Etude des mares du parc Naturel Régional des Causses du Quercy
ETUDE DE LA CONNECTIVITE INTER-MARES A TRAVERS UN MODELE BIOLOGIQUE : LES ODONATES
Les termes de dispersion et de migration sont utilisés pour décrire certains aspects des mouvements des organismes. La dispersion ne concerne que certains organismes qui s’éloignent de la population alors que la migration est un mouvement de masse concernant la population entière. La dispersion entre habituellement en jeu dans les processus de colonisation et permet l’installation d’individus dans de nouveaux habitats. De plus, cela contribue également à la subsistance des populations et des espèces face aux changements naturels ou anthropiques de l’environnement (Begon et al. 1996). La dispersion a aussi un effet potentiel profond sur la dynamique des populations et constitue un processus essentiel de la survie des espèces dans des conditions de « patches » d’habitat. Les Odonates accomplissent la partie larvaire de leur cycle de vie dans les milieux aquatiques. Dans ces conditions, des mares séparées par l’environnement terrestre constituent un « patch » d’habitat. Les mares peuvent, dans ce cas, être comparées à des îles (sensu Levins 1969). Dans un tel environnement, les populations d’Odonates colonisant les différentes mares peuvent être qualifiées de métapopulations (Levins 1969). Dans ce contexte, la dynamique des populations doit être considérée à deux niveaux : à l’intérieur des « patches » et entre les différents « patches ». La dispersion des Odonates ne peut avoir lieu que lors du stade adulte ailé et mobile. Bien que la dispersion d’œufs et de larves ait été mentionnée, ces phénomènes peuvent être considérés comme extrêmement rare (Corbet 1962). Le stade adulte peut être divisé en 3 périodes : (i) la période de maturation, (ii) la période de reproduction et (iii) la période postreproduction. Typiquement, la première phase se déroule loin du milieu aquatique. Lorsque les Odonates sont matures sexuellement, les individus reviennent sur les milieux aquatiques pour se reproduire (Corbet 1980). De nombreuses études se sont intéressées au mouvement des populations le long des milieux courants (Schutte et al. 1997, Stettmer 1996, Conrad & Herman 1990) mais il y a très peu d’informations concernant les mouvements entre milieux stagnants voisins (voir cependant Conrad et al. 1999, Van Noordwikk 1978). De plus les 95 données disponibles concernant la dispersion sont généralement déduites d’analyses de la densité des populations et il est souvent difficile, dans ce cas, de distinguer la part de la mortalité et de la dispersion dans les résultats (Conrad et al. 1999). Peu d’études se sont intéressées à la dispersion. Une des raisons pour expliquer ce fait est qu’il est souvent extrêmement difficile de quantifier ce phénomène (Doak et al. 1992). Dans ce chapitre nous avons utilisé la méthode de capture-marquage-recapture pour examiner les capacités et les caractéristiques de la dispersion de 3 espèces d’Odonates (Coenagrion puella (Linné, 1758), Coenagrion scitulum (Rambur, 1842) et Libellula depressa Linné, 1758) durant les deux premières phases de leur vie adulte. Dans un premier temps, nous avons tout d’abord examiné l’influence des paramètres environnementaux (température, précipitations et intensité lumineuse) sur la dispersion. Dans un second temps, nous avons comparé les capacités de dispersion des espèces prises en compte. Enfin, nous avons étudié l’influence du sexe (pour les 3 espèces) et de l’âge (pour 2 espèces) sur la dispersion. Cela nous a conduit à discuter de l’importance de la gestion des mares vis-à-vis des processus de dispersion.
Sites d’étude
Cette étude à été conduite sur trois mares permanentes de type Saint-Namphaise du Parc naturel régional (Fig. 41) : Naves, Esquinoux et Longpech. Figure 41 : Localisation des mares étudiées. 1 : Naves, 2 : Esquinoux, 3 : Longpech. 97 La zone d’étude a une superficie d’environ 1,77 km2 . C’est une zone de forêt et de champs qui contient seulement trois mares de 48 à 80 m2 séparées entre elles de 200 à 775 m. Aucun autre point d’eau n’est présent dans un rayon de 800 m autour de chaque mare ce qui exclue la possibilité d’immigration d’individus de sites non étudiés. Les principales caractéristiques environnementales de chaque mare sont présentées dans le tableau
Méthodes
L’échantillonnage a eu lieu quotidiennement entre le 7 mai et le 30 juin 2001 (excepté 8 jours pluvieux où la capture des Odonates n’était pas possible). Les Odonates sont capturées à l’aide d’un filet à papillons. Elles sont ensuite marquées individuellement grâce à 3 marqueurs indélébiles. Chaque individu est référencé en inscrivant délicatement un numéro sur une aile. Trois couleurs d’encre sont utilisées afin d’identifier les individus appartenant à chaque mare (Photo 1). Photo 1 : Exemple de Libellula depressa mâle marqué à Naves (n° 51 en noir) Les individus immatures (i.e. venant d’émerger) sont capturés chaque matin durant l’émergence. Ils sont collectés avec beaucoup de précaution afin de ne pas abîmer leurs ailes. Ils sont conservés durant une nuit dans un vivarium en plastique équipé de tiges végétales où ils peuvent grimper. Le matin suivant, les immatures sont marqués puis relâchés en bordure de la mare d’où ils ont émergé. Les adultes sont capturés du matin à la fin de l’après-midi. Chaque mare est visitée une fois tous les 3 jours en rotation (excepté les jours de pluie). Les adultes capturés sont marqués et conservés dans un vivarium placé dans un endroit ombragé afin d’éviter des recaptures multiples d’un même individu durant une journée sur une même mare. A la fin de l’après-midi, les adultes sont relâchés à proximité de la mare. Chaque individu est identifié au niveau spécifique et sexé. Les Zygoptères sont recapturés pour lire la marque inscrite sur leur aile alors que ce n’est pas forcément nécessaire pour les Anisoptères. Les marques peuvent être lues en utilisant des jumelles ou à l’œil nu. Les campagnes de marquage et de recapture ont lieu simultanément durant toute la période d’échantillonnage. Les paramètres environnementaux pouvant influencer l’activité des Odonates comme la température minimale et maximale de l’air (°C), les précipitations (mm) et l’intensité lumineuse (Lux) seront pris en compte grâce aux données fournies par la station météorologique de Météo France située à 7km de notre zone d’étude.
PRESENTATION GENERALE DE L’ETUDE |