Étude des interactions ostéoimmunologiques dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Le système immunitaire est composé de l’ensemble des cellules permettant de répondre à des signaux de danger au sein de l’organisme. Ces signaux peuvent résulter de la présence de pathogènes, virus ou alors de cellules cancéreuses. Il existe deux types de réponses immunitaires ; la réponse innée et la réponse adaptative. Ces deux types de réponses vont se coordonner afin d’éliminer le danger le plus efficacement possible.

La réponse immunitaire innée est permise grâce à l’action des cellules du système inné. Les macrophages et neutrophiles vont phagocyter les pathogènes et produire des cytokines inflammatoires permettant de réguler la défense immunitaire (Aderem et al 1999). Les pathogènes vont être dégradés par un mécanisme de phagocytose et les produits de digestion vont être exposés à la surface des cellules présentatrices d’antigènes, permettant l’activation du système immunitaire adaptatif. Le challenge des cellules immunitaires innées est de faire la distinction entre les antigènes dangereux pour l’organisme et les bactéries de la flore intestinale. Cette distinction est possible grâce à la présence d’un motif de reconnaissance de pathogène PAMP (pathogen-associated molecular pattern) qui va interagir avec le récepteur PRR (pattern-recognition receptor) présent sur les cellules phagocytaires (Aderem et al 2000). La reconnaissance du PAMP avec les PRR permet deux types de réponses ; celle induisant la phagocytose du pathogène et celle induisant la production de cytokines telles que le TNFα (Tumor Necrosis Factor α) et l’Interleukine-1β (IL1β) (Medzhitov et al 1997) par les cellules phagocytaires. Ces cytokines inflammatoires ont différents rôles ; le premier est d’augmenter la perméabilité des vaisseaux sanguins aux leucocytes présents dans la circulation. Le deuxième rôle est d’induire un recrutement des cellules de l’immunité innée telles que les neutrophiles et d’augmenter leur activité de phagocytose.

Suite à cette réaction innée, une réponse adaptative spécifique va être mise en place. Elle fait intervenir les cellules T (CD4+ et CD8+) et B. Cette réponse adaptative est possible grâce à l’interaction entre les cellules T CD4+ et les cellules présentatrices d’antigènes telles que les cellules dendritiques. Les cellules T CD4+ vont alors produire des cytokines permettant l’augmentation de l’activité des cellules du système immunitaire inné, tels que les macrophages. De plus, les cellules T CD4+ participent aussi à l’activation des cellules B et à leur différenciation en cellules productrices des immunoglobulines. Les immunoglobulines permettent ainsi une activation du système du complément et la lyse des pathogènes. Elles permettent une meilleure reconnaissance du pathogène par les cellules phagocytaires. Les cellules du système immunitaire adaptatif sont responsables de la mémoire immunitaire qui va induire une réponse plus rapide et spécifique en cas de rencontre de novo avec un pathogène.

Les systèmes immunitaires (inné et adaptatif) interagissent afin de permettre une élimination durable des pathogènes et autres signaux de danger. Les études sur le système adaptatif ont mis en avant le rôle central des cellules T CD4+ dans la mise en place de cette réponse.

La réponse adaptative est permise grâce aux cellules T CD4+ qui ont un rôle de chef d’orchestre de la réponse immunitaire. Les cellules T CD4+ ont une réponse spécifique vis-àvis d’un antigène permettant la mise en place d’une réponse ciblée et rapide. Dans cette partie, nous allons donc développer la génération et le mode d’action des cellules T CD4+. La réponse des cellules T CD4+ est permise grâce à la présence, à la surface du lymphocyte T, d’un récepteur reconnaissant un seul antigène. Ce récepteur est généré grâce à des réarrangements génétiques aléatoires des gènes du T – Cell Receptor (TCR) (Muljo et al 2000). Ces réarrangements alléliques permettent, en théorie, la génération d’une infinité de TCR et la reconnaissance d’autant d’antigènes.

Les cellules T CD4+ proviennent de la différenciation des cellules souches hématopoïétiques (HSCs) au sein de la moelle osseuse. Les cellules souches hématopoïétiques se différencient en progéniteurs multipotents (MPP) qui donnent naissance aux progéniteurs lymphoïdes (CLP) à l’origine des cellules pro-T. Ces dernières migrent alors dans le thymus afin de finir leur maturation pour donner des cellules T CD4+ fonctionnelles. Au contraire des cellules T CD4+ matures, les cellules pro-T n’expriment pas de TCR à leur surface. Ce n’est qu’au cours de leur développement que les cellules CD4+ se mettent à exprimer le récepteur. La formation du TCR est dépendante de réarrangements génétiques (Cobb et al 2006). Ainsi, la formation du TCR est permise grâce à l’action d’une recombinase portée par les protéines Rag1 et Rag2. L’absence d’une ou l’autre de ces protéines conduit à une absence de lymphocyte T mature et à une immunodéficience des individus (Schatz et al 1992). Les protéines Rag1 et Rag2 agissent au niveau des séquences VDJ (Variable Diversity and Join) qui représentent différents loci des gènes VDJ et permettent grâce à leur réorganisation l’expression de différents TCR. De part et d’autres des différents loci, des séquences RSS (recombination sequences signals) sont des séquences reconnues par les protéines Rag et permettent la réorganisation des séquences. Des études ont mis en évidence que ce réarrangement est permis grâce à une accessibilité différente des séquences. Selon les étapes de développement, les séquences sont hyperméthylées empêchant une accessibilité des séquences RSS par les protéines Rag et donc la réorganisation des séquences (Hrisavgi et al 2013).

LIRE AUSSI :  DESCRIPTION ARCHITECTURALE

La migration des cellules pro-T dans le thymus s’effectue dès le 11ème jour de gestation chez la souris et la 8ème/9ème semaine de développement embryonnaire chez l’homme. Lorsque les cellules migrent dans le thymus, elles n’expriment aucuns des marqueurs connus pour les cellules matures à savoir, le CD3, le CD4 et le CD8. Ces cellules sont alors caractérisées comme double négative (DN). Pendant la phase précoce de développement, les cellules se mettent à exprimer les marqueurs ckit, CD44 et CD25 permettant la prolifération et le maintien des cellules dans le thymus. Cette phase de prolifération est suivie d’une diminution de l’expression du marqueur cKit inhibant l’expression du CD44. Les cellules vont ainsi débuter le ré arrangement de leur TCR en exprimant la chaine β du récepteur. L’absence du gène rag1 induit un blocage de la différentiation thymique au stade DN (Ezine et al 1994). La chaine β réarrangée va s’associer au récepteur CD3 pour former le pré-TCR. L’expression de ce pré-TCR va conduire à l’expression des molécules CD4 et CD8 par les cellules permettant de définir les populations doubles positives (DP). Les cellules doubles positives vont proliférer et réarranger la chaine α du TCR. Le réarrangement de la chaine α est suivi d’une perte de l’expression des marqueurs précoces de développement à savoir le CD44 et le CD25. Ces cellules vont ensuite exprimer sélectivement le marqueur CD4 ou CD8.

Au cours de leur formation, les cellules CD4 vont subir deux sélections qui vont induire l’élimination de près de 95% des cellules et permettre la formation de cellules matures. Cette sélection se fait seulement en présence d’antigènes du soi.

Lorsque les cellules T CD4+ ont réarrangé leur TCRαβ potentiellement fonctionnel, une sélection thymique se met en place. Ainsi, la première sélection thymique consiste en une sélection dite « positive ». Elle fait intervenir une interaction entre les cellules épithéliales corticales du thymus et les thymocytes néoformés. Cette sélection consiste à maintenir les cellules CD4+ et CD8+ dont le TCR a une bonne affinité pour le CMH présent sur les cellules épithéliales. Les cellules dont le TCR ne reconnaissant pas de CMH couplé à l’antigène vont être éliminées par apoptose. Cette sélection permet l’élimination de 95% des cellules et une restriction du CMH à l’individu induisant ainsi une meilleure protection de l’individu.

La deuxième sélection thymique ou sélection négative va tendre à éliminer les cellules ayant une reconnaissance des molécules du soi ou ayant une réaction trop importante du TCR visà-vis du CMH. Lors de cette sélection, les cellules présentatrices d’antigènes telles que les cellules dendritiques et les macrophages, provenant de la moelle osseuse vont interagir avec les cellules T CD4+. Les cellules dendritiques présentes à la jonction cortico-médullaire captent les antigènes et les présentent via le CMH aux cellules doubles positives. De plus, les cellules dendritiques peuvent exprimer la protéine AIRE (Auto-Immune-Regulator-Element) permettant l’expression d’antigènes tissus-specific (TSA) par ces dernières. L’expression des différents TSA induit la reconnaissance d’une multitude de néo antigène et ainsi diminuer la probabilité de développer des maladies auto-immunes (Anderson et al 2016).

Ces différentes sélections thymiques permettent la différenciation des cellules doubles positives en cellules CD4+ et CD8+ du fait de la reconnaissance spécifique des CMH de type I (par les cellules CD8+) ou de type II (par les cellules T CD4+).

Table des matières

INTRODUCTION
I. Le système immunitaire
A. Le système inné et adaptatif
B. Développement et activation des lymphocytes T CD4
1. Lymphopoïèse T CD4
a) La sélection positive
b) La sélection négative
2. Activation des lymphocytes T CD4+
3. Les cellules T CD4+ mémoires humaines et murines
a) Caractéristiques des cellules CD4+ mémoires
b) Les cellules CD4+ mémoires circulantes
c) Les cellules CD4+ mémoires résidentes
d) Les lymphocytes T CD4+ mémoires dans la moelle osseuse
4. Les cellules T CD4+ effectrices
a) Les cellules Th1
b) Les cellules Th2
c) Les cellules Th17
d) Les cellules T CD4+ régulateurs
e) Plasticité des cellules CD4+ effectrices
i. Différenciation entre les cellules Treg et Th17
ii. Plasticité entre les cellules Th1 et Th17
II. Os et Hématopoïèse
A. Le tissu osseux
1. Les cellules mésenchymateuses
2. Les ostéoblastes
3. Les ostéocytes
4. Les adipocytes
5. Les ostéoclastes
a) Origines des ostéoclastes
b) Fonctions et formation des ostéoclastes
c) Les différents ostéoclastes
6. Les cellules souches hématopoïétiques
B. L’hématopoïèse
1. La différenciation lymphoïde
2. La différenciation myéloïde
3. Ostéoclastes et cellules souches hématopoïétiques
4. Rôle du système endocrinien
III. Ostéoimmunologie
A. Interaction entre le système osseux et le système immunitaire
1. Le système RANK-L/OPG
2. Régulation de la niche des cellules souches hématopoïétiques
a) Les cellules stromales mésenchymateuses
b) Les ostéoclastes
c) Les ostéoblastes
d) Les lymphocytes T CD4+ et les cellules souches hématopoïétiques
e) Les agents mobilisateurs des cellules souches hématopoïétiques
3. Interaction entre les cellules osseuses et les cellules T CD4+.
B. Maladies inflammatoireschroniques et système osseux
1. Les maladies inflammatoires chroniques
2. Cellules T CD4+ mémoires pathogéniques dans la moelle osseuse
3. Traitement de la perte osseuse pathogénique
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *