DEFINITION DE LA TRANSFORMATION MARTENSITIQUE
De nombreux travaux ont été effectués pour étudier et classifier les transitions de phases à l’état solide. On peut citer les travaux de Burger qui a réparti les transitions à l’état solide en deux grandes classes: Les transitions reconstructives: dans cette première classe, les liaisons entre les atomes (ou ions) sont rompues et le mouvement aléatoire des atomes reconstruit la nouvelle phase. Il s’ensuit que ce type de transformation n’est possible que si la diffusion des atomes est présente et s’effectue sur des distances supérieures à la distance interatomique et à des températures suffisamment élevées. Exemple: phénomène de précipitation.
Les transitions displacives: dans cette catégorie, les déplacements relatifs des ions sont de l’ordre du dixième de la distance interatomique (très inférieurs à la dimension de la maille) et se produisent de manière coopérative, corrélée pour un très grand nombre d’ions. Les transitions displacives peuvent donc exister à toute température et se produire lors de chauffages ou refroidissements très rapides sans modification du degré d’ordre et de la composition chimique.
Transformation displacive: dans ce type de transformation, les déplacements des atomes se font de façon coopérative corrélée sur des distances inférieures à la distance interatomique. C’est pour cette particularité, que ce type de transformation est également dénommé transformation « militaire ». La transformation martensitique, qui fait partie de ce type de transformation, se distingue donc par l’absence de phénomènes de diffusion.
Déformation homogène du réseau cristallin: impose un champ de déformation identique en tout point du cristal, cela se traduit en particulier par la déformation d’une droite en une droite et un plan en un autre. La transformation s’opère par un cisaillement et peut s’accompagner par des déplacements d’atomes à l’intérieur de la maille dits « shuffles » .
CARACTERISTIQUE MACROSCOPIQUE DE LA T.M.
A l’échelle du microscope optique, l’interface phase mère/martensite est un plan facile à observer au microscope optique. Il correspond rarement à un plan cristallographique simple. Il est le plus souvent d’indices irrationnels, invariants en dimension et en orientation lors de la transformation, que l’on nomme également « plan d’habitat » ou « plan d’accolement » .
La transformation peut être décrite par un cisaillement homogène parallèle au plan d’habitat. Généralement, il existe plusieurs possibilités d’orientation de la martensite, appelées « variante ». Elles sont caractérisées par des plans d’habitats distincts et des cisaillements d’orientations différentes. Par exemple, dans un monocristal d’austénite de structure cubique, il existe 24 possibilités d’orientation de la martensite, qui peuvent conduire à 24 variantes de martensite qui se différencient par l’orientation de leur plan d’habitat et par la direction du cisaillement qui les ont fait naître. Ces 24 variantes de martensite sont équiprobables et elles se forment de façon à accommoder leurs déformations respectives. Ce groupe de variantes dites « auto accommodantes » permet une transformation sans déformation macroscopique .
CLASSIFICATION DE LA T.M.
Selon les allures de la transformation martensitique et les valeurs prises par l’étalement en température et l’hystérésis, on distingue deux grandes classes de transformation.
TRANSFORMATION PAR « BURST » : Dans ce type de transformation, la nucléation est plus difficile que la croissance et cette dernière s’effectue par un processus d’avalanche, « burst », à une vitesse proche de celle du son, conduisant à des microstructures sévèrement déformées et largement irréversibles. Chaque variante de martensite croit très rapidement à travers le grain d’austénite jusqu’à ce qu’elle rencontre un obstacle: une autre variante, un joint de grain, un précipité, etc. … La transformation inverse ne peut alors se produire que par germination de la phase austénitique à l’intérieur des plaquettes de martensite (ou à partir de l’austénite résiduelle). On rencontre ce type de transformation dans les alliages présentant de fortes hystérésis (figure I-9a) et généralement ils ne présentent pas, ou très peu, d’effet mémoire de forme (cas des aciers).
TRANSFORMATION MARTENSITIQUE THERMOELASTIQUE : Dans ce type de transformation, la germination est plus facile que la croissance, c’est à dire le mouvement des interfaces phase mère-martensite s’effectue par une succession de position d’équilibre en fonction des forces motrices. Autrement dit, la formation continue de la martensite par germination et croissance de variantes est, dans ce cas, directement liée à la variation de la température et/ou de la contrainte. A une température T constante comprise entre MS et MF, les interfaces phase mère-martensite sont immobiles, et une variation de la température dans un sens ou dans l’autre entraîne le déplacement de l’interface de façon réversible dans un sens ou dans l’autre (avec une faible hystérésis). Ces transformations thermoélastiques se rencontrent généralement dans les alliages à faibles hystérésis.
ASPECT CINÉTIQUE
La transformation martensitique peut être décomposée en deux étapes: germination et croissance. Ces deux phénomènes sont les deux processus physiques fondamentaux qui gouvernent la cinétique globale de la transformation.
LA GERMINATION : C’est l’ensemble des phénomènes qui précèdent et conduisent à l’apparition du premier volume de martensite à partir de la phase mère. Ce phénomène a fait l’objet de nombreux travaux. Plusieurs théories ont été développées afin d’expliquer cette étape complexe de la formation de la martensite. Mise à part la théorie classique de germination qui consiste à étudier la variation d’énergie libre due à la formation d’un petit volume de martensite en fonction de ses dimensions, l’ensemble des théories reposent sur le rôle primordial joué par les défauts et plus particulièrement par les dislocations.
Ainsi, Cohen suppose la présence d’embryons de martensite dans l’austénite à partir de boucles de dislocations. Leur croissance se ferait alors par l’apparition de nouvelles boucles.
D’après Olson, des fautes d’empilements comprises entre deux dislocations dissociées pourraient aussi jouer le rôle d’embryon de martensite.
Esterling et Tholen considèrent une interaction élastique entre un germe de martensite et une dislocation qui relaxeraient le champ de déformation élastique associé à l’embryon.
G. Guénin a développé un modèle de nucléation de la martensite basé sur le concept du mode « mou localisé » de Clapp et appuyé par des mesures des constantes élastiques. La nucléation de la martensite aurait lieu à l’intérieur des zones mécaniquement instables situées à proximité de défauts de cisaillement du réseau. Le type de défaut envisagé étant principalement des dislocations.
La diversité de ces théories montre que le phénomène de germination n’est pas totalement élucidé même si les défauts cristallographiques semblent y jouer un rôle prépondérant.
LA CROISSANCE : Elle correspond au développement de la martensite à partir du 1er germe. Cette étape ne nécessite pas d’activation thermique et peut s’effectuer à une vitesse comparable à la vitesse de propagation d’une onde élastique (de l’ordre de la vitesse du son 200m/s).
L’observation au microscope optique permet de scinder le processus de la croissance de la martensite, au sein de l’austénite, en deux stades consécutifs:
Le 1er stade: consiste à la formation d’une plaquette très mince de martensite pour minimiser les déformations.
Le 2ème stade: la plaquette s’épaissit par le déplacement des interfaces qui varient selon les types de transformation: Lors d’une transformation thermoélastique: les premières aiguilles formées
engendrent un champ de contraintes dans l’austénite qui va favoriser la croissance de nouvelles aiguilles, en générale de taille inférieure. Ces nouvelles aiguilles ont pour rôle d’accommoder les déformations élastiques créées par les aiguilles déjà formées.
Pour une transformation par burst: la cinétique de croissance est explosive et la plaquette de martensite croit rapidement jusqu’à atteindre sa taille finale conditionnée par la rencontre d’un gros obstacle (précipité, inclusion, …).
PRINCIPAUX ALLIAGES INDUSTRIELS
Différents types d’alliages à mémoire de forme (AMF), couvrant un large domaine de températures (-200 à + 200°C), ont été développés afin de répondre aux exigences des industriels. On peut citer les alliages à base cuivre (Cu-Zn-Al, Cu-Al-Ni, Cu-Al-Be, …), ceux à base fer (Fe-Pt, Fe-Mn-Si, …), les alliages base Ti-Ni, … etc.
Nous présentons succinctement ci-dessous les principales familles des alliages à mémoire de forme utilisés à l’échelle industrielle: la famille des alliages base cuivre, base fer et celle à base Ti-Ni.
LES ALLIAGES A BASE DE CUIVRE : La plupart des alliages de cette famille possèdent des structures et des comportements proches et nous nous limiterons, dans ce qui suit, à la description
succincte des alliages Cu-Zn-Al, Cu-Al-Be et Cu-Al-Ni qui sont actuellement les principaux alliages industriels.
LES ALLIAGES A BASE DE FER : Des alliages à base fer sont susceptibles de présenter l’effet mémoire de forme grâce à différentes transformations martensitiques:
transformation de structure cubique à faces centrées en cubique (ou quadratique centré) comme dans le Fe3Pt ordonné ou dans le Fe-Ni-Co-Ti vieilli en austénite . transformation de structure CFC en hexagonale compacte (phase ε) comme dans l’alliage Fe-Mn-Si.
Les deux premiers alliages mettent en jeu des éléments au coût prohibitif (Pt) et ne présentent pas de propriétés mémoire intéressantes. La dernière catégorie a suscité beaucoup d’intérêt ces dernières années grâce à de relatives bonnes propriétés de mémoire de forme associées à un prix d’alliage assez bas et une possibilité de bonne résistance à la corrosion par adjonction d’autres éléments mais qui donnent un étalement et une hystérésis en température assez importants. LES ALLIAGES A BASE DE Ti-Ni: Ces matériaux sont, historiquement, les premiers alliages à mémoire de forme développés industriellement. Ils ont été découverts aux USA au début des années soixante par le « Naval Ordonnance Laboratory » et furent désignés sous le nom de Nitinol. Ce sont tout naturellement les premiers alliages pour lesquels a lieu la première application industrielle développée par Raychem dans le domaine de l’aéronautique militaire. Compte tenu de leurs remarquables propriétés, les alliages base TiNi peuvent être considérés comme les plus importants commercialisés à l’heure actuelle.
Table des matières
CHAPITRE -Ι GENERALITES SUR LA TRANSFORMATION MARTENSITIQUE
I-1 DEFINITION DE LA TRANSFORMATION MARTENSITIQUE
I-2 CARACTERISTIQUE MACROSCOPIQUE DE LA T.M
I-3 CARACTERISTIQUE MICROSCOPIQUE DE LA T.M
I-4 CARACTERISTIQUE PHYSIQUE DE LA T.M
I-4.1 LES TEMPERATURES DE TRANSFORMATION
I-5 CLASSIFICATION DE LA T.M
I-5.1 TRANSFORMATION PAR « BURST »
I-5.2 TRANSFORMATION MARTENSITIQUE THERMOELASTIQUE
I-6 ASPECT CINÉTIQUE
I-6.1 LA GERMINATION
I-6.2 LA CROISSANCE
I-7 ASPECT THERMODYNAMIQUE
I-7.1 DETERMINATION DE LA TEMPERATURE T0
I-7.2 TRANSFORMATION INDUITE SOUS CONTRAINTE
CHAPITRE –II GENERALITES SUR LES ALLIAGES A MEMOIRE DE FORME
II-1 INTRODUCTION
II–2 DEFINITION
II-3 PROPRIETES THERMOMECANIQUES DES AMF
II–3 1 EFFET MEMOIRE DE FORME
a) L’effet mémoire de formes simples sens
b) L’effet mémoire de forme double sens
II-3.2 PSEUDOELASTICITE
a) L’effet caoutchoutique
b) L’effet superélastique
c) L’effet pseudoélastique
CHAPITRE –III PRINCIPAUX ALLIAGES A MEMOIRE DE FORME
III-1 PRINCIPAUX ALLIAGES INDUSTRIELS
III-1.1 LES ALLIAGES A BASE DE CUIVRE
a) Le système Cu-Zn-Al
b) Le système Cu–Al–Be
c) Le système Cu-Al-Ni
III-1.2 LES ALLIAGES A BASE DE FER
III-1.3 LES ALLIAGES A BASE DE Ti-Ni
a) Les structures d’équilibre liées au diagramme de phases Ti-Ni
b) Structures hors d’équilibre
c) Résistance à la corrosion
d) Vieillissement et stabilisation
e) Influence des éléments d’addition
f) Influence des traitements thermomécaniques
III-2 APPLICATION DES ALLIAGES A MÉMOIRE DE FORME
III-2.1 APPLICATIONS MEDICALES
a) Plaques et agrafes d’ostéosynthèse
b) Arcs et implants dentaires
c) Stent
III-2.2 APPLICATIONS AERONAUTIQUES & AEROSPATIALES
a) Manchon d’accouplement
b) Dispositif Frangibolt
c) Panneaux solaires
d) Ouverture d’une trappe
e) Antenne de satellite
III-2.3 DIVERSES APPLICATIONS
a) Lunetterie
b) Chapeau
c) Soutien gorge
d) Ossatures des tentes
e) Architecture
f) Systèmes de sécurité
CHAPITRE –IV LES TECHNIQUES EXPERIMENTALES
IV–1 INTRODUCTION
IV–2 PROBLEMATIQUE
IV–3 ALLIAGE ETUDIE
IV–4 TECHNIQUES DE CARACTERISATION
IV-4.1 CARACTERISATION THERMIQUE
a) La Résistance Electrique « RE »
b) La Calorimétrie Différentielle à Balayage « DSC »
IV-4.2 CARACTERISATION STRUCTURALE
a) Le Pouvoir Thermoélectrique « PTE »
CHAPITRE –V RESULTATS ET DISCUSSION
V-1 INTRODUCTION
V-2 RESULTATS & DISCUSSION
V-2.1 CARACTERISATION THERMIQUE PAR « RE »
V-2.2 CARACTERISATION THERMIQUE PAR « DSC »
a) Evolution des points de transformation
b) Influence de la température de restauration
c) Influence du temps de recuit sur les points de transformation
V-2.2 CARACTERISATION STRUCTURALE PAR « PTE »
a) Introduction
b) Evolution du PTE en fonction de la température de recuit
c) Evolution du PTE en fonction du temps de recuit
CONCLUSION GENERALE