Étude des grandes crises de l’Église chrétienne en Afrique du Nord durant l’Antiquité tardive
DÉFINITIONS DE L’HÉRÉSIE ET DU SCHISME ET EXEMPLES DE DOCTRINES
En ouvrant ce chapitre, nous allons d’abord définir les mots : hérésie et schisme. En Afrique, l’histoire de l’Église chrétienne a commencé pendant l’Antiquité tardive (IIIe-Ve siècles)comme dans le reste de l’Empire. Elle fut marquée en Afrique du Nord par des schismes et des hérésies. Aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre et de connaître les hérésies et les schismes. Ces deux concepts ont fait objet d’études dans l’histoire de l’Église. Ils sont des courants de pensées. Il existait une opposition entre l’Église officielle et des groupes développant des doctrines hérétiques ou schismatiques en Afrique romaine.
Hérésie
L’hérésie peut-être définie comme un ensemble de divergences d’opinion au sein de l’Église chrétienne. Son étymologie vient du grec διαλέγω qui signifie choisir. Dans un autre contexte, la tradition chrétienne nous apprend à distinguer le schisme de l’hérésie, stigmatisant le premier comme une division de l’Église relative à des questions disciplinaires ou ecclésiologiques, et dénonçant, dans le second, une division de l’Église reposant sur une erreur de croyance. L’entêtement est un facteur-clé dans l’attitude de l’hérétique. L’hérésie est un courant de pensée vivant et autonome qui, par suite de l’évolution de la pensée du monde chrétien, n’a pas été retenu ni accepté, mais fut au contraire stigmatisé voire condamné. On pense qu’une fois que les affirmations des croyants sont reconnues comme fausses par l’église officielle et persistent, même s’ils savent que leurs doctrines ne correspondent pas à celles revendiquées par toute la communauté, leurs affirmations deviendront hérétiques. Par conséquent, l’hérésie équivaut à la destruction de la foi chrétienne. Elles sont nées dans la foi chrétienne. Elles peuvent provoquer des conflits entre chrétiens, parfois même violents. La doctrine de l’Église catholique la définit comme le refus obstiné de la vérité de Dieu et de la foi catholique après avoir été baptisé, ou le doute obstiné de cette vérité. En effet, cette définition met en lumière le mécanisme au cours duquel une hérésie peut prendre forme. Aujourd’hui, explique Jean-Marie SALAMITO, l’hérésie est une pensée secrétée par un intellectuel. Il dit que : « L’individu est plus conscient de lui-même qu’à d’autres époques, et l’affirme dans une propension à faire le tri dans les affirmations de foi. L’inculture religieuse peut aussi mener certains à l’hérésie de manière involontaire. Par exemple, beaucoup de chrétiens n’ont pas une compréhension claire de la Trinité 16 ». L’hérésie est d’abord pour les catholiques le fait des courants protestants. La plupart des hérésies chrétiennes sont dualistes. Elles portent sur la personne Jésus-Christ et sur la Trinité. Elles sont fondées sur une dépréciation de la chair et une difficulté à penser Jésus comme un homme et un Dieu. Beaucoup de dérivés sectaires sont considérés par l’Église catholique comme des hérésies. Faisons un retour sur l’indication du cardinal Tarcisio BERTONE en 2006 : il avait déclaré que l’arianisme était une menace pour les chrétiens d’aujourd’hui. L’Église chrétienne continue d’être divisée à cause de la prolifération de différentes sectes. Beaucoup d’évêques catholiques sont impliqués dans cette lutte contre la division de l’Église. Cela prouve nettement que nous sommes présentement en face d’un phénomène qui se revit et que nous avons connu depuis le temps des querelles qui ont bouleversé l’Afrique du Nord durant l’Antiquité tardive. Ces querelles ont suscité des naissances d’hérésies au nombre desquelles figurent l’arianisme et le pélagianisme b- Les hérésies L’arianisme et le pélagianisme sont deux doctrines hérétiques qui ont perturbé l’Église chrétienne depuis l’Antiquité tardive. Arius, prêtre d’Alexandrie au début du IVe siècle après Jésus-Christ, fut traditionnellement considéré comme le Père de l’Arianisme. Mais la christologie arienne s’est développée pour la première fois grâce à Paul de SAMOSATE au milieu du IIIe siècle. Il fallait attendre jusqu’au IVe siècle pour voir surgir un arianisme dans le développement du dogme de la Trinité chrétienne. Cette hérésie arienne portait sur la Personne de Jésus-Christ et sur la Trinité . L’aménagement du langage a consisté à réserver le mot de SUBSTANCE à l’UN, qui est l’être essentiel, DIEU, et à consacrer le mot d’HYPOSTASE aux TROIS qui sont les PERSONNES DISTINCTES du 16 Ibid. p. 175.De la Trinité (399-422), est avec la Somme de s. Thomas d’Aquin, un des deux moules de la spéculation chrétienne où s. Augustin appelle toutes les connaissances à l’aide, et la métaphysique et la psychologie, et l’acquis de Platon et d’Aristote, et toute l’érudition scripturaire, pour placer l’intelligence humaine en face du mystère qui passe toute intelligence. Père, du Fils, et du Saint-Esprit18. L’arianisme avait suscité des luttes dans le monde chrétien au IVe siècle. Nous avons l’exemple des incidents de la lutte doctrinale entre catholiques et ariens qui ne furent pas très importants en Afrique. Les pratiques arianistes dans la vie de l’Église africaine au IVe siècle étaient si diverses et, parfois, si incertaines que les historiens modernes rendent généralement très peu de notes quand ils ne veulent pas se taire. Paul Monceaux ne consacre que deux pages à l’arianisme au IVe siècle19. Il existe aussi des historiens qui ne disent rien de l’arianisme quand ils écrivent sur l’Histoire de l’Église chrétienne d’Afrique du Nord. Nous avons l’exemple de J. Leclercq dans son livre sur l’Afrique chrétienne. Quant à Jacques Zeiller, il nous donne plus de détails sur l’arianisme dans une revue historique et dans un article21. M. Zeiller a porté un jugement bien sommaire, lorsqu’il dit que jusqu’à l’invasion vandale l’arianisme n’eut en Afrique « qu’une fortune insignifiante ». Commençons à dire qu’Augustin fut le principal combattant de la controverse pélagianiste. Il fut obligé de prendre part au débat car, d’une part, son nom était cité par Pélage en faveur de ses thèses et, d’autre part, parce que la division qui régnait entre les églises risquait aux yeux d’Augustin, de saper les fondements de l’universalité de l’Église. On souligne aussi parmi les controverses que l’Église chrétienne a connues, le pélagianisme est le mieux connu de l’histoire. La doctrine pélagianique est la théologie chrétienne, qui a été développée à partir de la seconde moitié du IVe siècle par l’ascète Breton Pélage et ses partisans caractérisés par la détermination du libre arbitre de l’homme. Le point initial de controverse était la doctrine du péché originel. La querelle pélagienne avait commencé dans la province de Carthage en 412, par la dénonciation de Paulinus de Milan contre Coelestius, disciple de Pélage. Il lui oppose la vérité catholique dans ses grands ouvrages sur l’Esprit et la Lettre, la Nature et la Grâce. Le pélagianisme, professant que la liberté règle les rapports entre l’homme et Dieu, s’attire l’opposition de l’épiscopat africain marqué par l’idée de la grâce d’Augustin d’Hippone qui obtient la condamnation de ce courant par l’empereur Honorius, puis par le seizième concile de Carthage en 418. C’est la doctrine qu’Augustin avait combattue durant la controverse avec les schismatiques donatistes.
Schisme
Le schisme est une division au sein de l’Église, relative à des questions disciplinaires ou ecclésiastiques. Ce fut le cas du donatisme qui a été défini par Augustin comme un schisme depuis ses origines. Pour Augustin, le schisme est une division entre des croyants qui professent la même doctrine. Le IVe siècle a certes vu la diffusion sous la plume d’auteurs ecclésiastiques auxquels nous donnons le nom d’hérésiologues, de catalogues qui définissaient, classaient, distinguaient ou rapprochaient les divers courants de pensée considérés comme hérétiques ou schismatiques, dans le but affiché de les stigmatiser. Il faut prendre en compte le sens que ces auteurs donnèrent à l’un et l’autre des termes considérés et accepter, peut-être que tous deux n’ont pas acquis un sens également précis23. Il faut, d’autre part, déterminer quand et pourquoi ces auteurs les distinguèrent ; en dépit des divergences, en effet, un consensus semble aujourd’hui se dégager pour admettre que les deux ruptures doctrinale et disciplinaire étaient, chez les auteurs chrétiens comme chez les pères conciliaires, si complexe que l’emploi des termes schisme et hérésie en parait parfois, sous leur plume, indifférencié. C’est précisément l’utilisation, par les pouvoirs séculier et ecclésiastique, de termes tendant à qualifier, donc à définir, les mouvements, groupes, voire opinions jugés dissidents, qui fait l’objet de cette étude, à travers le cas particulier du donatisme. b- Le donatisme C’est un schisme qui avait son origine en Afrique du Nord. Il commença par une rupture entre deux partis qui se formèrent dans l’Église chrétienne d’Afrique. Condamnés par les Pères de l’Église catholique et l’Empereur Honorius, les donatistes avaient un dirigeant nommé Donat le Grand, qui donna son nom au schisme. Obstinés dans leur révolte, ils furent dès lors des schismatiques. Bien connu grâce à un important dossier documentaire de JeanLouis MAIER, le donatisme a, en outre, été limité à l’Afrique romaine et en conséquence, de pouvoir être étudié de façon quasi autonome, vu que les décisions impériales le concernant doivent beaucoup à la politique menée, au même moment, envers les autres doctrines dissidentes. Le donatisme présente surtout l’intérêt d’être alternativement considéré comme un schisme et une hérésie : le passage de l’un à l’autre de ces qualificatifs invite donc à une analyse de comportements des dissidents d’où l’usage de l’appellation employée dans la législation impériale, sans pour autant limiter la discussion à ces deux termes, ni les envisager successivement comme si le donatisme n’était qu’un schisme finalement devenu hérésie. Il faut considérer le donatisme comme un mouvement religieux complexe qui, au gré des circonstances et de la stratégie du pouvoir impérial, se vit attribuer des qualificatifs divers. Le mouvement donatiste peut-être défini comme un schisme ; mais par les convictions qui animent ses partisans et les amènent à réitérer le baptême des chrétiens qui se rallient à eux, il peut sans doute être vu comme une hérésie. Nos sources, toutefois, ne se servent que partiellement et épisodiquement de ces critères et, de toute façon, n’en tirent pas nécessairement les conclusions auxquelles la classification moderne nous conduit. En dépit de toutes ces nuances, le donatisme peut incontestablement être qualifié de schisme, terme sous lequel il apparait dans les ouvrages, généraux ou spécialisés, consacrés à l’histoire du christianisme de l’Afrique du Nord, en raison des conditions de son apparition.
DÉDICACES |