures du type : a = b × + y. La technique de comptage τRP_compt existant pour les problèmes additifs et soustractifs se retrouve ici avec la reconnaissance de « modèles collections » qui conduisent à des groupements ou à des partages de la collection sans passer par des écritures arithmétiques.
Modèles multiplicatifs et additions itérées
Le modèle multiplicatif peut aussi être considéré comme un modèle additif, la multiplication étant construite initialement comme une addition itérée ; l’introduction de la multiplication en CE1 étant réalisée à partir d’additions itérées. Pour les problèmes multiplicatifs, la technique de production d’expressions τRP_×_add menant à l’écriture d’additions itérées repose alors sur la définition de la multiplication, non pas comme opération à part entière, mais comme addition itérée. τRP_calc est la technique attendue en fin d’école. Dans l’exemple « Une place de cinéma coûte 8 euros, combien coûtent 15 places ? », τRP_calc conduit à exprimer le coût total sous la forme 8 × 15, sachant qu’il s’agit de 15 fois le prix unitaire d’une place. La technique τRP_×_add peut encore exister en CM1 notamment pour réactiver la technique de calcul posé de la multiplication comme en témoigne l’extrait d’Euromaths (Peltier & al. 2009c) pour le calcul du produit de 57 par 6 (Figure 1). Dans le problème précédent, τRP_×_add conduit à la somme : 8 + 8 + 8 + …+ 8 + 8 (15 fois) et ne se montre guère adaptée pour les nombres en jeu.