Etude des Intrusions magmatiques dans le bassin Sénégalo mauritanien
La litho stratigraphie de la presqu’île
La géologie de la presqu’île du Cap-Vert est bien connue grâce aux affleurements et aux forages pétroliers. Elle est marquée par une sédimentation plus ou moins continue du Crétacé terminal au Pliocène. On distingue plusieurs unités.
Le Campano-Maastrichtien
Il affleure au niveau du horst de Ndiass et représente les terrains les plus anciens connus en surface. Tessier (1950), Martin (1967, 1970) ; Bellion (1987) et Sow (1992) distinguent trois faciès principaux du Maastrichtien. De bas en haut une série sableuse azoïque, une série gréso-calcaire organogène et un ensemble d’argiles et de marnes surmontés par des grés argileux. Seul le dernier nommé « série du cap Rouge-cap de Naze» affleure au niveau de falaises côtières du littoral sud et les carrières de Packy.
Le Paléocène
Il est transgressif sur le Maastrichtien et montre des faciès variables d’épaisseur faible. La limite Maastrichtien-Paléocéne est marquée par une sédimentation chimique et biochimique au Paléocène. Cependant Monciardini, (1966) et Diop, (1982), ont montré que le Paléocène est sableux à sa base avec des grés calcaires ou des calcaires gréseux. Le Paléocène inférieur ou Danien est représenté par la formation marno-calcaire de Ndayane (Tessier., 1950). Sur les flancs orientaux du horst de Ndiass il passe à des grés calcaires et à des sables argileux. A l’Ouest il passe en totalité à des argiles épaisses de plus de 300 m dans la zone du lac Retba (Tessier, 1950; Castelain et al. 1965; Brancart, 1977; Sarr, 1995). Le Paléocène supérieur est discordant et transgressif sur les bordures immédiates du horst de Ndiass. Il est constitué de calcaires zoogénes très karstifiés qui affleure et largement autour de Mbour et jusqu’au Nord de Pout. L’épaisseur moyenne des calcaires zoogénes karstifiés en bordure orientale du horst de Ndiass varie entre 40 et 80 m. Dans le forage du lac Tamna, cette épaisseur est de 37 à 40 m (Fall, 1981). A Dakar, le Paléocène correspond à la formation marno-calcaire des Madeleines qui affleure sur une épaisseur d’environ 30 m, elle est constituée de marnes grises à passages calcaires fréquents. La formation des Madeleines comporte une importante microfaune planctonique (Bellion et al. 1985). Sarr (1995) y distingue également de nombreuses espèces de foraminifères planctoniques.
L’Eocène inférieur ou Yprésien
Il débute par un horizon marno-calcaire ou sableux peu épais, à silex, phosphate, et glauconie (Tessier, 1950). La sédimentation se poursuit par un ensemble argilo-marneux (200 à 300 m) surmonté de calcaires silicifiés correspondant à l’horizon de Sébikotane-Pointe Saréne. Au dessus on retrouve successivement les marnes du Ravin des voleurs, puis les marnes et calcaires de Bellevue qui constituent les formations de Ngazobil. Cet horizon marno-calcaire est l’équivalent des marnes à Lucines de Bargny et des marnes et calcaires de la SOCOCIM. A Dakar l’Eocène correspond à la formation de la Prison qui affleure dans un petit synclinal dans les falaises de la plage de Rebeuss. Il s’agit d’argiles blanches feuilletées encore appelées marnes papyracées. Il est aussi représenté par la formation de l’hôpital qui a été autrefois désignée par les «marnes magnésiennes» à cause d’une teneur de 3,6 en magnésie. Cette formation affleure largement dans le Plateau de Dakar (35 m) où elle est constituée d’argiles silicifiées à passages dolomitiques vers le sommet. Les dépôts marneux ou argileux de l’Eocène inférieur correspondent, au maximum de transgression dans l’ensemble du bassin sénégalo-mauritanien (Tessier, 1950 ; Castelain et al. 1965).
L’Eocène moyen ou Lutétien
Les dépôts lutétiens sont représentés par un ensemble argilo-marneux ou calcaire tronqué souvent à son sommet par l’érosion post-éocène (Bellion, 1987) et recouverte par le Continental terminal et le Quaternaire (Sarr, 1995). Les argiles et les marnes renfermant quelques intercalations de calcaires argileux à silex. Le début de l’Eocène dans la région de Thiès est marqué par le dépôt des marnes et calcaires fins fossilifères de Bellevue, suivi par les calcaires de Thiépe-Lambaye (équivalent de la formation de Pallo), les marnes de Lam-Lam et les latéroïdes phosphatés du plateau de Thiès. A l’affleurement, l’Eocène moyen est représenté à Dakar par les marnes de la Poudrière qui affleure entre la pointe des Contagieux et la pointe BERNARD. Elles sont formées de marnes jaunes à grises très altérées rattachée à la base du Lutétien grâce aux foraminifères benthiques communs aux calcaires de Bargny (Castelain et al.1965). L’Eocène moyen est aussi représenté par les marno-calcaires de la plage de l’Anse Bernard et les marnes et marno-calcaires de Bargny. Les argiles et les calcaires de la plage Bernard ont livrés une microfaune d’âge Lutétien (Castelain et al. 1965).
L’Eocène supérieur
La série est constituée d’argiles, de calcaires, de marno-calcaires ou de marnes souvent phosphatées dont l’épaisseur varie de 30 à 60 m. Dans la région du Cap-Vert, l’Eocène supérieur a été rencontré dans les sondages de Dakar 2 (DK2) où il correspond à 110 m d’argiles dites argiles de Yoff. Ce sont des argiles beiges renfermant des foraminifères benthiques et planctoniques datés du Bartonien au Pribanien.
L’Oligocène
A Dakar, nous avons les calcaires à Lépidocyclines conservés à l’état de blocs emballés dans les tufs volcaniques d’âge Miocène entre l’anse Bernard et la plage Pasteur de Dakar (Castelain et al. ,1965). Ces calcaires renferment également des algues. Par ailleurs, c’est à l’Oligocène que se situent les premières manifestations volcaniques enregistrées à Dakar : • mise en place du sill de pyroxénolite de l’anse des Madeleines daté à 30.7 ±2MA (Cantagrel et al. ,1978). • basaltes incorporés dans les calcaires à Lépidocyclines (Bellion et Giraud, 1984).
Le Miocène
A la base, le Miocène est argileux et renferme une association caractéristique de l’Aquitanien inférieur. La série se poursuit par une formation argileuse à débris ligneux riche en microfaune planctonique. Ensuite viennent des calcaires argileux, des marnes, des calcaires tendres à abondance d’Hétérostégines et des Amphistégines du Miocène moyen. Le Miocène est marqué aussi par une importante activité volcanique non seulement dans les régions du Cap-Vert et de Thiès, mais également sur la marge océanique (Bellion et Giraud, 1984). En ce qui concerne le Continental Terminal, il s’agit de formations sableuses, argilosableuses, gréso-argileuses rubéfiées qui renferment parfois des débris de coquilles de mollusques.
Le Pliocène
Avec le retrait de la mer, les formations géologiques sont soumises à une altération continentale en climat chaud et humide. Ceci a conduit à la formation de cuirasses latéritiques rencontrées dans le horst de Ndiass et dans le plateau de Thiès. Nahon et Demoulin, (1971) distinguent deux types de cuirasses latéritiques : • la cuirasse primaire formée de grés, elle se serait formée au Pliocène, • la cuirasse secondaire, formée de gravillons latéritiques provenant du démantèlement de la cuirasse primaire, d’âge Plio-Pléistocène. A Dakar, cette cuirasse s’observe au toit des coulées volcaniques du système du Cap Manuel.
Le Quaternaire
Le Quaternaire constitue la majeure partie des affleurements du bassin sénégalomauritanien. Il comprend des formations marines, continentales et volcaniques. Il a fait l’objet de nombreux travaux, parmi lesquels le plus complet est celui de Michel (1973). Le Quaternaire marin est représenté dans la partie occidentale du bassin par deux épisodes selon la terminologie proposée par Elouard et al (1976) : • l’Inchirien qui correspond à des dépôts marins peu profonds, le plus souvent littoraux rencontrés au Sud Est de Bargny représenté par un beach-rok daté à environ 32 000 ans; • le Nouakchottien qui correspond au niveau de la presqu’île du Cap-Vert et sur le pourtour du lac Tamna à des accumulations de coquillages principalement Anadara. Il s’agit de dépôts de plage épais de 1 à 2 m, qui montrent que le rivage se situait à la côte +2 à +3 m il y’a environ 5 500 ans. Le Quaternaire continental est représenté dans la presqu’île du Cap-Vert par des dépôts éoliens qui correspondraient aux dunes jaunes et blanches, d’orientation NW-SE, formant ainsi le cordon littoral.
La géomorphologie de la presqu’île
La presqu’île du Cap-Vert paraît plate avec un recouvrement sableux épais et un réseau hydrographique peu développé (Elouard 1980). Seules quelques hauteurs cuirassées tels que le massif de Ndiass et quelques assises volcaniques formant la tête de la presqu’île semblent devoir retenir l’attention. La morphologie du Cap-Vert est commandée par quatre facteurs : une structure géologique en touches de piano, une lithologie variée, un climat à saisons contrastées et l’incidence de climats arides récents. La structure en touches de piano est contituée de horsts et de grabens entre Dakar et Ndiass séparés par le graben de Rufisque. Le passage de Rufisque à Ndiass est marqué par les gradins de Bargny et de Sébikotane (figure 2). L’ensemble représente une tectonique représentant différentes unités séparées par des failles subméridiennes telles que les failles de Rufisque, de Bargny, de Kayar et de Sébikotane qui sont toutes subparallèles. A l’Ouest la faille de Dakar marque la limite Est du volcanisme Quaternaire. La partie nord est recouverte par des dépôts de sables dunaires limitant une zone d’anciennes lagunes (figure 2). Cette structure est primordiale et commande les grands traits de la morphologie du Cap-Vert. Figure 2 : Croquis structural et géomorphologique de la presqu’île du Cap-Vert (Elouard 1980)
La tectonique de la presqu’île
Le bassin sédimentaire Sénégalo-mauritanien est un bassin de marge continentale passive développé en réponse à l’ouverture au mésozoïque de l’océan atlantique central (Bellion, 1987). Il se présente comme une structure monoclinale à faible pendage vers l’ouest, affectée par des failles normales subméridiennes délimitant des horsts et des grabens (Ritz et al.. 1988). Au niveau de la presqu’île du Cap-Vert, la marge continentale est caractérisée par un amincissement rapide vers l’Ouest de la croûte continentale. La croûte océanique franche apparaissant à une centaine de kilomètre à l’Ouest de Dakar (Liger, 1980). Cette région est structurée par deux familles d’accidents profonds de direction E-W et N-S. Les premières correspondent à d’anciennes grandes fractures de la Pangée, propagées sous forme de failles transformantes dans la croûte océanique, après le rifting d’âge triasique à jurassique inférieur (Bellion et Crevola, 1991). Ces failles délimitent le bloc exhaussé de la presqu’île du CapVert qui sépare le bassin à évaporite de la Casamance et de la Guinée au Sud, de celui de la Mauritanie au Nord. Les secondes correspondent à d’anciennes fractures limitant les blocs crustaux basculés lors du rifting et propagées ultérieurement dans la pile sédimentaire secondaire du bassin. Au Tertiaire, en écho des phases alpines (Dillon et Sougy, 1974 ; Van Der Linden, 1981), les anciens accidents sont réactivés et la région est en grande partie exondée. Deux épisodes tectoniques principaux sont distingués : – le premier, majeur dans tout le bassin entre la fin du Lutétien et la fin de l’Eocène, conduit à une émersion généralisée et détermine une structure en blocs faillés. Il se marque dans les séries du plateau continental par une importante discontinuité sédimentaire d’âge vraisemblablement finiEocène (Gomez et Barusseau, 1984), – le second, plus local au Néogène auquel le volcanisme apparaît essentiellement lié, voit la réactivation des structures antérieures. Il est caractérisé dans la presqu’île du Cap-Vert par une distension à double extension avec des directions d’allongement NE-SW et NW-SE, attestée par des failles normales à composante décrochante (Lompo, 1987). Dans les séries du plateau continental, il se marque par plusieurs discontinuités sédimentaires successives (Gomez et Barusseau, 1984). II.2.4 Le volcanisme de la presqu’île Le bassin sénégalo-mauritanien, portion de la marge atlantique de l’Afrique de l’Ouest, a connu plusieurs périodes d’activité magmatique post-hercynienne : – Un magmatisme triasico-liasique représenté par des dykes et des sills de nature tholeiitique, rencontrés dans les régions limitrophes du bassin sénégalo-mauritanien, en Guinée, au Mali et en Mauritanie (Bertrand, 1991) ; – Un magmatisme alcalin crétacé de Léona au Sud de Saint-Louis, représenté par un complexe syénitique alcalin connu par sondage. Il se met en place au début du Maastrichtien (Bellion et Crevola, 1991) en liaison avec une instabilité tectonique marquée par des rejeux de failles et le début de l’ascension des diapirs de sel de Casamance et de Mauritanie ; – Le volcanisme cénozoïque se développe sur la bordure occidentale du bassin dans une zone correspondant au front du plateau continental. Le volcanisme de la presqu’île du Cap-Vert est classiquement divisé en un volcanisme miocène disséminé dans toute la presqu’île et dans la région de Thiès et en un volcanisme quaternaire cantonné à la tête de la presqu’île. Ils sont séparés par une phase d’altération fini tertiaire (Combier, 1934 ; Gorodiski, 1952 ; Tessier, 1954). Le volcanisme tertiaire est représenté à l’affleurement par une trentaine de corps volcaniques, le plus souvent de petite taille et en profondeur par de nombreux corps filoniens rencontrés dans des puits et des sondages (Dia, 1982 ; Bellion et Guiraud, 1984 ; Bellion et Crevola, 1991). Une dizaine de diatrèmes et de nombreux sills et dykes de tufs ont été reconnus (Crevola, 1994). Les témoins du volcanisme tertiaire se répartissent en quatre groupes géographiques : – L’ensemble de la tête de la presqu’île, ou système de Dakar (Gorodiski, 1952), où se trouvent les affleurements basaltiques les plus étendus pouvant correspondre à des coulées (Cap Manuel, Gorée, îles des Madeleines) ; – l’ensemble de Rufisque, où les tufs sont abondants ; – l’ensemble du dôme de Ndias qui comporte de nombreuses petites intrusions de laves et de tufs, liées à des failles ; – l’ensemble de la région de Thiès, et à l’Est de la cuesta de Thiès, où le principal affleurement, celui de Diak, correspond vraisemblablement aux restes d’un lac de lave établi dans un maar. La feuille de Rufisque montre de nombreux pointements volcaniques tous liés à des failles (Elouard, et al 1976). On peut les observer tout le long de la coupe Mbao-Cap des Biches, sous forme de filons de roches basaltiques. Au nord de Rufisque, suivant un affleurement parallèle à la route de Rufisque à Sangalkam, on trouve un pointement de tuf volcanique altéré. L’évolution du volcanisme cénozoique de la presqu’île du Cap-Vert se fait en plusieurs périodes d’activité magmatique (Crévola et al, 1994). La première, très limitée, serait d’âge fini Eocène à l’Oligocène, avec quelques venues filoniennes localisées aux extrémités de la province. La suivante débuterait à l’Aquitanien dans la région de Rufisque et affecte ensuite toute la province au Serravallien et au Tortonien, elle se caractérise par des coulées, des filons et des diatrèmes. La dernière au Pléistocène est localisée dans la tête de la presqu’ile et marquée par la présence d’un appareil volcanique complexe. On peut y ajouter le dôme de Cayar qui d’après les données de la sismique-réflexion se serait progressivement mis en place de façon intrusive durant le Miocène (Gomez et Barusseau, 1984). Les laves tertiaires sont des roches basiques sodiques, moyennement à fortement alcalines, très sous-saturées (2-25% de néphéline normative) et non différenciées (Crevola,1980b ; Bellion et Crevola, 1991). Elles comprennent des néphélinites à mélilite (Cap Manuel à Dakar), des néphélinites (Anse des Madeleines à Dakar, Rufisque, Keur Mamour, Thiéo 2, Bandia), des basanites parfois doléritiques (nombreux gisements) peuvant être associés à des pegmatitoides en filons ou en amas. Les âges isotopiques des différentes formations du volcanisme cénozoïque de la presqu’île du Cap-Vert sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.
I. PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE |