Principes et démarches adoptés pour la présente étude
Au Burkina Faso il existe une très grande diversité de faciès pétrographiques au niveau des formations de socle cristallin. La région du Centre-Est dont la géologie qui appartient essentiellement à la partie socle ne fait pas exception à cette diversité. C’est fort de ce constat que notre travail de terrain a consisté, outre la cueillette de données auprès des services compétents, à effectuer un ou plusieurs prélèvements (figure14) par faciès au niveau des forages qui y sont implantés. De plus un forage a été démonté suivant la même procédure pour examiner l’état de “santé” du matériel d’équipement.
Les données utilisées
Au total 253 analyses ont été exploitées dont 42 effectuées par le laboratoire d’hydrogéologie de l’Université de Ouagadougou (série T) ; 2 analyses sur les 42 concernent les eaux de surface (barrages de Ziga et de Bagré). Les autres données (série F) proviennent des fiches de forages obtenues au près du PIHVES 2 à Tenkodogo ; leurs analyses datent pour la plupart de 2000 à2002 et ont été effectuées par les laboratoires de l’ONPF, du BUMIGEB, et de la DPSB. La plupart des analyses de ce dernier laboratoire n’a pas été prise en compte ; les éléments comme le Na+ , et le K+ n’ayant pas été dosés. Ces données sont consignées en annexe 2 sous forme de tableaux.
Analyses physico-chimiques et traitement des données
Les paramètres physico-chimiques tels que le pH, la CE et la température de nos 42analyses ont été systématiquement mesurées sur le terrain ; mais l’absence de pH de terrain dans celles des fiches de forages, nous a amenés à n’exploiter que les pH mesurés au laboratoire ; donc ce paramètre doit être utilisé avec précaution. Le TAC, les chlorures, la dureté totale (TH) et la dureté calcique des 42 échantillons ont été obtenus par volumétrie dans les 48 heures qui ont suivi les prélèvements.
Les ions SO4, NO3, NO2, PO4, NH4, le fer total, la silice et l’iode ont été dosés par colorimétrie à l’aide de l’appareil DR 2000 au laboratoire d’hydrogéologie de l’Université de Ouagadougou.
Le sodium et le potassium par spectrométrie à flamme au laboratoire d’analyse des eaux de la DGIRH et l’arsenic par le laboratoire de l’ONEA.
Les données ont été traitées à l’aide du logiciel DIAGRAMME élaboré par le laboratoire d’hydrogéologie de l’université d’Avignon en France; il nous a permis le calcul du pH de saturation par rapport à la calcite.
Caractéristiques chimiques des eaux
Caractères chimiques généraux
Dans l’ensemble, les eaux sont moyennement minéralisées; la valeur moyenne calculée pour la somme cations+anions est 382.2 mgl- , le résidu sec n’ayant pas été analysé.
Le faciès chimique sur le diagramme de Piper (figure 15) est bicarbonaté calcique, bicarbonaté magnésien ou bicarbonaté sodique par ordre d’importance. Quatre eaux sont sulfatées calciques en accord avec les plus fortes minéralisations. Les teneurs moyennes en sodium sont beaucoup plus élevées que celles en potassium, celles des sulfates par rapport aux chlorures sont importantes (18,0 mgl- contre 5,7 mgl- ). Les concentrations en nitrates ne sont pas négligeables; la valeur moyenne est 19,1 mgl- . Elles dépassent parfois la norme de potabilité OMS fixée à 45 mg/l par exemple au niveau de Bissiga (T20) avec 220.9 mg/l de NO3. Ceci s’explique par le fait que les forages se situent à proximité des habitations ou sont pollués par les abreuvoirs non maçonnés.
Le rapport Mg/Ca est généralement inférieur à 1; le pH de saturation par rapport à la calcite est atteint pour 88 eaux sur un total de 251. Cette valeur aurait pu être beaucoup plus basse si le pH réel était mesuré in-situ, la perte de CO2 dissous au cours du transport et du stockage ayant tendance à le faire croître. Les valeurs de pH s’étalent de 6.06 à Zano (T6) à 8.0 à Zeguedega (F16) avec un maximum (148 eaux) entre 7 et 7.5.
Les eaux des granitoïdes
Elles présentent la minéralisation la plus faible (Tableau 4), la somme cations+anions est en moyenne égale à 328.5 mg/l. Sur le diagramme de Piper (figure 16a) le faciès bicarbonaté calcique est prédominant; il s’associe avec le faciès bicarbonaté magnésien au sous-groupe des granodiorites, diorites et tonalites. Les eaux bicarbonatées sodiques présentent par contre plus d’affinité avec les granites alcalins à biotite ou à amphibole et avec les syénites.
Les eaux des micaschistes, orthogneiss et leptynites
Avec une moyenne de 522.7 mg/l, les eaux de ces roches présentent la minéralisation la plus élevée. Les teneurs moyennes en certains éléments comme Na+ , Ca2+, Mg2+, et SO4 2-sont très importantes. Ces résultats pourraient contredire ceux observés en chapitre 2 de la première partie où nous montrions que les forages de ces ensembles sont les plus productifs et parmi les moins profonds. On pourrait penser en effet que le temps d’infiltration de l’eau y est moins important et que par conséquent ces eaux devraient être moins chargées que celles des autres types de formations. Mais ces résultats trouvent leur explication dans la nature pétrographique de ces roches riches en réseaux de fissures à remplissage de calcite comme l’attestent les récents travaux du BRGM dans la région (carte géologique du Burkina projet SYSMIN édition 2003).
Un autre argument est que ces faciès sont rencontrés dans les zones les plus déformées des grands accidents comme au Sud et à l’Est de Tenkodogo; leur réseau de failles et de fractures beaucoup plus dense et leur structure planaire et cataclasée auront tendance à favoriser des circulations latérales qui, ajoutées à celles verticales, peuvent être à l’origine d’un apport supplémentaire en éléments dissoutes par rapport aux autres environnements pétrographiques.
Cette hypothèse est corroborée par les débits moyens les plus élevés (6.8m3 /h) rencontrés au niveau des forages qui captent ces eaux. En fin, on ne saurait exclure la présence de pyrite car si le faciès chimique est généralement bicarbonaté calcique ou magnésien (figure 16 b), les teneurs en sulfates demeurent très importantes, en témoignent les deux forages aux eaux sulfatées calciques à Mankarga V10 et à Ouayalghin V2.
Sur 22 eaux issues de ces roches, 12 atteignent leur pH de saturation vis à vis de la calcite soit un pourcentage de 55% environ.
Les eaux des schistes, basaltes et amphibolites
Elles présentent une minéralisation globale moyenne élevée (500.3 mg/l) par rapport aux eaux des granitoides mais beaucoup plus hétérogène (minimum 118.8mg/l et maximum 1728.8 mg/l). Le faciès chimique est bicarbonaté calcique parfois magnésien (figure 16 c).
L’eau de Mogtédo V3 en F213 est sulfatée calcique avec une teneur en sulfates de 822.5 mg lqui est sans doute liée à une dissolution de la pyrite.
Les teneurs en éléments majeurs exceptés les bicarbonates, sont moins élevées que celles des eaux issues des roches métamorphiques; l’importance des bicarbonates est sans doute liée aux difficultés qu’ont les eaux à circuler dans les altérites argileuses de ces formations, ce qui, d’après Savadogo (1984) donnerait le temps à leurs minéraux feldspathiques de libérer des ions qui en se combinant donnent des bicarbonates qu’on retrouvera dans les eaux souterraines. En fin 35 eaux sur 55 sont saturées par rapport à la calcite soit plus de 64%.
En résumé, de l’étude hydrochimique des eaux souterraines de la région du Centre-Est du Burkina Faso, nous pouvons dégager les observations suivantes :
–dans leur ensemble, les eaux sont généralement bicarbonatées calciques, magnésiennes ou sodiques par ordre d’importance, ce dernier faciès étant associé aux granites alcalins (γ3 , γ3 a) etaux syénites (σ), –l’anion principal est le bicarbonate, par contre la composition semble être mixte au niveau des cations malgré les faibles tendances qui se dégagent par faciès pétrographique,
–les eaux issues des granitoïdes présentent la plus faible minéralisation et les pH les plus acides. Le pH de saturation est atteint pour seulement 24% de ces eaux contre 55% pour le groupe des leptynites, micaschistes et orthogneiss et 64% pour les volcano-sédimentaires et volcaniques.