Influence du potentiel d’électro-dépôt
Une fois que le traitement réducteur du FTO a été effectué, le cuivre est électrodéposé sur la surface. Pour cela, différents potentiels d’électro-dépôt ont été testés afin d’observer l’éventuelle influence du potentiel sur les couches de cuivre déposées.
Ainsi, dans un premier temps nous avons fait varier le potentiel d’électro-dépôt du cuivre de -1,6 V vs Ag/AgCl à -1,9 V vs Ag/AgCl. Les chronoampérométries obtenues ont révélé que la densité de courant correspondant à un potentiel donné évoluait beaucoup en fonction des échantillons (de -32 mA/cm2 à -220 mA/cm2 à -1,7 V vs Ag/AgCl par exemple).
Or, d’après la loi de Faraday, l’épaisseur du matériau électrodéposé dépend de la densité de courant. Ainsi, dans un souci de reproductibilité, nous avons choisi d’effectuer plutôt des chronopotentiométries, afin que tous les échantillons synthétisés par cette voie aient la même épaisseur de cuivre déposée. La densité de courant choisie est de -220 mA/cm2. C’est celle pour laquelle les couches de cuivre électrodéposées se sont révélées les plus adhérentes au substrat.
Cette densité de courant est relativement élevée en comparaison avec celles citées dans la littérature dans le cadre de l’électro-dépôt du cuivre [25][33][34]. Toutefois, une forte densité de courant favorise la germination des grains plutôt que la croissance. Cela permet de créer une multitude de germes, sur toute la surface du substrat disponible, dont la croissance sera moins importante. C’est un moyen d’augmenter la finesse des grains [35].
Cela est particulièrement important car les protons présents dans le bain électrolytique perturbent la formation de la couche de cuivre. En effet, les protons viennent s’adsorber sur la surface, empêchant ainsi la formation de nucléii de cuivre [36]. Il en résulte que la croissance du cuivre, en présence de protons, est favorisée par rapport à la nucléation, ce qui contribue à l’obtention de tailles de grains plus importantes. Ainsi, une forte densité de courant permet de contrebalancer cet effet car notre but est de synthétiser un matériau avec la plus grande surface spécifique possible afin de maximiser l’interface électrode/électrolyte.
Expérimentalement, l’homogénéité des couches de cuivre électrodé posées est vérifiée par microscopieélectronique à balayage. Le cliché MEB de la figure 2.40.b) met en évidence les cristaux de cuivre. Ceux-ci possèdent une structure pyramidale. En outre, des boules de cuivre sont visibles à l’oeil nu, et particulièrement, sur les bords des échantillons.
Cela est dû à la formation de dihydrogène pendant l’électro-dépôt du cuivre (cf. figure 2.40.a), flèche rouge). En effet, la solution de sulfate de cuivre est acide et la densité de courant suffisamment négative pour réduire les protons. Pendant le dépôt de cuivre, certaines bulles de dihydrogène sont recouvertes de cuivre avant désorption, ce qui crée ce type de géométrie atypique pour le cuivre.
Influence de la durée d’électro-dépôt et d’anodisation
On a choisi de se placer à -220 mA/cm2 pour l’électro-dépôt du cuivre et dans un premier temps à 3 mA/cm2 pour l’anodisation. Le choix d’une densité de courant « modérée » pour l’anodisation permet de synthétiser Cu2O et Cu(OH)2 simultanément. En effet, à plus faible densité de courant, seul Cu2O est formé et pour des intensités plus importantes, on forme seulement Cu(OH)2 [25][37]. Après l’étape d’anodisation, les échantillons présentent en surface une couleur bleu, caractéristique de l’hydroxyde de Figure 2.41: Diffractogrammes de Cu/Cu2/CuO à différentes durées d’électro-dépôt à -220 mA/cm2 et anodisation pendant 5 min à 3 mA/cm2 : a) EA 5-5 (en bleu), b) EA 10-5 (en orange) et c) EA 15-5 (en vert). cuivre Cu(OH)2, puis après calcination, ceux-ci deviennent gris foncé/noirs suite à la transformation en CuO.
Electro-dépôt à – 220 mA/cm2 & anodisation à 3 mA/cm2
La diffraction des rayons X nous permet qualitativement de connaitre la composition cristalline de nos électrodes. Les pics de diffraction caractéristiques du cuivre métal, mais également des deux oxydes de cuivre, Cu2O et CuO, sont présents sur les diffractogrammes.
Ainsi, la densité de courant d’anodisation choisie a bien permis de former les deux oxydes de cuivre. De plus, les diffractogrammes de la figure 2.41 montrent que l’intensité des pics de diffraction principaux du cuivre métal augmentent avec la durée d’électro-dépôt et que le ratio des intensités des pics de diffraction des oxydes de cuivre par rapport à l’intensité des pics du cuivre métal diminue. Ce résultat est assez logique puisque l’épaisseur de la couche de cuivre métal va augmenter avec la durée d’électro-dépôt. A même durée d’anodisation, les épaisseurs des couches d’oxyde de cuivre seront équivalentes.
En outre, la couche de cuivre déposée présente une orientation privilégiée, selon les plans (111) et (200) [38]. Ces mêmes orientations privilégiées sont observées pour Cu2O à 2θ = 36,5° (111) et 2θ = 42,3° (200) [39]. Ainsi, les orientations privilégiées du cuivre métal influencent la croissance de Cu2O [40]. En effet, l’orientation privilégiée de Cu2O est gouvernée par l’étape de nucléation, qui est liée à l’énergie interfaciale entre Cu2O et Cu [41]. Enfin, il a été démontré que Cu2O électrodéposé dont l’orientation privilégiée est (111) possède une plus faible résistivité, ainsi qu’une concentration en charge presque deux fois plus importante que Cu2O dont l’orientation est majoritairement (100) [42]. Cette orientation privilégiée selon le plan (111) est donc idéale pour nos électrodes.
De plus, les deux oxydes possèdent des volumes de maille différents, 77,83Å3 et 81,16 Å3 pour Cu2O et CuO respectivement. La difficulté d’accommoder les deux volumes génère des contraintes à l’interface Cu2O/CuO qui pourraient servir de force motrice pour la diffusion des atomes de cuivre vers l’extérieur. Celle-ci s’ajoute au flux de diffusion classique généré par le gradient de potentiel chimique dû à la différence de pression partielle en oxygène entre les interfaces air/oxyde et oxyde/métal.
La formation des aiguilles (cf. figure 2.45-A.) serait reliée à la réaction à l’interface Cu2O/CuO qui produit un stress compressif dans la couche de CuO et qui conduit à la diffusion des cations de cuivre le long des joints de grains [47] de CuO, résultant à une croissance d’aiguilles sur des grains de CuO. Ainsi, les grains de CuO existants servent de support pour initier la croissance des aiguilles de CuO. En effet, les cations de cuivre diffusant le long des joints de grains sont déposés sur le haut des grains via la diffusion surfacique. Cette diffusion est entraînée par les gradients de concentration en ions Cu entre les joints de grain, zone de jonction, et la racine des aiguilles. La diffusion des cations de cuivre est représentée sur la figure 2.45-B, ils réagissent avec le dioxygène de l’air formant ainsi les aiguilles. Ceci est cinétiquement plus favorable que de former de nouveaux grains de CuO au niveau des joints de grains car il faut surmonter une barrière de nucléation, et cela bloque également la diffusion des ions Cu le long des joints de grain. Tant que la contrainte de compression générée par la transformation de Cu2O en CuO est présente à l’interface des deux oxydes de cuivre, le flux de diffusion des cations de cuivre vers l’extérieur continue et alimente la croissance des aiguilles de CuO.
L’épaisseur de la couche de CuO à partir de laquelle la croissance des aiguilles débute est d’environ 1 μm. Cela peut être expliqué par la force motrice de la formation de ces aiguilles qui requiert une relaxation efficace du stress compressif à l’interface Cu2O/CuO via la diffusion aux joints de grains et qui définit ainsi l’épaisseur limite de la couche de CuO.
Expérimentalement, c’est également l’épaisseur que nous avons mesuré sur nos différentes électrodes. Puis des aiguilles de plusieurs micromètres de longueur sont obtenues (cf. figure 2.45.A).
Après les analyses structurales, nous nous intéressons à présent aux propriétés optiques des électrodes Cu/Cu2O/CuO.
Les spectres d’absorbance de la figure 2.46 montrent que tous les échantillons présentent approximativement la même absorbance dans le domaine du visible. Ainsi, la durée d’électro-dépôt n’influe pas sur l’absorbance. Ce résultat était prévisible car à même durée d’anodisation, indépendamment de la durée d’électro-dépôt, l’épaisseur des couches d’oxydes est sensiblement la même. En revanche, on n’observe pas de différence notable entre les échantillons dont la couche de cuivre a été électrodéposée pendant 10 min puis anodisée pendant 15 min (EA 10-15) et 20 min (EA 10-20). Le calcul du coefficient d’absorption à partir des spectres d’absorbance ainsi que de l’épaisseur des oxydes de cuivre permet de connaître la longueur de pénétration des photons au sein du matériau en fonction de la longueur d’onde. Pour chaque échantillon, celle-ci est à peu près constante entre 350 et 900 nm et est inférieure à 10 μm pour des épaisseurs d’oxydes de cuivre totales supérieures dans tous les cas.
Influence du pH
Pour connaître l’influence du pH sur les propriétés de nos électrodes, une chronoampérométrie à 0V vs RHE, est effectuée à pH=6 et pH=14, en alternant les périodes dans l’obscurité et sous éclairement toutes les dix secondes ( cf. figure 2.51).
D’après les courbes obtenues en chronomapérométrie et le tableau de valeurs de photocourant obtenu, quelques points peuvent être soulevés :
– L’électrode Cu/Cu2O/CuO présente un meilleur photocourant à pH=6 qu’à pH=14.
– Le courant dans l’obscurité à pH=14 évolue au cours du temps, contrairement à pH=6 où celui-ci est stable. Il y a donc une réaction parasite qui se produit en même temps que la réduction des protons, qui fait évoluer la nature de l’électrode, peut-être une dissolution de la couche.
– On observe un courant transitoire cathodique sur la courbe bleue à pH=6. Cela peut être du à des états de surface. En effet, le photocourant transitoire apparait lorsque les charges photo-générées s’accumulent à l’interface électrode/électrolyte à cause d’une cinétique de réaction lente ou par la présence d’états de surface qui piègent les porteurs de charge [51]. Si des électrons sont piégés au niveau d’états de surface, cela produit une augmentation de la charge négative à la surface du semiconducteur. Ainsi, VBP devient plus négatif, cela diminue la courbure de bandes (à polarisation constante) et donc diminue le photocourant et génère un photocourant transitoire cathodique [52].
Cependant, on note que le photocourant diminue au cours du temps aux deux pH.
Pourtant, le diagramme de Pourbaix [29] montre que le domaine de stabilité des oxydes de cuivre débute à des pH > 6-7, jusqu’à pH=13. Cela soulève donc un problème de stabilité des électrodes. Ce problème sera abordé au paragraphe suivant.
Conclusion
Au cours de ce chapitre, nous avons commencé par étudier un semiconducteur de type p connu : l’oxyde de cuivre (I) Cu2O. La première synthèse par voie sol-gel nous a posé quelques difficultés pour obtenir Cu2O et nous a amenés à nous intéresser à un autre oxyde de cuivre de type p également CuO, dont les propriétés se sont avérées intéressantes. Il possède un gap d’environ 1,5 eV et l’énergie du bas de sa bande de conduction est supérieure à celle nécessaire pour réduire les protons en dihydrogène. Le meilleur photocourant obtenu avec CuO synthétisé par voie sol-gel couplée au dip-coating est de – 0,94 mA/cm2 à 0V vs RHE et pH=8.
Nous avons ensuite décidé de synthétiser les oxydes de cuivre par une autre voie de synthèse : l’électro-dépôt de cuivre puis l’anodisation afin d’obtenir les deux oxydes sur la même électrode. L’intérêt est d’utiliser la faible bande interdite de CuO comme absorbeur et la position des bandes de Cu2O afin qu’après alignement des niveaux de Fermi des deux oxydes, les bandes de CuO remontent en énergie, favorisant la réaction de réduction des protons. Les photocourants obtenus par cette voie de synthèse sont plus importants que par la voie de synthèse précédente. Le meilleur photocourant obtenu est de -4,3 mA/cm2 à 0V vs RHE et pH=6. Cependant, les épaisseurs ne sont pas comparables. Enfin, on observe le même phénomène avec les deux voies de synthèse, lors des mesures en électrochimie, les échantillons d’oxydes de cuivre se réduisent au cours du temps. En effet, les potentiels de photocorrosion de CuO et Cu2O se situent dans la bande interdite. Ainsi, les réactions de photocorrosion entrent en compétition avec la production de H2. Il est donc nécessaire de protéger les électrodes à base d’oxyde(s) de cuivre. Ce sera l’objet du Chapitre 4.