Etude de la résistance de Anopheles gambiae s.l. Giles 1902 (Diptera : Culicidae) aux insecticides
Les vecteurs du paludisme
Les espèces de Plasmodium à l’origine du paludisme humain sont exclusivement transmises par les moustiques du genre Anopheles. A ce jour plus de 400 espèces d’Anophèles sont ré-pertoriées à travers le monde mais seules environ 70 espèces sont capables de transmettre le Plasmodium à l’homme. Cependant, l’essentiel de la transmission est assuré par une vingtaine d’espèces dont la majorité appartient au complexe An. gambiae et au groupe Funestus. Les espèces de ces deux groupes sont les principaux vecteurs du paludisme en Afrique subsaharienne (Carnevale et al., 2009).
Le complexe Gambiae
A.n gambiae s.l. est un complexe de neuf espèces jumelles: An. arabiensis, An. gambiae s.s, An. coluzzii, An. melas, An. merus, An. quadriannulatus, An. amharicus, An. bwambae et An. comorensis (Coetzee et al., 2013). An. gambiae s.s, An. arabiensis et An. coluzzii sont plus impliqués dans la transmission du paludisme et possèdent une aire de répartition plus large. Au Sénégal, An. arabiensis est mieux représenté dans les savanes sèches (zones sahéliennes et soudano sahéliennes), alors qu’An. gambiae s.s. et An. coluzzii prédominent dans les zones de savane humide (PNLP, 2015). An. arabiensis également représenté dans toutes les régions est prédominant dans la zone centre et nord du pays (PNLP 2015) (Figure 4). An. gambiae s.s et An. coluzzii sont essentiellement anthropophiles et endophiles, alors qu’An. arabiensis présente une plasticité dans ses choix trophiques en piquant aussi bien l’homme que les animaux. An. merus et An. melas sont décrites comme des espèces halophiles, dont les larves évoluent dans les eaux saumâtres (White., 1973 ; Mosha et Mutero, 1982 ; Fontenille et al., 1997). Le plus souvent, An. merus est inféodé aux côtes de l’Afrique de l’Est tandis que An. melas évolue sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest (Diop et al., 2002). Au Sénégal, An. melas est localisé sur le littoral, allant du delta du fleuve Sénégal au nord, à la frontière sud du pays mais il est surtout abondant dans le sud-ouest du Sénégal incluant la Gambie (Faye, 1987 ; Petrarca et al., 1987 ; Diop et al., 2002). Ces deux espèces sont principalement zoophiles et exophiles ; ils n’assurent qu’un rôle secondaire dans la transmission du paludisme (Mutero et al., 1984). Au Sénégal, dans la zone du littoral, une forte anthropophilie de An. melas a été observée, mais sa faible espérance de vie lui confère le statut de mauvais vecteur (Diop et al., 2002). Figure 4 : Espèces identifiées par région au Sénégal (Source : PNLP , 2015)
Le groupe Funestus
Il comporte 9 espèces morphologiquement identiques : An. parensis, An. fuscivenosus, An. confusus et An. aruni, présents en Afrique de l’Est ; An. vaneedeni localisé en Afrique du Sud, et An. brucei rapporté au Nigeria, alors qu’An. funestus, An. leesoni et An. rivulorum sont largement présents sur l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne (Carnevale et al., 2009). Parmi ces espèces seule An. funestus est considéré comme vecteur du paludisme (Cohuet et al., 2004), sans doute à cause de son comportement anthropophile et endophile (Gillies & de Meillon., 1968). Cette espèce se développe le plus souvent dans des étendues d’eau permanentes ou semi- permanentes avec une végétation flottante ou dressée. Au Sénégal, dans la zone nord et dans les Niayes, An. funestus était abondant avant 1970, avant de disparaître du fait des années de sècheresse entraînant d’ailleurs une réduction drastique du paludisme dans les zones concernées (Mouchet et al., 1996). Cependant, son retour a été rapporté dans le delta du fleuve Sénégal et serait favorisé par les aménagements hydro-agricoles le long du fleuve, favorisant la création des conditions propices à sa réimplantation, notamment dans des villages à proximité des périmètres aménagés près de Richard-Toll (Konaté et al., 2001) et dans toutes les localités à proximité de zones marécageuses ou de cours d’eau (Dia et al., 2003 , 2008)., 2017
Lutte contre le paludisme
La lutte contre le paludisme repose essentiellement sur deux stratégies : la lutte contre le parasite et la lutte contre le vecteur.
La lutte anti parasitaire
Elle repose principalement sur un diagnostic précoce de la maladie par l’utilisation des tests de diagnostic rapide (TDR) et une prise en charge thérapeutique à l’aide de combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA). Les CTA constituent le traitement le plus adapté pour lutter contre le paludisme simple causé par P. falciparum (OMS, 2016). Selon les recommandations de l’OMS, la prescription de CTA ne peut se faire qu’après un TDR positif afin d’éviter leur utilisation inappropriée comme ce fut le cas avec la chloroquine dont son utilisation incontrôlée a conduit à l’émergence et à la propagation de souches de parasites résistantes à cette molécule (OMS, 2009). De ce fait, au cours de ces dernières années, l’utilisation des TDR a été vulgarisée du fait de leur rapidité et de leur simplicité d’utilisation qui ne nécessite pas un personnel qualifié contrairement à la microscopie qui demeure cependant la technique de référence pour diagnostiquer l’infection plasmodiale. Au cours de ces dernières années, le niveau d’utilisation des CTA a considérablement augmenté. En 2013, plus de 392 millions de dose de CTA ont été livrés aux secteurs public et privé dans les pays endémiques, contre 278 millions et 11 millions en 2011 et 2005, respectivement (RBM, 2008). L’utilisation massive des CTA a montré son efficacité à réduire la morbidité et la mortalité palustres dans les zones endémiques (Makanga, 2014). Le Sénégal a adopté l’utilisation des CTA depuis 2004 (PNLP, 2015). En 2014, sur 697 175 de cas palustres, 261 482 (plus de 37%) ont été traités grâce aux CTA (PNLP, 2015). Au Sénégal, la mortalité palustre a diminué de 16,6% de 2007 à 2008 après l’introduction des CTA en 2006. En dehors du traitement systématique des cas de paludisme par les CTA, d’autres stratégies préventives sont mises en œuvre pour les groupes à risque. Ainsi, chez les enfants de moins de 5 ans, la chimio-prévention saisonnière (CSP) du paludisme est recommandée dans les zones où la transmission est saisonnière. Cette prophylaxie consiste à administrer une combinaison de sulfadoxine-pyriméthamine (SP) et d’amodiaquine (AQ) pendant la période de forte transmission (Gosling et al., 2009). La CPS permettrait d’éviter environ 75 % des accès palustres graves (OMS, 2014). En 2015, 10 pays avaient adopté le programme CPS (Burkina Faso, Tchad, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal et Togo) qui a permis de protéger 7 millions d’enfants en Afrique (Cissé et al., 2016). Chez les femmes enceintes, qui constituent également un groupe à risque, le traitement préventif intermittent (TPI) est préconisé et consiste à leur administrer au moins trois doses de SP à chaque consultation prénatale au cours des deux derniers trimestres de grossesse (OMS, 2014). Son efficacité chez la femme enceinte à réduire le faible poids de naissance, le paludisme placentaire et l’anémie a été largement démontrée (Schultz et al., 1994 ; Garner et Gülmezoglu et al., 2006 ; Ter Kuile et al., 2007). En Afrique subsaharienne, 31% des femmes enceintes sont protégées par le TPI. Au Sénégal, ce traitement est gratuit, avec un taux de couverture qui est passé de 36% en 2010 à 66% en 2014 (PNLP, 2014). Cependant l’émergence de la résistance des plasmodies à l’artémisinine notée en Asie du sudest ainsi qu’une mise en évidence de l’augmentation du délai de clairance des parasites dans plusieurs pays (Dondorp et al., 2009 ; Ashley et al., 2014) peuvent limiter l’efficacité des CTA. En dehors de la lutte antiparasitaire, la lutte anti-vectorielle est la stratégie majeure pour le contrôle du paludisme.
La lutte anti-vectorielle
La lutte anti-vectorielle vise à réduire considérablement la population de vecteurs dans des proportions telles que la maladie ne soit plus un problème de santé publique. Elle vise essentiellement les larves et les adultes des vecteurs du paludisme.
La lutte anti-larvaire
La lutte anti-larvaire regroupe l’ensemble des mesures ayant pour but la destruction des stades pré-imaginaux. Elle fait appel à des méthodes physiques, chimiques et biologiques. − Les méthodes physiques entrent dans le cadre de l’amélioration des conditions d’hygiène et de l’habitat. Cette stratégie peut être déployée à grande échelle (travaux de drainage) ou à l’échelle domestique (hygiène péri-domestique). − Les méthodes chimiques, les plus utilisées, consistent à traiter les gîtes larvaires avec des insecticides chimiques tels que le Téméphos ® qui est un organophosphoré. − La lutte biologique consiste en l’utilisation de prédateurs (poissons larvivores, notamment Gambusa affinis et Poecilia reticulata) ou de bactéries entomopathogènes (Bacillus thuringiensis). En santé publique, les seuls succès enregistrés par l’utilisation de poissons larvivores concernent les zones où la transmission du paludisme est instable, où les gîtes larvaires sont faciles d’accès avec un nombre également réduit (Alio & Delfini., 1985 ; Louis & Albert., 1988). Les toxines des bactéries entomopathogènes comme Bacillus thuringiensis (Bti) peuvent constituer une alternative intéressante aux larvicides chimiques (Mittal, 2003)
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