Etude des inondations

L’habitat

Avec un lotissement en damier datant du temps colonial, la ville de Tambacounda fait partie des villes qui ont le meilleur maillage (sur le plan du tracé des rues) du pays.
Elle s’est construite tout autour du chemin de fer et de la vallée du Mamacounda, cette dernière offre de meilleures conditions climatiques surtout pendant la période de canicule qui va du moisde mars à juin dans cette partie de sénégal. Comme indiqué plus haut, les structures administratives – véritables vestiges du colonialisme – se situent au nord du chemin de fer ; tandis qu’au sud du rail on retrouve les quartiers populeux anciennement lieux d’habitations des populations autochtones.
Suivant les résultats des recensements de la population effectués entre 1988 et 2002 nous constatons une augmentation significative de la population et du nombre de ménages, ce qui signifie une augmentation des habitations.
Avec la densification de la ville du fait d’une forte pression démographique, on a assisté à l’implantation d’habitations dans les quartiers proches de la vallée du Mamacounda. Zones qui, restées longtemps sans incidents du fait de la longue période de sécheresse, semblaient hors d’atteinte des inondations.

Les ouvrages de traversée

Les plus importants ouvrages de traversée sont au nombre de 10, y compris les 2 ponts ferroviaires dont l’un enjambe le bras nord-est du Mamacounda et le second situé à Dialacoro.
Ces ouvrages sont construits sur le bras nord-est du Mamacounda et sur le lit principal ; le bras sud-est du Mamacounda ne comporte aucun ouvrage de traversée.
Pont n° 1 – situé sur la route nationale n°1 à hauteur des abattoirs municipaux, c’est le premier ouvrage que traversent les eaux de ruissellement du bras nord-est du Mamacounda.

Les écoulements

Afin de mieux analyser les écoulements dans le Mamacounda, nous avons considéré les analyses réalisées antérieurement pour les besoins du Plan Directeur d’Assainissement de la Ville de Tambacounda.
Les résultats des analyses effectuées par le laboratoire des sols et matériaux de l’Ecole Supérieure Polytechnique de Thiès à la demande du cabinet d’ingénieurs Conseil Hydroconsult International (HCI), chargé d’études de ce Plan Directeur d’Assainissement, démontrent que le coefficient de perméabilité mesuré au laboratoire donne des valeurs très faibles et mêmes nuls pour les échantillons testés. Ce qui montre que le sol, tout au long du Mamacounda est argileux et que l’infiltration des eaux de pluies ne s’y fait presque pas. Ces résultats sont :
– Coefficient de perméabilité mesuré à 28°C ; K ≈ 2,95 10-8 cm/s
– Coefficient de perméabilité mesuré à 20°C ; K ≈ 2,67 10-8cm/s
Le même laboratoire mentionne, pour les tests de granulométrie, que le pourcentage de fines est très élevé (plus de 70%).
De ces résultats nous pouvons conclure que le sol tout le long de la vallée est peu percolant, donc lapresque totalité des eaux de pluies ruisselées ne fait que transiter par le marigot ou forme des flaques d’eau dans les trous qui jalonnent le lit mineur. Ces flaques favorisent la reproduction des moustiques.
Il s’y ajoute que les pentes du terrain entre les plateaux et le talweg sont si importantes que, lors des pluies, les eaux s’écoulent par gravité avec vitesse vers le Mamacounda qui les achemine vers l’exutoire à travers un dédale très sinueux. Le temps de rétention des eaux, qui aurait permis une infiltration, est très court.

Configuration générale du lit du Mamacounda

A défaut d’un levé topographique de la commune sur le quel doit se baser toute étude sur le Mamacounda, nous nous sommes servi d’un GPS avec lequel un certain nombre de points a été collecté avec les information sur les coordonnées géographiques et l’altitude.
Cette collecte de points nous a servie pour faire la représentation que voici grâce au le logiciel Surfer 7.0.
Les courbes d’iso valeurs font ressortir nettement la vallée du Mamacounda surplombée des ses plateaux. Les principaux bras du Mamacounda dans la ville sont matérialisés en rouge. Cette figure ne peut être considérée comme une représentation réelle du relief de la commune de Tambacounda, car le GPS n’est pas un instrument de mesure précis et ne peut remplacer les instruments classiques (plus précis) de mesures utilisés par les géomètres.
Mais, en l’absence de levé topographique de la ville de Tambacounda et de cartes à échelle réduite (1/5.000), nous avons pris le risque de substituer cette carence par des mesures au GPS pour des fins purement pédagogiques et didactiques.

Etude des inondations

Les causes des inondations

De mémoire de témoins du temps à Tambacounda, sept (07) inondations sont survenues dans la commune de 1961 à 2004.
Durant cette période de 33 ans, la population de la ville est passée de 10.478 habitants (1964) à 73.083 en 2004 (suivant projection à partir du RGPH de 2002) ; soit 7 fois plus.
Cette augmentation de la population s’est bien sûr accompagnée d’une augmentation de l’habitat ; donc une augmentation des surfaces couvertes qui entraîne de plus en plus l’imperméabilisation des sols.
L’occupation du sol ne s’est sans nul doute pas passée sans problèmes majeurs, car les habitations souvent atteintes par les eaux sont de très anciens bâtiments confectionnés avec des briques en banco très vulnérables à l’eau ; ces habitations sont de plus en plus remplacés par de bâtis en dur, plus résistants, mais toujours dans le lit majeur du Mamacounda donc encore vulnérables.

Les causes naturelles

Pour ce qui concerne les inondations à Tambacounda, les causes naturelles sont de plusieurs ordres, car de nombreux paramètres influencent l’apparition d’une inondation, comme par exemple la répartition spatiale et temporelle des pluies, par rapport au bassin versant. Il peut s’agir de pluies répétées et prolongées ou d’averses intenses de courte durée, qui touchent le bassin versant.
La nature et l’occupation du sol dictent l’évaporation et la consommation d’eau par les plantes.
L’absorption de l’eau par le sol ou l’infiltration dans le sous-sol sont étroitement dépendant du temps de concentration des eaux dans le bassin versant.
La topographie du lit, les pentes et la forme du bassin versant jouent sur l’écoulement des eaux. Ainsi, pour une même quantité de pluie, on peut constater un débordement du lit mineur ou non. Tous ces facteurs sont difficilement contrôlables par l’homme, qui tout en occupant l’espace et en agissant contre nature ne fait qu’aggraver les conséquences des phénomènes naturels qui finissent toujours par survenir là où ils avaient l’habitude de se produire, quelque soit la durée de la période de retour.

Les causes anthropiques

Les facteurs anthropiques sont les causes qui aggravent le plus les inondations, ils jouent un rôle fondamental dans la formation et l’augmentation des débits dans le cours d’eau du Mamacounda à Tambacounda.
Les facteurs les plus évidents sont :
– la déforestation abusive constatée dans le bassin versant. Naguère très arboré, l’homme ; a la recherche de zones de culture plus fertiles, de bois d’oeuvre et de bois de chauffe ; s’est livré à un déboisement qui a eu pour conséquence la mise à nu des terres qui subissent une forte érosion. Les pentes étant assez fortes vers le talweg qu’est le Mamacounda font que l’écoulement gravitaire des eaux de pluies est assez rapide avec des débits très forts lors des averses. La vitesse d’écoulement a favorisé la forte érosion constatée le long des pentes ;
– les feux de brousse fréquents qui se développent très longtemps dans la savane arbustive qui entoure la ville entraînent :
• un raccourcissement de la période de végétation de beaucoup d’arbres, car ils n’avaient pas encore perdu leurs feuilles quand les herbes sont sèches,
• une sélection des espèces végétale s’opère, les moins résistantes à la chaleur disparaissent au profit de celles qui supportent plus la chaleur due aux feux de brousse (c’est la réduction de la biodiversité),
• une destruction du tapis herbacé, nécessaire au pâturage d’un cheptel assez fournit dans cette zone, cette dégradation du couvert végétal n’est pas sans conséquences : litière brûlée, ruissellement beaucoup plus important, le sol s’appauvrit (la faune de surface disparaît).
– l’utilisation ou l’occupation des sols sur les pentes du bassin versant qui a pour effet d’augmenter la quantité de solides transportés par les eaux de ruissellement ;
– le mode des cultures pratiquées est aussi mis en cause, car les paysans ne pratiquent pas dans cette partie du pays la culture par billons et sillons. Les cultures sont faites en semis direct par simple grattage du sol sur une profondeur d’environ 7 à 10 cm dans des champs auparavant défriché ; cette culture se fait d’ailleurs avec l’aide d’animaux tels que les ânes ou les chevaux avec comme outils des semoirs métalliques.
– le sens des cultures joue un rôle important dans le ruissellement, non seulement du point de vue de la quantité de l’eau qui peut être retenue mais aussi et surtout de la quantité des matériaux transportés par les eaux de ruissellement. L’idéal étant de cultiver dans le sens parallèle aux courbes de niveau qui aurait pour effet de retenir les eaux et permettre une infiltration ;
– l’érection de clôtures dans le lit du Mamacounda pour protéger les cultures maraîchères pratiquées par certaines personnes ; ces clôtures jouent un rôle de passoires en retenant les matières solides flottantes (branchages, ordures etc.) qui finissent par créer des embâcles. Ces derniers, du fait de leur volume, dévient les eaux de ruissellement qui sont obligées de se frayer un autre passage ;
– l’augmentation du niveau de vie et le développement des réseaux d’infrastructures favorisent l’urbanisation galopante de la ville;
– l’imperméabilisation du sol, due au développement des habitations ;
– l’implantation de biens sensibles à l’eau ou d’activités incompatibles avec elle dans la partie inondable du lit majeur a pour effet d’aggraver les conséquences des inondations ;
– la présence dans le lit du marigot et ses berges, des ordures ménagères faute d’une filière performante de gestion dans la commune, des déchets solides tels que les branchages issus de l’élagage de arbres, des rebuts des ateliers de mécanique, des copeaux venant des nombreux ateliers de menuiserie installés dans le périmètre communal etc.

La zone inondable dans la commune de Tambacounda

Toutes les inondations qui sont survenues à Tambacounda se sont produites dans une zone bien circonscrite matérialisée en rouge sur la figure n° 24 ci-dessous. Cette portion, sujette aux inondations est comprise entre le pont n°2 situé sur le bras Nord-Est, un fragment du bras Sud- Est et se termine un peu avant la jonction du bras Sud-Ouest avec le lit principal.
Elle se situe entre les quartiers Pont, Abattoirs, Dépôt, Médina-Coura et Camp-Navétane.
Cette portion de la ville, la plus densément peuplée, est le réceptacle des ordures des quartiers riverains ; on y constate aussi des clôtures destinées à protéger les périmètres maraîchers. C’est àce niveau que l’ensablement est le plus accentué.
Toutes les opérations pré hivernales destinées à curer le lit pour rendre plus fluide l’écoulement des eaux de ruissellement ne concernent que cette portion, du fait de l’utilisation qui en est faite.

Les conséquences des inondations

Résultant presque toutes d’une action anthropique, les conséquences des inondations sont de plusieurs ordres : matérielles, sanitaires, environnementales et socio économiques.

Conséquences matérielles

Les pertes en bien matériels sont souvent, après les pertes en vie humaines, un indice pour caractériser l’ampleur des phénomènes pluvio-orageux. Plus les dégâts matériels sont importants plus le sinistre est élevé et l’assistance sera importante.
Contrairement aux pays développés où cet estimation des dégâts matériels est faite en vue d’unecompensation par les assurances, chez nous cette assistance se limite au recasement et àuneassistance en vivre. Cette forme d’assistance, temporaire par excellence, a un effet d’incitation des victimes à retourner dans les lieux où se sont produits les événements.
Il serait bon qu’un système d’assurance prenne le relais, tout investissement en matériel, habitatou autre doit être évalué, assuré et remboursé en cas de perte ou de détérioration accidentelle.

Conséquences sanitaires

En s’écoulant, l’eau de ruissellement transporte des produits polluants des matières toxiques ou des germes pathogènes. Ces composés sont ensuite abandonnés sur son parcours, surtout dans les parties où elle subit une perte de charge du fait d’obstacles ou d’élargissement brusque du lit.
La migration de ces composés vers les puits, source d’approvisionnement en eau potable pour une frange des habitants riverains du marigot, est à redouter sur le plan sanitaire. Les puits sont particulièrement abondants dans cette zone, ce qui justifie les précautions sanitaires particulières.
Aussi des actions annexes telles que :
– l’interdiction de l’utilisation de l’eau de puits comme eau de boisson sont-ilssouvent signifiées aux riverains du Mamacounda,
– la javellisation des puits dans l’espoir de diminuer la charge microbienne des eaux.
L’hivernage provoque aussi des stagnations d’eau constatées tout le long du lit mineur. Ces points d’eau sont des gîtes de reproduction des vecteurs de certaines maladies parmi les quelles nous pouvons citer en priorité le paludisme qui est le premier motif de consultation dans les structures sanitaires de la commune. Cette maladie se contracte principalement en hivernage, période où les conditions de reproduction des anophèles est favorable. Les maladies telles que les dermatoses, les maladies respiratoires et les gastroentérites qui survient toute l’année ont des scores moins importants et elles sont remarquées dans les quartiers voisins du Mamacounda.
Le tableau que voici donne les valeurs pour les cinq plus importants motifs de consultation dans la commune pour les années 2002, 2003 et 2004.

Conséquences environnementales

La saison des pluies est souvent profitable pour la commune du fait que les eaux de ruissellement emportent une partie importante des ordures ménagères déposées dans le lit. Ces ordures transportées par les eaux vont se retrouver très en aval du Mamacounda et peut-être même dans la Sandougou ou se jette le Mamacounda.
Les conséquences environnementales seront ressenties à plus ou moins long terme très loin de la ville qui en a fourni les causes.
Il s’y ajoute la pollution des eaux de puits occasionnée par transport de substances organiques telles que les engrais, qui polluent les eaux de puits par infiltration.

Conséquences socio économiques

De toute évidence, la notion de risque est facilement occultée par la mémoire collective et les mesures les plus élémentaires de précaution sont vite oubliées.
Aussi, en l’absence de manifestations pluvieuses causant des dommages, un faux sentiment de sécurité s’installe chez les populations et les amène à développer plus d’activités de production dans des zones où elles n’auraient pas dues être.
Lors de la survenue des débordements du cours d’eau, les dommages causés à ces installations sont souvent importants et par effet domino entraînent la paralysie d’autres activités pourtant implantées dans des secteurs très éloignés du champ de théâtre. L’implantation dans cette zone inondable de nouvelles habitations, des infrastructures et des équipements nécessite toujours la mise en place de protections supplémentaires qui n’ont d’autre effet que l’augmentation des enjeux dommageables. Les fortes pluies entraînent un ruissellement des eaux si important que les ponts ne parviennent pas à lesdrainer correctement, ce qui entraîne leur passage par-dessus les ouvrages avec pour conséquence un blocage momentané de la circulation.
Cette interruption de la circulation, pendant un temps plus ou moins long selon la quantité des eaux ruisselées, a un impact certain sur le plan socio économique de la ville. Même en cas d’urgence, ce blocage empêche par exemple l’évacuation sanitaire des malades ou blessés quid de la rupture complète d’un ouvrage ou d’un axe routier qui prolongerait cet isolement.

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