Etude des matériaux dopés aux ions luminescents
pour le domaine de la photonique
Les ions de terre rare dans les matrices solides
Propriétés Spectroscopiques
Les propriétés optiques particulières des ions de terre rare trouvent leur origine dans la structure électronique incomplète du sous-niveau 4f. Elles sont liées, entre autres, aux transitions 4f n → 4f n (1 ≤ n ≤ 13). Les électrons du niveau 4f sont protégés de l’environnement par les niveaux 5s et 5p dont le remplissage électronique est complet. De ce fait, dans une solution solide, les ions de terre rare sont assez peu sensibles à la nature (solide cristallin ou amorphe) de la matrice hôte ou aux vibrations des atomes voisins. Compte tenu de cela : • les transitions électroniques sont peu élargies à température ambiante. • les transitions non radiatives sont faibles devant les transitions radiatives. • l’effet du champ cristallin peut être vu comme une perturbation de l’ion libre. Les transitions optiques des ions de terres rares se distinguent par leur exceptionnelle finesse, particulièrement à basse température (4K). Cette propriété les a placés au cœur des nombreuses applications allant du stockage de l’information aux mémoires quantiques [1–5]. Les ions de terre rare (Tableau I-1) appartiennent à la famille des lanthanides. Situés dans la cinquième période de la classification de Mendeleïev et débutant par l’ion Lanthane La3+ qui est optiquement inactif, les lanthanides se caractérisent par une couche 4f interne incomplète. Les ions optiquement actifs correspondent aux ions à partir du Cérium (Ce3+) qui ne possède qu’un seul électron sur la couche 4f jusqu’à l’Ytterbium (Yb3+) caractérisé par une couche 4f13 avec un seul électron manquant. Enfin, le Lutécium Lu3+ possédant une couche 4f complète est comme le lanthane optiquement inactif. Dans notre cas l’ion trivalent Erbium (Er3+) a la configuration électronique fondamentale Xe 4f11. Les électrons optiquement actifs appartenant à la couche interne 4f possèdent la particularité d’être écrantés par les électrons des couches externes 5s et 5p. Physiquement, cela signifie que les fonctions d’onde des électrons 4f sont en moyenne localisées à une distance plus faible du noyau que celle associées aux électrons 5s et 5p. La conséquence d’une telle propriété est l’influence relativement faible des ions environnants lorsque l’ion de terre rare est introduit dans un solide ionique. L’effet du champ cristallin des ions ligands est donc considérablement réduit et les niveaux d’énergie de l’ion de terre rare sont proches de ceux correspondant à l’ion libre. Ces niveaux d’énergie ont été reportés (Figure I-1) de façon générale dans le diagramme bien connu de Dieke [6].La couche 4f présente également une particularité intéressante : son extension spatiale est moins importante que les deux couches 5s et 5p qui lui sont pourtant inférieures en énergie. Ce confinement de l’orbital 4f est d’autant plus important que l’on avance dans la Chapitre I Spectroscopie de base des ions de terre rare 5 série des lanthanides. On parle de contraction lanthanidique. Les électrons de la couche 4f sont donc protégés des influences électrostatiques extérieures et du champ cristallin. La principale caractéristique des ions terre rare est le phénomène de contraction des sous-couches 4f. Ainsi les électrons 4f se trouvent attirés vers les couches les plus internes et qui seront ainsi protégés de l’extérieur par les couches externes 5s et 5p. La contraction de l’orbitale 4f connue sous le nom de « contraction des lanthanides » fait la particularité de ces ions et se reflète dans un bon nombre de leurs propriétés. Ce confinement de l’orbital 4f est d’autant plus important que l’on avance dans la série des lanthanides. On parle de contraction lanthanidique. Les électrons de la couche 4f sont donc Numéro atomique Z Elément chimique Configuration électronique des ions de terre rare Niveau fondamental Ln3+ protégés des influences électrostatiques extérieures et du champ cristallin. Les orbitales 4f étant des orbitales profondes, subissent très peu l’influence de l’environnement. Le couplage spin-orbite est plus important que le champ cristallin. Ainsi, dans les complexes des terres rares, les bandes d’absorption dues aux transitions f-f ne subissent pas l’élargissement dû aux vibrations des ligands et sont donc très étroites et bien résolues. I-1. Structure électronique de l’ion Erbium L’erbium est un atome de terre rare, son numéro atomique est 68. L’ion Er3+ se trouve sous la forme trivalente de configuration [Xe] 4f11. L’orbitale qui nous intéresse est l’orbitale 4f qui contient 11 électrons. La transition entre le premier état excité 4 I13/2 et le niveau fondamental 4 I15/2 est particulièrement intéressante pour certaines applications, car elle produit des photons avec une longueur d’onde de 1,54 μm. I-2. Termes et multiplets de l’ion Er3+ Les multiplets sont notés 2S+1LJ, La valeur du nombre quantique L détermine l’état : L se note S, P, D,F,G, H, I,K, selon que L prend respectivement les valeurs 0, 1,2, 3,4, 5,6, 7. La sous-couche électronique 4f de l’ion Er3+ possède onze électrons optiquement actifs. L’ion Er3+ possède 12 doublets (figure I-1) (2 P, 2 D(1), 2 D(2), 2 F(1), 2F(2), 2 G(1), 2 G(2), 2 H(1),2 H(2), 2 I, 2 K et 2 L) et 5 quartets (4 S, 4 D, 4 F, 4 G et 4 I) [7] . Des transitions intraconfigurationnelles 4f-4f de l’ion Er3+suscitent un grand intérêt depuis longtemps du fait des transitions laser observées dans le domaine visible et infrarouge à partir des niveaux 4 F7/2 et 4 I11/2. La transition 4 F7/2 → 4 I15/2 correspond à une émission dans le bleu, alors que la transition 4 F11/2 → 4 I15/2 donne une émission située dans l’infrarouge lointain. L’ion Er3+ est l’un des ions de terres rares les plus riches avec son complémentaire Nd3+ en émission dans un vaste domaine de longueur d’onde. Les recherches sont axées principalement sur les deux transitions 4 I13/2 → 4 I15/2 (λ= 1.55 μm) et 4 I11/2 → 4 I13/2 (λ= 2.8 μm). La première transition est utilisée en télécommunication [8] (λ= 1.55 μm) ou en télémétrie car la longueur d’onde correspond à des lasers de sécurité oculaire [9] et la deuxième émission correspond à la technique L.I.D.A.R (radar lumineux) domaine de transparence de l’atmosphère I-3. Hamiltonien de l’ion libre En première approximation, les niveaux d’énergie des ions de terres rares peuvent être considérés comme indépendants de l’environnement cristallin et donc décrits par l’hamiltonien de l’ion libre. Puisque l’électron est une particule chargée possédant un moment angulaire orbital et un moment cinétique de spin et se déplaçant dans un champ électrique central. Les interactions prépondérantes sont l’interaction de Coulomb et le couplage spin-orbite. Les interactions magnétiques entre les électrons ou entre les électrons et le noyau sont très faibles dans notre cas, peuvent être négligées. L’hamiltonien de l’ion libre s’écrit donc : H = H0 + HSO (I-1) Chapitre I Spectroscopie de base des ions de terre rare 8 Le premier terme H0 rend compte de l’énergie cinétique des électrons et de leur énergie potentielle d’origine électrostatique et s’écrit H0 = H1 + Hee avec : n i 1 i i n i 1 2 1 i r Z e² 2m ² H (I-2) et n i j -1 ee ij H e² r (I-3) l’on peut aussi écrire sous la forme : n i 1 1 i H f avec i 2 i i i r e²Z 2m ² f (I-4) et n i j ee ij H g avec ij ij r e² g (I-5) où la somme sur l’indice i s’effectue sur les n électrons de la configuration 4f n, Zi.e est la charge effective du noyau vue par l’électron i, e et m la charge et la masse de l’électron, ri la distance entre l’électron i et le noyau et rij la distance entre deux électrons i et j. L’interaction de Coulomb est dans ce cas la somme des interactions entre l’électron 4f et le noyau écranté par les électrons des couches complètes contenu dans l’hamiltonien et des interactions électron-électron. Le second terme de l’hamiltonien de l’ion libre correspond quant à lui de l’interaction spin-orbite et peut s’écrire : i i i SO i H r l .s (I-6) où i r est le paramètre de couplage spin-orbite et i l et i s sont les moments angulaires orbitaux et de spin de l’électron 4f ou 5d considéré. ξ (ri) est la constante de couplage spinorbite pour le terme considéré, positive si la couche est moins qu’à moitié pleine, négative si elle est plus que demi remplie (tableau I-2). λ est relié à ζ par: λ = ± ζ /2S.
Introduction |
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