Etude de l’équilibre et de la circulation des populations d’électrons dans la magnétosphère de Saturne
La magnétosphère de Saturne
Le milieu interplanétaire
Le vent solaire
L’existence du vent solaire a été pour la première fois évoquée lors de l’observation des queues de comètes à proximité du Soleil au début du 20ème siècle. En 1958, Eugene Parker travaille sur l’équilibre de la couronne solaire et, sur une base théorique, suggère la présence d’un vent de particules s’échappant de la couronne, ayant pour origine le gradient de pression entre la couronne solaire et le milieu interplanétaire. D’après les équations de densité et de quantité de mouvement dans un gaz parfait, Parker montre que la vitesse du vent solaire augmente de manière continue depuis la surface du Soleil, évoluant d’un état subsonique à un état supersonique. L’existence du vent solaire comme phénomène permanent a été vérifiée au début des années 60, par les premières sondes interplanétaires qui ont quitté notre magnétosphère. A l’orbite terrestre et au-delà, le vent solaire a une vitesse moyenne de près de 400 km s−1 à l’écliptique et pouvant atteindre 800 km s−1 aux hautes latitudes solaires. La couronne solaire est immergée dans le champ magnétique du Soleil. Dans certaines régions de la couronne, appelées trous coronaux, les lignes de champ magnétiques ne sont pas fermées mais s’ouvrent sur le milieu interplanétaire. C’est par ces lignes de champ que le vent solaire s’échappe, gelant le champ magnétique (dans l’hypothèse de plasma idéal) tout au long de son transport dans le milieu interplanétaire, i.e le champ magnétique interplanétaire. Elles dessinent, dans ce milieu, un motif de spirale que leur imprime la rotation du Soleil sur luimême et que l’on appelle spirale de Parker. Le plasma du vent solaire consiste en un fluide d’électrons et d’ions, essentiellement des protons (95%), des ions d’helium (5%), et quelques traces d’éléments lourds. Les propriétés du vent solaire varient en fonction de la distance, de la latitude héliocentriques et de la phase du cycle solaire. A l’orbite de Saturne, la densité du plasma solaire (qui décroît en une loi en 1/r 2 ) prend une valeur typique de 0.06 cm−3 , et la température des protons est de l’ordre de 2 105 K. 1
Interaction du vent solaire avec les planètes
Lors de sa propagation dans le milieu interplanétaire, le vent solaire interagit avec divers corps du système solaire (figure 1.1). Cette interaction peut prendre plusieurs formes selon la nature de l’objet, selon qu’il est magnétisé ou non, qu’il y a une atmosphère ou non. FIG. 1.1 – Ejection de masse coronale et interaction du vent solaire avec la magnétosphère terrestre. Vue d’artiste. Dans le cas de corps non magnétisés, on distingue les cas de corps conducteurs et peu conducteurs. Les corps rocheux faiblement conducteurs, comme la lune, donnent lieu à une interaction dans laquelle les particules du vent solaire sont partiellement absorbées à la surface, formant une cavité vide de matière en aval de l’interaction. Les lignes de champ diffusent à travers le corps. Si le corps possède une atmosphère, le vent solaire entraîne et accélère les ions d’origine atmosphérique dans son sillage. Des courants électriques se forment dans l’ionosphère du corps, ce qui empêche la diffusion des lignes de champ au travers du corps. Les lignes de champ s’empilent alors en amont de celui-ci, formant un drapé qui s’étend en aval en une queue magnétique induite. De la même manière, certains satellites de glace tel Europe, posséderaient un océan subsurface conducteur capable de générer un champ magnétique induit via l’interaction avec le champ magnétique de Jupiter. Dans le cas de corps magnétisés, l’interaction du champ magnétique intrinsèque avec le vent solaire creuse dans ce dernier une cavité que l’on appelle magnétosphère. Dans notre sys-tème solaire, la Terre, Mercure et les planètes géantes possèdent une telle magnétosphère dite intrinsèque. L’interaction du vent solaire avec les différents corps du système solaire dépend également de la vitesse de l’écoulement incident. Lorsque le vent solaire, supersonique et superAlfvénique, approche l’environnement d’une planète magnétisée, il forme un choc en amont de la magnétosphère (choc d’étrave ou bow shock), le ralentissant à un état subsonique. En aval du choc, l’énergie cinétique du plasma solaire est convertie en énergie thermique et en compression du champ magnétique dans une région appelée magnétogaine. Les lignes de champ gelées dans le vent solaire sont défléchies autour de la magnétosphère planétaire. Cette région s’étend du choc à la magnétopause, frontière de la magnétosphère où s’équilibrent la pression (plasma et magnétique) de la magnétogaine et la pression magnétique du champ planétaire. La taille de la cavité magnétosphérique dépend donc essentiellement de l’intensité du champ magnétique interne, des sources de plasma à l’intérieur de la magnétosphère et de la pression dynamique du vent solaire à la distance héliocentrique de la planète. La configuration de la magnétosphère est profondément asymétrique puisque sa magnétopause est modelée par l’équilibre des pressions du vent solaire et planétaire côté jour, formant le nez du champ magnétosphérique (compression des lignes de champ), et par la vitesse du vent solaire côté nuit, qui étend les lignes de champ planétaires pour former la queue magnétique (magnetotail). Le temps local est le système de longitude horaire référencé au Soleil, échelonné de 0 à 24h. Par convention l’origine est située dans la direction anti-solaire (midnight), l’aube (dawn) est à 6h dans le sens direct, la direction solaire (noon) est à 12h , et le crépuscule (dusk) à 18h . 1.2 Saturne FIG. 1.2 – La planète Saturne, Image Cassini.
La planète
Situé sur une orbite à 9.6 UA du Soleil, Saturne (figure 1.2) est la deuxième planète la plus massive du système solaire après Jupiter. Son rayon à l’équateur est égal à 60 268 km (1 RS) et sa masse est près de 100 fois celle de la terre. Saturne est une planète à rotation rapide : un jour ’kronien’ dure à peine 10.66 heures. Il en résulte une forme planétaire de type oblate, avec un rapport entre diamètres équatorial et polaire de quelques 10%. La planète est constituée à 75% d’hydrogène, 25% d’hélium, avec quelques traces d’eau, de méthane et d’ammoniac provenant de la nébuleuse pré-solaire. Saturne possède un cœur rocheux de fer et de silicates, entouré d’une couche d’hydrogène métallique à l’état liquide, que recouvre une couche d’hydrogène moléculaire. La température du cœur est de quelques 12000 K et la température à la surface d’environ 143 K. Propriétés orbitales : Demi grand axe 1 429 400 000 km (9.6 UA) Période de rotation 10 h 39 m Satellites 52 Propriétés physiques : Rayon (equatorial) 60 268 km Rayon (polaire) 54 364 km Masse / MasseTerre 95,181 Composition atmosphérique 96% H and 4% He et traces d’H2O, CH4 et NH3 Moment magnétique G R 3 S 0.21 TAB. 1.1 – Paramètres orbitaux et physiques de Saturne.
Champ magnétique planétaire
Champ magnétique intrinsèque
A l’époque de sa traversée dans la magnétosphère de Saturne, la sonde Pioneer avait révélé l’existence d’un champ magnétique planétaire interne approximativement dipolaire de 0.21Gauss, et d’axe magnétique aligné à 1◦ près sur l’axe de rotation. L’origine du champ dipolaire observé proviendrait du mécanisme dynamo qu’engendrent les mouvements convectifs de la couche d’hydrogène fluide métallique à l’intérieur de la planète, renforçant l’aimant planétaire initial. Dans sa forme analytique, le champ magnétique interne est communément présenté comme dérivant d’un potentiel scalaire décomposé en harmoniques sphériques, sous la forme de série de polynômes de Legendre P m n (Davis & Smith, 1990) : B = ∇V(r,θ,ϕ) tel que V(r,θ,ϕ) = α +∞ ∑ n=1 n ∑ m=0 α r n+1 (g m n cos(mϕi)−h m n sin(mϕi)) P m n (cos(θ)) (1.1) où r est la distance radiale à la planète, θ et φ sont les angles de colatitude et de longitude dans le repère sphérique, α=1 si r est en RS, et g m n et h m n sont les paramètres multipolaires. Les modèles existants de champ interne utilisent trois termes, qui se déclinent en termes dipolaire, quadrupolaire et octupolaire et qui correspondent aux seules valeurs non nulles g 0 1 ,g 0 2 ,g 0 3 du développement 1.1. Le champ magnétique interne de Saturne étant supposé axisymétrique, aucune dépendance azimutale n’apparaît dans la description du potentiel. Le tableau suivant présente les paramètres pour deux modèles : le ’Z3’ de Connerney et al. (1983) et le ’SPV’ ou Saturn Pioneer Voyager de Davis & Smith (1990) : g 0 1 g 0 2 g 0 3 Z3 21184 1606 2669 SPV 21160 1560 2320
Contributions externes
Le seul champ magnétique interne ne suffit cependant pas à expliquer les observations de Voyager. En effet, au delà de 8 rayons kroniens, des contributions magnétiques externes apparaissent, produites par des courants magnétosphériques provenant : – d’une part, des effets locaux du plasma : entre 8 et 15 RS, des courants azimutaux dus aux gradients de pression dans le plasma magnétosphérique et circulant de part et d’autre du plan équatorial, produisent un anneau de courant (ring current) (Connerney et al., 1983). D’autres sources de courants plus localisées proviennent des interactions de la magnétosphère avec les satellites (Khurana et al., 2007) et les nuages de neutres. – d’autre part, des effets d’interaction entre le vent solaire et le champ magnétosphérique que l’on regroupe sous l’appellation de ’dynamo magnétosphérique’. On distingue le champ de magnétopause BMP dérivant des courants de surface engendrés à la limite de la magnétosphère côté solaire, du champ de queue magnétique BQM produit par des courants transverses dans la queue magnétique et bouclant au travers de la couche neutre de plasma côté nuit.
Introduction |