ÉTUDE DE L’HISTOIRE ET DE L’ÉTAT
ACTUEL DE LA VÉGÉTATION DU FERLO
ETAT ACTUEL DE LA VEGETATION LIGNEUSE DU FERLO
Le Ferlo est une entité biogéographique définie en première instance par son climat tropical aride à semi-aride, contrôlé par la mousson du golfe de Guinée et l’harmattan sahélien (Akpo et al., 2003). L’économie de cette région est basée sur l’exploitation des ressources naturelles, en particulier la végétation. Celle-ci fournit le pâturage naturel pour l’alimentation du bétail et permet aux populations locales de subvenir à leurs besoins par l’exploitation de divers produits ligneux et non ligneux (Lukke, 2000). Au cours de ces dernières décennies, ces écosystèmes sahéliens ont été confrontés à de nombreuses sécheresses, à l’accroissement démographique et à l’avancée du front agricole (Diouf et al., 2002). Il s’en suit une forte dégradation liée d’une part à l’aridification caractérisée par une forte variabilité spatio-temporelle de la pluviométrie, et d’autre part aux activités humaines qui accentuent les effets des conditions climatiques, déjà défavorables (Bakhoum, 2013; Niang et al., 2014). Cette dégradation se manifeste par des modifications de la composition floristique et de la structure de la végétation (Akpo, 1990). Ce qui peut entrainer une précarisation de plus en plus accentuée des conditions de vie des populations rurales qui sont les plus affectées par les effets de cette dégradation. Cette situation est fort préjudiciable aux conditions de vie des populations et à l’économie de cette zone (Diouf et al., 2002). C’est dans ce contexte de dégradation accélérée de ces écosystèmes sahéliens que ce chapitre a été redigé. L’objectif principal est d’évaluer la composition floristique et les caractéristiques structurales actuelles de la végétation de la zone du Ferlo, ce qui permettra d’apporter des informations nécessaires pour la gestion durable et rationnelle des ressources naturelles de cette région. Cette approche actuelle permettra aussi d’appréhender des paysages et des types de végétation proches de ceux qui auraient pu exister avant.
MATERIELS ET METHODE
Collecte des données
La méthode d’inventaire de végétation par approche dendrométrique a été utilisée pour cette étude. Elle a été ménée dans les sites de Keur Momar Sarr, Syer, Mbar toubab, Widou 32 thiengoly, Téssékéré et Labgar. Nous avons inventorié au total 120 placettes (soit 20 par site) (Figure 4), effectuées de manière stratifiée en tenant en considération la géomorphologie du milieu (plateaux, bas fonds, versants). La technique appliquée consiste à délimiter une placette de 2500 m2 correspondant à l’aire minimale d’échantillonnage au Sahel (Akpo et al., 2003). Sur chaque placette préalablement délimitée, la liste floristique a été établie et des mesures effectuées sur tous les individus ayant une circonférence à 0,30 m supérieure à 10 cm. Les paramètres mesurés sont: la hauteur totale et la circonférence du tronc et celui de la couronne des arbres dans les deux directions (est-ouest et nord-sud) et la distance entre les individus. Aussi, les individus dont la circonférence basale est inférieure à 10 cm ont été répertoriés afin de déterminer le taux de régénération des peuplements. Il s’agit ici de jeunes individus issus de la germination de graine ou régénération par semis. Enfin, les individus coupés ou morts sur pieds ont été recensés afin d’étudier le niveau d’anthropisation du milieu. Figure 4. Répartition des relevés de végétations dans les sites d’étude 33 La détermination floristique s’est appuyée sur la Flore du Sénégal (Berhaut, 1967) et sur la classification APGIII (Angiosperm Phylogeny Group) version 2009. L’actualisation des synonymies a été réalisée à partir de l’énumération des plantes à fleurs d’Afrique Tropicale (Lebrun & Stork, 1997) et de l’ouvrage d’Arbonnier (2000). 2.2.2. Traitement des données Au laboratoire, les données ont été traitées à l’aide du tableur Excel (Microsoft Word, 2010). La diversité floristique ainsi que les caractéristiques structurales ont été appréciées.
Composition et diversité floristique
Les données collectées ont été analysées et la liste floristique a été établie en utilisant la répartition des espèces dans les différents groupes taxonomiques (espèces, genres, familles). La diversité floristique a été évaluée par la richesse spécifique et les indices de Shannon et Weaver (H’), de valeur d’importance (IVI) et de Jaccard. – La richesse spécifique (S) est le nombre total d’espèces de la communauté étudiée. Elle est évaluée à partir de la richesse spécifique totale et la richesse spécifique moyenne. La richesse spécifique totale (RST) est le nombre total d’espèces que comporte un peuplement donné (Ramade, 1993). La richesse spécifique moyenne correspond au nombre moyen d’espèces par relevé pour un échantillon donné. – L’indice de Shannon et Weaver prend en compte l’abondance relative des espèces et est calculé par la formule suivante: Ni représente le nombre d’individus de l’espèce i et N le nombre total d’individus toutes espèces confondues. Un indice de Shannon élevé correspond à une communauté diversifiée (Ndiaye, 2013). Il est associé à l’indice de régularité (R) donné par la relation suivante: H= indice de Shannon; log2= logarithme à base 2 et S= richesse spécifique totale. R est minimal (0) quand une seule espèce domine tout le peuplement et maximal (1) lorsque les espèces ont une abondance identique. – L’importance écologique (IVI) est un indice combinant les valeurs de trois paramètres: la fréquence relative, la dominance relative et la densité relative de chaque espèce. Cette indice 34 donne des informations sur l’effectif, la distribution et l’importance en fonction de la surface terrière de chaque espèce (Nusbaumer et al., 2005). C’est un indice caractéristique de l’importance de chaque espèce au sein d’un biotope (Vroh et al., 2010). Il se calcul à travers la formule suivante: La fréquence relative (FR) se calcule par le rapport de la fréquence spécifique (Fi) sur la somme des fréquences spécifiques toutes espèces confondues (F). La fréquence spécifique d’une espèce est le nombre de points où cette espèce a été rencontrée (Lamotte, 1962). Elle exprime la présence ou l’absence de l’espèce et est donnée par la formule suivante: è La densité ou abondance relative (Der) est donnée par le rapport du nombre d’individus de l’espèce (Ni) sur le nombre total d’individus toutes espèces confondues (N): La dominance relative (Dor) est obtenue, par le rapport de la surface terrière spécifique (Ste) sur la somme des surfaces terrières de tous les individus du peuplement (St): – L’indice de Jaccard ou indice de communauté est parmi les plus fréquemment utilisées en écologie et en biogéographie. Cet indice est utilisé pour évaluer la similitude floristique entre les différentes stations d’études (Sorensen, 1948). La compréhension du calcul de cet indice mesurant la similarité entre ces deux stations peut être facilitée par le tableau II: Tableau II. Attributs binaires dans deux stations Nombre d’espèces Station 2 Station 1 1 0 1 a b 0 c D 35 Avec a = le nombre d’espèces présentes dans les deux stations (1-1), b et c = les nombres d’espèces absentes d’un des deux stations (1-0 et 0-1) et d le nombre d’espèces absentes de ces deux stations, mais peut être présentes dans d’autres stations (0-0). Ainsi, la mesure de la similarité peut se calculer par la formule suivante : S= a / (a+b+c) La valeur de l’indice est sans unité et toujours comprise entre 0 et 1. Elle est égale à 0 lorsque les deux stations ne présentent aucune similarité. Par contre, elle est égale à 1, si les deux stations sont totalement identiques. Donc, il est d’autant plus important que les deux stations sont similaires.
Structure du peuplement ligneux
Un certain nombre de paramètres écologiques tels que la densité, le surface terrière, le couvert aérien et la distribution des individus en fonction des classes de hauteurs et de circonférence ont été évalués, afin de caractériser la structure actuelle du peuplement ligneux de la zone. – La densité permet de caractériser l’abondance par site et par espèce. Elle est exprimée en nombre d’individus par hectare (ind/ha.) et est évaluée selon la formule suivante: Théoriquement, elle est obtenue à partir de la distance moyenne (dmoy) entre les arbres en utilisant la relation de Wouters et Notelaers (1999). è – La surface terrière désigne l’aire d’encrage (évaluée à la base) d’un individu (RobertsPichette et Gillespie, 2002). Elle est exprimée en mètres carrés par hectare (m2 / ha) et obtenue par la formule suivante : Avec Ste = surface terrière ; C = circonférence du tronc a 0,3 m du sol. La surface terrière de chaque espèce est obtenue en faisant la somme des surfaces terrières de tous ses individus dont la circonférence basale (C) est supérieure ou égale à 10 cm. – Le couvert aérien correspond à la surface de la couronne (Sc) en m²/ha, c’est-à-dire l’aire de projection verticale de la cime de l’arbre au sol. Elle s’obtient pour une espèce par la somme de la surface de couronne de tous ses individus: Sc 36 Sc = surface de la couronne, D= représente la moyenne des diamètres du houppier (Est/Ouest et Nord/Sud). Des procédures Minitab et SAS relatives à la construction des structures horizontale et verticale et à leur ajustement à la distribution théorique de Weibull sont utilisés afin d’étudier la répartition des individus selon la hauteur et la grosseur.
Variation floristique du peuplement ligneux
Les 120 relevés ont été traités par l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC). L »AFC permet de traiter les tableaux de contingence et offre la double représentativité des données où espèces et variables sont représentés dans le même espace vectoriel sans déformation (principe de l’équivalence distributionnelle). On représente graphiquement les résultats de l’AFC en dressant des nuances de points sur différents axes définissant des plans de projections. Sur ces derniers, s’individualisent des groupes de relevés présentant entre eux plus d’affinités qu’ils n’en ont pour leurs voisins et se trouvent réunies par des espèces plus souvent associées entre elles qu’elles ne le sont avec d’autres.
Capacité de régénération du peuplement
La régénération des espèces a été évaluée par un comptage des individus juvéniles à l’intérieur des placettes. Tout individu dont la circonférence du tronc à 0,30 m du sol est inferieure à 10 cm est considéré comme rejet. Les capacités de régénération du peuplement et de chaque site ont été appréciées par le calcul du taux de régénération du peuplement (TRP) et des importances spécifiques de régénération (ISR). Le taux de régénération du peuplement est donné par le rapport en pourcentage entre l’effectif total des jeunes plants et l’effectif total du peuplement (Poupon, 1980): TRP 100x total Effectif du peuplement plants jeunes des total Effectif L’effectif total du peuplement regroupant aussi bien les jeunes plants que les plantes adultes. L’importance spécifique de régénération est quant à elle obtenue à partir du rapport en pourcentage entre l’effectif des jeunes plants d’une espèce et l’effectif de jeunes plants dénombrés (Akpo et al., 1996): ISR 100x dénombrés plants jeunes des total Effectif plants jeunes des Effectif d’ espècesune
RESULTATS
Composition floristique La flore ligneuse inventoriée dans l’ensemble des sites est riche de 38 espèces appartenant à 30 genres et 18 familles (Tableau III). Les familles les plus représentés sont: -Les Fabacées, riches de 9 espèces relevant de 5 genres différents : Acacia nilotica, Acacia pennata, Acacia raddiana, Acacia seyal, Acacia senegal, Bauhinia rufescens, Dalbergia melanoxylon, Faidherbia albida et Prosopis glandulosa. -Les Combrétacées avec 7 espèces regroupées en 4 genres: Combretum aculeatum, Combretum glutinosum, Combretum micrantum, Combretum nigricans, Anogeisus leiocarpus, Guierra senegalensis et Faidherbia albida. -Les Capparacées, composées de 3 espèces regroupées en 3 genres: Cadaba farinosa, Boscia senegalensis et Mareya cracifolia.
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