Morphologie des parasites gastro-intestinaux : genre Haemonchus
Les nématodes, à l’état adulte, vivent dans le tube digestif. Ils ont une cavité générale limitée extérieurement par une cuticule plus ou moins développée (Graber & Perrotin, 1983).
La partie antérieure pouvant être dilatée en une vésicule céphalique ou munie d’éléments divers tels que les papilles ou ailes céphaliques (Diaw, 1997). La cavité buccale (comprise entre la bouche et l’œsophage) peut être réduite ou absente et porter des denticules, des dents ou des lamelles tranchantes (Salifou, 1996). La partie postérieure, en plus de la différence de taille (mâles généralement plus petits), permet de distinguer les sexes.
Les mâles possèdent une bourse caudale, deux spicules et selon les espèces un gubernaculum (Graber & Perrotin, 1983 ; Lichtenfels et al., 1994 ; Kuchai et al., 2012). La bourse caudale est composée de deux lobes latéraux et d’un lobe dorsal soutenu par des côtes dont la forme et les dispositions sont caractéristiques de l’espèce le plus souvent (Zouiten, 2006). L’extrémité postérieure des femelles est en forme d’une queue pointue et elle porte un orifice vulvaire pouvant occuper des positions variées selon les espèces (Salifou, 1996). Cet orifice peut être lisse ou recouvert d’un prolongement cuticulaire (Salifou, 1996 ; Diaw, 1997).
Dans la caillette, on retrouve presque exclusivement les espèces du genre Haemonchus (Graber & Perrotin, 1983 ; Scheuerle, 2009). Elles ont une cavité buccale réduite portant une petite dent dorsale œsophagienne et possèdent une extrémité antérieure munie d’une papille cervicale proéminente. Les mâles ont une taille variant entre 10 et 20 mm et une bourse caudale large avec deux grands lobes latéraux et un petit dorsal, médian, asymétrique, situé à gauche et soutenu par une côte en Y renversé. Les spicules sont relativement courts (entre 300 et 500 µm pour H. contortus et en moyenne 465 µm pour H. placei par exemple) et sont complétés par un gubernaculum. La taille des femelles quant à elle varie entre 18 et 30 mm et leurs orifices vulvaires sont lisses le plus souvent (forme la plus commune au Sénégal) (Salifou, 1996 ; Diaw, 1997 ; Kuchai et al., 2012). Il est très difficile, grâce aux seuls critères morphologiques de faire une identification des espèces de ce genre (Graber & Perrotin, 1983).
Cycle de développement des nématodes gastro-intestinaux
Leur cycle de développement est d’environ un mois lorsque les conditions sont favorables. Il est direct, monoxène et se présente de la même manière chez tous les nématodes gastro-intestinaux (dont les Haemonchus spp) à l’exception de Nematodirus spp chez qui les trois premiers stades larvaires se passent dans l’œuf (Zouiten, 2006 ; Brunet, 2008 ; Scheuerle, 2009 ; Roeber et al., 2013). Il présente deux phases : une phase exogène (dans le sol et sur les herbes) et une phase endogène (à l’intérieur du tube digestif des petits ruminants).
La phase exogène : elle débute par l’expulsion des œufs avec les fèces de l’animal. Lorsque les conditions environnementales sont réunies, les œufs éclosent et donnent une larve de première génération (L1) qui en quelques heures mue pour donner la larve de deuxième génération (L2). Ces deux premières larves se nourrissent des bactéries du sol et sont très peu résistantes aux conditions environnementales. La larve L2 ayant constitué des réserves énergétiques suffisantes, durant une période plus ou moins longue selon les espèces, mue en une larve L3 contenue dans l’exuvie de L2 et qui malgré cela reste très mobile mais ne s’alimente pas. Cette dernière, sous l’effet d’un géotropisme négatif, d’un phototropisme négatif et d’un hygrotropisme positif, migrera sur les herbes au petit matin ou le soir, cela lorsque les conditions d’humidité seront convenables pour se faire ingérer par les petits ruminants et ainsi continuer son développement en son sein (Salifou, 1996 ; Zouiten, 2006 ; Brunet, 2008 ; Scheuerle, 2009 ; Basripuzi et al., 2013 ; Roeber et al., 2013 ; Ravinet, 2014).
La phase endogène : la L3 ingérée par l’animal se débarrasse d’abord de son exuvie (dégainement) avant d’entrer dans la muqueuse digestive pour muer en une larve de quatrième génération, L4. Celle-ci, lorsque les conditions sont favorables, sort de la muqueuse pour muer en une larve de cinquième génération ou pré-adulte ou adulte immature, L5. A peine cinq jours après, cette larve atteint la maturité sexuelle et est prompte à se reproduire. Selon les espèces, des centaines (cas des Trichostrongylus) ou des milliers d’œufs (cas des Haemonchus) peuvent être expulsés par jour par les femelles adultes. Leur période pré-patente, c’est-à-dire le temps nécessaire entre l’ingestion des larves L3 et la production d’œufs par les femelles adultes, est comprise entre deux et trois semaines pour ces nématodes.
Lorsque les conditions ne sont pas favorables, la larve L4 s’enkyste dans la muqueuse (hypobiose) jusqu’à ce que les conditions redeviennent acceptables (Salifou, 1996 ; Zouiten, 2006 ; Brunet, 2008 ; Scheuerle, 2009 ; Basripuzi et al., 2013 ; Roeber et al., 2013 ; Ravinet, 2014).
Symptômes des strongyloses
Les strongyloses (maladies causées par les strongles) sont responsables de pertes de poids consécutives à une perte d’appétit de l’animal et des retards de croissance. Elles impactent négativement sur la productivité et plus gravement entrainent la mort de l’animal (Diaw, 1997 ; Chaudary et al., 2007 ; Tassawar et al., 2010). D’autres symptômes plus spécifiques au genre ou à l’espèce de parasite en cause peuvent aussi être décelés, mais le polyparasitisme combiné à la malnutrition empêchent souvent de faire la part de chacun d’entre eux (Scheuerle, 2009 ; Roeber et al., 2013 ; Muluneh et al., 2014).
Les haemonchoses sont des infections parasitaires occasionnées par des nématodes du genre Haemonchus. Ainsi, H. contortus, le parasite gastro-intestinal le plus néfaste dans les zones tropicales et subtropicales (Tak et al., 2013) est responsable d’anémies graves, de pertes de poids considérables, de retards de croissance notables et de mortalités précoces (Nimbkar et al., 2003 ; Kumsa & Wossène, 2006 ; Yin et al., 2013). De plus, il interfère sur la reproduction de l’animal, causant ainsi des avortements (Sultan et al., 2010).
Traitement des strongyloses et résistances aux benzimidazoles
Des techniques de gestion des pâturages associées à la prise d’antihelminthiques à base de benzimidazoles, d’imidazothiazoles ou lactones macrocycliques ont vite connu un essor considérable. D’autre part, la complémentation de l’alimentation des petits ruminants par des plantes riches en tanins condensés (Achi et al., 2003 ; Eguale et al., 2006 ; Mahieu et al., 2009) ou de plantes telles que Khaya senegalensis (Fajimi & Taiwo, 2004), Cassia sieberiana, Guiera senegalensis (Traoré et al., 2014) ou encore de Carica papaya (Ameen et al., 2010) peuvent considérablement réduire les effets néfastes du parasitisme. Néanmoins, le principal moyen de lutte contre ces parasites reste à ce jour la prise d’antihelminthiques de la famille des benzimidazoles (Maharshi et al., 2011 ; Irum et al., 2014). Très vite l’utilisation non contrôlée de ces produits a conduit à des formes de résistance (Zouiten, 2006 ; Scheuerle, 2009 ; Traversa et al., 2009 ; Akkari et al., 2013a).
En 1957 déjà, Drudge et al. in Zouiten, 2006 observèrent les premiers cas de résistance à la phénothiazine, première molécule utilisée comme antihelminthique et commercialisée trois ans plus tôt. Et déjà l’espèce incriminée dans cette résistance était H. contortus (Zouiten, 2006). Par la suite, les molécules de la famille des benzimidazoles ont été utilisées. Diverses dérivées de cette famille ont été testées avec en moyenne l’apparition de résistance à peine une décennie après la commercialisation de ladite molécule (Brunet, 2008 ; Scheuerle, 2009 ; Hansen et al., 2013; Morrisson et al., 2014 ; Tydén et al., 2014). Au niveau des petits ruminants les espèces H. contortus et Trichostrongylus spp possèdent une grande adaptabilité et sont résistantes à la plupart des antihelminthiques quelle que soit leur famille (Scheuerle, 2009 ; Santos et al., 2012 ; Akkari et al., 2013a ; Tak et al., 2013). Ces résistances seraient dues à des mutations géniques qui font naître dans la population des individus présentant des caractéristiques leurs permettant de survivre. La résistance aux dérivées de benzimidazole est par exemple liée à une mutation de l’isotype 1 de la sous unité β du gène tubuline (β-tubuline 1) (Tiwari et al., 2007 ; Kotze et al., 2012 ; Shokrani et al., 2012). Il s’avère par ailleurs que les techniques de biologie moléculaire sont plus appropriées pour détecter ces résistances (Gholomian et al., 2007 ; Miranda-Miranda et al., 2008).
Gènes d’intérêt
Espaceur Interne de Transcrit 2 (ITS-2) : L’ARNr est une composante structurale et fonctionnelle des ribosomes. Le ribosome est une structure formée de 2 sous-unités, chacune étant une association de protéines et de l’ARNr (18S pour la petite sous-unité ; 28S, 5,8S, et 5S pour la grande sous-unité). Les ARNr 18S, 5,8S et 28S font partie de la même unité de transcription et sont séparés respectivement par l’ITS-1 (entre le 18S et le 5,8S) et l’ITS-2 (entre le 5,8S et le 28S) (Boyanton et al., 2008). Ces séquences sont hautement variables et pour cette raison très utilisées dans les études phylogénétiques (Lodish et al., 1997 ; Chen et al., 2004). L’ITS-2 est dans le cadre de l’identification des nématodes Strongylidae l’un des meilleurs marqueurs moléculaires (Blouin et al., 1994 ; Kellermanns et al., 2007 ; Krone et al., 2007 ; Chaudhry et al., 2014).
Cytochrome Oxydase 1 (COI) : Les cytochromes forment une large famille de protéines pigmentées et impliquées de manière active dans la chaine de transfert des électrons au niveau du chondriome. L’oxygène qui est respiré subit une réduction tétravalente conduisant à la production d’eau. Cette réaction est catalysée par le cytochrome oxydase (enzyme terminale de la chaine respiratoire mitochondriale), accepteur terminal d’électrons présents dans le complexe IV de la chaîne de transport des électrons située dans la membrane interne mitochondriale (Gardès-Albert et al., 2003 ; Fontanesi et al., 2006). La sous-unité 1 de cette protéine (COI) est nécessaire pour l’assemblage des autres protéines du complexe IV (Fontanesi et al., 2006). Sa forte variabilité génétique est souvent utilisée pour inférer l’évolution d’espèces telles que les strongles (Folmer et al., 1994). De plus, ce marqueur permet de faire l’étude de la structuration génétique intra et interspécifique de ces derniers (Derycke et al., 2010 ; Ngui et al., 2010).
Table des matières
Introduction
Chapitre I : Synthèse bibliographique
I.1. Morphologie des parasites gastro-intestinaux : genre Haemonchus
I.2. Cycle de développement des nématodes gastro-intestinaux
I.3. Symptômes des strongyloses
I.4. Impact des parasites gastro-intestinaux des petits ruminants (pathogénie)
I.5. Traitement des strongyloses et résistances aux benzimidazoles
I.6. Gènes d’intérêt
I.6.1. Espaceur Interne de Transcrit 2 (ITS-2)
I.6.2. Cytochrome Oxydase 1 (COI)
I.6.3. β-tubuline
Chapitre II : Matériel et méthodes
II.1. Site d’étude
II.2. Echantillonnage et récolte des nématodes gastro-intestinaux
II.3. Identification morphologique et conservation des nématodes gastro-intestinaux
II.4. Extraction de l’ADN des Haemonchus spp
II.5. Amplification (PCR) des gènes d’intérêt
II.6. Séquençage des gènes ITS-2 et COI
II.7. Polymorphisme par Longueur de Fragment de Restriction (RFLP) du gène de la β-tubuline 1
II.8. Analyses des données
II.8.1. Charges parasitaires des hôtes en nématodes gastro-intestinaux
II.8.2. Analyses moléculaires des séquences de l’ITS-2 et du COI
II.8.3. Variabilité du gène β-tubuline et résistance aux benzimidazoles
Chapitre III : Résultats et discussion
III.1. Résultats
III.1.1. Analyses des charges parasitaires en nématodes gastro-intestinaux en fonction des hôtes
III.1.2. Analyses moléculaires des séquences de l’ITS-2 et du COI
III.1.3. Analyses de la variabilité de la β-tubuline 1 et de la résistance aux benzimidazoles
III.2. Discussion
Conclusion et Perspectives
Références bibliographiques
Annexes
Annexe A : Portion GRU-1 de la séquence de la β-tubuline amplifiée (Tiwari et al., 2006)
Annexe B : Fiche de terrain
Annexe C : Fiche d’identification
Annexe D : Codifications des échantillons dont l’ADN a été extrait
Annexe E : Protocole de PCR du gène ITS-2
Annexe F : Protocole de PCR du gène COI
Annexe G : Protocole de PCR-RFLP du gène de la β-tubuline