Etude de l’oxydation/corrosion des composites céramiques

Etude de l’oxydation/corrosion des composites céramiques

Description des échantillons

Afin de mieux comprendre les phénomènes survenant lors de l’oxydation des composites à matrice Si-B-C, plusieurs types d’échantillons vont être étudiés : dépôts plans des matériaux monolithiques ou composites fissurés. Les lois cinétiques seront établies sur des dépôts plans de chaque constituant de la matrice. D’autre part, la volatilisation des oxydes formés est également étudiée sur des verres élaborés au laboratoire. Des essais sur des composites présentant des fissures modèles permettront de vérifier que ces lois cinétiques d’oxydation sont transposables à un milieu confiné (dans la fissure, v(gaz) ≈ 0 cm/s). II-2)-a. Les dépôts plans Les dépôts plans de céramique (B4C, Si-B-C et SiC) sont obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (CVD) à Snecma Propulsion Solide sur des substrats de SiC fritté (BOOSTEC) de 8mm de diamètre et de hauteur moyenne (0,8 ± 0,2) mm. Ces substrats sont exempts d’impuretés (99,7%) pouvant interagir ou diffuser dans le dépôt céramique. L’épaisseur moyenne des dépôts de B4C, SiC et Si-B-C est en moyenne de (33 ± 7) µm, (37 ± 10) µm, (31 ± 3) µm respectivement. Afin de limiter la réaction d’oxydation à une seule face du dépôt (horizontale face au flux), les pastilles sont découpées à mi-hauteur pour donner un substrat quasi plan (figure II-3). Ainsi, la surface moyenne de contact avec l’atmosphère gazeuse est d’environ (0,6 ± 0,1) cm². Figure II-3 : Schéma des dépôts plans L’étude du comportement en oxydation des céramiques borées telles que B4C et Si-B-C sous atmosphère sèche et humide est menée à pression atmosphérique pour des températures comprises entre 460 et 1000°C et pour des pressions partielles en oxygène allant de 2 à 80 kPa. Ceci doit permettre de déterminer les mécanismes d’oxydation et d’écrire les lois cinétiques d’oxydation correspondantes. Afin de valider ces lois cinétiques d’oxydation, les épaisseurs d’oxyde formé et de céramique consommé sont mesurées sur des sections non polies (le polissage arrachant l’oxyde très fragile) des dépôts oxydés par microscopie électronique à balayage (MEB). II-1)-b. Les verres L’oxyde formé à la surface des dépôts oxydés pouvant être instable dans les conditions expérimentales utilisées, afin de découpler les différents phénomènes, il est nécessaire SiC fritté Dépôt 49 d’étudier séparément la stabilité thermique et chimique de l’oxyde à base de B2O3. Pour cela, des verres borosilicates sont fabriqués au laboratoire à partir des poudres de B2O3 (Chempur, 99%, amorphe) et de SiO2 (Chempur, 99,9%, quartz α) dans un four à moufle à sole mobile. Le cycle thermique présente des vitesses de montée en température très lente avec un palier intermédiaire de 3 heures à 300°C afin de permettre l’évaporation de l’eau absorbée par les poudres sans départ de l’oxyde [Grente 2004]. Les compositions des verres élaborés sont fixées à partir du diagramme binaire de phase B2O3-SiO2 (Figure I-2) [Rockett 1965]. A une température donnée, trois types de composition pourront être considérées : – une phase liquide homogène obtenue pour un fort taux en B2O3 (effet de la silice dissoute dans B2O3) – sur la courbe du liquidus, la composition d’équilibre entre B2O3 et la silice solide (sous différentes formes cristallographiques) – un système diphasique avec saturation et précipitation de la silice Des essais de volatilisation ont été réalisés sur des borosilicates sous atmosphère sèche et humide pour des températures comprises entre 460 et 900°C, pour des pressions partielles en oxygène fixées à 20kPa et des pressions partielles en eau comprises entre 0 et 3 kPa. Ces données viendront compléter les résultats obtenus précédemment pour des températures supérieures à 900°C et des pressions partielles en eau supérieures ou égales à 5 kPa [Martin 2003]. Ces essais mettront en évidence notamment la limitation de la volatilisation du B2O3 en présence de SiO2 par formation de liaisons Si-O-B [Martens 2000, Van Wüllen 2002]. II-2)-c. Les fissures modèles dans un composite réel Afin de transposer les données de cinétiques d’oxydation obtenues sur des dépôts plans dans un espace confiné, l’oxydation au sein d’une fissure modèle plane, de largeur contrôlée, perpendiculaire à l’axe des strates et traversant l’ensemble du composite réel est étudiée. Pour réaliser ces fissures, des parallélépipèdes de composite type A410 (SiC/MAC avec un sealcoat autocicatrisant sur toutes les faces après leur usinage), obtenus par CVI, sont fournis par Snecma Propulsion Solide. Les dimensions de ces matériaux sont L ≈ 10 mm ; l ≈ 0,4 mm ; h ≈ 0,7 mm (Figure II-5). Figure II-5 : Dimensions des composites modèles La fissure traversante est obtenue en découpant le composite perpendiculairement aux strates, en polissant les deux surfaces de découpe afin d’éliminer la rugosité générée par la coupe et en les réajustant en vis-à-vis (Figure II-6). L’ensemble est maintenu par deux fils de platine. L’ouverture de fissure (mesurée au MEB), e, est variable, avec un minimum de 5µm environ. Figure II-6 : Schéma des fissures modèles Composite Découpe Faces polies Fissure modèle Assemblage Composite Découpe Faces polies Fissure modèle Assemblage Composite Découpe Faces polies Fissure modèle Assemblage Composite Découpe Faces polies Fissure modèle Assemblage L ≈ 10mm l ≈ 4,5mm h ≈ 7mm 50 Ces fissures modèles sont oxydées à pression atmosphérique sous atmosphère sèche ou humide pour des températures comprises entre 460 et 800°C, pour des pressions partielles en oxygène fixées à 20kPa et des pressions partielles en eau comprises entre 0 et 3kPa. L’effet de la vitesse des gaz sur la capacité du matériau à s’autoprotéger à une température donnée sera également pris en compte (§ II-3-b). Afin de mettre en évidence la cicatrisation totale ou partielle des fissures modèles, plusieurs analyses physico-chimiques et observations morphologiques vont être faites. Pour cela, les fissures modèles oxydées sont ensuite préenrobées sur une moitié afin de maintenir les deux faces en vis-à-vis avant la découpe (Figure II-7). Figure II-7 : Schéma de découpe du composite La première moitié (préenrobée) va être réenrobée au gabarit classique et polie afin d’être observée par microscopie électronique à balayage (MEB) et caractérisée par microsonde de castaing. Les surfaces de l’autre moitié vont être séparées et chaque face observée au MEB afin de mettre en évidence la répartition de l’oxyde le long de la surface et caractérisée la composition de l’oxyde par spectroscopie de photons X (XPS) ou par spectroscopie d’électrons Auger (AES). II-2)-d. Effets de synergie entre les constituants L’oxyde cicatrisant, principalement constitué de B2O3, est un agent accélérateur de l’oxydation du SiC (le mécanisme d’oxydation reste à clarifier). Tant que le SiC oxydé est emprunté à la matrice, l’oxyde formé se stabilise thermiquement et chimiquement par formation d’un borosilicate. Dès lors que l’oxyde de bore vient au contact des fibres, ces dernières s’oxydent d’autant plus rapidement. Cette dégradation chimique des fibres SiC conduit à l’abaissement de leurs propriétés mécaniques. La durée de vie du matériau composite en est alors considérablement diminuée. Ces effets de synergie sont plus particulièrement étudiés dans le cas du dépôt de Si-B-C (élément de la matrice MAC) et des fibres SiC Hi-Nicalon en menant des tests d’oxydation sur ces matériaux mis en contact avec du B2O3. Ces essais d’oxydation sont menés à pression atmosphérique sous air sec pour des températures comprises entre 600 et 1000°C. L’effet de plusieurs paramètres tels que la quantité de B2O3 introduite, la pression partielle en oxygène, la température sont abordés. Les matériaux oxydés sont ensuite caractérisés par microscopie électronique à balayage afin de mesurer les épaisseurs de céramique consommé et d’oxyde formé. Des analyses par XPS sont menées ponctuellement afin de déterminer la composition de l’oxyde formé.

Dispositifs de traitement thermique

Des essais d’oxydation sont menés dans des fours de géométrie différente (diamètre de tube (ie volume de la phase gazeuse) et orientation du four) avec des vitesse des gaz similaires afin de vérifier que les conditions de travail se situent toujours dans un domaine limité par les réactions de surface (et non par la diffusion des espèces gazeuses dans le four). Trait de découpe Préenrobage

L’analyse thermogravimétrique (ATG)

Le suivi de la variation de masse en fonction du temps (avec une précision inférieure à 5 µg) est effectuée par analyse thermogravimétrique (ATG Setsys 1600, Setaram). Les tests d’oxydation sont menés à pression atmosphérique sous atmosphère sèche ou humide jusqu’à 1600°C. La pression partielle en oxygène applicable est comprise entre 0 et 100 kPa tandis que celle de l’eau est comprise entre 0 et 20 kPa. L’atmosphère gazeuse est complétée par de l’azote. Le débit gazeux total est ainsi maintenu constant à 2 l/h et la vitesse des gaz est de 0,2 cm/s en zone froide. L’air humide est généré en faisant barboter de l’air (dont la pression partielle en O2 et N2 a été ajustée à l’aide des débitmètres massiques) dans un flacon laveur plongé dans un bain thermostaté. La pression partielle en eau (pression de vapeur à saturation) est fixée par la température du bain en accord avec les données thermodynamiques d’équilibre entre H2O (l) et H2O (g). La vitesse des gaz est suffisamment faible pour que les pressions de vapeur en eau puisse être maintenue en surface (les pressions partielles en eau sont recalculées par pesée des pertes en eau des flacons). Par exemple, pour une pression partielle en eau de 1,5kPa, la température du bain est fixée à 13°C. L’introduction des gaz oxydants (sec ou humide) se fait par le bas du four tandis que la microbalance est protégée des gaz oxydants par un balayage continu d’hélium. Le suscepteur graphite est protégé des gaz oxydants par un balayage d’argon entre le tube d’alumine vertical (diamètre interne du tube = 17,8 mm) et la résistance graphite. L’échantillon, placé dans un creuset en silice (si T ≤ 1000°C) ou en platine, est amené dans la zone chaude au moyen de suspensions en platine. L’ensemble du système est refroidi par un circuit d’eau (chauffé à une température supérieure d’environ 20°C à celle de génération de la vapeur d’eau pour éviter d’éventuelles recondensations au contact des pièces froides) (Figure II-8). Figure II-8 : Schéma de principe de l’ATG

Les fours tubulaires

Des essais sont également menés dans des fours tubulaires sous atmosphère sèche ou humide afin de mettre en évidence les effets de la vitesse des gaz et de la géométrie du four (diamètre interne du tube en alumine) sur les vitesses d’oxydation. T (°C) 52 Les variations de masse sont suivies par des pesées régulières (de 30 minutes à quelques heures pour les systèmes peu réactifs) des échantillons. L’entrée et la sortie des échantillons se fait directement du four maintenu en température sous atmosphère contrôlée. De plus, compte tenu de la sensibilité de l’oxyde de bore en présence d’eau, la phase de pesée de l’échantillon (sortie du four) doit être la plus courte possible [Jacobson 2005]. – Effet de la vitesse des gaz Les essais d’oxydation sont menés dans des fours dont le diamètre est du même ordre de grandeur (17,8 mm pour l’ATG et 14,5 mm pour le four tubulaire) avec une vitesse des gaz en zone froide augmentée d’un facteur 10 (0,2 cm/s dans l’ATG et 2 cm/s dans le four tubulaire). – Effet du débit gazeux autour de l’échantillon Les essais d’oxydation sont menés dans des fours de diamètres différents (0,50 cm3 /s dans l’ATG et 1,38 cm3 /s dans le four tubulaire : correspondant respectivement à un volume de gaz oxydant autour de l’échantillon d’autant plus important) pour une vitesse des gaz en zone froide constante avec un débit gazeux autour de l’échantillon augmenté d’un facteur 3 (en accord avec les différences de sections). – Effet de la convection naturelle Afin de simuler les conditions environnementales présentes lors des essais mécaniques, des essais sont réalisés dans un four tubulaire horizontal (diamètre = 58 mm) sous convection libre d’air ambiant (pression partielle en eau imposée par l’hygrométrie de la pièce) en laissant une extrémité ouverte. La vitesse des gaz est quasi nulle. Toutefois, une modélisation du four a permis de vérifier que la diffusion des espèces oxydantes (O2 ou H2O) entre l’entrée du four et l’échantillon n’est pas limitante. 

Le four à sole mobile

Afin d’étudier la stabilité thermique et chimique des verres, il est nécessaire de fabriquer des borosilicates (§ II-1-b). Leur fabrication préalable à cette étude permet de limiter leur teneur en eau par rapport à celle des poudres initiales. L’avantage de ce dispositif est de pouvoir faire des trempes rapides à partir de la température de fabrication permettant ainsi de figer l’état vitreux. II-4) Modèles d’oxydation Suivant les conditions environnementales, le comportement en oxydation des matériaux peut être complexe. Afin d’extraire des variations de masse expérimentale les constantes cinétiques d’oxydation, plusieurs modèles des phénomènes d’oxydation sont couramment utilisés tels que le modèle linéaire, parabolique et le paralinéaire. Dans un premier temps, la détermination des lois cinétiques est détaillée. D’autre part, à partir des lois cinétiques d’oxydation, un modèle de prévision de la cicatrisation est présenté.

Le modèle linéaire

Ce comportement est associé aux réactions interfaciales entre le dépôt non oxydé (gain de masse lié à l’initiation de l’oxydation, caractérisé par une vitesse interfaciale d’oxydation ki) ou l’oxyde (perte de masse liée à sa volatilisation, caractérisé par une vitesse de volatilisation kl) et l’atmosphère gazeuse. Ces phénomènes sont mis en évidence par une variation de masse linéaire avec le temps (positive ou négative). Ces constantes sont alors déterminées à partir des pentes des droites obtenues en reportant la variation de masse ramenée à la surface de l’échantillon en fonction du temps.  

Table des matières

Nomenclature
Introduction Générale
Chapitre I : De l’intérêt d’utiliser des composites à matrice séquencée
I-1) Les composites à matrice céramique CMC type C/SiC ou SiC/SiC
I-2) Différents systèmes autocicatrisants basés sur la formation de borosilicates
I-3) Composites à matrice séquencée type Si-B-C
I-4) Prédiction de la durée de vie des CMC
Chapitre II : Procédure expérimentale
II-1) Les constituants du composite type A410
II-2) Présentation des matériaux de l’étude
II-3) Equipements de traitements thermiques
II-4) Différents modèles d’oxydation
II-5) Techniques de caractérisation
Chapitre III : Conditions de cicatrisation sous atmosphère sèche
III-1) Volatilisation de l’oxyde formé
III-2) Lois cinétiques d’oxydation de B4C
III-3) Lois cinétiques d’oxydation de Si-B-C
III-4) Effets de synergie entre les constituants de la MAC
III-5) Prévision des conditions de cicatrisation de fissures modèles à partir des données
obtenues sur dépôts plans
III-6) Conditions expérimentales de cicatrisation de fissures planes dans des composites réels
III-7) Bilan sur l’auto-cicatrisation des composites réels
Chapitre IV : Conditions de cicatrisation sous atmosphère humide
IV-1) Volatilisation de l’oxyde formé en présence de vapeur d’eau
IV-2) Lois cinétiques d’oxydation de B4C en présence de vapeur d’eau
IV-3) Approche de l’oxydation de Si-B-C en présence de vapeur d’eau
IV-4) Prévision des conditions de cicatrisation de fissures modèles à partir des données obtenues sur dépôts plans de B4C
IV-5) Conditions de cicatrisation de fissures modèles en présence de vapeur d’eau
III-6) Bilan sur l’auto-cicatrisation des composites réels
Conclusion Générale

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