Etude des potentialites des especes de champignons comestibles

Les biens et services que la forêt procure à l‟humanité sont inestimables. Les produits forestiers non ligneux (PFNL), fort longtemps négligés en regard aux Produits Forestiers Ligneux (PFL), ont été promus avec un grand engouement vers le début des années 1980 (Rajchal, 2006). Parmi les types de PFNL, les champignons comestibles commencent à être appréciés et à prendre de l‟importance dans la société humaine. En effet, plus de 3.000 espèces sont consommées à travers le monde (Deslandes et Pic, 2001). Effectivement, ces dernières décennies, l‟intérêt pour l‟étude des champignons n‟a cessé de grandir. Cet intérêt concerne en premier lieu la connaissance des espèces comestibles, voire potentiellement cultivables (Ndong et al., 2011). Dans plusieurs pays, entres autres dans les pays en développement, les champignons forestiers comestibles contribuent substantiellement au régime alimentaire et aux revenus des populations rurales, en plus de jouer un rôle fondamental dans le fonctionnement de tous les écosystèmes forestiers (Boa 2006). Dans la province du Katanga en R.D. Congo, la quantité de champignons consommée annuellement atteint en moyenne une trentaine de kilos pour un villageois et une quinzaine pour un citadin (Degreef et al., 1997). Au Zimbabwe, un ménage consomme jusqu‟à 20 kg de champignons frais par an et cette valeur avoisine 160 kg au Mozambique, où la consommation moyenne annuelle du seul Termitomyces schimperi (Pat.) Heim peut atteindre 30 à 35 kg par famille (Boa et al., 2000).

Pour Madagascar, sa richesse floristique remarquable engendre l‟épanouissement d‟innombrables Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL) y compris les champignons. En effet, c‟est durant la saison des pluies qu‟apparaissent sur les Hauts Plateaux et les régions côtières des champignons de toutes sortes d‟apparence (Zeller, 1982). Malheureusement, plusieurs d‟entre eux sont encore non identifiés et ne font guère l‟objet de recherche scientifique ou ont été décrits de façon brève (Kull et al., 2009). Seules, les études menées par Bouriquet (1970) et Zeller (1982), ont permis d‟identifier la présence de vingt-quatre 24 grandes familles de champignons dans la grande île, et de recenser ainsi, 90 espèces dont 47% sont comestibles.

La forêt sclérophylle d‟Arivonimamo II en tant que formation végétale des Hauts Plateaux, abrite un bon nombre de ces champignons comestibles. En effet, elle est qualifiée comme source de champignons comestibles (Kull et al., 2005). La population locale les apprécient depuis longtemps, en tant que source de subsistance et source de revenu pendant les périodes de disette. Certaines de ces espèces de champignons du sous-bois de la forêt de Tapia sont dotées d‟une grande valeur de comestibilité mais sont encore méconnues. Ainsi, ces contextes méritent d‟être optimisés afin de contribuer au développement socio-économique de la population locale dans la zone concernée. Ceci justifie pleinement tout l‟intérêt du présent travail qui porte sur l‟« Etude des potentialités des espèces de champignons comestibles du sous-bois de la forêt sclérophylle de moyenne altitude en vue de leurs valorisations ». L‟énigme de l‟étude repose surtout sur le fait que la valorisation de ces champignons comestibles pourrait-elle contribuer au développement socio-économique de la population locale, qui est majoritairement constituée par des familles pauvres.

PROBLEMATIQUE

Assez récemment, la forêt et l‟Homme sont confrontés au dilemme entre conservation et développement. Dans ce contexte, la promotion des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) a été admise comme étant la meilleure voie pour allier la conservation et le développement (Rajchal, 2006). Ainsi, les recherches se sont articulées autour de la manière dont la valorisation des PFNL peut mener au développement durable, en augmentant les revenus des communautés rurales et de susciter leurs volontés de conservation à l‟égard de l‟écosystème forêt dont sont extraits les produits (Wollenberg et Ingles, 1998). Cependant, pour le cas des pays Africains où les champignons comestibles sont abondants dans les forêts, la connaissance des Macromycètes est, nonobstant les efforts consentis ces dernières décennies, encore très fragmentaire. Il n‟est pas du tout exceptionnel, surtout en forêt claire, que des espèces pourtant consommées par les populations locales depuis des temps très reculés ne soient pas encore décrites scientifiquement (Ndong et al., 2011).

Au niveau national, en matière de développement, les objectifs du Madagascar Action Plan (MAP) se rapportent parallèlement aux objectifs de « Vision Madagascar Naturellement » et des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) visant à réduire la pauvreté et d‟arrêter le processus de dégradation des ressources forestières (MAP, 2007). Encore que, pour le cas de Madagascar, 75% de la population vit en milieu rural, fait face à une extrême pauvreté et une très forte dépendance aux ressources naturelles. De plus, le caractère non durable du mode d‟exploitation traditionnel des ressources ne fait qu‟amplifier la dégradation des forêts et des sols, dont les conséquences provoquent des réactions en chaîne très complexes. Aussi, étant donné que les produits ligneux dont le bois font face actuellement à des pressions et menaces, généralement liées aux besoins de subsistance humaine, les malgaches commencent à douter de leur pérennité et cherche d‟autres ressources exploitables en guise de substitution. Ainsi, le recours aux produits forestiers non ligneux semble être une alternative à ce souci. Cependant, le secteur reste encore dans l‟informel et les peu d‟études menées sur les PFNL ne permettent pas assez le déploiement de ce secteur. Telle est la situation des champignons comestibles, qui par rapport aux autres types de PFNL semblent les plus négligés. Malgré cela, ces champignons comestibles, encore peu exploités, peuvent jouer un grand rôle dans la conservation de la ressource forestière et le développement socio-économique de la communauté une fois bien valorisés.

Traitement et analyse des données

Les données issues de l‟investigation bibliographique, des inventaires, des enquêtes et des observations ont été filtrées selon leurs types, soit en données qualitatives soit en données quantitatives. Ensuite, elles ont été confrontées et recoupées afin d‟atteindre l‟objectif général de l‟étude.

Ainsi, ont eu lieu : l‟identification des espèces, l‟analyse spatiale et l‟analyse statistique des données.

a. Identification des espèces
Lors de l‟inventaire, les espèces ont été identifiées seulement à partir des noms vernaculaires. La détermination des noms scientifiques et des caractéristiques de chaque espèce inventoriée ont été réalisées sur base de plusieurs ouvrages de référence  d‟identification des espèces de champignons comestibles, avec l‟aide des photos et des herbiers pris sur terrain. De façon générale, un champignon peut être identifié à partir de ses traits morphologiques , de son odeur, de son goût et de son habitat (Gevry et al., 2009).

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b. Analyse spatiale
L‟analyse spatiale des données sur les champignons comestibles a été appréhendée par l‟étude de la diversité fongique et de la fréquence des produits. La diversité fongique est un descripteur intéressant dans l‟évaluation biométrique des ressources d‟un secteur (Tremblay, 2011). Elle prend en compte le nombre d‟espèces par unité de surface et l‟abondance de chaque espèce. Ainsi, l‟Abondance absolue (Aa) qui correspond au nombre total des individus d‟une espèce par l‟hectare (N/ha) a permis d‟avoir des indications sur la potentialité des champignons comestibles. En outre, la fréquence spatiale peut fournir une estimation de l‟importance des différentes espèces présentes dans le site. Elle s‟intéresse seulement à la présence des carpophores à l‟intérieur des transects et non à leur nombre (Villeneuve, 2000).

c. Analyse statistique
Le traitement statistique des données obtenues au cours des inventaires et des enquêtes a été fait sous Microsoft Office Excel 2010 et sur le logiciel XL-STAT 2008.

➤ Traitement des données d’inventaire
D‟une part, les données d‟inventaire et de documentation ont été utilisées pour déterminer la productivité de différents champignons forestiers comestibles.

La biomasse épigée des carpophores, exprimée habituellement en kg/ha, a permis d‟estimer la productivité de différents champignons forestiers comestibles. Cette dernière a pu être déterminée en combinant l‟estimation de la densité de carpophores (nombre par unité de surface) à l‟estimation de leur masse unitaire moyenne (Tremblay, 2011).

D‟autre part, l‟analyse statistique à partir des analyses des variances (ANOVA) a été utilisée pour la détermination de la relation de dépendance qui existe entre la toposéquence et l‟abondance des espèces en fonction du diamètre du chapeau. L‟objectif de l‟ANOVA est d‟estimer si le changement de modalités de la variable aléatoire qualitative « toposéquence » engendre une variation significative des moyennes de la variable aléatoire quantitative « abondance des espèces en fonction de la classe de diamètre ».

De ce fait, deux hypothèses ont été vérifié :
– L‟hypothèse alternative (H1) qui stipule la dépendance significative entre les deux variables, est acceptée, si et seulement si, le degré de signification (p-value) est inférieur au risque d‟erreur α.
– Par contre, l‟hypothèse nulle (H0) qui considère l‟indépendance entre les deux variables est acceptée, si le degré de signification (p-value) est supérieur au risque d‟erreur α.

Parallèlement, le test de Tukey (HSD) et de Newmans-Keuls (SNK) ont été utilisés afin d‟analyser les différences entre les modalités (bas versant, mi- versant, sommet) et de confirmer les résultats obtenues par l‟ANOVA.

➤ Traitement des données des enquêtes ethnomycologiques
Le travail d‟interprétation des données obtenues par enquêtes, a commencé par la synthèse de toutes les réponses obtenues, sous forme de tableaux, en gardant la trace de qui les a fournies. Cela a permis de situer l‟enquête, et d‟interpréter les réponses en fonction du contexte.

Par la suite, le traitement des données a été effectué à partir de deux tests statistiques: l‟analyse des variances (ANOVA) et le test de corrélation de Pearson. L‟ANOVA a servie dans la détermination de la relation qui existe entre le niveau de vie des familles et la fréquence de collecte des champignons comestibles, puis entre le niveau de vie des familles et la fréquence de vente des champignons comestibles. Dans ce cas, l‟hypothèse nulle considère que le niveau de vie des familles n‟influence pas la fréquence de collecte et la fréquence de vente des champignons comestibles.

Le test de corrélation de Pearson, utilisé pour déterminer la relation de dépendance entre les deux variables quantitatives « fréquence de vente » et « quantité de champignons comestibles collectée », considère la valeur du coefficient de corrélation « r » (–1< r <1). En fait, la dépendance entre les deux variables est d‟autant plus grande que la valeur absolue de r s‟approche de 1 (|r| ~1). Par ailleurs, le coefficient de détermination « r² » a pu déterminer l‟intensité de la relation entre les deux variables, c‟est-à-dire la proportion de la variance de l‟une des variables expliquée par l‟autre et vice versa.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. CADRE METHODOLOGIQUE
1.1 PROBLEMATIQUE
1.2 HYPOTHESES
1.3 MATERIELS ET METHODES
1.3.1 Phase de préparation
1.3.2 Collecte des données
1.3.2.1 Etude bibliographique
1.3.2.2 Etude cartographique
1.3.2.3 Inventaire
1.3.2.4 Collecte des champignons
1.3.2.5 Enquête ethnomycologique
1.3.3 Traitement et analyse des données
1.4 CADRE OPERATOIRE DE LA RECHERCHE
1.5 RESUME DE LA DEMARCHE METHODOLOGIQUE
1.6 CONTRAINTES ET LIMITES DU TRAVAIL
CHAPITRE 2. RESULTATS ET INTERPRETATION
2.1 DEFINITIONS ET CONCEPTS
2.1.1 Champignon comestible
2.1.1.1 Classification systématique
2.1.1.2 Biologie
2.1.1.3 Ecologie
2.1.1.4 Critère de comestibilité des champignons
2.1.1.5 Valeurs alimentaires des champignons
2.1.2 Sous-bois
2.1.3 Potentialité
2.1.4 Valorisation
2.2 POTENTIALITES DES ESPECES DE CHAMPIGNONS COMESTIBLES
2.2.1 Identification des espèces de champignons comestibles
2.2.2 Richesse fongique
2.2.2.1 Espèces dominantes
2.2.2.2 Familles dominantes
2.2.3 Diversité fongique
2.2.4 Fréquence des espèces
2.2.5 Rendement
2.2.6 Période de récolte
2.2.7 Menaces et pressions sur les ressources
2.3 IMPORTANCE DES CHAMPIGNONS COMESTIBLES
2.3.1 Catégorisation des personnes ressources
2.3.1.1 Typologies des ménages
2.3.1.2 En fonction de la connaissance relative aux champignons comestibles
2.3.2 Collecte des champignons
2.3.2.1 Cueilleurs
2.3.2.2 Fréquence de prélèvement
2.3.2.3 Conduite de la récolte
2.3.2.4 Quantité récoltée
2.3.3 Modes d’utilisation des champignons comestibles
2.3.3.1 Source alimentaire
2.3.3.2 Source de revenu
2.3.4 Taux de dépendance des ménages aux champignons comestibles
2.3.5 Modes de valorisation des champignons comestibles
2.3.5.1 Marché des champignons comestibles
2.3.5.2 Transformations des champignons comestibles
2.3.6 Analyse FFOM des modes d’utilisation et de valorisation des champignons comestibles
CHAPITRE 3. DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
3.1 DISCUSSION SUR LA METHODOLOGIE
3.2 DISCUSSION SUR LES RESULTATS
3.2.1 Potentialités des champignons comestibles
3.2.2 Importance des champignons comestibles
3.2.2.1 Importance de la cueillette
3.2.2.2 Source alimentaire
3.2.2.3 Source de revenu
3.2.1 Valorisation des champignons comestibles
3.3 VERIFICATION DES HYPOTHESES
3.3.1 Hypothèse 1
3.3.2 Hypothèse 2
3.3.3 Hypothèse 3
3.4 INTERFACE FORET DE TAPIA – CHAMPIGNONS COMESTIBLES
3.5 ORIENTATIONS DE GESTION DES CHAMPIGNONS COMESTIBLES
3.5.1.1 Mesures scientifiques
3.5.1.2 Mesures techniques
3.5.1.3 Mesures socio-économiques
3.5.1.4 Mesures politiques et juridiques
CONCLUSION

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