Etude de l’établissement du contrôle épigénétique sur les éléments transposables
Si les mécanismes responsables du maintien du contrôle épigénétique et tout particulièrement de la méthylation de l’ADN sur les éléments transposables commencent à être bien connus, il n’en est pas de même pour ceux concernant l’établissement de novo de ce contrôle. En effet, bien que les expériences menées pour comprendre l’extinction inopinée de l’expression de transgènes ont montré l’implication de la machinerie du RdDM pour l’établissement de la méthylation de l’ADN, les étapes précoces de ce processus et les conditions de son ciblage spécifique sur les copies d’ET nouvellement insérées demeurent largement hypothétiques. Je me suis donc intéressée à l’établissement du contrôle épigénétique sur les ET nouvellement insérés dans les epiRIL et j’ai également mis au point un crible génétique visant à identifier de nouveaux acteurs impliqués dans l’établissement de la méthylation de l’ADN. Dans la partie 2, nous avons noté la dynamique de mobilisation drastiquement opposée entre les ET qui composent les familles ATCOPIA93 et ATCOPIA78, qui appartiennent pourtant à la même superfamille. De fait, l’élément de la famille ATCOPIA93, EVADE, est très actif dans les epiRIL car il est responsable de plusieurs centaines d’évènements d’insertion, dont la très vaste majorité est propre à chaque lignée. En revanche, toutes les insertions des éléments ATCOPIA78 (ONSEN) sont partagées par plusieurs epiRIL, ce qui démontre un arrêt de la mobilisation à partir de la F2, soit dès le rétablissement de la fonction DDM1. Il semble donc qu’un mécanisme de répression cible très précocement les ATCOPIA78 (copies résidentes et nouvelles insertions) et plus tardivement, voire pas du tout ATCOPIA93. Je me suis donc attachée à caractériser plus avant ces deux familles d’ET afin de mieux comprendre leur dynamique de mobilisation et surtout, les modes d’établissement du contrôle épigénétique sur les copies nouvellement insérées.
Ces deux familles d’éléments transposables ont déjà fait l’objet de plusieurs études. La mobilisation d’EVADE (ATCOPIA93) a été identifiée dans les epiRIL met1, les doubles mutants met1kyp et met1nrpd2a (NRPD2a étant la sous‐unité commune à POLIV et POLV), les epiRIL dérivées du mutant met1 (Mirouze et al. 2009) ainsi que dans des générations avancées de ddm1 (Tsukahara et al. 2009). Les éléments ONSEN (ATCOPIA78) en revanche ont jusqu’à présent été décrits comme mobiles uniquement dans des mutants affectés dans la voie du RdDM soumis à un stress chaleur. Ces observations ainsi que celles faites dans la partie 2 sur le comportement des ATCOPIA93 et des ATCOPIA78 chez le sauvage et chez les mutants affectant les différentes voies de la méthylation démontrent que le contrôle d’ATCOPIA93 dépend quasi exclusivement de la voie de méthylation dite de maintenance (DDM1 et MET1) alors que celui des ATCOPIA78 dépend de l’action conjointe de DDM1 et du RdDM.
Si une différence si drastique dans les voies de contrôle de la méthylation de l’ADN sur deux familles d’ET appartenant pourtant à la même superfamille peut sembler surprenante, une partie de l’explication est fournie par l’examen de leur séquence nucléotidique. J’ai analysé les contextes nucléotidiques des cytosines (CG, CHG et CHH) pour ces deux familles d’ET en me basant sur leur séquence consensus (établies par Repbase update (Jurka 2000)). J’ai également étudié directement le locus EVADE (AT5TE20395) car sa séquence est assez divergente de la séquence consensus des ATCOPIA93. Dans la région interne, les éléments de référence des deux familles ainsi qu’EVADE présentent des cytosines dans les trois contextes nucléotidiques CG, CHG et CHH en proportions équivalentes (fig. 3.1). En revanche, la situation est tout autre pour les LTR, puisque que celles d’ATCOPIA93 (consensus et EVADE) présentent des cytosines dans les trois contextes nucléotidiques alors que les cytosines des LTR d’ATCOPIA78 sont exclusivement en contexte asymétrique CHH (fig.3.1b et c). Seul le RdDM peut donc instruire à chaque cycle de division la méthylation des LTR d’ATCOPIA78, néanmoins aidé semble‐t‐il par l’action de DDM1, et maintenir ainsi leur répression transcriptionnelle. A l’inverse, la présence de cytosines en contexte symétrique pour les LTR d’ATCOPIA93 explique que la méthylation de celles‐ci puisse être assurée de façon prépondérante par la machinerie de maintenance.