La prévention relative aux abus de consommation ou la consommation à risques de drogues ou d’alcool, vise à toucher de larges groupes dans la population, à savoir les adolescents et les jeunes, les écoles, les familles, le monde du travail, les usagers en période festive, les groupes à risque, etc. Il s’agit donc d’un important fait de société qui vise presque l’entièreté de la population d’un pays, mais également la plupart des pays. En effet, cette consommation à risques et ces abus peuvent engendrer de nombreux problèmes sociaux tels que l’échec ou le décrochage scolaire, la perte d’emploi et du logement, des accidents mais aussi des problèmes sanitaires par la transmission de maladies, des overdoses … On constate chez certains consommateurs de cannabis un risque plus important de schizophrénie, de décès prématurés, mais aussi une criminalité accrue, d’où l’importance d’y consacrer toute notre attention dans le cadre de la criminologie (Antoine, Blanckaert, De Ridder, Gremeaux, & Plettinckx, 2015 ; Drogues Info Service, 2018).
Gisle (2014) et l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies ([OEDT] 2018) ont démontré que le cannabis et l’alcool étaient les deux drogues les plus prisées par les jeunes de 15 à 24 ans. Des études belges sur les élèves de secondaire ont révélé que plus d’un cinquième des 15 à 16 ans (20,9%) et plus d’un tiers des 17 à 18 ans (36,6%) ont déjà consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie, tandis que parmi les plus jeunes, à savoir les 12-13 ans, moins d’un sur vingt avait déjà consommé du cannabis. On remarque également que 3,1% des 15-16 ans consomment du cannabis régulièrement tandis que cette proportion grimpe à 5,4% pour les 17-18 ans. D’autre part, il a été révélé que la moyenne d’âge de la première consommation de cannabis chez les jeunes est de 15,4 ans (Antoine et al., 2015). De même, il a été recensé que près de 4 jeunes entre 15 et 24 ans sur 5 (77%) ont consommé de l’alcool durant les 12 derniers mois en Belgique. On situe l’âge de la première consommation de boissons alcoolisées entre 15 et 18 ans pour les hommes, et entre 15 et 24 ans pour les femmes. De plus, 6% des jeunes belges reconnaissent déjà une consommation problématique d’alcool contre 12 à 13% chez les adultes de 35 à 64 ans (Gisle, 2014).
Les motivations des consommateurs d’alcool ont notamment été explorées au sein d’une Université Nigériane, relevant ainsi trois motivations principales à la consommation, à savoir, surmonter l’anxiété face aux exigences scolaires et améliorer ses compétences, se sociabiliser et faciliter les échanges avec autrui, et atténuer les émotions négatives pour faire face à certaines situations mal vécues (Dumbili & Onyima, 2018). D’autre part, le « binge drinking », et les jeux d’alcool associés, prennent beaucoup de place dans nos sociétés aujourd’hui. Une étude australienne a analysé les motivations des étudiants universitaires à participer à ce genre de jeux. Elle a révélé que les motivations étaient la recherche de compétition, la stimulation, la poursuite de sensations fortes, l’amélioration de l’image sociale, la poursuite sexuelle et l’ennui. Les motivations quant aux quantités d’alcool ingérées lors de ces jeux relevaient, elles, également de la compétition mais aussi du désir de s’entrainer pour devenir plus fort (George, Zamboanga, Martin & Olthuis, 2018).
Les raisons les plus fréquemment relevées concernant la consommation de cannabis diffèrent quelque peu des motivations avancées quant à la consommation d’alcool. Bello et ses collègues (2005) indiquent que les motivations les plus souvent évoquées pour la consommation de cannabis sont le fait de se détendre et de faire la fête ; de pouvoir mieux dormir, mieux réfléchir et mieux communiquer ; penser plus efficacement, diminuer l’anxiété et se soigner.
Les facteurs de protection quant à la consommation de drogues en général établissent que les abstinents présentaient une plus grande religiosité, un engagement scolaire et un contrôle parental plus important que les consommateurs. Ils avaient également moins tendance à fréquenter des pairs toxicomanes et avaient en général moins de conflits avec leurs parents. A l’inverse, les facteurs de risque pour les nonabstinents étaient la pauvreté, de faibles notes scolaires, un manque d’engagement vis-à-vis de l’école, la fréquentation de pairs antisociaux et des conflits avec leurs parents. (Vaughn et al., 2018).
Par ailleurs, d’autres motivations ont également été étudiées, à savoir, les raisons qui poussent les consommateurs adultes de cannabis à ne plus en faire usage. Une étude dans la région de Baltimore a permis de mettre en évidence six facteurs de motivations relatifs au désir d’arrêter de consommer : l’image de soi et la maitrise de soi, les préoccupations en matière de santé, les relations interpersonnelles, le risque d’inacceptabilité sociale, les risques juridiques et la recherche d’efficacité personnelle. Les 4 premières motivations ci-dessus sont celles qui réduisent le plus les risques de rechute (Chauchard, Levin, Copersino, Heishman & Gorelick, 2013). Par ailleurs, Downey, Rosengren et Donovan (2001) ont révélé que les motivations intrinsèques concernant l’arrêt de consommation de drogues (alcool, hallucinogènes, cannabis, opiacés, cocaïne, etc.) avaient plus de poids que les motivations extrinsèques. Les raisons intrinsèques se focalisaient sur l’image de soi et les préoccupations pour la santé tandis que les motivations extrinsèques prenaient en compte l’influence sociale et les risques juridiques.
Enfin, Davis et Spillman (2011) ont mis en évidence que les motivations d’étudiants en psychologie de 18 à 44 ans pour n’avoir jamais consommé de marijuana, de PCP, d’héroïne, de cocaïne, d’amphétamines, d’hallucinogènes, de méthamphétamines, d’ecstasy et de médicaments à usage nonmédical étaient les risques de dommages physiques liés à la consommation de drogues, la désapprobation des parents et la probabilité que les drogues interfèrent avec leurs objectifs de vie. L’étude a aussi révélé que les étudiants abstinents avaient de meilleures relations avec leurs proches.
Bien que certaines recherches aient étudié les facteurs de protection relatifs à la consommation de drogue, le profil des abstentionnistes et leurs motivations à s’abstenir n’ont été que peu investigués jusqu’ici, notamment en Belgique ; et ce constat est encore plus vrai si l’on considère un public d’adolescents et de jeunes adultes. Pourtant, ces profils et ces motivations pourraient faire l’objet de politiques de prévention ciblées relatives à l’usage de drogues, raison pour laquelle l’étude de cette problématique semble pertinente. La présente étude a donc pour objectif d’analyser ces profils et ces motivations afin d’apporter un regard neuf sur la pertinence des programmes de prévention actuellement en vigueur relatifs à l’abus de consommation de drogues ou aux consommations à risques.
La consommation d’alcool chez les jeunes de l’échantillon au cours des 12 derniers mois se décrivait comme suit :
• 81 sujets n’avaient jamais consommé (bu) d’alcool
• 21 sujets n’avaient pas consommé d’alcool au cours de ces 12 derniers mois
• 37 sujets avaient consommé juste une fois, pour essayer
• 213 sujets avaient consommé moins d’une fois par mois (à l’occasion)
• 244 sujets avaient consommé environ une fois par mois
• 526 sujets avaient consommé la fin de semaine ou une à deux fois par semaine
• 178 sujets avaient consommé trois fois et plus par semaine mais pas tous les jours
• 10 sujets avaient consommé tous les jours .
Tandis que la consommation de cannabis chez les jeunes de l’échantillon au cours des 12 derniers mois se présentait comme suit :
• 672 sujets n’avaient jamais consommé de cannabis
• 167 sujets n’avaient pas consommé de cannabis au cours de ces 12 derniers mois
• 131 sujets avaient consommé juste une fois, pour essayer
• 184 sujets avaient consommé moins d’une fois par mois (à l’occasion)
• 42 sujets avaient consommé environ une fois par mois
• 44 sujets avaient consommé la fin de semaine ou une à deux fois par semaine
• 27 sujets avaient consommé trois fois et plus par semaine mais pas tous les jours
• 43 sujets avaient consommé tous les jours .
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