Processus physiologique de Bioaccumulation des Métaux
Un métal est un élément chimique, issu le plus souvent d’un minerai doté d’un éclat particulier, bon conducteur de chaleur et d’électricité, ayant des caractéristiques de dureté et de malléabilité, se combinant aisément avec d’autres éléments pour former des alliages utilisés par l’homme depuis l’Antiquité. Si les métaux sont souvent indispensables au déroulement des processus biologiques (oligo-éléments), nombre d’entre eux peuvent s’avérer contaminants pour diverses formes de vie, lorsque leur concentration dépasse un seuil, lui-même fonction de l’état physico-chimique (spéciation) de l’élément considéré. C’est le cas du fer (Fe), du cuivre (Cu), du zinc (Zn), du nickel (Ni), du cobalt (Co), du vanadium (V), du sélénium (Se), du molybdène (Mo), du manganèse (Mn), du chrome (Cr), de l’arsenic (As) et du titane (Ti) . D’autres ne sont pas nécessaires à la vie et peuvent être même préjudiciables comme le mercure (Hg), le plomb (Pb), le cadmium (Cd) et l’antimoine (Sb) .
L’appellation « éléments en traces métalliques » (ETM) ou par extension « éléments traces » est communément utilisée pour désigner les éléments métalliques naturels, caractérisés par une masse volumique élevée, supérieure à 5 g/cm3 .
Les utilisations des métaux sont multiples et très diversifiées, depuis les additifs de plomb dans les carburants jusqu’aux sels d’argent de l’industrie photographique, au nickel ou au cadmium des batteries d’accumulateurs, au zinc des gouttières ou au chrome des aciers inoxydables, au cuivre de l’industrie électrique ou à l’arsenic des produits phytosanitaires. Les sources de contamination le sont par conséquent aussi.
Durant toutes les phases d’élaboration, d’utilisation et/ou de recyclage de ces produits, des métaux sont rejetés dans l’environnement, soit directement dans les eaux continentales ou marines, soit dans l’atmosphère transportés par les vents, associés aux aérosols avant de se déposer par voie sèche ou humide à la surface de la terre ou de l’océan.
Toxicité et tolérance aux métaux lourds
Le premier effet des métaux lourds observable chez les végétaux est une inhibition de la croissance. Celle-ci s’accompagne très souvent de nombreux autres indices de dysfonctionnement: chlorose foliaire, importantes lésions nécrotiques, jaunissement progressif, repliement ou dessèchement du feuillage… A l’heure actuelle, les bases moléculaires de ces perturbations sont encore mal connues, mais on admet généralement qu’elles résultent d’un stress oxydatif, dû à la production d’espèces réactives de l’oxygène ou « Réactive Oxygen Species » (ROS).
Les ROS altèrent toute une série de substrats biologiques importants, avec comme conséquence la modification des domaines fonctionnels des biomolécules : inhibition de l’activité enzymatique, perturbation du métabolisme végétal (notamment la photosynthèse et la respiration), oxydation de protéines, altération des membranes cellulaires via l’induction de phénomènes de peroxydation lipidique, apparition de cassures au sein de l’ADN, pouvant conduire à la mort cellulaire . Pour éviter ces inconvénients, des systèmes de stockage ou de détoxication des métaux accumulés ont été sélectionnés chez certains végétaux. D’efficacité variée selon les espèces, il semble à l’heure actuelle que trois mécanismes, encore mal compris, soient largement prépondérants : la modification de la perméabilité membranaire, qui permet de réduire l’entrée des métaux dans la cellule, le système anti-oxydant, qui limite les dégâts des espèces réactives de l’oxygène et la chélation intracellulaire, qui empêche l’activité de l’ion métallique.
Adaptation aux Métaux lourds
Seuls certains taxons sont donc observés préférentiellement sur des sites riches en métaux lourds, laissant supposer qu’outre la grande plasticité phénotypique de certaines variétés opportunistes, des processus évolutifs sont impliqués dans cette adaptation aux environnements métallifères. Les bases génétiques de la tolérance ont été largement étudiées, mais peu de certitudes existent et beaucoup de travaux supplémentaires sont encore nécessaires.
Il est généralement présumé que le phénomène d’adaptation est progressivement acquis selon le processus classique de l’évolution, en réponse à de nombreuses années de pression de sélection. Il en résulterait que seul un petit nombre d’espèces bien définies seraient capables de se développer sur des terrains contaminés. Pourtant, il est maintenant largement reconnu qu’un nombre important d’espèces végétales communes sont capables de coloniser rapidement des milieux nouvellement contaminés.
Cette observation sous tend l’hypothèse qu’un écotype (ou une population) adapté(e) peut émerger rapidement après quelques années, voire même en une seule génération (Wu et al., 1975). Ce phénomène est classiquement présenté comme un modèle de microévolution (Macnair, 1993) ; il repose sur l’inductibilité de la tolérance, au sein des populations qui se développent habituellement sur des sites non contaminés et présentent une tolérance moyenne plus faible. Cependant, en plus du phénomène adaptatif, il apparaît maintenant que la tolérance peut être un caractère constitutif. L’une des premières études a été menée sur une espèce des milieux humides, Typha latifolia (McNaughton et al., 1974). En comparant deux clones, l’un issu d’un terrain contaminé par du zinc et l’autre issu d’un terrain non pollué, les auteurs ont montré que cette espèce présentait une forte tolérance au zinc, mais aussi au plomb et au cadmium, et ceci sans distinction entre les deux clones. Par la suite, cette observation a été confirmée pour différentes espèces telles que Phragmites australis (Ye et al., 1997b), Glyceria fluitans (Matthews et al.,2004), Carex rostrata (Matthews et al., 2005), Andropogon virginicus (Gibson et Risser, 1982), Calamagrostis epigejos (Lehmann et Rebel, 2004), Calluna vulgaris (Monni et al., 2000) et Arabidopsis halleri (Bert et al., 2000).
Bioaccumulation du Cadmium
Dans les premiers temps de la cinétique de bioaccumulation, la pénétration du cadmium dans les cellules est linéaire en fonction du temps et directement proportionnelle à sa concentration dans l’eau (George et al., 1978; Kohler et Riisgard, 1982; Poulsen et al., 1982; Chong et Wang, 2001). Elle n’est pas affectée par la température. Borchardt (1983 et 1985), en marquant les algues avec du Cd109 et l’eau avec du Cd115 met en évidence la prépondérance de la voie dissoute par rapport à la voie particulaire et montre que seulement 1% de la quantité de Cd dans la chair de moules a pour origine la voie particulaire. La principale entrée se fait donc par l’eau à travers les surfaces externes, principalement par les branchies qui représentent une surface considérable (Carpene et George, 1981; Borchardt, 1983; Borchardt, 1985; Riisgard et al., 1987). En parallèle, il montre que l’absorption de Cd en solution est en corrélation linéaire avec la quantité de nourriture ingérée.
Les branchies sont donc l’organe d’entrée principal. La biodisponiblité des espèces de cadmium dissous dépend des mécanismes de capture. La diffusion passive ou facilitée via les canaux à Ca2+ à travers la bicouche lipidique semble être le processus de capture le plus fréquent (Simkiss et Taylor, 1995). Les formes ionisées avec des chlorures et des hydroxydes doivent être considérées principalement.
Enfin, il est à noter qu’aucune donnée convaincante ne permet de constater une biomagnification du cadmium dans les réseaux trophiques. Au contraire, il semble qu’une diminution des concentrations avec l’augmentation du niveau trophique soit la situation la plus couramment observée.
Mécanisme de détoxification cellulaire
La défense antioxydante doit tamponner la réponse pro-oxydante mise en place contre l’agresseur (en piégeant les substances pro-oxydantes en excès) tout en participant à la défense de l’hôte. Il s’agit de neutraliser et/ou d’éliminer le stress ou l’agresseur, de préserver au mieux l’environnement tissulaire puis de le réparer.
L’ensemble des mécanismes antioxydants enzymatiques et des systèmes non enzymatiques est résumé dans la figure qui illustre la complexité des réactions qui coexistent au sein de la cellule lors d’un stress oxydant. Il faut noter qu’il existe une répartition non équivalente des moyens de défense antioxydants dans différents tissus.
Table des matières
Introduction
A. Les Métaux lourds
1. Généralités
2. Processus physiologique de Bioaccumulation des métaux
Mécanisme de capture des Métaux lourds
Mécanisme d’excrétion des Métaux lourds
Mécanisme de stockage des Métaux lourds
Bioaccumulation et Bioamplification dans les réseaux trophiques
Facteurs affectant la bioaccumulation des métaux
3. Toxicité et Tolérance aux métaux lourds
3.1. La membrane plasmique
3.2. Système antioxydant
3.3. La chélation et la compartimentation cellulaire
3.4. Autres systèmes de défense au stress métallique
4. Adaptation aux métaux lourds
5. Les Métaux lourds dans la Plante
6. Utilisation des Plantes dans la Réhabilitation des Sols
Cas de la Tomate
B. Le Cadmium
1. Propriétés fondamentales
2. Utilisation
3. Cycle et source naturelle anthropique
4. Propriétés biologiques et toxicité
5. Bioaccumulation du Cadmium
6. Réglementation
C. Le Stress Oxydant
1. Définition
2. La réponse adaptative au stress oxydant
Les Espèces Réactives à l’Oxygène ROS
Source et formation des dérivés ROS
Les métaux lourds et l’accumulation des ROS
Implication des mitochondries dans le stress oxydatif
3. Les Biomarqueurs
Les Biomarqueurs enzymatiques
Les Biomarqueurs non enzymatiques
4. Mécanisme de détoxification cellulaire
D. Objectifs du travail
Chapitre I : Matériel et Méthodes
A. Matériel expérimental
B. Produits chimiques utilisés
C. Etude in vivo
1. Dispositif expérimental
2. Conduite de l’essai
Précédent cultural
Préparation de la pépinière
Semis et entretien de la pépinière
Repiquage et travaux d’entretien
La récolte des fruits
3. Paramètres étudiés
3.1. Paramètres de Croissance
Hauteur moyenne du plant
Nombre moyenne de fleurs par plant
Nombre de bouquet de fleur par plant
Taux de nouaison
3.2. Paramètre de Production
Nombre moyen de fruits par plant
Production moyenne par plant
Poids moyen de fruit
Taux d’avortement
Rendement moyen par traitement
3.3. Paramètres de Qualité
Indice de Réfraction
pH du fruit
Acidité titrable du fruit
D. Etude in vitro
1. Conditions de culture
2. Techniques Analytiques
2.1. Dosage des Protéines totales
2.2. Dosage des Chlorophylles
2.3. Dosage des Biomarqueurs
2.3.1. Dosage Enzymatiques
Préparation de l’extrait enzymatique
Dosage l’activité Ascorbate-peroxydases (APX)
Dosage de l’activité Guaïcol-peroxydases (GPX)
Dosage de l’activité catalase (CAT)
Dosage de l’activité Glutathion S-Transférase (GST)
2.3.2. Dosage non Enzymatiques : Le Glutathion (GSH)
2.4. Etude du métabolisme Respiratoire
2.5. Etude du métabolisme photosynthétique
E. L’Analyse Statistique
Chapitre II. Résultats
1. Etude in vivo
1.1. Paramètres de Croissance
Hauteur moyenne du plant
Nombre de bouquet de fleur par plant
Nombre moyen de fleurs par plant
Taux de nouaison
1.2. Paramètre de Production
Nombre moyen de fruits par plant
Poids moyen de fruit
Taux d’avortement
Production moyenne par plant
Rendement moyen par traitement
1.3. Paramètres de Qualité
L’indice de Réfraction
Le pH du fruit
L’acidité titrable du fruit
2. Etude in vitro
2.1. Effet du Cd et Cd/Ca sur les Protéines totales
2.2. Effet du Cd et Cd/Ca sur les Chlorophylles
2.3. Effet du Cd et Cd/Ca sur les Biomarqueurs
2.3.1. Dosages Enzymatiques
L’effet du Cd et Cd/Ca sur l’activité APX
L’effet du Cd et Cd/Ca sur l’activité GPX
L’effet du Cd et Cd/Ca sur l’activité (CAT)
L’effet du Cd et Cd/Ca sur l’activité GST
2.3.2. Dosages non Enzymatiques : Le Glutathion (GSH)
2.4. Effet du Cd et Cd/Ca sur le métabolisme Respiratoire
2.5. Effet du Cd et Cd/Ca sur métabolisme photosynthétique
Chapitre III. Discussion Générale
CONCLUSION
Références Bibliographiques
Annexes
Publications