ETUDE DE L’AGRESSIVITE DES CULICINAE ASSOCIES A LA FAUNE
Dynamique temporelle de la population culicinienne
Variations mensuelles de l’agressivité culicinienne La présence des moustiques est permanente toute l’année dans les 3 départements (figure 11). Pour tous les mois, la nuisance a été plus importante dans le département de Pikine. Même si on peut observer une augmentation progressive de la densité agressive moyenne au cours de la saison des pluies, l’agressivité des Culicinae n’est pas exclusivement corrélée à la présence des pluies. Par ailleurs, la densité agressive moyenne pendant la saison sèche a été plus faible dans le département de Guédiawaye (1,1 P/H/N) (P = 0,014) comparativement à celui de Dakar (3,4 P/H/N). Pendant la saison des pluies par contre, c’est l’inverse qui a été observé avec une densité agressive moyenne plus importante dans le département de Guédiawaye (14,7 P/H/N) que dans celui de Dakar (10,8 P/H/N) (P = 0,008).
Variations mensuelles de l’agressivité selon les espèces
Les quatre espèces de Culicinae rencontrées sont présentes toute l’année mais à des densités de population très variables selon l’espèce et le mois d’étude (Dakar : p=0,0005 ; Guédiawaye : p=0,0001 ; Pikine p=0,0006). Pour Culex quinquefasciatus, le pic de la densité agressive a été noté en Septembre avec 40,5 P/H/N à Pikine (P= 0,045), 15,8 P/H/N à Guédiawaye (P = 0,045) et 15,7 P/H/N à Dakar (P = 0,045). Même si une réduction est amorcée à partir d’octobre, les densités agressives moyennes de Culex quinquefasciatus restent très élevées notamment à Pikine et à Guédiawaye où la chute de densité en octobre a été moins drastique (figure 12). Culex tritaeniorhynchus et Mansonia sp dans une moindre mesure sont présents à Guédiawaye notamment pendant la saison des pluies. Très faible dans les 3 départements, la densité agressive d’Aedes aegypti est relativement plus élevée en zone urbaine (0,66 P/H/N) qu’en zone périurbain avec 0,36 P/H/N à Pikine et 0,22 P/H/N à Guédiawaye.
Discussion
Lors de ces 10 dernières années, la région de Dakar à l’image de toutes les grandes villes d’Afrique a connu des modifications profondes tant sur le plan démographique qu’infrastructurelle, marquées par une urbanisation sauvage et galopante. A cela s’ajoute une pluviométrie importante. Tous ces facteurs ont un impact majeur sur la bio-écologie des Culicinae, favorisant ainsi la prolifération des larves de certaines espèces comme Culex quinquefasciatus. Malheureusement aucune étude n’a été faite au Sénégal avec comme objectif principal l’évaluation de la nuisance culicidienne. Les études entomologiques étaient plutôt axées sur les vecteurs du paludisme (12, 13, 17, 31, 32). Quatre espèces des Culicinae ont été rencontrées au cours de notre étude : il s’agit de Culex quinquefasciatus, Culex tritaeniorhynchus, Aedes aegypti et Mansonia sp. Les résultats montrent une omniprésence des Culex (98,87 % des Culicinae) quelque soit la zone, le site et la saison. Ceci est dû certainement à la présence des canaux à ciel ouvert, des eaux stagnantes usées, des égouts et des fosses septiques. Toutefois, les densités agressives restent variables selon les départements, zones et selon la saison (vérifié statistiquement). Pendant la saison des pluies, l’agressivité culicidienne est plus importante à Guédiawaye comparativement à Dakar tandis que pendant la saison sèche, la nuisance est plus importante à Dakar. Une plus importante productivité de Culicinae durant la saison des pluies à Guédiawaye pourrait s’expliquer par l’inondation dotée dans de nombreux quartiers, créant ainsi de nombreux gîtes larvaires qui continuent à produire pendant les premiers mois de saison sèche avant qu’ils ne soient plus productifs en raison de leur assèchement ou encore d’une pollution très avancée. A Dakar par contre, malgré l’arrêt des pluies, il existe des gîtes qui continuent à produire pendant la quasi-totalité de la saison sèche. Ces gîtes de saison sèche sont probablement constitués par les collections d’eau (bassin) dans les nouveaux quartiers et les canaux de drainage des eaux usées. A Pikine, la forte agressivité serait due à une abondance des gîtes larvaires durant toute l’année. Le suivi mensuel du nombre de femelles capturées dans les différentes zones d’étude confirme que l’augmentation de la pluviométrie est à corréler avec une augmentation du nombre de piqûres, et que l’allure de la courbe obtenue serait probablement caractéristique de Dakar car chaque ville présente des particularités géographiques et socio-économiques qui lui confèrent une véritable « empreinte entomologique ». Ainsi, au Burkina Faso, Bobo Dioulasso présente un pic de forte densité en saison des pluies et en début de saison sèche (49) alors qu’à Mombasa au Kenya, on peut observer deux pics de densité pendant et peu après les deux saisons des pluies (50) ; et à Kinshasa au Zaïre, on observe un pic en saison sèche (29). Les différences d’amplitude entre ces pics sont également très variables et peuvent atteindre un facteur dix en zone de savane (49), soit une différence beaucoup moins importante que celle que nous avons observée dans les quartiers comme Almadie, Mariste et Patte d’oie. D’une manière générale, la dynamique des populations culiciniennes ne se présente pas de façon homogène et varie d’une zone à une autre, mais Culex quinquefasciatus reste le moustique prédominant dans toutes les zones, preuve du lien étroit existant entre sa présence et l’habitat urbain (7, 38). Elle représente à elle seule plus de 94.6% des captures et serait à l’origine de toute la nuisance culicidienne. Ce phénomène a été également observé un peu partout en Afrique : dans l’ex Zaïre d’abord à Kinshasa (29) puis à Kisangani (34), à Yaoundé au Cameroun (24), à Bouaké en Côte d’Ivoire (30). En effet, ce moustique peut être même un bon marqueur écologique de l’urbanisation (9). Une faible densité d’Aedes aegypti (<1 P/H/N) a été rencontrée, en rapport avec le comportement de piqûre crépusculaire de cette espèce. Cependant, un comportement de piqûre atypique pour cette espèce a été signalé en zone de savane de Côte d’Ivoire (14) où le taux d’agressivité maximal, 2,57 P/H/N, a été noté à 00 h. Malgré la faiblesse des taux de piqûres, Aedes aegypti a été relativement plus abondant à Dakar que dans la zone périurbaine (Guédiawaye et Pikine). Cela pourrait s’expliquer par une plus grande disponibilité à Dakar de gîtes domestiques et péri domestiques, constitués le plus souvent par les pots de fleurs dans les maisons, les citernes dans les chantiers en constructions, les pneus, etc (11, 42). La présence de Mansonia sp est occasionnelle dans les zones urbaines. La présence de ce genre à Mariste et à Golf (zone urbaine) est en relation avec les typhae retrouvé dans les Niayes qui bordent ces quartiers.
Introduction |