Étude de l’interaction entre un fluide et une structure oscillante

Applications industrielles : ordres de grandeur de KC et Re

Dans ce paragraphe, nous examinons quelques exemples de systèmes industriels pour lesquels le problème d’un cylindre oscillant dans un fluide initialement au repos constitue un premier pas vers une analyse et une modélisation du comportement physique. Nous précisons dans chaque cas les ordres de grandeur des paramètres KC et Re mis en jeu.
Exemples dans l’industrie nucléaire : On rencontre fréquemment dans l’industrie nucléaire des faisceaux de tubes immergés dans un fluide, que ce soit dans les cœurs des réacteurs (de types réacteur à eau pressurisée REP, réacteur à neutrons rapides et à caloporteur sodium RNR-Na, ou ré acteur embarqué), les générateurs de vapeur, ou même les réseaux de tuyauteries. Les calculs de dimensionnement de ces structures doivent alors prendre en compte les sollicitations dynamiques qu’elles peuvent subir, par exemple sous l’action de vibrations sous écoulement, d’excitations sismiques ou d’impacts.
Exemples dans l’industrie offshore : Les plates-formes pétrolières déployées dans l’industrie offshore se composent d’une multitude de structures immergées. Leurs sections caractéristiques sont de l’ordre du centimètre pour certains câbles, de la trentaine de mètres pour les pontons et colonnes des plates-formes à câbles tendus (TLP, pour Tension Leg Platforms en anglais), ou de la centaine de mètres pour les caissons des plates-formes gravitaires en béton. A cette diversité des structures s’ajoute celle des sollicitations auxquelles elles sont soumises. Les parties des composants situées à proximité de la surface peuvent subir une houle dont la période est comprise entre 3 et 20 s et la longueur d’onde, généralement de l’ordre de 10 m, peut cependant atteindre les 300 m dans les cas extrêmes. En profondeur, les gradients de température induisent des variations de la masse volumique de l’eau de mer, engendrant des ondes internes dont la vitesse de phase est de l’ordre de 1 ou 2 m.s−1. Enfin, les risers sont également excités par les mouvements des supports flottants de production, imposés à leur extrémité supérieure .

Comparaison des régimes à haut et bas Re 

L’existence de deux classifications indépendantes des régimes d’écoulement, introduites par Williamson et Tatsuno & Bearman, a de quoi laisser perplexe car ni leur continuité ni même leur compatibilité n’ont été vérifiées dans la littérature! Pourtant, nous avons vu que de nombreux auteurs avaient validé ces résultats par différentes techniques expérimentales et numériques, ce qui ne permet plus de douter de leur justesse. Mais comment raccorder alors ces deux cartographies? Nous allons essayer de répondre à ce problème, en confrontant les données bibliographiques.
Rappelons d’abord que les modes de lâcher tourbillonnaire définis par Williamson concernent le cas de grandes valeurs de Re; leurs domaines d’occurrence ne dépendent alors que de KC. Au contraire, Tatsuno & Bearman déterminent les régimes d’écoulement pour des valeurs moindres de Re; les positions de leurs frontières sont alors fonction de KC et de Re. La solution que nous proposons est donnée par la figure 1.8.Pour les faibles valeurs de KC, les deux descriptions sont directement compatibles : le régime symétrique de Williamson est le régime A de Tatsuno & Bearman. En prolongeant verticalement la frontière du régime B identique au régime A du point de vue bidimensionnel on obtient une ligne verticale à KC = 4, qui est justement la limite du régime symétrique indiquée par Williamson.

Mécanismes régissant la dynamique des tourbillons

La dynamique de la vorticité est alors reproductible d’une période à une autre. On cherche à présent à comprendre les grands principes généraux qui gouvernent l’histoire des tourbillons et qui permettent d’expliquer simplement tous les profils des modes observés.
Deux mécanismes pour deux étapes : Pour analyser la dynamique de l’écoulement, nous allons distinguer deux phases dans le cycle des oscillations du cylindre. La première est celle pendant laquelle le cylindre parcourt une trajectoire d’une extrémité à l’autre. La seconde phase est le moment du retournement du cylindre, autour de t = 0,5T et t = T. Nous allons identifier les mécanismes en action dans chacune de ces deux configurations.
Au cours de la première étape où le cylindre décrit sa course, bien qu’à vitesse non constante, on peut se ramener au cas du cylindre en translation à vitesse uniforme dans un fluide au repos. Le mécanisme de lâcher tourbillonnaire dans la gamme de KC et Re considérée ici est celui qui produit une allée de Von Kármán.
Une analyse de ce mécanisme est proposée par Gerrard à partir de l’entraînement du fluide dans la zone de recirculation et de la diffusion de la vorticité dans les couches limites issues du cylindre.

Stabilité du mode diagonal dans le régime F

Dans ce paragraphe, nous nous concentrons sur le régime F. Il apparaît dans la littérature comme un domaine du plan (KC, Re) très homogène dont la description fait l’unanimité : tous les auteurs observent le mode diagonal. Contrairement aux cas des régimes D et E, dont l’occurence de basculements d’un sous-mode à un autre est controversée, l’axe du lâcher tourbillonnaire du mode diagonal dans le régime F, dé terminé initialement de façon arbitraire, est maintenu tout au long de l’expérience. Le mode diagonal semble ainsi complètement périodique, comme Tatsuno & Bearman l’ont décrit à l’origine.
Par la suite, quelques auteurs ont cependant émis des doutes quant à la stabilité du régime F. Dütsch signale que les forces présentent d’importantes variations d’une période à une autre, bien que l’écoulement semble globalement périodique. Cependant, ces fluctuations ne sont pas analysées plus précisément. Uzunoglu rapporte de même la présence d’instabilités dans le régime F. Enfin, Elston écrit qu’un « examen détaillé des images de Tatsuno & Bearman suggère qu’en fait le régime F n’est pas complètement synchronisé. »
Dans nos simulations également, les amplitudes des forces de traînée et de portance fluctuent dans le régime F. Des tests ont été effectués pour différentes tailles du domaine de calcul (13 L 35d et H = 10 ou 14,6d). Ils montrent que les fluctuations apparaissent systématiquement, sauf pour une longueur du domaine très réduite (L = 13d).
Ces tests numériques et les observations précédentes de la littérature semblent indiquer que ces fluctuations résultent bien d’un mécanisme physique, et non d’un artefact numérique. Nous allons d’abord analyser leur origine dans l’écoulement, puis proposer une expression analytique semi-empirique de la force de traînée tenant compte des fluctuations. Toutes ces analyses sont conduites pour des simulations à KC = 10 et différentes valeurs de Re dans le régime F. On peut ainsi mesurer l’influence de Re sur les fluctuations observées.

Table des matières

Introduction 
1 Comportement d’un fluide autour d’un cylindre oscillant : enjeux et problématique 
1.1 Formulation du problème général de Navier-Stokes
1.2 Applications industrielles: ordres de grandeur de KC et Re
1.2.1 Exemples dans l’industrie nucléaire
1.2.2 Exemples dans l’industrie offshore
1.3 Caractérisation de la force de traînée dans le plan (KC,Re) 
1.3.1 Solution du problème de Stokes pour KC≪1
1.3.2 Comportement asymptotique pour KC≫1
1.3.3 Caractérisation de la force de traînée dans le cas général
1.4 Régimes d’écoulement dans le plan (KC,Re) 
1.4.1 Régimes d’écoulement pour les grands Re
1.4.2 Régimes d’écoulement pour les Remodérés
1.4.3 Comparaison des régimes à haut et bas Re: discussion
1.5 Conclusion
2 Résolution numérique 
2.1 Mise en équations du problème 
2.1.1 Problématique et démarche
2.1.2 Problème implémenté
2.1.3 Visualisation a posteriori
2.2 Construction d’un programme de résolution numérique du problème 
2.2.1 Formulation variationnelle
2.2.2 Écriture matricielle en éléments finis
2.2.3 Construction des éléments finis
2.2.4 Traitement du terme convectif non-linéaire
2.2.5 Discrétisation temporelle
2.2.6 Choix d’une méthode de résolution
2.3 Choix des valeurs des paramètres numériques
2.3.1 Taille du domaine de calcul
2.3.2 Pas d’espace
2.3.3 Pas de temps
2.3.4 Nombre d’itérations internes
2.3.5 Rupture de la symétrie
2.3.6 Synthèse du programme, validation et limitations
2.4 Obtention des forces et des puissances
2.4.1 Méthode classique de calcul de la force du cylindre
2.4.2 Calcul de la force du cylindre à partir de la formulation variationnelle
2.4.3 Calcul des puissances à partir de la formulation variationnelle
2.5 Conclusion
3 Comportement du système sur une période d’oscillation du cylindre 
3.1 Démarche et outils d’analyse 
3.1.1 Définitions et problématique
3.1.2 Outils d’analyse de l’écoulement
3.2 Analyse de l’écoulement à partir de la vorticité locale et globale 
3.2.1 Mode symétrique
3.2.2 Mode en V
3.2.3 Mode transverse
3.2.4 Mode oblique
3.2.5 Mode diagonal
3.2.6 Mode chaotique
3.3 Mécanismes régissant la dynamique des tourbillons 
3.3.1 Deux mécanismes pour deux étapes
3.3.2 Dynamique de la vorticité lors du retournement du cylindre
3.3.3 Application aux différents modes observés
3.4 De l’histoire de l’écoulement à celle des forces 
3.4.1 Analyse à partir des différents modes
3.4.2 Synthèse des liens entre vorticité et forces
3.5 Transferts d’énergie du cylindre au fluide 
3.5.1 Calcul local des puissances dans le fluide
3.5.2 Localisation des transferts d’énergie cinétique et dissipée
3.6 Conclusion
4 Comportement du système sur les temps longs 
4.1 Identification de régimes dans le plan (KC,Re) 
4.1.1 Analyse temporelle des forces de traînée et de portance
4.1.2 Analyse spectrale des forces de traînée et de portance
4.1.3 Problématique des temps longs
4.2 Transitions au-delà du régime A
4.2.1 Identification de trois régimes de transition
4.2.2 Transitions le long de la courbe de stabilité marginale
4.3 Au cœur des régimes C, D et E 
4.3.1 Transitions internes
4.3.2 Fluctuations dans les régimes D et E
4.3.3 Origine des fluctuations dans l’écoulement
4.3.4 Propriétés du spectre des forces: élargissement spectral
4.4 Stabilité du mode diagonal dans le régime F 
4.4.1 Origine des fluctuations dans l’écoulement
4.4.2 Analyse quantitative des fluctuations de la force de traînée
4.4.3 Analyse synthétique du régime F
4.5 Étude du régime G 
4.6 Conclusion
5 Vers un réseau de cylindres et une approche énergétique 
5.1 Quelques éléments bibliographiques sur le cas de plusieurs cylindres 
5.1.1 Études de structures dans un écoulement uniforme
5.1.2 Études de structures oscillantes
5.2 Ducylindre isolé au réseau de cylindres 
5.2.1 Extension du programme numérique au cas d’un réseau
5.2.2 Identification de différents comportements dans le plan (KC,Re)
5.2.3 Synthèse de l’influence de KC sur les forces
5.3 Vers une approche énergétique 
5.3.1 Identification de réponses inertielles et dissipatives
5.3.2 De la décomposition de Morison aux coefficients énergétiques
5.4 Conclusion
Conclusions et perspectives 
ANNEXES 
A Régimes d’écoulement de Williamson et de Tatsuno & Bearman 
B Intégrales des termes convectifs 
B.1 Terme convectif du bilan des forces
B.2 Terme convectif du bilan des puissances
Bibliographie

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