Etude de l’aérodynamique des trains en situation de
vents traversiers
Définition des maquettes
Nous rappelons que l’objectif principal est ici l’étude de l’influence de lignes de toiture sur les coefficients aérodynamiques des véhicules. Pour étudier ces éléments, nous choisissons de nous appuyer sur des configurations de trains génériques suffisamment simples pour pouvoir nous concentrer sur les appendices, tout en conservant un écoulement réaliste.
Forme des trains
Le modèle de « train idéalisé » : Le modèle de train idéalisé, introduit par Mair & Stewart [68] en 1985 dans le cadre d’études sur des corps élancés en dérapage, est retenu pour ces travaux. Il est présenté sur la figure 2.3a. Section Nez (a) Modèle idéalisé Section Nez, vue de côté (b) Modèle régional Figure 2.3 – Schémas des modèles de train. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, ce modèle a été largement étudié expérimentalement par Copley [29], Chiu [24, 26, 25] et par voie numérique par Hemida [48, 50, 51]. La topologie de l’écoulement autour de ce train est bien établie et est représentative d’un écoulement « de type train ». Ce modèle est défini à partir de l’équation suivante : |Y | n + |Z| n = c n (2.1) Où n = 5 et c = D/2 pour la section constante. La longueur du nez est de 1,27D. La forme du nez est obtenue en faisant varier n linéairement de 5 (à 1,27D) à 2 (à l’extrémité du nez du train), où les sections du profil sont alors circulaires, et en appliquant un profil semi-elliptique pour l’évolution de c. Dans le plan xy, on a : c 2 (D/2)2 + z 2 (1, 27D) 2 = 1 (2.2) Ce modèle possède deux plans de symétrie horizontaux et verticaux. Le rayon de courbure de la section droite du train a été dimensionné de manière à être proche de celui des trains anglais « APT ». Il ne présente aucune arrête vive, le décollement de la couche limite sur le toit est donc fixé par un gradient de pression adverse. L’introduction d’appendices en toiture permettra ainsi d’étudier leur influence sur le décollement. Le modèle de « train régional » : Les études précédentes sur le modèle idéalisé ont montré qu’il permet de générer un écoulement représentatif de celui autour d’un train réel [29]. Cependant, il possède des caractéristiques géométriques particulières différentes des trains « réels ». En particulier : – Le toit du train idéalisé est plat – Le nez est symétrique par rapport à un plan horizontal – Le rapport d’aspect de la section constante vaut 1 Afin de se rapprocher des caractéristiques géométriques des trains réels nous définissons un deuxième modèle de train exempt des particularités que nous venons d’évoquer. Ce modèle de train est présenté sur la figure 2.3b et sera appelé « train régional » dans la suite de l’étude. Pour des raisons pratiques, la partie basse du modèle idéalisé est conservée. La partie haute est basée sur la forme d’un train commercial régional, le Corail Réversible (RevCo) de Alstom Transport. Celui-ci possède un toit arrondi et des parois latérales droites. La section constante du train présente une discontinuité géométrique. La hauteur du train est aussi modifiée, nous fixons la hauteur de la maquette à 4/3 de la largeur, H = 4/3D. La figure 2.4 présente une superposition des sections du modèle idéalisé et du modèle régional. Le nez est conçu en conservant l’arrête vive jusqu’à son extrémité. Figure 2.4 – Superposition des sections du modèle idéalisé et du modèle régional Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, les modèles de train seront testés dans une configuration dite de sol plan ne prenant pas en compte l’infrastructure (rails, remblais, etc.). L’espace entre le sol et le train est fixé à 0,15 D, ce qui est représentatif des trains réels.
Choix des appendices de toiture
Les appendices de toiture retenus modélisent des câbles à haute tension situés sur le toit des trains à grande vitesse. Les dimensions sont basées sur un modèle de 28 1. Approche expérimentale train rapide réel. A pleine échelle, ces câbles dépassent du toit d’une hauteur de h = 60 mm, soit 2 % de la largeur du train 1 . La forme retenue pour la modélisation de ces câbles est rectangulaire. Celle-ci permet de connaître avec précision la position du point de décollement qui est alors fixé géométriquement. Un biseau est pratiqué au niveau du point de naissance des lignes de toiture afin de ne pas perturber l’écoulement de manière irréaliste par rapport à un train réel (figure 2.5a). (a) Biseau de la ligne de toiture θlignes (b) Position angulaire des lignes de toiture Figure 2.5 – Détails sur les lignes de toiture. Sur le modèle idéalisé, la position angulaire choisie pour les lignes de toiture est θlignes = 57°. Sur le modèle régional qui est basé sur un train commercial, elle est choisie en fonction des contraintes techniques imposées par le mobilier de toiture sur les train réels, θlignes = 65°. Les lignes sont positionnées de manière symétrique sur le toit des trains. La figure 2.5b présente la section du modèle régional équipé de lignes de toiture. Ces appendices sont positionnés sur la motrice depuis la position longitudinale X/D = 1, 5 jusqu’au culot du train.
Dimensionnement des maquettes
Le dimensionnement des maquettes est fait en respectant les critères présentés dans le tableau 2.1 issus de la norme EN 14067-6:2010 [2]. Re Taux de blocage L/Largeurveine 6 × 105 < 5% < 0, 75 Table 2.1 – Critères imposés par la norme EN 14067-6:2010 [2]. L est la longueur du train. Maquettes utilisées dans la soufflerie SC1 : Les caractéristiques de la soufflerie intervenant dans le dimensionnement sont rappelées dans le tableau 2.2. 1. Un train à pleine échelle possède une largeur proche de 3 m et une hauteur de 4 m environ. 29 Chapitre 2. Méthodes d’investigation L’ensemble des critères est présenté sur la figure 2.6 qui permet de déterminer la longueur de la maquette (L) en fonction de sa largeur (D). Les critères retenus sont présentés dans le tableau 2.3. Nous ajoutons un critère supplémentaire concernant la longueur du convoi. La longueur d’une motrice réelle est de l’ordre de 7D. La norme EN 14067-6:2010 recommande l’utilisation d’un demi véhicule en aval afin de limiter les effets de culot. Nous fixons donc la longueur minimale du convoi à 10D. Largeurveine (m) Sveine,plancher (m2 ) Vmax (m/s) Lmax Re(min) L/D=10 Zone acceptable Valeur retenue Figure 2.6 – Prise en compte des critères de dimensionnement pour les paramètres L et D dans la soufflerie S120. D (m) L/Dmax Lmax Taux de blocage 0,2 18 3,75 3% Table 2.3 – Résultats de la prise en compte des critères de dimensionnement dans la soufflerie SC1. Finalement, nous choisissons D = 0, 2 m, ce qui assure un nombre de Reynolds suffisant pour les essais et correspond à l’échelle du 15e par rapport à un train réel. C’est l’échelle classiquement retenue au CSTB pour les essais normatifs. Ainsi, les gammes des appareils de mesures à disposition sont adaptées à nos maquettes. La longueur du convoi est fixée à 10D avec deux véhicules, la motrice de longueur 7D et un véhicule utilisé pour éloigner les effets de culot de longueur 3D. La motrice est le véhicule étudié, et le véhicule secondaire est placé en aval à une distance de 5 mm afin d’éviter tout contact parasite pour les pesées. La motrice 30 1. Approche expérimentale est montée directement sur le plateau supérieur de la balance aérodynamique par le biais de 4 pieds espacés de 2,97D et 0,42D centrés sur la maquette et positionnés symétriquement par rapport au milieu de la maquette. L’écartement est imposé par les dimensions de la balance. La ligne de toiture de rapport homothétique 1 correspond à la mise à l’échelle du 15e de la ligne faisant 60 mm à pleine échelle, elle mesure donc 4 mm de largeur et de hauteur. Une augmentation et une diminution d’échelle par rapport au cas de référence sont étudiées, les rapports homothétiques retenus sont 2/3 et 4/3, soit des hauteurs de 2,7 mm et 5,3 mm, la largeur étant fixe. En modifiant uniquement la hauteur de l’obstacle, on change son rapport d’aspect. Celui-ci ne nous apparaît cependant pas comme un paramètre significatif ici. Maquette utilisée dans la soufflerie S120 : La soufflerie S120 possède une veine d’essais de petites dimensions. Figure 2.7 – Prise en compte des critères de dimensionnement pour les paramètres L et D dans la soufflerie S120. Il n’est pas possible de satisfaire l’ensemble des critères à la fois dans cette soufflerie. L’angle de dérapage le plus élevé est fixé à 60° de manière à pouvoir augmenter la longueur du convoi sans dépasser 75 % de la largeur de la veine, il est choisi de manière à pouvoir observer les deux types de régimes d’écoulement (voir chapitre 1). Ainsi, on cherchera à respecter le critère Lmaquette(60°)/Lveine < 0, 75. Lmaquette(60°) = 0, 86×Lmaquette, on obtient finalement Lmaquette < 1 m. Nous cherchons à conserver la longueur de la maquette égale à 10D afin de pouvoir comparer nos résultats à la littérature et aux essais dans la soufflerie SC1, soit Dmax = 0, 1 m. Cette valeur équivaut à une reproduction à l’échelle du 30e par rapport à un train réel. Le nombre de Reynolds maximum vaut 4×105 ce qui est suffisant pour obtenir un régime d’écoulement post-critique d’après la littérature (voir chapitre 1). Le 31 Chapitre 2. Méthodes d’investigation taux de blocage maximal vaudra alors 12% à 60° de dérapage, une concession est donc faite sur ce paramètre. La maquette est montée directement sur le plancher par le biais de 4 pieds espacés de 2,97D et 0,42D conformément aux essais dans la soufflerie SC1. Les lignes de toiture de rapport homothétique 1 (mise à l’échelle du 30e ) ont une hauteur et largeur de 2 mm. Les autres hauteurs testées permettent une diminution progressive de la taille de la ligne de toiture utilisée, 0,5 mm, 1 mm et 1,5 mm, soit des rapports homothétiques 1/4, 1/2 et 3/4.
Configuration de la veine d’essais
Soufflerie SC1 : La soufflerie SC1 possède un plateau tournant permettant une rotation de la maquette de 0 à 90°. Les essais ont été réalisés avec trois vitesses de consigne différentes pour évaluer la dépendance au nombre de Reynolds des résultats. Dans cette soufflerie, la vitesse de rotation des moteurs est fixe, c’est l’inclinaison des pales qui permet de modifier la vitesse. Les trois vitesses de consignes sont les suivantes : – U∞ = 27 m/s (0,6×U∞,max), calage des pâles 65%, – U∞ = 36 m/s (0,8×U∞,max), calage des pâles 81%, – U∞,max = 45 m/s (U∞,max), calage des pâles 100%. Le nombre de Reynolds basé sur la hauteur des maquettes est présenté dans le tableau 2.4. Le nombre de Reynolds d’un train dans des conditions normales de circulation se situe aux alentours de 2 × 107 , basé sur une hauteur de 4 m et une vitesse maximale de 83m/s (300 km/h). Lors de ces essais, nous ne respectons pas la similitude de Reynolds, il conviendra donc d’étudier la dépendance des résultats à la vitesse pour s’assurer qu’ils sont bien convergés. Vitesse Modèle idéalisé Modèle régional 27 m/s 4 × 105 4, 8 × 105 36 m/s 5, 3 × 105 6, 4 × 105 45 m/s 6, 6 × 105 8 × 105 Table 2.4 – Les différents nombres de Reynolds de l’étude. La figure 2.8 présente la maquette de train régional installée sur le plateau tournant de la soufflerie SC1. Les principales caractéristiques de la couche limite sur le plancher sont présentées dans le tableau 2.5. L’épaisseur de la couche limite vaut 0,37D, elle est supérieure à l’espace entre le sol et le train (0,15D). δ99 (mm) δ ∗ (mm) θ (mm) H 75 6,9 5,9 1,2 Table 2.5 – Caractéristiques de la couche limite sur le plancher de la soufflerie SC1 à 45 m/s au centre du plateau tournant où sera placée la motrice. 32 1. Approche expérimentale Figure 2.8 – Modèle de train régional installé dans la veine d’essais de la soufflerie climatique Jules Verne à 60° de dérapage. Soufflerie S120 : Trois angles de dérapage ont été sélectionnés pour l’étude : – β = 30° – β = 45° – β = 60° Ces angles de dérapage ont été choisis de manière à pouvoir observer les différents régimes d’écoulement présentés dans le chapitre 1. La vitesse utilisée pour les essais est de 60 m/s, soit un nombre de Reynolds basé sur la hauteur du train de 4 × 105 . Copley [29] a étudié l’effet du nombre de Reynolds sur l’écoulement autour de ce train simplifié. Il a montré en particulier que pour Re = 4 × 105 , il est nécessaire d’utiliser une bande de transition côté au vent afin d’éviter un bulbe de décollement laminaire sur le toit du train. À cet effet, une bande de transition de 5 cm de largeur composée de grains de carborandum de 250 µm de diamètre est placée sur la face au vent du train comme l’illustre la figure 2.9 qui présente la maquette installée dans la veine d’essais pour un angle de dérapage de 30°. L’anneau situé sur le nez permet de provoquer la transition de l’écoulement contournant le train par l’avant. Le taux de blocage solide dépend de l’angle de dérapage étudié, les différentes valeurs sont reportées dans le tableau 2.6. Angle de dérapage Taux de blocage 30° 6,5% 45° 9% 60° 12% Table 2.6 – Taux de blocage en fonction de l’angle de dérapage. Figure 2.9 – Modèle idéalisé installé sur le plancher de la soufflerie S120, β = 30°. Les principales caractéristiques de la couche limite sur le plancher sont présentées dans le tableau 2.7. L’épaisseur de la couche limite est inférieure à l’espace entre le train et le sol. δ99(mm) δ ∗ (mm) θ(mm) H 10,54 2,12 1,4 1,52 Table 2.7 – Caractéristiques de la couche limite sur le plancher de la couche limite de la soufflerie S120 à 60 m/s.
Métrologie dédiée à la mise en œuvre de l’observation de la structure de l’écoulement
Visualisation pariétale par enduit visqueux
Cette technique est un outil important pour la compréhension de l’écoulement et son interaction avec la maquette. Elle permet en effet d’identifier les lignes de séparation et d’attachement à la surface du corps, et de connaître l’orientation de l’écoulement en paroi, mettant ainsi en évidence les éventuelles structures tourbillonnaires de l’écoulement. La figure 2.10 présente par exemple un nœud d’attachement à l’avant d’un corps arrondi obtenu à l’ONERA par Délery [32]. Principe Le spectre pariétal est composé de l’ensemble des lignes de frottement à la surface du corps considéré. Elles résultent d’un passage à la limite des lignes de courant lorsque l’on tend à s’approcher de la paroi où elles sont alors confondues [32]. Ces lignes peuvent être visualisées à partir d’enduits pariétaux adéquats, et leur ensemble est appelé spectre pariétal. La méthode consiste à enduire le corps 34 1. Approche expérimentale Figure 2.10 – Nœud d’attachement à l’avant d’un corps arrondi, d’après Délery [32]. d’un mélange pigments/solvant. Lorsque le corps se trouve soumis à l’écoulement, le solvant volatil s’évapore laissant à la surface des lignes de pigments dont l’orientation indique le frottement moyen. Mise en œuvre Dans le cas présent, le mélange utilisé pour les visualisations pariétales est réalisé à partir des recherches de Ducolombier & Archard [38] (séminaire CNRT 8 mars 2006). Sa composition est la suivante : 20g de Kaolin + 100 cm3 de Whitespirit + 4g d’acide oléique L’acide oléique est employé pour obtenir une dispersion optimale des particules de Kaolin dans le solvant.
1 Introduction |