Etude de la tolérance aux ouvertures de phases des machines cinq-phases à commutation de flux

Reconfiguration analytique de la commande

Courants optimaux avec un courant homopolaire nul

Dans ce paragraphe, la reconfiguration proposée est obtenue en changeant uniquement le déphasage entre les courants des phases saines, dont l’objectif est d’annuler le courant homopolaire.
Dans le cas d’ouverture de la phase C, une simple reconfiguration calculée analytiquement, consiste à créer un système quatre-phases (courants déphasés de π/2) pour annuler le courant total. Les résultats EF 2D et expérimentaux sont présentés sur la figure 3.7.
Contrairement aux MCF triphasées, les MCF cinq-phases possèdent deux configurations différentes de deux phases ouvertes : La première est celle de deux phases temporellement-adjacentes et la deuxième, deux phases spatialement-adjacentes.
En effet, pour ce type de machines, on distingue deux appellations différentes. Les flux des phases décalés de 2π/5 sur l’axe du temps ou de la position, sont appelés ici phases temporellement adjacentes.
Les phases spatialement-adjacentes sont les phases dont les bobinages sont disposées consécutivement dans la machine, c’est à dire dans la même encoche statorique (Figure 3.8). Par conséquent, elles ont la mutuelle inductance la plus élevée, et les couples hybrides que chacune produit sont temporellement-adjacents.

Courants optimaux avec un courant homopolaire nul et une ondulation de couple nulle

Dans cette partie, l’objectif est de tenir compte aussi de l’ondulation de couple dans le calcul des courants optimaux. Dans ce cas, le système d’équations des courants calculés précédemment, n’est plus valable puisque le fait d’imposer un système de courants équivalent à celui d’une machine triphasée, en cas de deux phases ouvertes par exemple, ne permet pas d’annuler l’ondulation du couple. Si nous prenons par exemple la configuration du cas d’ouverture de la phase C détaillée dans le paragraphe 3.3.1, le couple EF 2D obtenu avant et après correction est montré sur la figure 3.13. Nous voyons bien qu’après transformation en un système de courants tétraphasé, l’ondulation de couple n’a pas été annulée.

Reconfiguration des courants en utilisant l’Algorithme Génétique d’optimisation

Modèle à deux objectifs deux contraintes : Modèle AG-Thybrid-1

Variables d’optimisation

Dans cette partie, on choisit de rajouter des degrés de libertés à notre calcul et de laisser donc libre tous les paramètres des courants des phases saines ce qui revient à ne plus imposer de symétrie par rapport aux défauts et d’optimiser alors quatre angles indépendants β1, β2, β3, β4, relatifs aux références de courant des phases saines A, B , D et E. Cela reviendrait par analogie avec le mode sain, à optimiser l’angle d’autopilotage et les angles de déphasage de B, D et E par rapport à la phase A et donc respectivement Ψ, β1, β2, β3. L’angle Ψ correspond à l’angle entre le courant et la f.e.m d’une phase (en mode sain l’angle minimisant les pertes Joule a été choisi (Chapitre 2 paragraphe 2.3.3.1). Les amplitudes des courants des phases saines sont également libérées, pour le mode dégradé. m1, m2, m3 et m4 sont donc aussi des variables d’optimisation. Les équations ci-dessous (Eq. 3.21) regroupent les expressions des courants, avant et après reconfiguration.

Fonctions objectifs et contraintes

L’AG utilisé dans ce travail est un algorithme NSGA II, avec 200 individus et 500 générations. Il a deux fonctions objectifs et une seule contrainte et il arrête la recherche de solutions optimales quand le nombre de générations est atteint. La première fonction objectif est de minimiser l’ondulation du couple électromagnétique produit par la machine. Le couple hybride est uniquement considéré. Le couple de détente et le couple reluctant sont faibles, comme nous avons vu dans le chapitre précédent. Ils ne seront donc pas considérés dans l’AG pour l’instant. La seconde fonction objectif vise à minimiser l’amplitude maximale du courant dans le neutre. Comme contrainte, nous avons choisi d’imposer un couple moyen affaibli au plus de 10% comparé à celui trouvé dans le cas sain.
On notera :
Thybrid le modèle analytique du couple décrit dans ce paragraphe.
AG-Thybrid-1 : L’algorithme génétique décrit dans ce paragraphe et dans lequel le couple est modélisé par Thybrid.
Avec ces critères, l’algorithme trouve de nombreuses solutions vérifiant cette contrainte et ces objectifs. Néanmoins, l’amplitude des courants est fortement augmentée pour compenser la chute de couple ce qui augmenterait beaucoup les pertes Joule comparé au mode sain.
Nous décidons alors d’inclure une seconde contrainte sur les pertes Joule. Nous choisissons de tolérer des pertes Joule par phase, au maximum 50% plus élevées que celles du cas sain. Nous obtenons le Front de Pareto donné par la figure 3.17. Les mêmes appellations du modèle (Thybrid) et de l’AG sont gardées (AG-Thybrid-1).

Reformulation des objectifs et contraintes : Modèle AG-Thybrid-2

Dans cette partie, nous décidons de reformuler les objectifs et contraintes de l’algorithme détaillé dans le paragraphe précédent. Nous avons vu que pour minimiser l’ondulation du couple en respectant les deux contraintes sur le couple moyen et les pertes Joule, le courant dans le neutre pourrait être minimisé aussi mais restera non nul (1.2A pour une ondulation quasiment nulle du couple). Dans ce cas, nous pouvons conclure que le neutre doit être relié si nous privilégions impérativement la diminution de l’ondulation de couple. Ainsi, nous décidons d’imposer une contrainte sur celui-ci afin qu’il soit limité et qu’il n’augmente pas indéfiniment les pertes Joule avec un risque d’endommager le câble dans lequel il circule et les équipements correspondants.
Dans ce cas, il serait alors plus judicieux d’inverser un des deux objectifs et une des deux contraintes du modèle précédent AG-Thybrid-1. La première fonction objectif resterait la même avec comme objectif de minimiser l’ondulation du couple hybride. La seconde fonction objectif viserait, alors, à minimiser PJphase qui sont les pertes dans la phase présentant les pertes Joule maximales, comme exprimé dans l’Eq.3.22.

Prise en compte des harmoniques des flux à vide : Modèle AG-Thybrid-3

Dans le calcul précédent, le flux à vide est considéré comme étant parfaitement sinusoïdal, en effectuant la décomposition en série de Fourier (FFT) des flux à vide relevés par EF 2D, il a été remarqué que le second et le troisième harmonique existent mais sont faibles comparés au fondamental (l’amplitude de l’harmonique 3 représente seulement 2% du fondamental). Cependant, ce troisième harmonique va être pris en compte, par la suite, pour rajouter de la précision au modèle du couple dans l’AG-Thybrid-2. Ceci nous permettrait de reproduire, peut-être mieux (si notre hypothèse est juste), le couple EF 2D et de pouvoir donc réduire son ondulation de couple après correction. Les flux à vide sont alors donnés par l’Eq.3.24 et le couple par l’Eq.3.1.

Reconstruction des inductances propres et mutuelles

Les inductances propres et mutuelles dont les dérivées interviennent dans l’expression du couple reluctant (Eq. 2.9) sont déterminées, en premier. Un point de fonctionnement dans la zone linéaire de ces inductances (Chapitre 2) est choisi pour calculer ces inductances. Nous allons nous limiter dans cette partie à un courant égal à 9A (densité maximale de courant égale à 3.81A/mm2). Les inductances calculées pour cette valeur de courant restent valables pour des densités de courant allant jusqu’à 9A/mm2 (21A) correspondant au coude de saturation de la courbe B=f(H).
Une FFT et une décomposition en série de Fourrier jusqu’au sixième harmonique ont été effectuées pour ces inductances calculées par EF 2D (Eq.3.26). La même reconstruction est effectuée pour Mkj (phases j adjacentes à k) and Mki (phases i non-adjacentes à k).

Reconfiguration des courants par l’AG-Ttotal

Dans cette section, le couple reluctant est pris en compte dans l’algorithme d’optimisation. Il s’agit, donc, d’optimiser les courants de référence des phases saines, par l’AG-Ttotal. Comme expliqué dans la section 3.4, cet algorithme nous permet de retrouver les paramètres optimaux (m1; m2; m3; m4; β1, β2; β3; Ψ) affectant les amplitudes et déphasages des courants des phases saines, afin d’atteindre certains objectifs et en respectant certaines contraintes.

Reconfiguration des courants par l’AG-Ttotal

Dans cette section, le couple reluctant est pris en compte dans l’algorithme d’optimisation. Il s’agit, donc, d’optimiser les courants de référence des phases saines, par l’AG-Ttotal. Comme expliqué dans la section 3.4, cet algorithme nous permet de retrouver les paramètres optimaux (m1; m2; m3; m4; β1, β2; β3; Ψ) affectant les amplitudes et déphasages des courants des phases saines, afin d’atteindre certains objectifs et en respectant certaines contraintes.

Analyse de la solution Extreme1 du front de Pareto

Les nouveaux courants de référence (Figure 3.27) obtenus à partir de la solution de l’AG-Ttotal- Extreme1, sont injectés dans les EF 2D pour vérifier si nous avons pu réaliser nos objectifs notamment
a réduction des ondulations du couple. Les résultats obtenus par EF sont comparés à ceux obtenus par le modèle analytique Ttotal.
La figure 3.28 montre les allures du couple EF 2D et analytique et le courant dans le neutre de la machine obtenus après reconfiguration par l’AG-Ttotal-Extreme1

Ouverture des phases temporellement-adjacentes B et C

Dans ce paragraphe, nous nous intéressons au cas d’ouvertures de deux phases temporellementadjacentes (Eq. 3.28). Dans le cas d’ouvertures des circuits relatifs aux phases B et C par exemple, la forme du couple issue des simulations EF 2D, est donnée à la figure 3.33 (a).
De même que pour le cas d’une phase ouverte, le modèle de couple Ttotal est utilisé dans l’AG pour calculer les références des courants optimaux. La solution du front de Pareto permettant de réduire le plus l’ondulation de couple est choisie. Les courants optimaux correspondants (Figure 3.31 (b)) sont injectés dans le modèle EF 2D. La distribution des lignes de flux après reconfiguration pour une position mécanique θ=0° est présentée sur la figure 3.32. Le couple après reconfiguration et le courant dans le neutre sont présentés à la figure 3.33.

Analyse des forces magnétiques radiales

Les répartitions non-symétriques des vecteurs de courant obtenues en défaut avant et aprèscorrection (Figures 3.27, 3.29, 3.31 et 3.34) nous amènent à considérer les forces magnétiques radiales qui s’appliquent sur le rotor ou le stator. Si les distributions spatiales de l’induction magnétique dans l’entrefer sont dissymétriques, ces forces ne seront pas équilibrées ce qui induirait des contraintes supplémentaires dans la machine (forces sur les roulements, etc).
Le calcul des forces magnétiques radiales est basé sur le calcul de l’induction magnétique dans l’entrefer. L’induction magnétique radiale et tangentielle en un point M quelconque au milieu de l’entrefer est récupérée par la méthode des EF 2D (Figure 3.40). A partir du tenseur des contraintes de Maxwell [111][112], la densité surfacique de force radiale (contrainte magnétique radiale) σr à une position mécanique θ donnée du rotor s’exprime par l’Eq.3.30.

Validation expérimentale

Les figures 3.45 et 3.46 montrent le banc expérimental pour mesurer les courants de la MCF pentaphasée et le couple instantané en modes sain et dégradé. La machine est alimentée à travers un onduleur de tension cinq-bras (paragraphe 3.2). Un contrôle de courants par un régulateur hystérésis cinq-phases (indépendantes) que nous avons fabriqué, est utilisé pour générer les signaux de commande de l’onduleur pour que les courants de phases suivent leurs références. Le dSpace DS1104 couplé avec Matlab/Simulink supporte le calcul des courants de référence. La machine est couplée à une génératrice à courant continu à aimants permanents.
Le couple instantané est mesuré par un capteur d’effort à faible bande passante, placé à 10cm du centre de la machine (Figure 3.47). Un logiciel d’acquisition permet de visualiser la force F appliquée sur le capteur en temps réel et d’en déduire le couple instantané. Cependant, le capteur a une bande passante assez limitée ce qui limite la fréquence du couple à mesurer. Ainsi, un point de fonctionnement à faible vitesse (fe=10Hz) et faible amplitude de courant (3A) est choisi pour valider les simulations de ce chapitre.
Les résultats expérimentaux et de simulation EF 2D du couple instantané en mode sain et en défaut sont montrés sur la figure 3.48. Pour chaque cas de défaut, un zoom sur le couple instantané avant et après reconfiguration montre que la périodicité du couple simulé et mesuré est la même. La valeur moyenne du couple EF 2D est légèrement plus élevée que celle du couple mesuré. Ceci pourrait être expliqué par les effets bidimensionnels qui ne tiennent pas compte des fuites magnétiques qu’il peut y avoir en trois dimensions. Ceci a déjà été remarqué aussi dans le chapitre précédent, pour les f.e.m mesurées et calculées par EF 2D. Nous avons obtenu des f.e.m mesurées 10% plus faibles que les f.e.m calculées par EF 2D.

Conclusion

Dans ce chapitre, la modélisation, l’analyse et l’amélioration du fonctionnement d’une machine nonconventionnelle (une MCF pentaphasée) dans des cas de fonctionnement sain et dégradé ont été présentées. Dans la première partie, une description de l’onduleur, de la machine et de son comportement en cas d’ouvertures de phases a été élaborée. Après l’apparition d’un défaut d’ouvertures de phases, une stratégie de reconfiguration des références de courant a été proposée pour calculer les nouvelles variables modifiant les amplitudes et les déphasages des courants des phases saines. Nous avons, tout d’abord, détaillé une reconfiguration analytique annulant uniquement le courant dans le neutre et un calcul analytique annulant à la fois l’ondulation du couple et le courant du neutre. Ensuite, nous avons rajouté des contraintes sur le système et nous avons opté pour un algorithme génétique d’optimisation. L’utilisation de l’algorithme génétique permet de considérer deux objectifs contradictoires (minimisation des ondulations de couple et des pertes Joule) en respectant certaines contraintes et d’être capable de choisir alors à partir du front de Pareto la solution appropriée. De plus, contrairement aux méthodes utilisées en littérature dans le même contexte, l’algorithme génétique fait partie des algorithmes non-déterministes qui n’est pas basé sur le calcul du gradient et permet donc d’éviter les solutions minimales locales.
Par la suite, nous avons pu améliorer davantage le fonctionnement de la machine en mode dégradé surtout du point de vue du couple et ceci grâce à la précision rajoutée au modèle du couple dans l’algorithme d’optimisation. D’une part, le troisième harmonique du flux à vide a été pris en considération dans le modèle du couple hybride. D’autre part, le modèle du couple reluctant a été développé et inclus dans le modèle du couple total. En effet, nous avons conclu que modéliser le couple d’une machine à saillance, avec le couple hybride uniquement n’est plus valable en mode de défauts. Afin de calculer les courants optimaux, le couple hybride et reluctant doivent être pris en considération. Négliger les ondulations du couple reluctant peut donner de faux courants optimaux puisque ceux qui minimisent les ondulations du couple hybride ne minimisent forcément pas les ondulations du couple reluctant. Dans ce travail, il a aussi été remarqué qu’à fort courant et dans le cas d’ouvertures de phases spatialement-adjacentes, l’ondulation du couple hybride est deux fois et demie plus élevée que le cas de deux phases temporellement-adjacentes ouvertes. Dans ce cas, le troisième harmonique du courant a été injecté pour améliorer les résultats. Il a été ainsi démontré que, pour ce type de machines, l’ondulation minimale en défaut, dépend de l’adjacence ou pas des phases. Deux phases temporellement-adjacentes ouvertes entrainent la perte de deux couples temporellement nonadjacents, ce qui est moins sévère que le cas contraire, du point de vue de l’ondulation de couple.
La dernière section concerne quelques résultats expérimentaux. La tendance du couple instantané dans le cas sain, en défaut avant et après reconfiguration, correspondent bien avec les résultats de simulation EF 2D. Le courant du neutre et le courant dans une des phases saines sont aussi mesurés et comparés aux simulations. Lors des caractérisations expérimentales, nous avons identifié quelques problèmes notamment avec la méthode de mesure du couple instantané. En effet, avant de nous doter d’un capteur d’effort pour le mesurer, nous avons essayé plusieurs méthodes qui étaient inefficaces pour estimer l’ondulation du couple en mode dégradé. Nous avons, tout d’abord, essayé de calculer le couple en multi-statiques : Le stator a été bloqué et un bras de levier équilibré a été fixé sur l’axe du rotor. A l’aide d’une masse se déplaçant sur le bras de levier, nous cherchons la position de décrochage. Nous alimentons avec des courants multi-statiques et pour chaque nouvelle position de décrochage, nous notons la distance entre la première et la nouvelle position de décrochage et nous déduisons le couple.

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