La France a connu récemment plusieurs sécheresses importantes comme celles de 1997, de 2003 et de 2005. Les dommages causés à des constructions ont été considérables. Selon la Caisse Centrale de Réassurance, le coût relatif aux indemnisations liées aux dégâts sur bâtis entre 1989 et 2002 s’élève à 3,3 milliards d’euros. Notons également que durant cette période, la sécheresse a frappé une grande partie du territoire français : plus de 5 000 communes réparties sur 75 départements ont été affectées (voir www.argiles.fr). Ceci fait que la sécheresse se trouve au deuxième poste parmi les sinistres les plus coûteux en France, derrière l’inondation.
La France n’est évidemment pas le seul pays touché. En effet, dans les pays tropicaux en Afrique et aux Etats-Unis, la sécheresse est la plus coûteuse parmi les catastrophes naturelles. Le dégât annuel causé par la sécheresse est estimé à 6-8 milliards de dollars aux Etats-Unis (Lautenbacher 2005) avec une année particulièrement marquée de 1988 : 39,4 milliards de dollars (Hayes et al. 2004).
Ce qui est particulièrement préoccupant est que la sécheresse s’accélère et s’intensifie d’année en année à cause du réchauffement climatique (Cojean et al. 2009, Vidal et Soubeyroux 2008). Selon le journal Chinadaily publié le 02 Mai 2009, la Chine a dû déclarer l’état d’urgence pour la sécheresse la plus importante depuis 50 ans dans le pays. La même déclaration a été prononcée en Angleterre (selon le Figaro du 15 octobre 2007) pour la pire sécheresse de 2007 depuis un siècle.
Face à cet enjeu économique et social important, de nombreuses études ont été menées sur le phénomène de la sécheresse. On peut citer, parmi elles, les actions en France par le MEEDDAT (Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (voir Cojean 2008) ; la recherche dans le cadre du Programme RGCU (Réseau Génie Civil et Urbain) : Retrait-gonflement des Argiles – RGA ; la recherche dans le cadre du Projet ANG RGCU : Analyse du retrait-gonflement et de ses incidences sur les constructions – ARGIC ; la recherche dans le cadre du Projet Fondation MAIF : Impact du changement climatique en France sur la sécheresse et l’eau du sol, etc. Cette thèse s’inscrit dans le cadre du projet « Aléa et risque sécheresse » financé par la Fondation MAIF.
Etant donné que la sécheresse se produit suite à une évaporation excessive avec une précipitation limitée, une connaissance approfondie sur le mécanisme du processus d’évaporation s’impose dans la démarche de prévention du risque de sécheresse. Or, l’étude bibliographique préalable sur l’évaporation indique qu’il s’agit d’un phénomène complexe et la maîtrise actuelle du phénomène est loin d’être satisfaisante. Ainsi, l’objectif principal de cette thèse est de développer un modèle qui est capable de décrire le phénomène d’évaporation. Ce développement théorique nécessite un développement expérimental conséquent pour son élaboration et sa validation. Ce développement concerne la chambre environnementale.
Dans notre étude, l’évaporation correspond au passage de l’eau de l’état liquide à l’état gazeux et le processus d’évaporation correspond à une évaporation continue dans le temps. Dans ce mémoire, on utilise ainsi le terme d’évaporation pour le processus d’évaporation. L’évaporation à la surface du sol se produit et se poursuit dans la nature généralement avec trois conditions réunies : (1) une alimentation d’énergie continue ; (2) un gradient de pression de vapeur d’eau négatif entre l’air proche de la surface et l’air à la surface du sol et le vent ; (3) une alimentation d’eau continue du sol (Lal et Shukla 2004; Musy et Higy 2004). L’énergie (1) est utilisée pour produire la chaleur latente pour la vaporisation. Cette énergie provient souvent de la radiation solaire. Elle est positive dans la journée et nulle dans la nuit. Cette énergie peut également émaner directement du sol lui-même en le refroidissant. La deuxième condition parmi les conditions dites atmosphériques est le déficit de la pression de vapeur d’eau. Si cette condition n’est pas vérifiée, l’évaporation est impossible. A noter que la vapeur dans l’air doit être balayée par le vent pour assurer un passage continu à l’état gazeux de l’eau. La dernière condition pour l’évaporation concerne le sol qui doit présenter une certaine capacité à alimenter de l’eau continuellement. Cette condition est d’abord caractérisée par des conditions en surface telles que la teneur en eau et/ou la succion puis par des paramètres liés au transfert d’eau dans le sol comme la conductivité hydraulique. Ces trois conditions sont indispensables et déterminantes pour l’évaporation. En effet, une forte radiation, un fort gradient de pression de vapeur d’eau et/ou une surface de sol humide engendrent un taux d’évaporation important. Ce dernier dépend encore de plusieurs autres facteurs tels que la salinité de l’eau, la profondeur de la couche d’eau en surface, l’état géométrique de la surface et la couleur du sol. Bref, l’évaporation est un processus qui demande de l’énergie, une alimentation d’eau en continu et un transporteur de vapeur d’eau comme le vent. On trouve dans la littérature différentes méthodes pour estimer le taux d’évaporation. Ce dernier peut être déduit directement du bilan d’eau à la surface du sol, ou indirectement à partir du bilan d’énergie. Le taux d’évaporation peut également être calculé directement à partir des paramètres du sol et de l’air comme la teneur en eau du sol, la vitesse du vent, la radiation etc. Ces méthodes seront détaillées dans les prochaines sections après une présentation des dispositifs expérimentaux qui sont souvent utilisées pour étudier l’évaporation, l’évolution des différents paramètres durant l’évaporation, et les phénomènes influençant l’évaporation.
De nombreux dispositifs expérimentaux développés dans le passé permettent l’étude sur l’évaporation. On peut citer ici le bac d’eau, le lysimètre, la chambre environnementale, le système de wind-tunnel, la station météorologique, etc. Le bac d’évaporation est le dispositif le plus simple qui peut être utilisé en laboratoire (Wilson et al. 1994; Wilson et al. 1997) ou in-situ (Blight 1997; Singh et Xu 1997). Il s’agit simplement d’un bac contenant de l’eau et la quantité d’eau évaporée est calculée soit par pesée soit par suivi des repères de la hauteur. Ce dispositif permet en réalité de déterminer le taux d’évaporation maximale (Singh et Xu 1997).
Le lysimètre est très utilisé grâce à sa capacité de simuler de réelles conditions du sol et de l’atmosphère (Blight 1997; Penman 1948). Il est en général utilisé in-situ. Le lysimètre consiste en un massif de sol découpé de son milieu pour empêcher tout échange thermique et hydraulique. L’eau dans ce massif ne s’infiltre pas dans la couche plus profonde mais elle est récupérée et quantifiée. Le poids du massif est également suivi. Ces mesures permettent d’établir le bilan d’eau du massif et en tirer la quantité d’eau évaporée. En outre, le grand massif de sol considéré permet en général une installation importante des capteurs pour suivre les variations de différents paramètres dans le sol tels que la teneur en eau, la succion et la température. Ces données expérimentales sont utiles pour l’étude sur l’évaporation.
D’autre part, pour l’étude de l’évaporation en laboratoire, il existe des systèmes plus ou moins volumineux avec un massif de sol dont l’épaisseur varie de 0,7 à 300 mm, comme par exemple le bac de sol développé par Kondo et al. (1992) qui permet d’étudier le phénomène d’évaporation sur un massif de sol dont l’épaisseur varie entre 100 et 130 mm. Trois types de sol différents sont considérés : un terreau, un sable et un sable fin. Les conditions atmosphériques sont contrôlées et la quantité d’eau évaporée est calculée par pesée. Kondo et al. (1990) utilisent ce même système mais avec une couche de sol mince de 20 mm et avec une grande variation des conditions atmosphériques : la vitesse du vent varie de 0,3 à 2,7 m/s ; la température varie de 4,3 à 30,9 °C et le rayonnement est compris entre 59 et 1029 W/m². La température dans le sol est également suivie dans ces systèmes par des thermocouples, le nombre des thermocouples dépendant de l’épaisseur de sol. Les systèmes de Kondo et al. (1990, 1992) présentent à la fois des avantages et des inconvénients. En effet, ces systèmes relativement simples permettent de changer rapidement le type de sol étudié. De plus, comme ils sont relativement petits, le temps d’équilibre est assez court. Les mesures de température à différentes profondeurs dans le sol permettent d’établir le profil de température dans le sol mais la teneur en eau du sol n’est pas suivie. Dans le cas d’une faible épaisseur de sol (20 mm), la teneur en eau moyenne pour l’ensemble de la couche de sol est estimée. Cette estimation peut avoir des erreurs importantes quand le séchage est rapide, engendrant une grande différence entre la teneur en eau à la surface et celle à 20 mm de profondeur.
Introduction |