Etude des mécanismes impliqués dans l’hépato-toxicité des médicaments anti-cancéreux

Etude des mécanismes impliqués dans l’hépato-toxicité des médicaments anti-cancéreux

Transporteurs membranaires hépatiques 

L’efficacité de transport au travers de la membrane hépatocytaire est étroitement liée aux caractéristiques physico-chimiques de la molécule et particulièrement à sa polarité. Les molécules non chargées et très hydrophobes traverseront cette bicouche phospholipidique aisément par diffusion passive , tandis que les petites molécules ioniques pénètreront dans l’hépatocyte grâce à des canaux transmembranaires en fonction d’un gradient de concentration. Des transporteurs membranaires spécifiques permettent le transport facilité des xénobiotiques plutôt hydrophiles (Figure 3) 6 . Le transport actif est utilisé pour le transport de molécules volumineuses et deux catégories se distinguent selon leur mode de fonctionnement primaire ou secondaire6 . Le transport primaire permet le passage (l’entrée ou l’excrétion) de molécules contre leur gradient de concentration en utilisant de l’énergie apportée sous la forme d’ATP : c’est le cas des transporteurs ABC (ATP-binding cassette transporters) 23. Le transport actif secondaire, qui concerne les transporteurs de la famille des SLC (solute carrier transporters), correspond à un système de co-transport avec un ion ou un système de transport antiport qui permet l’élimination d’un composé intracellulaire en échange de l’entrée d’une molécule.

Transporteurs SLC basolatéraux 

Les transporteurs d’influx hépatiques appartiennent majoritairement à la superfamille des SLC qui compte près de 65 familles de gènes et rassemble près de 458 protéines. Ces transporteurs sont classés selon la nature de leurs substrats (ions, acides aminés, xénobiotiques, macromolécules endogènes…) et sont situés sur les membranes de nombreux types cellulaires (hépatiques, rénaux, intestinaux…) et d’organites intracellulaires comme les mitochondries. Les familles SLC21/SLCO (ou transporteurs OATP organic anion transporters polypeptides) sont les protéines les plus abondamment exprimées au niveau de la membrane basolatérale. La famille SLC22 rassemble les transporteurs d’anions et de cations organiques OAT et OCT (organic anions/cations and zwitterions transporters) et le transporteur NTCP (Na+-taurocholate cotransporting polypeptide) appartient à la famille SLC1024. Enfin, la sous-famille SLC47 (incluant MATE1, multidrug and toxine extrusion protein 1) est – contrairement aux autres transporteurs SLC hépatocytaires – exprimée au pôle canaliculaire des hépatocytes.

  • Famille SLCO/OATP 

Les transporteurs de la famille SLCO/OATP sont des protéines de 650 à 700 acides aminés et présentent près de 30% d’homologie entre les onze isoformes identifiées. Leur structure comporte 12 domaines transmembranaires dont les extrémités C- et N-terminales sont situées côté cytosolique (Figure 5). OATP1B1 (SLCO1B1) et OATP1B3 (SCLCO1B3) sont présents quasi-exclusivement au niveau de la membrane basolatérale des hépatocytes. Ils sont accompagnés d’OATP2B1 (SLCO2B1) qui exerce aussi sa fonction dans d’autres tissus tels que le placenta29,30. 31 Figure 5 : Transporteurs membranaires hépatiques basolatéraux impliqués dans l’influx des médicaments Ces transporteurs fonctionnent de manière bidirectionnelle et co-transportent des molécules volumineuses et amphiphiles, comme des anions organiques et un grand nombre de médicaments en échange de molécules endogènes éliminées hors de la cellule comme le glutathion ou des ions bicarbonates. La forte homologie de séquence protéique qui existe entre OATP1B1 et OATP1B3 leur permet de partager certains substrats conjugués comme la bilirubine, des acides biliaires, des hormones thyroïdiennes, certaines prostaglandines, ou des dérivés œstrogéniques. Les statines (molécules inhibitrices de l’HMG-CoA réductase) sont d’importants substrats de ces transporteurs32, tout comme le méthotrexate, un anticancéreux très utilisé en oncohématologie ou à doses plus faibles dans le cas de maladies inflammatoires auto-immunes.

  • Famille SLC22/OCT, OAT

 Les transporteurs d’ions organiques SLC22 sont exprimés sur la membrane sinusoïdale des hépatocytes. Cette famille comprend les transporteurs d’anions organiques (OATs) et de cations (OCTs) qui sont des protéines complexes constituées de 12 hélices transmembranaires. Leur particularité réside dans la présence de larges boucles extra- et intracellulaires contenant des résidus d’acides aminés pouvant être glycosylés et phosphorylés. OAT2 (codé par le gène SLC22A7) est exprimé au niveau rénal 32 et hépatique et permet l’import de nombreuses molécules endogènes telles que des acides aminés, des dérivés de bases puriques, des hormones et des prostaglandines. Il transporte également les formes anioniques de certains médicaments (salicylates, érythromycine, tétracyclines, 5-fluorouracile et capécitabine, paclitaxel, méthotrexate, allopurinol…31,36). OCT1 (SLC22A1) permet le transport poly spécifique de nombreuses molécules endogènes neuromodulateurs (comme la sérotonine ou la dopamine) et des molécules exogènes comme la metformine, le tramadol, certains anti(rétro)viraux et certains anticancéreux comme l’oxaliplatine, l’irinotécan et le paclitaxel36. Cependant, de nombreuses molécules sont à la fois substrats et inhibitrices du transporteur comme la fluoxétine, l’imatinib ou le vérapamil exposant à un risque important d’interactions médicamenteuses. 

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Table des matières

Remerciements
Liste des figures
Liste des tables
Glossaire
Introduction
Partie 1 : Métabolisme et toxicité hépatiques des médicaments
1. Généralités sur le métabolisme hépatique des médicaments
1.1. Anatomie et physiologie hépatiques
1.1.1. Le foie
1.1.2. Le lobule hépatique
1.1.3. Les hépatocytes
1.2. Acteurs du métabolisme et de l’élimination hépatiques des xénobiotiques
1.2.1. Effecteurs enzymatiques
a. Enzymes de phase I
b. Enzymes de phase II
1.2.2. Transporteurs membranaires hépatiques
a. Transporteurs SLC basolatéraux
b. Transporteurs d’efflux apicaux
c. ABC transporteurs basolatéraux
1.2.3. Régulation de l’expression des enzymes et transporteurs hépatiques
1.3. Variabilité pharmacogénétique appliquée au métabolisme des médicaments
1.3.1. Généralités et définitions
a. Instabilité génétique
b. Variants pharmacogénétiques
c. Notions d’haplotypes
d. Construction des études d’association pharmacogénétiques
1.3.2. Variabilité pharmacogénétique des enzymes de phase I et II.
a. Enzymes de phase I
b. Enzymes de phase II
c. Variants de PXR/NR1I2
1.3.3. Variabilité pharmacogénétique des transporteurs ABC
a. MDR1/Pg-P
b. MRP2
c. BCRP
d. MRP3
e. MRP4
2. Hépatotoxicité médicamenteuse
2.1. Définitions et épidémiologie
2.2. Mécanismes cellulaires et moléculaires des DILI
2.2.1. Activation métabolique et conséquences intracellulaires
2.2.2. Réponse au stress oxydant
2.2.3. Effets délétères sur la mitochondrie et le réticulum endoplasmique
2.2.4. Inhibition du transporteur d’acides biliaires BSEP
2.2.5. Activation de la réponse immunitaire
2.3. Susceptibilité individuelle à l’hépatotoxicité médicamenteuse
2.4. Manifestations cliniques et biologiques des DILI
2.4.1. Atteintes hépatocellulaires
2.4.2. Cholestase médicamenteuse
2.4.3. Atteintes hépatiques mixtes
2.5. Diagnostic et traitement des DILI
2.6. Modèles d’étude du métabolisme et de la toxicité hépatique
2.6.1. Identification des voies de production des métabolites réactifs
2.6.2. Évaluation de la toxicité hépatique
a. Modèles cellulaires
b. Modèles in vivo
c. Méthodes in silico
Partie 2 : Hépatotoxicité des médicaments cytotoxiques, exemple de la trabectédine
1. Généralités sur la trabectédine
1.1. Origine, structure chimique et mécanisme d’action
1.2. Biomarqueurs pharmacogénomiques associés à la trabectédine
1.3. Indications cliniques
1.4. Propriétés pharmacocinétiques et relations pharmacocinétique-pharmacodynamiques
1.5. Métabolisme et élimination hépatique de la trabectédine
1.5.1. Métabolisme par les cytochromes P450
1.5.2. Interaction avec les mécanismes de régulation transcriptionnelle
1.5.3. Elimination par les transporteurs ABC
1.6. Effets indésirables
1.7. Mécanisme d’hépatotoxicité de la trabectédine
2. Article N°1
3. Discussion et perspectives
Partie 3 : Hépatotoxicité des inhibiteurs de récepteurs à activité tyrosine kinase, exemples du pazopanib et du sunitinib
1. Généralités sur les inhibiteurs de récepteurs à activité tyrosine kinase
1.1. Récepteurs à activité tyrosine kinase : structure, activation oncogénique et inhibition
1.2. Généralités sur le pazopanib
1.2.1. Structure et relations structure-activité
1.2.2. Propriétés physico-chimiques et stabilité
1.2.3. Propriétés pharmacodynamiques
1.2.4. Indications cliniques
1.2.5. Effets indésirables
1.2.6. Propriétés pharmacocinétiques
1.2.7. Interactions médicamenteuses
1.2.8. Relations pharmacocinétiques-pharmacodynamiques
1.3. Généralités sur le sunitinib
1.3.1. Structure et relations structure-activité
1.3.2. Propriétés physico-chimiques et stabilité
1.3.3. Propriétés pharmacodynamiques
1.3.4. Indications clinique
1.3.5. Effets indésirables
1.3.6. Propriétés pharmacocinétiques
1.3.7. Interactions médicamenteuses
1.3.8. Relations pharmacocinétiques-pharmacodynamiques
1.4. Rôle des métabolites réactifs dans l’hépatotoxicité et les interactions médicamenteuses liés au pazopanib et au sunitinib
1.4.1. Métabolisation du pazopanib et du sunitinib en métabolites réactifs
1.4.2. Rôle des aldéhydes dans la toxicité des médicaments
1.4.3. Mécanismes d’hépatotoxicité des ITK : dommages intracellulaires liés à la production de métabolites toxiques
2. Article n°2
3. Discussion et perspectives
Conclusion générale
Travaux supplémentaires
Références

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