Étude des échanges de masse entre fluides de la cavité

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Cas du mélange de la phase riche en fluide stocké

On considère deux espèces en présence dans cette phase : le fluide stocké (CO2, CH4…), en supposant qu’il s’agissait initialement d’un corps pur, et l’eau supposée pure. D’après Dubacq et al. [2013], cette hypothèse reste valide pour un stockage de CO2 en présence de saumure jusqu’à des températures de 300 ◦C et des pressions très élevées dépassant 50 MPa. D’un point de vue de la gestion de la cavité, l’étude de ce mélange doit permettre de prendre en compte l’humidité du fluide stocké. Les modèles des équations d’état décrivant ces systèmes binaires sont les mêmes que ceux des corps purs, ceux-ci étant simplement adaptés pour prendre également en compte leur composition.
Les lois d’état du viriel vont adopter la même architecture pour les mélanges que pour les corps purs (voir l’Équation 1.8) ; cependant des lois de mélange sont fixées sur les différents coefficients globaux Bk : les valeurs de ces derniers vont ainsi dépendre de la composition, des coefficients du viriel spécifiques à chaque composé (dépendants de la température) et éventuellement de termes additionnels d’interaction (eux aussi dépendants de la température). C’est notamment le cas dans l’article [Duan et al., 1992c], qui calibre les lois de mélange des différents coefficients de l’équation de Benedict, Webb et Rubin pour des systèmes binaires CO2−H2O ou CH4−H2O, ou dans l’article [Hall and Iglesias-Silva, 1994] qui se focalise sur l’expression du second coefficient du viriel d’un système O2−H2O. Les équations cubiques sont également fréquemment utilisées pour établir les lois d’état des mé-langes. Elles ont en effet servi à l’élaboration des premiers diagrammes de phase des mélanges binaires, tels que présentés en sous-section 1.2.1. Les diagrammes de phase des systèmes binaires CO2−H2O et CH4−H2O [Vinš et al., 2012] ont pu être retrouvés à partir de l’équation de Yokozeki [Yokozeki, 2003]. Les premières lois de mélange binaire ont été élaborées à partir de l’équation de van der Waals, en faisant aussi dépendre ses paramètres a et b de la composition (ici de la →− composition molaire x ). L’expression générale de ces deux derniers devient : ( −→)=
amel T , x  (−→) = bmel x   n n
n i=1n j=1 xixj aij (1 − Kij ) (1.16)
i=1j=1 xixj bij (1 − Lij )
où les paramètres aij et bij dépendent des paramètres ai et bi de chaque constituant i, et Kij et Lij sont des coefficients d’interaction binaire entre espèces. Il est fréquent dans la littérature de négliger les coefficients Lij devant 1, ainsi que de poser aij = √aiaj et bij = (bi + bj )/2 ; en conséquence, l’expression des paramètres du mélange est généralement écrite :
amel(T , x ) = n n xixj √ (1 − Kij )
aiaj (1.17)  −→ n i=1 j=1
x i=1 xibi   bmel (−→) =
où il reste à déterminer une expression du coefficient Kij . Plusieurs corrélations de ce coefficient sont proposées dans la littérature : elles le relient au facteur acentrique ω des différentes espèces i et j, auxquelles s’ajoutent, dans certains cas, des dépendances aux températures critiques de ces espèces et à la température [Valderrama et al., 1999], ou, dans d’autres cas, aux volumes molaires critiques (exemple Nishiumi et al. [1988] proposant une corrélation sur Kij , notamment valable pour des mélanges de CO2 régis par la loi de Peng-Robinson).
Les équations issues de la thermodynamique statistique sont également très fréquemment employées pour caractériser les mélanges, dans la mesure où elles permettent de prendre en compte les diffé-rentes interactions entre les différentes molécules. Il existe ainsi des équations d’état développées à partir des modèles SAFT et PC SAFT (exemple avec le système binaire CO2−H2O [Diamantonis and Economou, 2012]), ou bien avec les modèles de type CPA (par exemple pour le système binaire
CH4−H2O en utilisant l’équation de Peng-Robinson [Wu and Prausnitz, 1998] ou avec l’équation de Soave-Redlich-Kwong [Oliveira et al., 2007], ou pour le système binaire CO2−H2O avec cette dernière équation cubique [Tsivintzelis et al., 2011]).
Les lois d’état multiparamétriques sont également susceptibles d’être utilisées pour les lois de mé-lange de certains fluides, et en particulier les lois d’état du GERG [Kunz and Wagner, 2012]. Cette faculté de décrire le comportement thermodynamique de nombreuses espèces, aussi bien en tant que corps purs ou en mélange, selon la même architecture, est la grande force de ce type d’équations d’état. Ces dernières, comme pour les corps purs, décomposent le potentiel thermodynamique du mélange en une partie idéale représentative du comportement en mélange idéal φ et une partie
résiduelle pour la déviation à l’idéalité ˜, de sorte que :
φ
φ(ν, T, →−)= xk ( k k
(ν, T ) + ln (x ))
x φ
k
→− k k −→−→ n−1 n (1.18)
˜ xk xl Fkl φkl(δ(−→) (−→))
˜ (δ( x ), τ ( x )) + ˜ x , τ x
φ(δ, τ, x ) = x φ
k k=1 l=k+1
= (→−)
δ νr x /ν
= (→−)
τ Tr x /T
où −→ correspond au vecteur des concentrations molaires i de chacun des n constituant du mé- x x
˜ correspondent à celles du potentiel thermodynamique du corps lange. Les expressions de φk et φk  pur k, telles qu’exprimées dans les équations 1.13 et 1.14 respectivement. En revanche, les variables réduites δ et τ , utilisées dans la partie résiduelle, ne sont pas les mêmes que pour un corps pur simple : les fonctions réduites νr et Tr les définissant dépendent des coordonnées critiques des dif-férents corps purs (νkc = 1/ρck , Tkc) et de la concentration de ceux-ci, mais sont également pondérées par des coefficients de mélange (βν , γν , βT et γT ) spécifiques à chaque système binaire du mélange :
νr (−→) = xk k + (1 4)
x 2 νc /
k
Tr (−→) = xk Tk
x 2 c
k
n−1 n xi + xj
x x βν γν ((νc )1/3 + (νc)1/3)3
(βν )2xk + xl
k=1 l=1 k l kl kl k l
kl (1.19)
n−1 n xi + xj
+ 2 xk xlβT γT T cT c
k=1 l=1 kl kl k l (βT )2xk + xl
kl
De la même façon, le potentiel thermodynamique résiduel du mélange ˜ , ainsi que ses facteurs de
φkl
pondération associés Fkl, ajoutent des termes à ajuster pour chaque système binaire du mélange. Si les valeurs des facteurs βklν, γklν , βklT et γklT des paramètres réduits sont estimées pour de nombreux systèmes binaires, seule une quinzaine d’entre eux disposent d’un ajustement des paramètres du terme ˜ , tandis que le facteur n’a été calibré que pour 7 de ceux-ci [Kunz and Wagner, 2012]. φkl Fkl H2O ne fait partie d’aucun mélange binaire parmi cette quinzaine. Malgré tout, la précision des ajustements pour les mélanges binaires sans tenir compte du potentiel thermodynamique résiduel du mélange reste considérée comme intéressante.

Synthèse

→ On peut adopter les mêmes familles de lois d’état que pour les corps purs pour décrire le comportement de mélanges ; toutefois, celles-ci s’accompagnent de règles de mélange, qui sont, le plus souvent, établies empiriquement ;
→ Les lois cubiques et CPA adaptées aux mélanges font partie des équations les plus utilisées dans la littérature, pour les mêmes raisons de simplicité que pour les corps purs ;
→ La loi d’état multiparamétrique du GERG est, elle aussi, adaptable pour décrire le comportement de mélanges, mais son ajustement complet n’a encore été réalisé que sur quelques rares mélanges binaires.

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Cas du mélange de la phase saumure

La présence de sel à une concentration proche de la saturation modifie significativement le com-portement thermodynamique de la saumure par rapport à l’eau pure, car les interactions entre particules dans la saumure sont perturbées par la présence des ions qui la composent. Ces derniers sont soumis à des forces électrostatiques, du fait de leur charge ionique (interaction à longue dis-tance) et d’autres de moindre portée et de diverses natures (chimiques conduisant à des phénomènes d’association, structurelles, physiques…) [Wang et al., 2002].
Dans la littérature, quelques lois d’état de saumure chargée en gaz dissous ont été développées. Certaines sont basées sur les équations d’état cubiques adaptées à un mélange et développées pour prendre en compte les interactions ioniques. C’est le cas notamment de l’équation de Soreide-Whitson, basée sur l’équation d’état cubique de Peng-Robinson [Søreide and Whitson, 1992], ou celle proposée par Li et al. [2001] à partir de l’équation de Soave-Redlich-Kwong. Dans cette équation, la salinité joue un rôle dans l’expression du paramètre Kij (Équation 1.17), qui ne dépend dès lors plus uniquement de la forme de la molécule (à travers par exemple le facteur acentrique ω) et de la température. Dans [Søreide and Whitson, 1992], la corrélation de ce paramètre a été ajustée pour des mélanges H2O−NaCl−CO2 et H2O−NaCl−CH4−. Néanmoins, vu que les types d’interaction pris en compte dans les équations cubiques sont généralement en nombre insuffisant et encore assez peu représentatifs de ceux rencontrés dans ce système, les solutions électrolytiques ne peuvent être décrites de façon satisfaisante par cette famille d’équation d’état (voir le tableau 4.5 de Brignole and Pereda [2013]).
Les équations basées sur la thermodynamique statistique ont, quant à elles, toute leur place dans la description du comportement de solutions électrolytiques comme peut l’être la saumure. En effet, outre les interactions communes entre segments et chaînes et les éventuelles interactions d’association, ces équations peuvent tenir compte des interactions électrostatiques qui régissent le comportement des ions [Brignole and Pereda, 2013]. C’est ainsi que des modèles CPA permettent de décrire le comportement de systèmes ternaires H2O−NaCl−CH4 (exemple le modèle de Wu and Prausnitz [1998], partant de l’équation cubique de Peng-Robinson) ou H2O−NaCl−CO2 (à partir de la même équation cubique [Chabab et al., 2019] ou en se basant sur l’équation cubique de Soave-Redlich-Kwong [Carvalho et al., 2015]). De la même façon, des modèles de type SAFT (par exemple pour le mélange H2O−NaCl−CO2 [Ji et al., 2005]) ou PC-SAFT (pour le même mélange [Duan et al., 1995]) ont pu être élaborés pour différents mélanges ternaires. Dans chacun de ces modèles, au moins une source d’énergie libre résiduelle, liée au comportement ionique, est ajoutée à celles existantes pour un corps pur (présentées en p. 20).
On peut également poser la loi d’état de ce mélange à partir de l’expression de son potentiel thermodynamique. Il serait, dans un premier temps, possible de construire une loi d’état suivant la façon présentée en sous-section 1.1.2, pour une (ou plusieurs) composition(s) déterminée(s) du mélange H2O−NaCl−CO2. Pour cela, il faudrait disposer de données expérimentales de masse volumique et de capacité calorifique en fonction de la pression et la température à une salinité et une concentration en gaz dissous donnée. Néanmoins, si la littérature peut fournir des lois d’évolution de la masse volumique en fonction de ces paramètres (exemple avec le CO2 [Duan et al., 2008; Yan et al., 2011]), les données relatives aux capacités calorifiques sont inexistantes pour le mélange ternaire. Seul le travail de Koschel et al. [2006] fournit des données d’enthalpie de mélange pour le système ternaire, dans le but d’en déduire la solubilité du CO2, mais il est limité à une concentration massique de sel dissous d’environ 15 % (soit bien loin notamment de la salinité d’une saumure en cavité) et aux seules températures 323,15 K et 373,15 K. Par ailleurs, si on cherche à calculer les solubilités mutuelles du fluide stocké et de la saumure quelles que soient les conditions thermodynamiques, il est important de prendre la composition de la saumure comme une variable primaire et non de se focaliser sur quelques mélanges de composition fixe, à partir desquels on devrait effectuer des interpolations.

Table des matières

Introduction
1 Comportement thermodynamique des fluides étudiés
1.1 Familles de lois d’état applicables à des fluides de composition fixe
1.1.1 La loi des gaz parfaits
1.1.2 Potentiel thermodynamique
1.1.3 Loi du viriel
1.1.4 Les équations cubiques
1.1.5 Loi d’état multiparamétrique
1.2 Expression des lois d’état applicables à des fluides de composition variable
1.2.1 Représentation des comportements par les diagrammes de phase
1.2.2 Cas du mélange de la phase riche en fluide stocké
1.2.3 Cas du mélange de la phase saumure
1.3 Lois d’état appliquées sur les fluides en présence dans une cavité saline
1.3.1 Le transfert de masse du CO2 dans une saumure
1.3.2 Choix de lois d’état retenues
1.4 Application : comportement thermodynamique des fluides étudiés dans des conditions
représentatives de stockage souterrain
1.4.1 Phase des fluides stockés
1.4.2 Interaction entre les phases de fluide stocké et de saumure
2 Thermodynamique de stockage en cavité saline
2.1 Revue bibliographique des approches pour modéliser un stockage en cavité saline
2.2 Modèle physique de la cavité
2.3 Expression des lois de bilan appliquées au stockage souterrain en cavité saline
2.3.1 Généralités sur les équations de conservation
2.3.2 Hypothèses de modélisation du stockage en cavité saline
2.3.3 Bilan de la masse
2.3.4 Bilan de l’énergie
2.4 Hypothèses complémentaires et couplage du système
2.4.1 Modèle thermodynamique simplifié de la cavité
2.4.2 Domaine du puits
2.4.3 Domaine du massif salin autour de la cavité
2.5 Application du modèle pour des stockages sans échange de matière entre phases fluides
2.5.1 Simulations des réponses thermodynamiques des fluides soumis à des cyclages dans un contexte de stockage adiabatique de volume constant
2.5.2 Simulations des réponses thermodynamiques des fluides soumis à des cyclages
dans un contexte de stockage en cavité saline
2.5.3 Première estimation de la masse de fluide stocké dissous en saumure
3 Étude des échanges de masse entre fluides de la cavité
3.1 Impact du transfert de masse sur le comportement du stockage
3.1.1 Modélisation des premières opérations d’exploitation d’un stockage de CO2 en cavité saline en considérant le transfert de masse
3.1.2 Retard de soutirage de saumure causé par le transfert de masse durant le premier remplissage
3.1.3 Comparaison générale de la cinétique des processus de transfert de masse en stockage souterrain
3.2 Étude expérimentale de la cinétique de dissolution
3.2.1 État de l’art sur les données de cinétique de dissolution
3.2.2 Dispositif et protocole expérimentaux
3.2.3 Résultats expérimentaux
3.3 Modélisation de l’évolution du transfert de masse du CO2 au cours du temps
3.3.1 Analyse des modèles existants
3.3.2 Cadre global de modélisation des essais expérimentaux
3.3.3 Modélisation du système par un modèle simplifié de diffusion
3.3.4 Modélisation de l’essai par le modèle complet associant diffusion et convection
Conclusion et perspectives
A Grandeurs thermodynamiques
B Sources d’erreurs expérimentales

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