SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Généralités sur l’eau
L’hydrosphère est l’ensemble des eaux qui recouvre la croûte terrestre : les océans, les mers fermées, les lacs, les fleuves et les rivières souterraines. Le volume de cette hydrosphère est d’environ 1385.106 Km3 dont 97,4 % sont représentés par les océans ; 2 % sont sous forme de glace et 0,6 % représente les eaux douces continentales (Rovel et al., 2011).
Eau de consommation humaine
L’eau desservie à la population peut provenir de deux sources aux caractéristiques différentes :
– Eaux de surface : elles proviennent des lacs, rivières, barrages, etc. Les eaux de surface sont ouvertes à l’environnement et sont exposées à des impuretés telles que les matières en suspension (matières organiques dont les algues et colloïdes), des matières organiques dissoutes (naturelles ou artificielles), des organismes pathogènes (virus, bactéries, protozoaires parasites etc) et des minéraux particuliers comme les métaux lourds (Rovel et al., 2011).
– Eaux souterraines : elles proviennent de l’infiltration des eaux superficielles à travers les couches terrestres pour s’accumuler à la nappe aquifère (Rovel et al., 2011). Elles sont desservies aux populations à travers des puits, des forages etc.
Qualités d’une eau potable
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’eau potable est une eau qui ne contient pas d’agents pathogènes ou d’agents chimiques à des concentrations pouvant nuire à la santé (OMS, 2004). Cela inclut les eaux de surface traitées et les eaux de surface non traitées, mais non contaminées, comme les sources d’eau, les forages et les puits (DCSMM, 2012). Les paramètres pouvant être réglementés sont : la qualité organoleptique (couleur, turbidité, odeur, saveur), les paramètres physico-chimiques (selon l’OMS : température, pH, chlorures : 200 mg/l, sulfates : 250 mg/l, fluorures : 1,5mg/l, etc.) ; les substances indésirables (selon l’OMS nitrates : 50 mg/l, nitrites : 0,3mg/l, pesticides, etc.) ; les substances toxiques (arsenic, cadmium, plomb, hydrocarbures, etc.) ; les paramètres microbiologiques (l’eau ne doit pas contenir d’organismes pathogènes et une quantité limitée d’organismes non pathogènes). Selon ces normes, une eau potable doit être exempte de germes pathogènes (bactéries, virus), d’organismes parasites et une quantité limité de germes non pathogènes car les risques sanitaires liés à ces microorganismes sont énormes (OMS, 2004). À l’inverse, la présence de certaines substances comme les oligo-éléments, peut être jugée nécessaire à l’organisme. Une eau potable doit aussi être une eau agréable à boire : elle doit être claire, ne doit pas avoir une odeur particulière et avoir un bon goût. Pour le goût, l’eau doit contenir un minimum de sels minéraux dissous (de 0,1 à 0,5 gramme par litre), lesquels sont par ailleurs indispensables à l’organisme. Enfin, elle ne doit pas corroder les canalisations afin d’arriver « propre » à la sortie des robinets (DCSMM, 2012).
Qualité microbiologique des eaux de boissons
Des micro-organismes peuvent être trouvés dans des rivières, des lacs, des eaux souterraines, dans l’air et même dans ou sur d’autres êtres vivants ; ils sont dits ubiquitaires. Chez les humains, ils sont commensaux. Les microorganismes peuvent faire partie des flores cutanée, digestive, buccale et génitale. Cependant, même si tous les micro-organismes ne sont pas nuisibles pour notre santé, il y en a certains qui peuvent causer des maladies graves ; ils sont appelés pathogènes (Rodier, 2011).
Bactéries pathogènes
Bactéries indicatrices d’une contamination fécale
Coliformes totaux
Ce sont des entérobactéries à Gram négatif non sporulées oxydase négatif aérobie et anaérobie facultatifs. Ils sont capables de se multiplier en présence de sels biliaires et de fermenter le lactose avec production de gaz à une température comprise entre 35 et 37° C (Poénaru, 2019).
Les coliformes totaux sont des entérobactéries incluant des espèces bactériennes qui vivent dans l’intestin des animaux homéothermes, mais aussi dans l’environnement en général (sol, végétation et eau). Ce groupe bactérien est utilisé comme indicateur de la qualité microbienne de l’eau parce qu’il contient notamment des bactéries d’origine fécale, comme Escherichia coli.
En effet, après la désinfection de l’eau, les coliformes doivent être absents. Leur présence révèle un traitement inefficace. La présence de coliformes totaux dans les réseaux de distribution et d’approvisionnements en eau stockée peut révéler une reprise de la croissance et une formation possible de biofilms ou une contamination par une intrusion de matériaux étrangers, notamment du sol ou des plantes (OMS, 2017). Les coliformes totaux sont généralement mesurés dans des échantillons d’eau de 100 ml. Diverses méthodes relativement simples sont disponibles et fondées sur la production d’acide à partir du lactose ou sur la production de β-galactosidase. Les méthodes correspondent à la filtration sur membrane, puis à l’incubation des membranes sur des milieux sélectifs à 35-37 °C pendant 24 heures et enfin le comptage des colonies. D’autres méthodes comme la méthode du nombre le plus probable (MNP) utilise des tubes ou des plaques de micro titration, et les tests de présence/absence. Des kits de test de terrain sont également disponibles (OMS, 2017).
Coliformes fécaux
Les coliformes fécaux (CF), ou coliformes thermotolérants (CT), sont un sous-groupe de coliformes totaux capables de fermenter le lactose à une température de 44,5 °C (Poénaru, 2019). L’espèce la plus fréquemment associée à ce groupe bactérien est Escherichia coli et, dans une moindre mesure, certaines espèces des genres Citrobacter, Enterobacter et Klebsiella (Barton, 2005). Il existe en effet diverses souches de E. coli dont certaines sont inoffensives alors que d’autres sont pathogènes et responsables de dysenteries d’infection urinaire et de méningite néonatales. La souche 0157 : H7 est particulièrement virulente puisqu’elle a engendré des cas mortels aux USA, au Canada, en Ecosse… (Momento technique de l’eau, 2011). La présence de E. coli indique une contamination fécale récente. Sa détection devrait amener à envisager d’autres mesures.
Streptocoques fécaux
Ce sont des bactéries à Gram positif sphériques ou ovoïdes formant des chainettes non sporulées catalase négatif possédant l’antigène D. Ils sont capables d’hydrolyser l’esculine en présence de bile (Poénaru, 2019). La législation ancienne parlait de « streptocoques fécaux ». Sous cette dénomination générale, il faut comprendre l’ensemble des streptocoques possédant l’acide teichoïque, substance antigénique caractéristique du groupe D de Lancefield. Ce groupe est essentiellement composé de : Enterococcus faecalis, E. faecium, E. durans, E. hirae, Streptococcus bovis, S. suis et S. equinus. Ces streptocoques du groupe D sont généralement des témoins de pollution fécale, car tous ont un habitat fécal (Rodier, 2011). Ils témoignent d’une contamination d’origine fécale ancienne tandis que les coliformes fécaux témoignent d’une contamination d’origine fécale récente. Les entérocoques intestinaux sont utilisés pour tester l’eau brute comme indicateurs d’agents pathogènes fécaux capables de survivre plus longtemps que E. coli. Ce traitement est utilisé pour complémenter les tests de détection de E. coli pour les eaux de boisson (OMS, 2011).
Le dénombrement des entérocoques présumés est rarement effectué indépendamment du dénombrement de coliformes totaux et coliformes thermotolérants pré-cités. Les méthodes sont similaires pour ces deux types d’indicateurs. Cependant, leurs milieux de culture sont différents (Rodier, 2011).
Bactéries indicatrices de pollution
Elles comprennent tous les micro-organismes capables de croître dans la matière nutritive. Il s’agit essentiellement des bactéries aérobies, anaérobies, des champignons saprophytes etc. Ils sont connus sous le nom de germes totaux.
Traitement des eaux de consommation humaine
Le traitement de l’eau vise un double objectif (Mathieu-Hermet et al., 2016) :
– Eliminer dans de l’eau brute les agents biologiques et chimiques susceptibles de constituer un risque pour la santé ;
– Maintenir la qualité de l’eau au cours de son transport du captage jusqu’au robinet du consommateur.
Désinfection de l’eau
La désinfection est un des procédés indispensables dans le traitement de l’eau de consommation. Elle consiste à inactiver les organismes pathogènes diffusés par l’eau tels que les bactéries, les virus et les parasites (Rovel et al., 2011). Le produit ou le procédé de désinfection choisi devra avoir des propriétés bactéricide et/ou virulicide et éventuellement un effet rémanent qui repose sur le maintien de la concentration du désinfectant assurant la continuité de la désinfection dans les réseaux de distribution d’eau potable et limitant ainsi les risques de re-croissance bactérienne (Rodier, 2011). Cette désinfection peut être effectuée par des procédés physiques tels que la coagulation/floculation et la filtration ou en utilisant des produits chimiques comme le chlore, le dioxyde de chlore ou l’ozone ou l’inactivation des germes par rayonnement UV (Soulama, 2011). Elle doit être satisfaite avant qu’une concentration de désinfectant résiduel soit établie. Pour une désinfection adéquate de l’eau, il est ainsi requis de fournir à l’eau une concentration de désinfectant plus élevée que ce qui était, à priori requis, pour tuer les microorganismes pathogènes (Soulama, 2011).
Chloration
Le chlore (Cl), avec ses dérivés ; l’hypochlorite de sodium (eau de javel) et l’hypochlorite de calcium, demeure le désinfectant le plus utilisé du fait de son action biocide, de son faible coût et de son action rémanente qui assure une protection de l’eau contre toute contamination dans les réseaux de distribution d’eau potable (Samira et al., 2011).
Demande en chlore
La demande en chlore correspond à la détermination de la dose de chlore à utiliser afin d’avoir une concentration résiduelle de chlore requise pour une désinfection efficace (Rodier, 2011).
Cette quantité de chlore doit assurer l’oxydation des matières organiques et inorganiques,détruire une flore microbienne contenue dans une quantité d’eau donnée tout en gardant l’action rémanente du chlore qui assurera la protection de l’eau dans les réseaux de distribution. (Soulama, 2011).
Par conséquent, avant de décider de la dose de chlore nécessaire pour désinfecter l’eau, il faut établir l’exigence de chlore, c’est-à-dire la quantité de chlore qui est consommée jusqu’à l’apparition du résiduel (Rodier, 2011).
Cette exigence met en évidence l’importance du concept Ct qui dérive de la loi cinétique d’inactivation des germes de Chickwatson (Rodier, 2011) exprimée en : log N/N0 = k.C.t
Le Ct correspond au produit de la concentration résiduelle (C) du désinfectant (en mg/L) par le temps (t) de contact (en minutes). Elle est directement proportionnelle à l’inactivation des germes.
L’inactivation des germes nécessite donc la détermination d’une dose suffisante de désinfectant pendant une durée définie. Ces deux paramètres dépendent du type de germe et des caractéristiques physico-chimiques de l’eau (température, pH). Pour le chlore, le maintien d’une teneur résiduelle de 0,5 mg/L en chlore libre pendant un temps de contact de 30 minutes (Ct = 15 mg. min. L-1) est recommandé (Rodier, 2011).
Paramètres influents sur la désinfection de l’eau avec le chlore
Le chlore demeure l’un des produits les plus utilisés pour la désinfection de l’eau. En effet, il a une action bactéricide et un pouvoir rémanent dans l’eau (Soulama, 2011). Cependant, son action peut être fortement influencée par certains facteurs tels que le pH, la turbidité, la température, les matières organiques etc.
potentiel d’Hydrogène (pH)
Lorsque le chlore est introduit dans l’eau sous forme gazeuse, ou d’hypochlorite de sodium (eau de javel) ou d’hypochlorite de calcium, il est dissout et est rapidement hydrolysé formant ainsi l’acide hypochloreux (désinfectant le plus efficace) et l’acide chloridrique (Soulama, 2011) suivant les équations ci-dessous :
Température
La rapidité de l’effet bactéricide du chlore est proportionnelle à la température de l’eau. Cette rapidité augmente dans des eaux de température élevée. En revanche, elle diminue dans des eaux froides mais le chlore est plus stable dans l’eau froide, donc subsiste plus longtemps, ce qui compense dans une certaine mesure la lenteur de la réaction. Ces effets variables nécessitent d’ajuster les dosages du chlore en fonction des variations de la température (OMS, 2004).
Turbidité
Toute eau de surface contient des MES. Il s’agit de sédiments, essentiellement d’origine minérale comme l’argile, le limon, les microorganismes etc, qui se déposent au cours du temps dans les canalisations. Dans certaines conditions, par une remise en suspension de ces sédiments, l’eau devient trouble ou turbide (Tfeila et al., 2016). La turbidité est exprimée en Unité de Turbidité Néphélométrique (UTN ou NTU pour Nephelometric Turbidity Unit), et donne une idée sur la teneur en MES (Soulama, 2011). Ces dernières peuvent être la cause du phénomène de turbidité qui favorise le développement bactérien et diminue l’efficacité du procédé de désinfection (Manitoba, 2011).
Ammonium
Le terme ammoniac inclut les formes non ionisées (NH3) et ionisées (NH4 )
La présence de l’ammonium dans l’eau traduit habituellement un processus de dégradation incomplet de la matière organique. C’est donc un excellent indicateur de la pollution de l’eau par des rejets organiques d’origine agricole, domestique ou industriel. L’ammonium présent dans l’eau de boisson n’a pas un impact direct sur le plan sanitaire. C’est pourquoi aucune valeur guide n’est proposée (OMS, 2004). Cependant, l’ammonium peut compromettre l’efficacité de la désinfection, entraîner la formation de nitrites dans les réseaux de distribution, provoquer la défaillance des filtres pour l’élimination du manganèse et induire des problèmes de goût et d’odeur. En effet, l’ammonium réagit avec le chlore pour réduire le chlore libre et former des chloramines (OMS, 2017). Ces dernières sont des composés organiques azotés possédant un groupe NCl qui après hydrolyse libèrent l’acide hypochloreux. Ils ont un pouvoir de désinfection, mais ils sont environ 25 fois moins efficaces que le chlore libre (Rodier, 2011).
Ces produits présentent deux principaux inconvénients : le problème des odeurs et de goût de l’eau, et la toxicité. De plus, la présence d’azote ammoniacal contribue à la consommation rapide de chlore. La méthode utilisée pour éliminer les chloramines est la chloration dite au « Break Point » (Figure 3). Si le « break-point » est satisfaisant, l’influence initiale de l’azote ammoniacal comme tout autre composé inorganique consommateur de chlore sera négligeable.
Pour ajuster la quantité de chlore nécessaire et éviter la formation de chloramines, il faut déterminer le point d’inversion ou point critique ou « break point » marquant la fin de la formation des chloramines (odorantes et peu désinfectantes) et leur destruction. A partir de ce point, le chlore que l’on ajoute se retrouve sous forme libre, on a alors une action désinfectante. Pour éviter de se trouver en deçà du point critique, il est indispensable de mesurer le pH, la température, le chlore libre et la chloramine. Pour avoir une bonne désinfection, il estrecommandé d’avoir plus de 0,5 mg/l de chlore libre dans l’eau après 30 minutes.