ETUDE DE L’ACTIVITE CURARISANTE DE L’EXTRAIT DAL – F3 CHEZ LA SOURIS ET LA GRENOUILLE
INTRODUCTION
Avant la découverte de la D – Tubocurarine, premier alcaloïde isolé à partir de Chondodendron tomentosum (MENISPERMACEES), les curares étaient connus comme poison de chasse des Indiens de la jungle amazonienne (KING H., 1935; WINTESTEINER O. et DUTCHER J.D., 1943; BISSET N.G., 1992 ; JAMES D. et DUTCHER J.D., 1946). En 1942, ils ont été introduits en anesthésiologie en tant que myorelaxants (GRIFFITH H.R. et JONHSON G.E., 1942). L’utilisation des curarisants comme adjuvants a pu limiter les intoxications dues aux premiers produits d’anesthésiques généraux (l’éther et le chloroforme) tout en améliorant la sécurité des patients lors des actes chirurgicaux (FOLDES F.F., 1993; BESSET M. et coll., 2003 ; ALBRECHT E. et coll., 2006). La toxine botulique, sécrétée par la bactérie Clostridium botulinum, est la première toxine utilisée en application esthétique en tant qu’antiride (CARRUTHERS J.D et CARRUTHERS J.A., 1992 ; ERBGUTH F.J., 2004). En effet, l’utilisation de cette toxine en médecine cosmétique repose sur sa capacité de relâcher les muscles du visage en lui donnant une apparence plus détendue, sereine et rajeuni (CLARK R.P et BERRIS C.E., 1989). Les curares et le BOTOX ® sont des toxines qui provoquent le relâchement des muscles striés squelettiques sous forme d’une paralysie flasque en bloquant la transmission de l’influx nerveux au niveau de la jonction neuromusculaire (CLAUDE B., 1981 ; JENNIFER M. et HUNTER M.B., 1995). Les muscles striés squelettiques sont des tissus excitables (GUENARD H., 2001).En effet, ils se contractent quand le nerf moteur reçoit une excitation sous forme d’influx nerveux (GUENARD H., 2001). Ce mécanisme s’appelle la transmission neuromusculaire dont l’Acétylcholine (ACh) est le neurotransmetteur impliqué (GANONG., 1963 ; HOLLANDER A., 1987 ; GUENARD H., 2001). Elle est synthétisée dans les terminaisons nerveuses à partir de la Choline et de l’Acétyle Coenzyme A (acetyl-CoA) grâce à l’enzyme acétylcholine transférase et stockée dans des vésicules pré-synaptiques avant d’être libérée dans la fente synaptique par le phénomène d’exocytose (TASSONY E. et coll., 1975 ; HOLLANDER A., 1987). 2 Figure 1 : Anatomie de la jonction neuromusculaire (MEISTELMAN C., 1998) L’influx nerveux provenant du cerveau se propage vers l’extrémité de la cellule nerveuse et provoque la dépolarisation de la membrane du bouton terminal. Cette dépolarisation déclenche l’ouverture des canaux calciques dépendants du voltage (canaux calciques type VOC) entraînant une entrée massive d’ions Ca++ dans le cytoplasme de la cellule nerveuse (RIGOARD S. et coll., 2009). Par conséquent, la concentration en ion Ca++ dans la terminaison nerveuse augmente entraînant la formation du complexe SNARE à l’origine du déplacement des vésicules de stockage d’ACh vers la zone de libération « zone active » pour fusionner avec la membrane présynaptique (GUENARD H., 2001). Ensuite, les molécules d’ACh sont libérées dans la fente synaptique par le phénomène d’exocytose (HALL L.W. et coll., 1991 ; GUENARD H., 2001). La fixation des molécules d’ACh sur les récepteurs spécifiques de la plaque motrice entraîne une chaîne de processus électrique qui mène à la contraction des muscles striés squelettiques (GANONG., 1963 ; PAGE P.C. et coll., 1999). En effet, les molécules d’ACh libérées diffusent dans la fente synaptique pour se fixer sur les récepteurs cholinergiques localisés sur les crêtes de plissement de la membrane des fibres musculaires striées squelettiques (MOUSSARD C. et coll., 2005). Ces récepteurs sont de types nicotiniques (NM) et couplés avec des canaux sodiques (HOLLANDER A., 1987; MARTIN C. et coll., 2006). La fixation des molécules d’ACh sur ces récepteurs provoque l’ouverture de ces canaux laissant entrer les ions Na+ et sortir les ions K+ de façon concomitante. L’augmentation de la concentration intracellulaire en ions Na+ entraîne la dépolarisation de la membrane post-synaptique qui provoque l’ouverture d’un plus grand nombre de canaux Na+ créant ainsi le potentiel de plaque motrice (HOLLANDER A., 1987 ; TASSONY E. et coll., 1975). Ensuite, ce potentiel se propage vers les extrémités de la membrane des fibres musculaires striées squelettiques. Ainsi, la dépolarisation est transmise au niveau des tubules transversaux du réticulum sarcoplasmique entraînant l’activation des récepteurs à la Ryanodine à l’origine du relargage des ions Ca++ dans 3 le sarcoplasme de la fibre musculaire (MOUSSARD C. et coll., 2005 ; MARTIN C. et coll., 2006). Par conséquent, la concentration intracellulaire en ions Ca++ augmente et créant ainsi le potentiel post-synaptique excitateur. Ce dernier provoque la fixation des ions Ca++ sur la Troponine (TN-C) conduisant à la formation du complexe actine-myosine à l’origine de la contraction musculaire (GUENARD H., 2001 ; RIGOARD S. et coll., 2009). Pour induire une paralysie flasque, les curarisants et le BOTOX interrompent la transmission neuromusculaire au niveau de la jonction neuromusculaire (JENNIFER M. et HUNTER M.B., 1995 ; ROBERT R., 2002 ; BOWMAN W.C., 2006). En effet, les substances curarisantes peuvent agir aussi bien au niveau pré-synaptique qu’au niveau post-synaptique (BOWMAN W.C., 1986 ; COLQUHOUND D., 1986). Au niveau post-synaptique, les curarisants non dépolarisants provoquent la diminution progressive du seuil de dépolarisation de la membrane des fibres striées squelettiques en bloquant les récepteurs cholinergiques en compétition avec les molécules d’ACh (COLQUHOUND D., 1986). Par contre, les curarisants dépolarisants provoquent une dépolarisation persistante de la membrane des fibres striées squelettiques en agissant de la même manière que l’ACh sur ces mêmes types de récepteurs (TAYLOR P., 1998 ; BESSET M. et coll., 2003). Le second mécanisme possible pour interrompre la transmission neuromusculaire se situe au niveau pré-synaptique (BOWMAN W.C., 1996 ; BESSET M. et coll., 2003). En effet, les curarisants se fixent sur les récepteurs cholinergiques pré-synaptiques couplés avec des canaux calciques en compétition avec les molécules d’ACh alors que le BOTOX interrompe la formation du complexe SNARE (KUKREJA R. et SINGH B.R., 2009). Ceux-ci provoquent l’interruption du mécanisme de rétrocontrôle positif de la libération des molécules d’ACh dans la fente synaptique (BOWMAN W.C., 1986 ; JENNIFER M. et HUNTER M.B., 1995). La dernière possibilité par les curarisants d’interrompre la transmission neuromusculaire est d’imiter l’action enzymatique de l’Acétylcholinestérase, comme la Néostigmine (COLQUHOUND D., 1986 ; TAYLOR P., 1998 ; BOWMAN W.C., 2006). Ce travail porte sur une plante malgache codée DAL. Les enquêtes ethnobotaniques effectuées sur cette plante ont rapporté que ses feuilles son utilisées en médecine traditionnelle pour décontracturer les muscles en cas de fatigue et pour traiter les rides du visage. Pour vérifier les données empiriques sur le pouvoir décontractant de DAL, notre étude porte sur l’évaluation de l’activité myorelaxante de l’extrait DAL par des tests in vivo et in vitro chez la souris et la grenouille. Lors des études préliminaires, la fraction soluble dans l’acétate d’éthyle (F3) a présenté la meilleure activité biologique par rapport aux autres fractions. Pour valider ces tests, le Pancuronium, un curarisant de synthèse, a été utilisé comme produit de référence.
CRIBLAGE PHYTOCHIMIQUE
Un criblage phytochimique a été effectué sur la fraction F3 de l’extrait DAL afin d’identifier les grandes familles chimiques qui y sont présentes. Cette méthode est basée sur l’utilisation des réactifs spécifiques pour chaque famille. La présence d’une famille chimique est caractérisée par la formation de précipité, de mousse et/ou d’un changement de coloration (IGAN C., 1982). Les différents types de tests utilisés pour détecter les différentes familles chimiques présentes dans l’extrait DAL – F3 sont résumés dans le Tableau I. Pour quantifier la présence ou l’absence des grandes familles chimiques dans l’extrait DAL – F3, des signes positifs ou négatifs ont été utilisés. Les différents signes ainsi que les critères observés lors de ce criblage phytochimique sont résumés dans le Tableau II.
Animaux d’expérience et doses administrées
Des souris de race SWISS, de deux sexes, âgées de 6 à 8 semaines, pesant entre 20 à 25 grammes ont été utilisées pour effectuer tous les tests in vivo. Elles ont été élevées dans l’animalerie du LPGP à la Faculté des Sciences de l’Université d’Antananarivo. Elles ont été nourries avec de la provende « LFL de Madagascar 1430 X, de composition : protéine15%, graisse 12,5%, fibre 8%, Calcium 1% et phosphore 0,6% » et ont reçu de l’eau à volonté. Pour chaque série d’expérience, les animaux ont été mis à jeun 8 heures avant l’expérience. Puis ils ont été répartis en cinq lots de cinq souris pour recevoir les produits par voie orale aux différentes doses. Un lot témoin a reçu de l’eau distillée à raison de 10ml/kg. Un lot référence a reçu le Pancuronium à 10mg/kg (BUCKETT W.R. et coll., 1969). Trois lots traités ont reçu l’extrait DAL – F3 aux doses de 100mg/kg, 200mg/kg et 400 mg/kg.
Méthodes d’étude de l’effet myorelaxant de l’extrait DAL – F3
L’objectif de ce travail a été d’évaluer l’effet myorelaxant de l’extrait DAL – F3 sur l’activité motrice volontaire des souris en utilisant les méthodes sur « plan incliné » et sur « rotarod ». Ces méthodes ont été choisies pour les tests in vivo car elles sont couramment utilisées pour évaluer l’effet myorelaxant d’un médicament chez les rongeurs (VOGEL H.G., 1927). Elles consistent à soumettre les souris à effectuer des activités musculaires durant lesquelles leurs performances musculaires ont été notées.
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