Etude de l’influence de l’électrofonctionnalisation du poly Nphénylpyrrole par l’acide benzène sulfonique sur la détection du plomb en solution
Introduction
Durant ces dernières décennies, les polymères organiques conducteurs constituent une nouvelle classe de matériaux qui font l’objet d’une intense activité de recherche aussi bien théorique qu’expérimentale. Ce regain d’intérêt est principalement lié à leurs propriétés physico-chimiques et électrochimiques très intéressantes. Ces polymères présentent une structure constituée par une alternance de liaisons simples et doubles conjuguées. Dans les années 1970, trois scientifiques américains Alan Heeger, Alan Mac Diarmid, et Hideki Shirakawa (prix Nobel de chimie en 2000) ont démontré qu’en dopant un film de polyacétylène, (CH)x , il est possible d’accroitre considérablement sa conductivité électrique vers une valeur comparable à celle des métaux [1]. Depuis lors les polymères organiques conducteurs ne cessent de faire l’objet d’une antention considérable des chercheurs en raison de leurs multiples applications, leur réactivité électrochimique, leurs conductivités ioniques et électroniques élevées, leur grande stabilité thermique et atmosphérique, leur plasticité, leur légèreté et leur faible coût de production. Parmi ces polymères on retrouve : la polyaniline, le polypyrrole et le polythiophène, ainsi que leurs dérivés. Le polypyrrole est l’un des polymères conducteurs les plus étudiés en raison de sa conductivité élevée, de sa grande stabilité, et de sa relative facilité de fabrication. Ce polymère a été utilisé le plus souvent dans la fabrication et le développement des biosenseurs, des piles rechargeables, des batteries [2-5], dans la lutte contre la corrosion [6], et dans la décontamination des eaux usées contenant des métaux lourds [7]. Toutefois, une multitude de travaux ont été consacrés sur la synthèse électrochimique, l’étude des propriétés et la caractérisation de polypyrroles et de ces dérivés [8-19]. Bien que plusieurs travaux aient montré, en général, que les films de polypyrroles peuvent être facilement électrosynthétisés par oxydation électrochimique du monomère correspondant dans les solutions aqueuses [20], il est beaucoup plus difficile de réaliser l’électropolymérisation du Nphénylpyrrole et de ses dérivés en milieu aqueux du fait de sa faible solubilité et son potentiel d’oxydation assez élevé. D’ailleurs, le poly(N-PhPy) et ses dérivés sont pratiquement électrosynthétisés uniquement en milieux organiques [18,19, 21-24]. Ainsi dans cette étude bibliographie, l’accent sera mis sur la polymérisation électrochimique du pyrrole et ses dérivés. Nous présenterons différentes méthodes de caractérisations électrochimiques et spectroscopiques de ces polymères organiques conducteurs. Enfin nous passerons en revue l’application du polypyrrole sur la détection et la décontamination des eaux contenant des métaux lourds. Le pyrrole (Py) Le pyrrole est un composé hétérocyclique constitué d’un cycle aromatique de 5 atomes dont un atome d’azote. Sa formule C4H5N et sa masse molaire 67,09g/mol. La substitution de l’azote perturbe la conjugaison de la dislocation des électrons et donc réduit la conductivité électrique et les propriétés mécaniques de PPy obtenue [25]. Généralement, les monomères de pyrrole α−substitué ne se polymérisent pas du fait du blocage des sites (2 et 5) sur les quels, l’extension du motif monomérique se fait [26]. C’est d’ailleurs ce qui explique que préférentiellement la substitution aux positions 3 et 4 (β) et sur l’azote est donc généralement étudiée [27]. Les propriétés structurales du polypyrrole (Ppy) Lors de la polymérisation, le pyrrole se polymérise par ses carbones en position 2 et 5 (structure du monomère pyrrole –Figure 1) formant un enchaînement de type α−α. D’autres enchaînements sont possibles (α−β et β−β’), menant à des défauts structuraux [28] qui réduisent la conjugaison électronique de la chaîne et diminuent la conductivité du polymère formé [29]. Figure 1 : Différents types d’enchaînement Le PPy est généralement un polymère amorphe, donc il est très difficile de caractériser sa structure par les techniques cristallographiques classiques telle que la diffraction des rayons X, des électrons. De plus, sa faible solubilité dans les solvants organiques rend difficile l’accès à ses propriétés optoélectroniques. Toutefois, les Ppy fonctionnalisés en position 3 ou 4 peuvent être étudiés par ces techniques car ils sont plus cristallins et plus ordonnés du fait que les défauts structuraux cités cidessus sont éliminés par cette fonctionnalisation [30]. Synthèse du polypyrrole Le premier polypyrrole (PPy) a été synthétisé en 1916 par oxydation chimique du pyrrole [31], il a fallu attendre 1968, pour que Dall’Olio et al. [32-33] réalisent la première polymérisation du pyrrole par voie électrochimique en milieu sulfurique. Ils obtiennent le noir de pyrrole (pyrrole black) sous forme d’un dépôt noir insoluble et poudreux, sur une électrode de platine, avec une conductivité électrique de l’ordre de 8 S/cm. Par la suite, La synthèse des polymères conducteurs sont décrits en détail dans plusieurs articles [34-43], Les polymères conducteurs peuvent être synthétisés soit par voie électrochimique [19,44-50], soit par voie chimique [51-53]. La première méthode est plus intéressante pour l’obtention de films de bonne qualité 54 avec possibilité d’obtenir des films d’épaisseur variable allant de quelques dizaines de nanomètres à quelques millimètres. En revanche la synthèse chimique conduit fréquemment à l’obtention d’un polymère poudreux peu conducteur et peu soluble. Toutefois, ces deux voies de synthèse (chimique et électrochimique) présentent des avantages et des inconvénients. La voie chimique permet de préparer des quantités importantes de produits sous forme de poudre avec un niveau de dopage élevé et de déposer le polymère sur un isolant. Cependant, par cette méthode, le degré de réticulation est souvent élevé et peut créer des défauts dans la chaîne menant à une diminution de la conductivité. La polymérisation électrochimique est une polymérisation en chaîne. Les centres actifs (monomères radicaux et/ou ioniques) sont générés électrochimiquement de manière directe ou indirecte. Dans le cas de l’électropolymérisation indirecte, les monomères peuvent être oxydés ou réduits par des espèces (anions, cations ou sel de fond en solution) elles-mêmes initiées à l’électrode. Dans le deuxième cas, les monomères s’oxydent ou se réduisent directement à l’électrode pour former les centres actifs amorceurs de la polymérisation. Cette méthode permet de contrôler la vitesse de dépôt, la structure du film, le niveau de dopage et l’état d’oxydation du polymère avec une conductivité remarquable (102 à 103 S cm-1). L’épaisseur du film peut aussi être contrôlée. Le polymère formé est insoluble dans l’électrolyte et adhère bien sur les métaux comme Au, Ag, Pt, Al… Dans ce travail on s’intéressera exclusivement à la synthèse électrochimique du polymère.
Synthèse par voie électrochimique
Cette synthèse électrochimique peut s’effectuer en mode potentiostatique (polymérisation à potentiel constant), galvanostatique (polymérisation à courant constant) ou potentiodynamique (polymérisation par balayage de potentiel). Elle se fait soit en milieu organique [22-24], soit en milieu micellaire directe ou inverse et conduit le plus souvent à un dépôt d’un film polymère sur l’électrode de travail. L’électropolymerisation se fait en général dans une cellule électrochimique à trois électrodes : une électrode de travail (Pt, ITO, Or, Fer…), une électrode auxiliaire (en grille d’acier inoxydable) et une électrode de référence (au calomel saturée). La nature de ces trois électrodes varie selon les besoins expérimentaux. Le processus de formation des polymères requiert la maîtrise de certains paramètres tels que : la nature du monomère, sa concentration et son potentiel d’oxydation qui doit être accessible dans le solvant utilisé et inférieur au potentiel de dissolution de l’électrode ; la nature du sel de fond et sa concentration ; la nature du solvant (caractère acide, basique ou neutre) ; la nature du substrat métallique sur lequel se dépose le film (platine, fer…) ; la densité de courant et le potentiel de polymérisation. En outre, les oligomères synthétisées doivent avoir un potentiel d’oxydation plus faible que celui du monomère (pyrrole) et être peu ou pas solubles dans le solvant utilisé pour que le processus de polymérisation puisse continuer. Le processus d’électropolymérisation comprend le transfert d’électrons, dans un sens ou dans l’autre, entre le substrat métallique et le monomère présent dans la solution, c’est le monomère chargé qui permet ainsi à la réaction de polymérisation de se produire. Le mécanisme d’électroploymérisation, décrit dans la figure 2, débute par une oxydation du dérivé pyrrolique (ou thiophénique…) sur la surface de l’électrode conduisant à la formation de radicaux-cations. Ces derniers se combinent pour former un dimère avec élimination de deux protons. Le potentiel d’oxydation du dimère étant légèrement inférieur à celui du monomère, on va assister par la suite, à l’addition de proche en proche d’un motif monomérique conduisant progressivement au trimère, au tétramère, au pentamère, et à d’autres oligomères, constituant une chaîne de polypyrrole plus ou moins longue. Figure 2 : Mécanisme d’électropolymérisation des hétérocycles par radical cation.
Techniques électrochimiques de synthèse
Les méthodes électrochimiques les plus couramment employées pour la formation de films de polymère à partir d’une solution de monomère sont : la voltammétrie cyclique, la chronoampérométrie (potentiel imposé) ou la chronopotentiométrie (courant imposé). Ces méthodes permettent de contrôler entre autre la masse et l’épaisseur des polymères.
Voltamétrie cyclique
La voltamétrie cyclique est une méthode électrochimique qui permet de former les films et d’étudier les propriétés redox d’un système électrochimique. Elle fournit une somme d’informations sur les potentiels d’oxydation et de réduction ainsi que sur les intensités des courants des pics caractéristiques du monomère ou du polymère. Elle consiste à faire balayer le potentiel d’une façon cyclique : c’est- à-dire le balayage s’effectue vers les potentiels cathodiques en réalisant une réduction, puis on inverse le sens pour réaliser une oxydation. La voltamétrie cyclique est intéressante pour observer la progression de la réaction (croissance du film synthétisé sur l’électrode de travail traduite par une augmentation régulière de l’intensité du pic d’oxydation).
Courant imposé
La chronopotentiométrie ou galvanostatique est une méthode électrochimique qui consiste à imposer un courant à l’électrode et enregistrer la variation du potentiel en fonction du temps V=f(t). Cette méthode présente un intérêt principal dans le cas des processus avec formation d’une phase nouvelle, et notamment dans le cas des dépôts polymériques. Elle permet la préparation des films adhérents avec une épaisseur contrôlée, et des films de stabilité remarquable. Elle permet aussi de déterminer la quantité de charge nécessaire pour la formation de films de bonne qualité. Le choix du courant appliqué en chronopotentiométrie permet d’obtenir soit des films fins et homogènes (faibles densités de courant), soit des structures nodulaires (fortes densités de courant)
Potentiel imposé
Encore appelée chronoampérométrie, Cette méthode consiste à imposer une perturbation en potentiel pendant un temps t et à enregistrer l’évolution du courant. Ce potentiel doit pouvoir amorcer l’oxydation du monomère traduisant ainsi la formation de radicaux cations qui donnent par couplage des films de polymère sur l’électrode de travail. Les courbes chronoamperométriques décrivent généralement trois phases au cours du processus d’électropolymérisation . – La phase de nucléation qui correspond à la charge de la double couche et à la formation des premiers radicaux cations. Elle est caractérisée par une chute du courant. – La phase de couplage des radicaux cations qui se caractérise par une augmentation progressive du courant. – La phase de dépôt et de croissance des films qui se traduisent par une diminution du courant vers sa valeur stable qui est le courant limite. Cette technique de formation de polymères permet de déterminer le domaine de potentiel dans lequel la formation des films de bonne qualité a lieu. La synthèse par voie chronoampérométrique peut être effectuée à un seul potentiel ou par étapes successives de potentiels et permet d’obtenir des films fins et homogènes . Par ailleurs, cette synthèse électrochimique des polymères peut se faire dans divers milieux tels que le milieu organique , le milieu micellaire direct et le milieu micellaire inverse . Tous ces milieux nécessitent au préalable un travail d’optimisation et conduisent le plus souvent à des résultats très intéressants. Toutefois, dans les milieux micellaires, le rôle de la micelle a été aussi mis en évidence par sa participation au dopage, par l’abaissement des potentiels redox caractéristiques du monomère et du polymère et par sa capacité à augmenter la solubilité du monomère.
Dopage de polymères organiques conducteurs
Dans leur état neutre, les polymères conjugués sont non conducteurs et leur conductivité est de l’ordre de 10-12 S/m à 10-7 S/m. Le dopage consiste en l’oxydation ou en la réduction du polymère associée à l’insertion d’un contre-ion. Ces matériaux deviennent donc de bons conducteurs électriques lorsqu’ils subissent un changement de leur état d’oxydation. Ce processus est appelé dopage par analogie à la terminologie utilisé pour les semi-conducteurs inorganique. Il existe donc deux types de dopage : le dopage positif p et le dopage négatif n. Le dopage p correspond au polymère oxydé, le transfert d’électrons se faisant à partir de la matrice polymère et le dopage n, au polymère réduit. Leur conductivité devient alors proche de celle des métaux (10⁵ S/m pour les meilleurs polymères conducteurs). Les premiers résultats significatifs liés au phénomène du dopage date de 1974, ils concernent la mise en évidence d’une augmentation de la conductivité de films de polyacétyléne de plusieurs ordre de grandeur lorsqu’ils sont mis en réaction avec des acides ou des bases de Lewis . Ces polymères sont dits ‘‘intrinsèques’’ par opposition aux polymères conducteurs ‘‘extrinsèques’’ qui sont des matériaux composites contenant des particules conductrices (carbone ou métaux). Le dopage peut s’effectuer de différentes façons, en particulier chimique ou électrochimique.
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